02-02-2015

[Ex] 3 - Akhénatôn a-t-il inventé le monothéisme ?

par : Père Alain Dumont
Retour sur l'histoire de l'Égypte, en particulier sur un Pharaon incontournable : Akhénatôn, qui va vouloir mettre à bas le culte de Amôn et son clergé. Les conséquences seront terribles.

• Vidéo à revoir : À la recherche de Joseph
Duration:12 minutes 12 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/akhenaton-a-t-il-invente-le-monotheisme.html )

Tous droits réservés.
Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
______________________________________________________

Bonjour,

Nous avons terminé la dernière fois en évoquant rapidement la montée d’AMENHOTEP IV sur le trône d’Égypte. Il faut que nous restions encore un peu sur ce personnage dans la mesure où il est une figure incontournable de l’histoire de l’Égypte, et sur laquelle il faut faire le point, puisqu’on a longtemps pensé, depuis Freud, que c’est ce Pharaon qui aurait été « l’inventeur » du monothéisme. Alors qu’en est-il exactement et qui est AMENHOTEP IV ?

AMENHOTEP IV est le futur AKHENATÔN, le fils de AMENHOTEP  III, lui-même fils de THOUTMOSIS IV et de MOUTÉMOUIA. MOUTEMOUIA, qui est la nièce de Joseph-Aménophis, que celui-ci a épousée à la mort de son mari, THOUTMOSIS IV. Ce qui fait que, par rapport à Joseph-Aménophis, AMENHOTEP IV était non seulement son petit-neveu, mais il était aussi son petit-fils par alliance. J’espère que vous vous y retrouvez ! Et vous voyez que Joseph-Aménophis est vraiment entré dans la famille royale, tout sémite qu’il ait été à l’origine. Et quand la Bible fait dire à Joseph, en Gn 45,8 « Dieu m’a établi comme père pour Pharaon », on voit bien que la tradition sait ce qu’elle dit. Oui : Joseph est vraiment un père pour Pharaon, qu’il s’agisse de AMENHOTEP III ou de AMENHOTEP IV.

Alors, par ailleurs, on sait que Joseph-Aménophis a été le précepteur d’AMENHOTEP IV. Rappelez-vous qu’AMÉNOPHIS, FILS DE HAPOU est un homme hors du commun : non seulement il est capable de résoudre les problèmes chimiques, mécaniques les plus complexes, mais il occupe aussi un poste d’État du plus haut niveau, qui lui permet de lever une armée si nécessaire, d’engager un recensement, de prendre des décisions essentielles quant au gouvernement de l’Empire.

Or il se trouve que l’Égypte souffrait d’un mal chronique, un peu à la manière de l’Italie aujourd’hui : elle restait en fait la fédération de deux régions : le Nord et le Sud. Et il semble bien que Joseph-Aménophis ait perçu l’importance de consolider cette fédération. Pourquoi ? Sans doute parce que, si l’on regarde bien, qu’il s’agisse de l’Ancien, du Moyen ou du Nouvel Empire, chacun d’entre eux était le fruit d’une conquête des Pharaons du Sud. À l’inverse, chaque période intermédiaire correspondait à une tentative du Nord de reprendre son indépendance… Et ça se comprend : quand vous êtes originaire du Nord, le pays riche, vous n’avez aucune envie de vous encombrer des régions pauvres du Sud ; en revanche, quand vous êtes originaire du Sud, vous avez tout intérêt à conquérir le Nord si vous voulez avoir des ressources suffisantes pour régner. Dès lors, on comprend mieux pourquoi cette fédération était fragile.

Bref. Il fallait la consolider, et qui, mieux que Joseph-Aménophis, pouvait le percevoir ? Il est familier de la culture du Nord — rappelez-vous qu’il a été formé à l’école des scribes de MEMPHIS ; il y a découvert le secret de la pâte de roche — ; et en même temps, il est familier de la culture du Sud — là, il a découvert la fameuse pierre du miracle, le BIAT qui est ce réactif exceptionnel qui permet de fabriquer une pierre d’une dureté à toute épreuve —. Donc, s’il y en a un qui comprend l’importance de l’unification du pays, c’est bien lui : le Nord et le Sud ne peuvent pas se passer l’un de l’autre.

Néanmoins, impossible à cette époque d’unifier un territoire si vous ne passez pas par le culte. Et donc, il n’est pas impossible qu’il ait eu le projet d’unifier le pays en s’appuyant sur les dieux. On en trouve l’indication grâce aux Colosses de Memnon qui se dressaient sur le parvis dutemple des millions d'années d'AMENHOTEPIII. Ces colosses sont encore une fois un moulage monumental dont Joseph-Aménophis a le secret, réalisé grâce au quartzite du Nord et aux réactifs chimiques du Sud. Or, de part et d’autre des trônes de ces colosses, on remarque des fresques qui représentent précisément les dieux en train de travailler à unifier les deux territoires.

Alors bien sûr, il y avait le dieu AMÔN qui présidait le panthéon des dieux du Nouvel empire. C’est sous son égide que AHMÔSIS Ier, le fondateur de la XVIIIe dynastie, avait chassé les Hyksos qui régnaient sur le Nord. Donc grâce à AMÔN, l’Égypte était à nouveau unifiée. Sauf que, peu à peu, grâce aux temples gigantesques qui lui ont été dédiés au fil de la XVIIe dynastie, le clergé de AMÔN représentait à la fin du règne de AMENHOTEP III une formidable puissance politico-cultuelle ! Un État dans l’État ! Alors est-ce que Joseph-Aménophis a senti que cette puissance étatique dépassait les bornes ? Peut-être. Néanmoins, il n’a pas fait le pas de congédier ce clergé. Ce pas, c’est son petit-neveu et petit-fils par alliance, AMENHOTEP IV, qui va le franchir.

En même temps, AMÉNOPHIS IV ne part pas de rien. Au fil des siècles, la religion égyptienne s’est peu à peu « solarisée ». Il faut se souvenir que le Soleil est depuis le début, la divinité majeure en Égypte. Son haut lieu cultuel, c’est la ville de Ôn, Héliopolis, c’est-à-dire la « ville du Soleil ». Le dieu soleil y est appelé Rê, ou Râ. Ce dieu est le dieu dispensateur de la vie, le principe de la création. Il est tellement important que lorsque AMÔN prend la première place du Panthéon égyptien, on va tout naturellement l’associer à Rê, en lui donnant le nom de AMÔN-RÊ. Et puis, avec le temps, AMÔN-RÊ va devenir le dieu de la justice, le dieu de pitié, le protecteur des pauvres etc. etc. Tant et si bien qu’il devient, à terme, une sorte de divinité multifonctions dont le clergé va se multiplier et peu à peu, en s’occupant de tous les aspects de la vie des égyptiens, vont concentrer tous les pouvoirs. Au point que AMÔN-RÊ va revêtir un statut de quasi-unicité autour de sa figure solaire. Néanmoins, il n’évacue pas les autres dieux, ce qui fait qu’on ne peut pas parler ici de monothéisme.

Du coup, le culte d'ATÔN n'est lui-même rien de plus qu’une sorte de sur-concentration, une sorte de sur-solarisation du culte égyptien. Au départ, dans les 9 premières années du règne de AKHENATÔN, ATÔN est encore la synthèse des trois dieux majeurs de l’Égypte : RÊ, le Soleil ; HORUS, le faucon qui le porte ; et SHOU, qui représente l’air, c’est-à-dire l’espace entre le ciel et la terre. Mais que va faire le roi ? Suivez-moi bien. Il va inscrire ces divinités dans les cartouches qui, normalement, représentent les Pharaons. Ce qui signifie que ATÔN est Pharaon de l’Égypte ! Et donc, AKHENATÔN est une émanation de ATÔN sur terre ! C’est une théocratie ! Et à partir de l’an 9 de son règne, l’Horus et Shou vont disparaître au seul profit de RÊ, représenté désormais par le seul disque solaire d’où sortent les rayons dotés de mains et qui diffusent la lumière sur l’univers entier. Une de ces mains tient le Ankh, le signe de la vie, qu’il remet systématiquement au Pharaon, qui est son seul intermédiaire. Toute la mythologie du combat nocturne de RÊ contre le serpent Apophis disparaît. Exit Osiris qui donnaient une nouvelle vie aux défunts dans l’au-delà. La nuit n’est plus qu’un synonyme de mort tandis que le Soleil reste vivant dans le cœur de Pharaon. Tout le système traditionnel, millénaire, s’effondre.

De plus, il y a une autre différence essentielle entre AMÔN-RÊ et ATÔN : AMÔN-RÊ était un dieu caché, inaccessible, mystérieux. Tout son culte était basé sur ce mystère qui restait le pré carré du clergé, son domaine réservé ; alors que ATÔN, lui, est le dieu soleil manifeste ! C’est le dieu qu’on adore à travers l’effigie du disque solaire qui surplombe tout. Et surtout, là où AMÔN était un dieu transcendant, ATÔN, lui, est un dieu totalement immanent. La lumière qui émane est la force vitale qui se répend dans tous les êtres et les anime.

Pourtant, pas plus que pour AMÔN, on ne peut dire qu’il s’agit d’un monothéisme. Aujourd’hui, dans les articles d’égyptologie les plus récents que j’ai pu consulter, je n’en ai pas trouvé un seul qui soutienne encore cette thèse. Que ATÔN se soit imposé face à AMÔN est une chose ; mais qu’il se soit imposé comme dieu absolument unique sur toute l’Égypte en est une autre qu’Akhénatôn n’a pas commandité. Même s’il impose ATÔN depuis sa nouvelle capitale, au centre du pays, la majeure partie du panthéon égyptien demeure.

En revanche, contre AMÔN et son clergé, il sera inflexible ! Tout se joue, en fait, au niveau du culte et du clergé ! AKHENATÔN va mettre au chômage tout le clergé d’AMÔN. On a donc bien là une révolution politico-cultuelle. MAIS AKHÉNATÔN n’impose pas, ni n’invente le monothéisme, qui reste une pure interprétation freudienne. C’est important de le préciser, parce que ça coupe court à tous les livres à sensation qui sont sortis jusqu’à il y a encore quelques années et affirmant que Moïse n’avait fait que reproduire l’œuvre avortée d’Akhénatôn.

Alors voilà. Cela une fois cela posé, nous pouvons essayer de mieux comprendre les difficultés qu’AKHENATÔN va susciter lorsqu’il décidera d’éradiquer la religion millénaire de l’Égypte pour lui imposer le culte d’ATÔN. Mais nous verrons cela la prochaine fois. Et ensuite, je vous promet, nous plongerons dans la Bible !

Je vous remercie.