16-04-2023

[Dt] Quand paraît le roi Yo’ShiYYâHOu

Deuteronomy 12-28 par : Père Alain Dumont
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Retour à l’histoire du texte de la TORâH.
Après la mort de H.iZeQiYYâHOu/Ézéchias, son fils MeNaShèH préfère faire alliance avec les Assyriens pour assurer la paix de YeROuShâLaYiM. 55 ans plus tard, Yo’ShiYYâHOu/Josias accède au pouvoir dans un contexte politique plus favorable. Les premiers linéaments de la TORâH peuvent alors voir le jour.
Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/index.php?option=com_preachit&view=study&id=680:dt-quand-parait-le-roi-yo-shiyyahou&Itemid=1561
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Aujourd’hui nous achevons notre longue introduction à la deuxième partie du Deutéronome qui nous a amenés à considérer le tout début de la formation de la TORâH. Les concepts, j’espère, commencent à se mettre en place, à commencer par le fameux ENTRE-DEUX que développe Daniel Sibony, mais qui est un principe que confirme complètement la sagesse biblique :

« Que les œuvres du Très-Haut sont désirables ! Observables tel un étincellement. Tout est vivant et demeure à jamais, pour tous besoins, et tout est entendu. Toutes choses vont par deux, l’une en face de l’autre, et il n’a rien fait d’incomplet ; l’une assure le bien de l’autre. Qui se rassasiera de voir sa Gloire ? » (Si 42,22-25). On trouve par ailleurs la même réflexion dans le livre du Qohèleth :

« Un moment pour tout, un temps pour toute aspiration sous les ciels : un temps pour donner vie, un temps pour mourir ; un temps pour planter, un temps pour arracher le plant. Un temps pour tuer, un temps pour guérir ; un temps pour briser, un temps pour bâtir. Un temps pour pleurer, un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, un temps pour danser. Un temps pour jeter des pierres, un temps pour ramasser des pierres ; un temps pour étreindre, un temps pour s’abstenir d’éteindre. Un temps pour chercher, un temps pour perdre ; un temps pour conserver, un temps pour jeter. Un temps pour déchirer, un temps pour coudre ; un temps pour se taire, un temps pour parler. Un temps pour aimer, un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, un temps pour la paix. » (Qo 3,1-8).

Donc, au sein de cet ENTRE-DEUX dans lequel la vie nous plonge :
— on reconnaît le TEMPS comme ÉVÉNEMENT & DURÉE ;
— l’ÊTRE comme ÊTRE-TEMPS & ÊTRE-PARLANT, mais aussi comme ORIGINE et À-VENIR, comme ÊTRE-SOURCE & VOIX de l’ÊTRE ; pour les chrétiens à la suite du Christ Jésus : comme PÈRE & FILS.
— On reconnaît la CRÉATION comme POTENTIEL ouvert par l’ÊTRE sur tous les POSSIBLES ; comme RÉEL à amener à devenir RÉALITÉ ;
— ON ENTEND les SECOUSSES comme TRAITS & RETRAITS de l’ÊTRE, comme COUPS & CONTRE-COUPS, APPELS & RAPPELS D’ÊTRE ;
— la MÉMOIRE comme HÉRITAGE & TRANSMISSION ;
— l’HOMME comme PAROLE & INTERPRÉTATION ou comme MÉMOIRE & RÉCEPTION si on veut bien lire littéralement Gn 1,24. Etc.

On a donc là une clef d’interprétation d’une richesse inouïe qui n’a pas échappé à nos anciens qui, comme leurs propres pères, se voulaient à l’écoute de la TORâH. Encore le Siracide : « Considère toutes les œuvres du Très-Haut : elles sont deux à deux — elles forment des ENTRE-DEUX —, l’une face à l’autre. » (Si 33,15).

Et ce ne fut pas la moindre utilité du CHOC, du TRAUMA de YeROuShâLaYiM en 701 que d’éveiller YiSseRâ’éL à ces ENTRE-DEUX qui, rappelons-nous, rendent seuls possible l’INTERPRÉTATION, et sa suite, l’HISTOIRE.

Alors maintenant que les concepts sont un peu mieux en place, reste à se demander : que s’est-il concrètement passé suite à ce RÉVEIL ?

XXI. LE NOYAU INITIAL DE LA TORAH

Dans le marasme politique et religieux qui suit le saccage Assyrien ; alors que par ailleurs la population de YeROuShâLaYiM a quintuplé en rassemblant les clans des Royaumes de YiSseRâ’éL et de YeHOuDâH ; alors que le terrible Sennachérib a dû faire volte-face sans pouvoir prendre la capitale juive, il va falloir désormais envisager d’accompagner la NAISSANCE de TOUT YiSseRâ‘éL, à partir de ce qui lui reste de plus précieux : à savoir LE TEMPLE, le seul sanctuaire de YHWH encore debout. Les Fils de LéWî vont donc se mettre à l’ouvrage et, dans un premier temps, s’attacher à structurer politiquement la vie de ce nouveau peuple.

Pour ce faire, ils vont s’appuyer sur les éléments culturels de l’époque, à savoir les FORMULAIRES D’ALLIANCE ASSYRIENS qu’ils vont rédiger non plus sous l’égide du roi — H.iZeQiYYâHOu en l’occurrence — mais sous celle de YHWH ; sous l’égide de l’ÊTRE. On a vu ce qu’était un formulaire d’alliance dans la vidéo sur les premiers versets du ch. 11 : « Mon père, ce témoin de l’Alliance ». Vous pourrez vous y référer. Je vous rappelle simplement le schéma, toujours le même : une Titulature, un Prologue historique, un commandement fondamental, des commandements particuliers, un appel à témoins suivi des bénédictions et des malédictions conditionnelles. Sur cette base, les Fils de LéWî vont donc consigner les premiers rudiments de la TORâH dont on peut reconnaître les éléments à divers endroits stratégiques du Dt dont, entre autres, notre ch. 12.

Ces éléments sont les suivants :
– La TITULATURE de Dt 6, au v. 4, le fameux SheMa" YiSseRâ’éL : YHWH y reçoit le titre de YHWH ‘èH.âD, le Dieu Unique — au sens, dans un premier temps, du dieu unique sous la bannière de qui va pouvoir s’unifier TOUT YiSseRâ’éL —. Autrement dit : fini de frayer avec les Bâ“aLîM et autres divinités locales. On ne joue plus dans la même cour.
– Puis viennent les COMMANDEMENTS du ch. 12, avec notamment les v. 13 à 18 interdisant d’offrir des Montées — des holocaustes — dans un autre lieu que celui qu’a manifestement choisi YHWH — à savoir YeROuShâLaYiM, puisqu’encore une fois, c’est là que subsiste désormais le seul Temple en activité sur l’ensemble des territoires qui composait les Royaumes du Nord comme du Sud. C’est donc bien à YeROuShâLaYiM, et nulle part ailleurs, que YHWH agrée les sacrifices qui lui sont offerts ; point final ! Voilà le fondement du choix de Sion : les Juifs n’ont pas choisi arbitrairement YeROuShâLaYiM contre le Mont GeRiZîM que lui, préfèreront les futurs Samaritains. Non ! Ce sont les FAITS, c’est l’histoire qui, dans l’ENTRE-DEUX avec l’ÊTRE, les a plantés là.
– On trouve ensuite les SANCTIONS applicables aux contrevenants au ch. 13 ;
– Les prescriptions positives des grandes fêtes de pèlerinage au cours desquelles TOUT YiSseRâ’éL est censée se rassembler à YeROuShâLaYiM, se lisent du ch. 16 au ch. 18 ;
– et enfin les BÉNÉDICTIONS et les MALÉDICTIONS du ch. 28.

Tout ça forme un noyau très cohérent dont, au demeurant, il est facile de remarquer que Moïse est le grand absent ! Ça ne veut pas dire que la tradition mosaïque n’existait pas, on l’a vu ; mais à l’époque de H.iZeQiYYâHOu / Ézéchias, aucun motif ne nécessitait qu’on attachât sa figure à l’embryon de TORâH qu’on tentait alors de faire émerger. C’était un décret royal, point final. La figure de Moïse dans le roman fondateur de TOUT YiSseRâ’éL ne sera mise en place que plus tard.

Maintenant, est-ce que cet embryon de législation à destination des Judéens fut d’emblée appliqué ? Eh bien… Ce fut plus compliqué qu’on aurait pu l’imaginer.

XXII. FAUX DÉPART…

Au viie siècle, même après la défaite de Sennachérib, la pression assyrienne reste extrêmement lourde, d’autant qu’en montant sur le trône de YeHOuDâH, le  fils de H.iZeQiYYâHOu, MeNaShèH / Manassé, choisit de ménager la paix en demeurant un loyal vassal de l’Assyrie. Un choix qui sied à l’Assyrie dans la mesure où elle y trouve son compte : le Royaume de YeHOuDâH sert ainsi un État tampon avec MiTseRaYîM, l’ennemi de toujours.

Le règne de MeNaShèH dura 55 ans, couvrant en gros toute la première moitié du viie siècle, entre 697 et 642 avant J.-C. Normalement, une telle longévité aurait dû être un signe de bénédiction, d’autant que l’archéologie montre que nombre des réalisations que la Bible attribue à SheLoMoH / Salomon, sont en fait de l’époque de MeNaShèH. Pourtant, le second Livre des Rois le dépeint au contraire comme le plus mauvais roi de l’histoire de YeHOuDâH ! « MeNaShèH avait 12 ans à l’avènement de son règne, et il régna cinquante-cinq ans à YeROuShâLaYiM. Le nom de sa mère était H.èPheTsî-VâH. Il fit le mal aux yeux de YHWH, selon les usages abominables des nations que YHWH avait déshéritées — ah, un thème du Deutéronome ! — devant les fils de YiSseRâ’éL. Il rebâtit les lieux sacrés qu’avait fait disparaître H.iZeQiYYâHOu, son père — lui ou Sennachérib, le résultat était le même puisque H.iZeQiYYâHOu ne les avait pas rebâtis, ce qui était compté à son bénéfice  —, et il fit élever des autels à Bâ“aL. Il fabriqua une ‘AShéRâH — la parèdre antique de YHWH —, comme l’avait fait ‘AH.e‘âV, roi de YiSseRâ’éL. Il se prosterna devant tout le rassemblement des ciels et s’en fit le serviteur — ça, c’est le culte assyrien —. Il bâtit des autels — c’est-à-dire des autels pour ce culte astral assyrien, en marge du grand autel du Temple de Salomon — dans la Maison de YHWH dont YHWH avait dit : “Dans YeROuShâLaYiM, Je mettrai Mon nom. ” MeNaShèH bâtit aussi des autels à toute l’assemblée des ciels dans les deux cours de la Maison de YHWH. Il fit passer son fils par le feu — toujours ces satanés sacrifices d’enfants liés au culte de Bâ“aL, qu’on retrouve sous divers avatars à plusieurs endroits sur la côte méditerranéenne. Il y a même des sites dans lesquels on a retrouvé des fosses entières d’ossements d’enfants sacrifiés. C’est assez terrifiant — ; il pratiqua la divination et l’incantation, il interrogea les spectres et les esprits — alors ça, les prophètes de YHWH en feront leur cheval de bataille ! Rien de plus abominable aux yeux de YHWH —. Il fit de maintes façons le mal aux yeux de YHWH pour L’irriter. Il plaça l’idole de ‘AShéRâH qu’il avait faite dans la Maison dont YHWH avait dit à DâWiD et à SheLoMoH son fils — alors ça, c’est une relecture tardive évidemment, à une époque où ces deux rois ont été successivement choisis comme des figures fédératrices pour le peuple ; quant au rapport entre YHWH et son ‘AShéRâH, je vous renvoie aux premières vidéos sur le Deutéronome. Donc : « Il plaça l’idole de ‘AShéRâH qu’il avait faite dans la Maison dont YHWH avait dit à DâWiD et à SheLoMoH son fils » — : “Dans cette Maison et dans YeROuShâLaYiM, que J’ai choisie d’entre toutes les tribus de YiSseRâ’éL, Je mettrai Mon nom à jamais.” — là encore, quand le texte parle des « tribus », on sait qu’il est tardif. C’est un concept qui ne viendra que bien plus tard pour relier tout le roman national. — » (2R 21,1-7). Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : pour les rédacteurs de la TORâH, MeNaShèH est indéfendable !

Ceci dit, ces mêmes rédacteurs vivaient un assez grave dilemme : certes, MeNaShèH avait été un mauvais roi au regard du culte de YHWH ; mais ils voyaient bien qu’il avait réalisé de grandes choses en faveur de YiSseRâ’éL et qu’on ne pouvait pas les passer sous silence. Alors quelques générations plus tard, le temps que s’estompe le souvenir des travaux datant du viie siècle, les scribes les ont mises sur le compte d’un de ses ancêtres, SheLoMoH, quand bien même à son époque, YeHOuDâH n'était qu’un Royaume structurellement assez pauvre, absolument incapable de mettre en œuvre de telles réalisations. Même DâWiD n’a jamais eu les moyens des campagnes que lui prête l’histoire biblique. Alors maintenant, est-ce à dire que SheLoMoH ou son père DâWiD étaient des rois sans envergure ? Non ! On l’a évoqué dans la dernière vidéo, DâWiD avait une vraie dévotion à YHWH ; il a transféré l’arche ; il a fait de YeROuShâLaYiM sa capitale ; il a été un vrai guerrier, un vrai leader, etc. mais avec des moyens somme toute très limités. Quant à SheLoMoH, les traditions de YeHOuDâH rapportaient sans doute qu’il était doué d’une vraie sagesse, et qu’à sa mesure, il fut un bâtisseur — ne serait-ce qu’en ce qui concerne le sanctuaire de YeROuShâLaYiM qu’il a, sinon construit, à tout le moins restauré et voué à YHWH au nom de son père DaWîD. Tout ça a contribué au fait qu’il a semblé cohérent aux Fils de LéWî de lui attribuer les grands ouvrages qu’au viie siècle, nul ne pouvait ignorer. Mais comme il leur paraissait inconcevable d’honorer MeNaShèH à cause de ses débordements, ils ont fait un transfert sur SheLoMoH qu’on a orné de prestige — sans pour autant qu’il soit parfait non plus si on en croit le ch. 11 du premier livre des Rois. La figure du vrai roi, humble et juste, ce devait être DâWiD. Mais bon, c’est une autre histoire qui ne nous touche pas directement ici.

Toujours est-il qu’on l’aura compris : MeNaShèH n’a pas la cote aux yeux des Fils de LéWî. Reste qu’il aura tout de même apporté un demi-siècle de paix dans le Royaume, à une époque où le Proche-Orient est en pleine reconfiguration !

Par ailleurs, il ne faut pas passer sous silence le fait que cette allégeance à l’Assyrie favorisa une longue et profonde imprégnation de la culture assyrienne. Alors d’accord : cette culture était frustre à côté de sa cousine babylonienne ; mais elle n’en était pas pour autant purement rustique : d’une part, grâce à leur savoir faire administratif, on sait aujourd’hui que la population de YeROuShâLaYiM a connu une augmentation notoire de sa population en partie due à l’inflation de fonctionnaires rendus indispensables à la gestion du territoire. D’autre part, grâce à l’alphabet utilisé entre autres par ces fonctionnaires — un alphabet qui unifiait la culture de tout l’empire —, l’écriture paléohébraïque va à son tour utiliser la graphie araméenne et permettre aux écrits de voir le jour tels qu’ils nous sont transmis jusqu’à aujourd’hui.

Tout ça permet en tout cas au peuple Juif de s’organiser, de prendre ses marques… et surtout de se préparer à prendre à son envol, fut-ce en sourdine parce que, suite au RÉVEIL de 701, les choses ne seront pas simples. Ne serait-ce que parce que sous le règne de MeNaShèH, le rouleau rédigé sous H.iZeQiYYâHOu instaurant la royauté exclusive de l’ÊTRE, avait tout intérêt à rester caché dans la Bibliothèque du Temple !

À ce stade, je vous encourage à prendre un peu de recul en allant voir la vidéo de Hérodote sur la gloire des derniers empires mésopotamiens. Je vous les mets sur le site de la Bible en Tutoriels. Vous comprendrez mieux le contexte politique global sous le règne de MeNaShèH qui a été particulièrement marqué par le règne des empereurs assyriens Assarhaddon, puis Assurbanipal. Sur ses 55 années de règne en YeHOuDâH, 40 auront été sous l’emprise de ces empereurs, qui n’étaient pas des tendres ! Quand on venait les chatouiller de trop près, ils étaient sans pitié ! Ça permet aussi de comprendre que la diplomatie de MeNaShèH avait bien du travail pour que ni  Assarhaddon, ni Assurbanipal n’aient la velléité de transformer en Sennachérib bis !

Or voilà qu’à la mort de MeNaShèH vers 642, suivi du règne fugace de son fils ‘AMoN qui meurt seulement deux ans après être monté sur le trône, à quoi s’ajoute le décès de Assurbanipal, vers 630 ; le contexte géopolitique change du tout au tout, ce qui permet à l’histoire de YeHOuDâH, l’histoire juive, de prendre un tournant majeur.

XXIII. L’AVÈNEMENT DE Yo’ShiYYâHOu

En 639 , le petit-fils de MeNaShèH accède au trône de YeHOuDâH en la personne du fameux Yo’ShiYYâHOu / Josias. Et là, ça va bouger, ne serait-ce que parce que l’empire assyrien vacille sur son front Nord-Est, ce qui l’oblige à dégager le front Ouest, et ouvre par le fait même une fenêtre de relative autonomie politique pour YeHOuDâH. Suffisante en tout cas pour autoriser une véritable révolution interne du peuple à la suite de son roi.

Le récit du second Livre des Rois au ch. 22 précise que Yo’ShiYYâHOu monte sur le trône à l’âge de huit ans ; ce qui laisse entendre que la réalité du pouvoir est en fait aux mains de quelques grandes familles de la cour alliées aux prêtres et aux Fils de LéWî dont l’un des représentants paraît particulièrement actif, du nom de ShaPhâN. Ce personnage, complètement inconnu par ailleurs, est nommé à deux reprises : d’une part au ch. 22 du Second Livre des Rois, et d’autre part dans le livre de Jérémie au ch. 36 — Jérémie dont on sait par ailleurs l’influence prégnante sur la doctrine deutéronomiste. Cette double mention est d’autant plus l’indice d’une influence dominante des cercles deutéronomistes que les deux fois, ShaPhâN est impliqué dans la transmission d’un mystérieux écrit contenant des instructions auxquelles le roi est censé se conformer.

Voilà l’événement tel qu’il est rapporté par le Livre des Rois. On est dix ans après le début du règne de Yo’ShiYYâHOu : « Et il arriva, en l’an dix-huit du règne de Yo’ShiYYâHOu, que le roi envoya le scribe ShaPhâN, fils de ‘ATsaLeYâHOu, fils de MeShouLLâM, à la Maison de YHWH, en disant : “Monte chez H.iLeQiYYâHOu, le grand-prêtre, et qu’il fonde l’argent apporté à la Maison de YHWH, celui que les gardiens du seuil ont recueilli du peuple. Qu’on le donne dans les mains des ouvriers préposés à la Maison de YHWH. Qu’ils le donnent aux ouvriers qui sont dans la Maison de YHWH, afin d’en réparer les dégradations : aux charpentiers, aux bâtisseurs et aux maçons, pour acheter le bois et les pierres de taille afin de réparer la Maison. Cependant, que l’argent remis dans leurs mains ne soit pas compté, car ils œuvrent dans la fiabilité.” Le grand prêtre H.iLeQiYYâHOu dit au scribe ShaPhâN : “J’ai trouvé dans la Maison de YHWH un écrit de la TORâH — un ÉCRIT = סֵ֚פֶר, SéPhèR en hébreu ; le scribe, l’écrivain, c’est le SoPhéR, סֹּפֵר֙, même racine. — Il s’agit donc de l’ÉCRIT, plus que du livre, qui comprend les premiers linéaments rédigés sous H.iZeQiYYâHOu / Ézéchias, et tenus au secret sous le règne de MeNaShèH  —.” Et H.iLeQiYYâHOu donna l’écrit à ShaPhâN. Celui-ci le lut. Puis le scribe ShaPhâN alla chez le roi — Yo’ShiYYâHOu, donc — et rapporta au roi la parole, en ces termes : “Tes serviteurs ont fondu l’argent qui se trouve dans la Maison. Ils l’ont donné dans les mains des ouvriers préposés à la Maison de YHWH.” Et ShaPhâN, le scribe, s’adressa au roi en ces termes : “Le prêtre H.iLeQiYYâHOu m’a donné un écrit.” Et ShaPhâN le lut devant le roi. Quand le roi entendit les paroles de l’écrit de la TORâH, il déchira ses habits — en signe de deuil et de conversion. » (2R 22,3-11).

Voilà donc que reparaît l’ÉCRIT initial rédigé sous le règne de H.iZeQiYYâHOu. Maintenu caché pendant un demi-siècle dans le Temple, il fait donc, au moment favorable, l’objet d’une “redécouverte” — sans doute plus ou moins orchestrées, mais c’est de bonne guerre.

Ce qui nous importe, c’est qu’à partir de cet Écrit initial va pouvoir commencer la rédaction progressive de la TORâH, qui se prolongera plusieurs siècles ! Et pour une bonne part en Exil à Babylone. En attendant, il faut bien commencer : Yo’ShiYYâHOu va donc entreprendre les réformes allant dans le sens d’une refonte de la toute nouvelle société Juive. Il va d’abord éditer une collection de lois pour permettre une organisation politique, économique et religieuse viable autour de la ville de YeROuShâLaYiM et de son sanctuaire. Par la suite, à partir de l’Exil, les scribes se chargeront d’établir une chronique des rois de YeHOuDâH et de YiSseRâ’éL qui aura pour but de légitimer la lignée davidique de YeROuShâLaYiM sur la même base d’interprétation que pour le Temple : puisque cette lignée demeure seule au pouvoir et règne désormais sur TOUT YiSseRâ’éL, ça ne peut être que le signe que YHWH l’a singulièrement bénie, et même élue parmi toutes les autres lignées régnantes des Fils de YiSseRâ’éL. Il convient donc de mettre en exergue ses moments les plus édifiants, sans pour autant taire les épisodes moins glorieux.

À la lumière de ce principe, on revisite donc la figure de DâWiD de l’intérieur et, d’un roi somme toute modeste, on fait le point originaire d’une royauté selon le cœur de YHWH ; tout comme on relira dans le même sens, on l’a vu dans la dernière vidéo, les figures des pères fondateurs ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ, Ya”aQoV, YOSéPh et Moïse. Simplement, la figure de DâWiD, ne faisant pas partie des racines de TOUT YiSseRâ’éL, on ne peut donc pas l’inscrire pas dans la TORâH. Ce qui n’empêchera pas les Fils de LéWî d’en faire au moins potentiellement le promoteur de cette TORâH, quand bien même la rédaction ne commencera que sept siècles plus tard. DâWiD reste en tout cas la figure de ce que l’institution royale peut susciter de meilleur dès lors qu’elle se met au service de YHWH !

Ceci dit, à défaut de pouvoir l’inscrire dans la TORâH, les mêmes Fils de LéWî vont tout de même faire du roi DâWiD l’un des principaux auteurs du Livre des Psaumes qui n’est jamais que la version existentielle de la TORâH. Dans la tradition orale, le Midrash sur le Ps 1, v. 2 n’hésite pas à dire : « Moïse a donné au peuple juif les cinq livres de la Torah, et le roi DâWiD a donné au peuple Juif les cinq livres des Psaumes. »

Alors pour en revenir au roi Yo’ShiYYâHOu / Josias, avec lui la rédaction de la TORâH va vraiment pouvoir commencer. L’aventure qui s’engage va être magnifique ! Pas toujours simple, pas toujours drôle, mais assurément lumineuse au milieu de l’histoire anarchique des nations !

XXIV. PASSER PAR LES DÉTOURS DE L’HISTOIRE

Alors si je vous ai dit tout ça, ce n’est pas pour le plaisir casser l’idée un peu paresseuse selon laquelle la TORâH aurait été écrite sous la dictée de YHWH à un Moïse qui aurait tout composé par lui-même, façon Coran . Si je vous ai rappelé tout ça au moment d’entamer la lecture de la deuxième partie du Deutéronome, c’est pour qu’on puisse se réjouir de la patience concrète de l’ÊTRE ; de l’ÊTRE qui traverse de ses traits la vie et l’histoire d’un peuple pour construire peu à peu, génération après génération, un édifice communautaire d’une solidité à toute épreuve ! Certains parleraient ici d’un projet civilisationnel ! Et pourquoi pas ? puisque la question de l’ÊTRE accompagne précisément l’avènement des premières civilisations, depuis au moins trois mille ans, et peut-être même presque six mille si on en croit le vieux calendrier hébraïque — ; avec pour ultime projet de conduire tout le genre humain sur un grand chemin d’élévation. Voilà pour le projet. Le fameux « plan du salut », comme disent les protestants.

Ensuite, qu’il faille greffer cette histoire sur des figures pour pouvoir lui donner chair et en faire un récit national à raconter pour en transmettre les lignes forces, à savoir le secret de la BÉNÉDICTION, c’est une autre affaire ! Là, il faut le génie de l’inspiration pour composer une œuvre aussi magistrale ! C’est ce genre de récit qui fait aujourd’hui encore toute la force d’un Juif qui, croyant ou non, se sent charnellement attaché à ses pères. De sorte que ce tout petit peuple, qui se démène avec cette histoire qu’il raconte sans fausse honte au monde entier — pour beaucoup d’ailleurs par l’entremise de l’Église qui a fait de la Bible, avec le second Testament, un best-seller — De sorte, donc, que ce tout petit peuple tient une place exceptionnelle dans le concert des nations : il suffit de considérer combien d’artistes, de scientifiques, de penseurs, d’entrepreneurs juifs sont aujourd’hui à la pointe des progrès mondiaux, suscitant pas mal de jalousies paresseuses, au lieu de s’interroger et d’aller scruter ce qui fait précisément leur force, à savoir de se savoir BÉNIS de YHWH depuis la nuit des temps.

Alors, une dernière chose : des chercheurs ont montré de façon assez convaincante que dès l’époque de Yo’ShiYYâHOu existait une tradition qui mettait en scène Moïse comme, en quelque sorte, l’anti suprématie assyrienne. C’est manifeste en ce qui concerne la naissance de Moïse, par exemple, calquée sur la naissance de Sargon Ier, on l’a vu à propos du début du livre de l’Exode. Comme pour dire : « Allez, on est sous la domination du roi d’Assyrie, mais on va aller puiser la bénédiction qui nous est promise dans l’histoire de nos pères qui ont connu eux aussi des oppressions tragiques, et qui en sont sortis grâce à la foi en YHWH ! Donc Messieurs les Assyriens, attention : nous, peuple élu de YHWH, aimé par Lui comme un époux aime son épouse, secoué par Lui sans ménagement, nous avons aussi nos héros ; et nous en sommes fiers ! Et vous allez vous casser les dents sur nous ! » Et hop : à partir de l’époque de Yo’ShiYYâHOu, on met TOUT en œuvre pour que l’expérience de la BÉNÉDICTION soit reçue par toutes les générations des fils de YiSseRâ’éL. Une BÉNÉDICTION, redisons-le, qui consiste pour TOUT YiSseRâ’éL à trouver dans la mémoire des pères tissée par le roman fondateur de la TORâH, les Prophètes et les Psaumes, les ressources les plus exceptionnelles qui soient pour vivre et rayonner d’une espérance à toute épreuve, quelles que soient les affres de l’histoire. C’est super puissant !

À côté de ça, tous les Thor, Docteur Strange et autres Captain America peuvent aller se rhabiller ! Leur univers est celui d’une bourgeoisie bloquée à l’adolescence qui ne rêve que de virtuel et de pop-corn ; la Bible, elle, nous plante dans le RÉEL et nous donne la mission, à vous et à moi, d’en faire non pas simplement un film divertissant, endormant la vigilance des populations en leur envoyant le message subliminal : « Dormez bonnes gens, l’Amérique veille sur vous » ; mais une RÉALITÉ où chacun soit fier de trouver sa place, à sa mesure. Un monde adulte, auquel l’ÊTRE offre l’éternité pour travailler dans un univers incommensurable, infiniment plus vaste que les seuls 15 milliards d’années-lumière qui ont réussi à parvenir jusqu’à la terre ; un univers insondable où le spirituel côtoie le matériel pour le féconder et lui faire donner le meilleur de lui-même. Voilà le projet de l’ÊTRE révélé dans la Bible et porté par le Christ Jésus, le Verbe de l’ÊTRE qui s’inscrit dans la chair ; le Verbe qui pénètre du TRAIT de son épée à deux tranchants le cœur même de la Création que Lui-même a façonnée et qui n’attendait que Lui pour réveiller une civilisation humaine endormie dans la mort. Encore et toujours cette sentence de Paul : « La Création est à l’affût du dévoilement des fils de Dieu qu’elle attend depuis des lustres! » (Rm 8,19) Voilà l’À-VENIR que les Chrétiens ne devraient jamais oublier, dont l’ORIGINE se donne la TORâH et l’Évangile pour MÉMORIAUX, de sorte que du cœur de cet ENTRE-DEUX ne se dessine rien de moins que le chemin de la BÉNÉDICTION et de l’À-VENIR toujours ouvert par l’ÊTRE. Ce que Jésus nomme : la VIE éternelle.

Mais bon. Allez, on en a dit assez sur les circonstances et sur la portée de cette dernière partie du Deutéronome. Pardon d’avoir été si long, mais c’était difficile, me semble-t-il, de faire plus court. La prochaine fois, on entamera la lecture.

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Je vous remercie.
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