02-02-2015

[Ex] 4 - De Akhénatôn aux Hébreux

par : Père Alain Dumont
Après la mort de Akhénatôn, le puissant clergé de Amôn reprend les rennes avec rage. Il bannît les artisans de la capitale de Akhénatôn, qui deviennent les pestiférés, les "Ubrus"
Duration:15 minutes 1 sec

Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/de-akhenaton-aux-hebreux.html )

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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Essayons à présent de mieux comprendre ce qui se joue dans la réforme d’AKHENATÔN, ce coup d’accélérateur donné à la solarisation du culte égyptien jusqu’à, pour la première fois, retirer tout anthropomorphisme ou zoomorphisme à la représentation divine.

il est tout-à-fait possible qu’il récolte ici l’enseignement de son grand-oncle et beau-père. Rappelons-nous que la mémoire de Joseph-Aménophis s’enracine dans la religion de son clan d’origine dont le dieu, en akkadien, se nomme SHAMASH, le gardien de l’harmonie de l’univers et de la justice… précisément le dieu-soleil symbolisé par le disque solaire. Un dieu mésopotamien, donc, qui, comme par hasard est intrinsèquement attaché à la justice. Ce qui pourrait expliquer le fait que Joseph-Aménophis vénère officiellement deux divinités : l’Horus KHENTII-KHATT-TII, l’ « Horus à la couronne brillante », à une époque où, en Égypte, il est inconcevable de ne pas représenter la divinité, de façon soit anthropomorphe, soit anthropo-zoomorphe, c’est-à-dire, comme ici, sous la forme d’un homme à la tête de faucon ; et MA’AT, la déesse de l’ordre, de la vérité et de la Justice qui n’est elle-même pas loin du dieu soleil, puisqu’elle est la fille de RE-ATOUM.

De ce point de vue donc, Joseph-Aménophis retrouvait Shamash à travers au moins ces deux divinités égyptiennes qu’il vénérait personnellement. Néanmoins, de là à imposer explicitement à l’Égypte une révolution cultuelle, il y avait un pas que la sagesse politique de Joseph-Aménophis n’a jamais voulu franchir, sans doute avec raison. En tous les cas, la suite va nous montrer que l’Égypte allait résister de toutes ses forces à une telle révolution.

Ce qui est sûr, c’est que lorsque AMENHOTEP IV monte sur le trône, quatre ans plus tard, on l’a au cours de la vidéo précédente, il écarte le clergé de AMÔN et impose à l’Égypte une théocratie solaire centralisée. Est-ce qu’il la vraiment imposée à toute l’Égypte, c’est fort douteux. Mais sa conception du gouvernement de l’Égypte, en revanche, basculait véritablement dans une théocratie dont le Pharaon était une émanation du dieu solaire. Il fonde pour cela une nouvelle capitale : AKHET-ATEN (= Horizon d’ATÔN), juste entre Thèbes et Memphis, ce qui montre bien qu’il entend ainsi garder la main sur la Haute et la Basse Égypte pour faire de ces deux terres une seule entité. Le site de cette capitale est connu sous le nom du Tel EL-AMARNA, une capitale à la fois politique et religieuse sous l’égide principale du dieu ATÔN.

Du coup, le jeune roi transforme son propre nom en : AKHEN-ATÔN (= Qui est agréable à ATÔN, ou peut-être Rayonnement de ATÔN) ; et il fait marteler tous les noms portant le vocable de AMÔN pour le remplacer par ATÔN, y compris le nom de son oncle AMENOPHIS, FILS DE HAPOU dans son sanctuaire-mémorial. Pourquoi fait-il cela ? Parce que graver un nom dans la pierre, c’était le rendre immortel ! Rappelez-vous que la pierre est symbole d’éternité. Donc ne pas l’effacer, c’était courir le risque qu’il continue d’influencer le réel. Et pour éradiquer l’influence du dieu AMÔN, pas d’autre moyen que d’effacer son nom, ce qui sera fait, peu ou prou, dans toute l’Égypte. Si vous voulez une bonne description de cette affaire, vous allez lire Pascal Vernus, dans son Dictionnaire amoureux de l’Égypte Pharaonique. Il y a deux longs articles sur Akhénaton et sur la question du monothéisme qu’il n’a, d’après Pascal Vernus, jamais fondé, ni de près, ni de loin.

La ville de AKHET-ATEN fut construite en un temps record par un travail titanesque, unique dans l’histoire de l’architecture ! Il fallait faire vite car le Pharaon bousculait une religion égyptienne millénaire ! Il s’y installe deux ans après le début des travaux. Les vestiges montrent des murs couverts de fresques colorées, de décorations en relief nécessitant des centaines d’artistes, peintres, sculpteurs, constructeurs, maçons, charpentiers…

Ce qui nous intéresse ici, c’est que l’art de Akhet-Aten, ou plus simplement EL-AMARNA, est très différent de celui de Karnak, suggérant que les artistes viennent du Nord, car la construction est faite par la technique réintroduite par Joseph-Aménophis : l’agglomération de la pierre pour les édifices religieux d’une part ; la brique pour les édifices profanes d’autre part. AKHENATÔN utilisa la fameuse « pierre du miracle » mise au point par Joseph, le quartzite permettant de couler une pierre agglomérée d’une dureté extrême qui promettait de pérenniser la ville. Ce qui suppose que les artisans ont été formés à l’école de Joseph-Aménophis. Pour ne rien dire du bouleversement de l’art représentatif : les figures et les corps sont caricaturalement réalistes, avec de longs cous, des lèvres charnues, des corps disproportionnés… qui font penser à certains que le pharaon lui-même était atteint d’une maladie… mais passons, cela nous emmènerait trop loin hors de notre sujet.

Pendant ce temps, que se passe-t-il du point de vue politique ? AKHENATON est un roi qui néglige ses bordures extérieures, notamment au niveau de Canaan, la frontière Nord, dont la capitale provinciale est GAZA. Mais il existe d’autres villes, notamment deux qui nous intéressent : SICHEM et URUSHALIM. On connaît la situation politique grâce à 350 tablettes d’argiles découvertes à EL-AMARNA à la fin du XIXe siècle. Que nous apprennent ces tablettes ?

D’une part que le territoire de URUSHALIM est assez modestement peuplé : pas plus de 2000 habitants répartis en une huitaine de villages. Petite place forte de montagne aride, sans construction monumentale. C’est la brousse, pour ainsi dire. D’autre part, le territoire de SICHEM, au Nord, est 10 fois plus peuplé, ce qui s’explique par le climat plus favorable qui y règne. Il suffit d’avoir fait un pèlerinage en Terre Sainte pour voir la différence : désert au Sud d’Israël, luxuriance au Nord. Or la correspondance de EL-AMARNA nous apprend que les gouverneurs de ces deux territoires étaient de la famille de Joseph-Aménophis depuis AMENOPHIS III. Leur culture est égyptienne, mais il y a un lien évident avec leurs origines sémites.

Et voilà que le Mitanni et les Hittites convoitent ce territoire, au point que, sous AKHENATON, SICHEM tombe au mains des HITTITES, ce qui sera compris par les égyptiens comme une malédiction due à la réforme d’AKHENATON ! On parlera alors de « la faute » d’AKHENATÔN. Si bien que lorsqu’il meurt, très vite, en 1336, les pharaons SEMENKHARE et rapidement après lui TOUTANKHAMÔN — vous entendez ? AMÔN ! On revient au dieu de l’ancienne religion — vont reprendre les rennes et s’empresser de rétablir le tout-puissant clergé d’AMÔN, le dieu transcendant et conquérant, à partir de 1323.

On refoule alors les prêtres et les notables de ATÔN qui partent en exil où ça ? En Canaan : et c’est à cette époque que paraissent des vestiges, en Canaan, de plats, de vases typiques de l’art de EL-AMARNA. On constate que la population augmente d’un coup dans les environs de Urushalîm et de Sichem.

On donne alors à cette population le nom de Iisii-R-iar = ceux qui sont partis à cause de la faute. C’est ce nom qu’on trouve sur une stèle célèbre, la stèle de MERNEPTAH, le successeur de RAMSES II. On a longtemps cru que c’était là la première mention officielle du peuple d’Israël, mais il semble qu’en réalité, ce nom désigne simplement cette population partie en exil, bien avant Ramsès II, sous le règne de SEMENKHARE. la stèle du pharaon MERNEPTAH mentionne simplement que lors de l’invasion sur Canaan des Peuples de la Mer, le peuple des Iisii-R-iar a survécu, et non que le peuple d’Israël existerait après avoir été chassé d’Égypte par RAMSES II : d’ailleurs, redisons-le, le consensus est aujourd’hui total : RAMSES II n’est pas le Pharaon de l’Exode, n’en déplaise à Yul Brynner et à Charlton Heston…

Maintenant, pourquoi les exilés, qui se rattachent à la culture de Joseph-Aménophis, se réfugient-ils dans cette région ? Tout simplement parce qu’ils savent que ceux qui régissent ce territoire sont de la même culture qu’eux, via Joseph-Aménophis. On constate par ailleurs que c’est à cette époque qu’apparaissent à URUSHALÎM ce qu’on appellera plus tard les « citernes de Salomon », mais qui remontent en réalité au XIVe siècle avant J.-C., reconnaissable à leur enduit parfaitement étanche pour récolter les eaux de pluie. Cette technique est tellement élevée qu’on imagine mal qu’elle ait pu être inventée par les paysans des montagnes de Judée. D’autant plus qu’on ne trouve nulle par ailleurs dans les alentours cette technique qui va permettre l’irrigation de terrasses sur lesquelles on va pouvoir désormais cultiver la vigne et l’olivier. Cette technique ne pouvait venir que de l’Égypte, amenée par des artisans formés à l’art de Joseph-Aménophis. Ces mêmes artisans qui avaient construit EL-AMARNA. Cela dit, on est encore loin de l’Exode de Moïse.

Car tous les artisans n’émigrent pas en Canaan. La majorité des habitants et des artisans de EL-AMARNA reste en Égypte, mais ils sont considérés comme des parias. Ils sont les boucs émissaires de l’invasion Hittite à laquelle s’est ajoutée une peste ravageuse. Ils sont fautifs d’avoir aidé à l’instauration de l’hérésie d’AKHENATON. On leur donne alors le nom de UBR, qui signifie les Pestiférés. On sait qu’une partie d’entre eux est ghettoïsée dans le Village Des Artisans de la Vallée des rois, appelé en arabe : Dheir el-Medineh : ils devront mettre leur art au service de l’aménagement et de l’entretien des tombes de la Vallée. Ils n’auront le droit ni de faire de l’élevage, ni de l’agriculture : leur nourriture sera approvisionnée par des caravanes. Ils n’ont plus le droit de sortir afin que le secret de la Vallée des Rois soit total. Retenons bien cela, parce que cela aura une incidence déterminante pour la suite. Ces UBR seront les fameux HEBREUX de la Bible.

Voilà. Vous voyez que AKHÉNATÔN a laissé des traces sensibles dans l’histoire de l’Égypte, et c’est dans les conséquences de sa politique que se situe la suite de l’histoire sainte, telle que nous la rapporte le livre de l’Exode. Alors la prochaine fois, nous verrons rapidement ce qu’il adviendra du sanctuaire de Joseph-Aménophis dans les siècles qui suivront, et nous serons prêts pour mieux comprendre le récit biblique ainsi replacé, autant que faire se peut, dans son contexte.

Je vous remercie.