18-10-2022
[Dt] De la Malédiction à la Bénédiction
Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/index.php?option=com_preachit&view=study&id=669:dt-de-la-malediction-a-la-benediction&Itemid=1562
Tous droits réservés.Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article______________________________________________________________Bonjour,
Nous finissons aujourd’hui notre lecture du ch. 11 du Deutéronome. On a pris le temps dans la dernière vidéo de s’attarder sur le sens des premiers versets en termes de filiation et de paternité, et on a conclu que la paternité était attachée au TÉMOIGNAGE et donc à la TRANSMISSION. C’est important dans la mesure où l’APPEL À TÉMOINS constitue vraiment le ressort du formulaire d’Alliance : il faut absolument que l’Alliance avec YHWH soit transmise pour passer de génération en génération ; et c’est bien pour assurer cette transmission que les témoins sont convoqués. Juste avant, il y a eu la série de commandements particuliers qui ont pour charge d’exercer la vigilance des Fils de YiSseRâ‘éL ; et juste après viennent les bénédictions-malédictions conditionnelles que nous allons lire aujourd’hui. Donc : si tu es vigilant à recevoir, à garder et à transmettre l’héritage, tu seras béni ; si en revanche tu oublies les commandements, si tu ne transmets pas l’Alliance ou pire : si tu t’assujettis à de faux dieux — qui ne sont la source de rien du tout ; et donc qui ne te donneront rien puisque ce ne sont que les vaines projections de tes propres fantasmes de toute-puissance —, alors tu perdras la bénédiction, et par voie de conséquence, tu feras l’expérience de la malédiction. Je vous rappelle que dans la Bible, la malédiction n’a aucune réalité par elle-même : elle n’existe que relative à la bénédiction qu’elle n’est tout simplement pas.
Bref. Une fois en tout cas les TÉMOINS convoqués, à partir du v. 8, Moïse fait entrer YiSseRâ‘éL dans la conclusion du formulaire, c’est-à-dire dans les bénédictions et les malédictions conditionnelles.
D’abord les v. 8 à 15, assez atypiques, comparent le sol de MiTseRaYîM avec celui de KaNa“aN. Le premier tire sa fécondité du Nil — « arroser avec le pied » signifie qu’on arrose avec l’eau du fleuve à partir duquel il suffit de tracer des canaux ; alors que le sol de KaNa“aN, lui, est arrosé par l’eau du ciel. Et là, autant les crues du Nil sont programmées à l’époque, autant les pluies du ciel ne le sont pas. La bénédiction change donc de camp : elle n’est plus inscrite à même le sol ; en quelque sorte, c’est le ciel qui reprend la main, et ça n’est pas pour rien.
Là, voyez, quand on est un peu exercé, le texte nous livre des indices intéressants quant à l’histoire du formulaire qui, à bien y regarder, ne peut être localisée que dans le Nord de KaNa“aN, c’est-à-dire dans le Royaume de YiSseRâ‘éL, sans doute vers le viie siècle avant J.-C. Pourquoi ?
– Eh bien d’abord parce que de toujours, les pluies y sont très abondantes : c’est un pays luxuriant avec des champs à perte de vue. On imagine mal ces bénédictions / malédictions rédigée en plein pays désertique comme c’est le cas dans le très aride Royaume de Judas, au Sud de KaNa“aN. À moins que Judas, qui ne reçoit en gros la pluie qu’entre novembre et février-mars, se reconnaisse en situation de malédiction quasi-permanente, ce qui est assez peu vraisemblable.
– D’autre part, au viie siècle, le Nord — et non le Sud qui n’intéresse aucun conquérant — est sous influence assyrienne dont l’empire s’étend sur toute la Mésopotamie ; une Mésopotamie qui a repris à son compte les vieux formulaires d’Alliance qui remontent aux traités que les Hittites imposaient à leurs vassaux dès la fin du iie millénaires avant J.-C. Donc le Royaume de YiSseRâ‘éL envahi par l’Assyrie s’est vu nécessairement imposer ce formulaire politique, d’une manière ou d’une autre.
Maintenant, pourquoi a-t-on éprouvé en YiSseRâ’éL, c’est-à-dire toujours dans le Royaume du Nord, le besoin de s’inspirer de tels formulaires assyriens à propos de l’Alliance avec YHWH ? Tout simplement parce que le Nord abritait certes des sanctuaires voués à YHWH, mais il abritait tout autant, sinon plus, d’autres sanctuaires concurrents voués à Bâ“aL. Le Bâ“aL, en hébreu, c’est d’une part le maître, le seigneur, voire même le mari ; et il se trouve que c’est en même temps le nom de la divinité de la pluie et de la fertilité dans l’ensemble du Proche Orient de l’époque ! D’où l’incertitude quand on habite sur un sol si bien arrosé : est-ce à YHWH qu’on doit l’arrosage du ciel, ou à Bâ“aL ? Pas si simple de répondre à l’époque ! Alors dans le doute, les rois gardaient les deux… on ne sait jamais.
Sauf que voilà que surgissent des prophètes comme HOShé“a/Osée, dans le Nord, qui tonitruent au nom de YHWH : « Incriminez votre mère, incriminez-la, car elle n’est plus Mon épouse, et moi, je ne suis plus son Époux ! Qu’elle écarte de ses faces ses prostitutions, et d’entre ses seins, ses adultères ; de peur que Je ne la déshabille toute nue, que je ne l’expose comme au jour où elle est née ; que Je ne la rende pareille au désert, ne la réduise en terre aride et ne la fasse mourir de soif. Pour ses fils, point de pitié car ce sont des fils de prostitution. Oui, leur mère s’est prostituée, l’infamante qui les conçut s’est déshonorée car elle a dit : “Je veux aller après mes amants — c’est-à-dire les Bâ“aLîM, puisque Bâ“aL désigne le mari — qui me donnent mon pain et mon eau, ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson.” Aussi Me voici ! Je vais barrer sa route avec des ronces, l’emmurer d’un mur : elle ne trouvera plus ses chemins. Elle poursuivra ses amants mais ne les atteindra pas ; elle les cherchera mais ne les trouvera pas.
Alors elle dira : “Je vais retourner à mon premier époux, car c’était mieux pour moi que maintenant.” Elle n’a pas voulu savoir que c’est Moi-même, qui lui ai donné le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche ; qui ai multiplié l’argent et l’or dont ils ont fait un Bâ“aL ! Aussi, Je me retourne : je reprends Mon froment en son temps et Mon vin nouveau en sa saison ; J’arrache Ma laine et Mon lin dont elle couvre sa nudité. Et maintenant, Je dévoile son obscénité aux yeux de ses amants, et nul ne la délivrera de Ma main. Je fais cesser toute sa gaieté, ses fêtes, ses nouvelles lunes, ses ShâBaT et tous ses rendez-vous solennels. Je dévaste sa vigne et son figuier dont elle disait : “Ils sont mon salaire que m’ont donné mes amants.” Je les mets en forêt ! Que les bêtes des champs les dévorent. Je sanctionnerai contre elle les jours des Bâ“aL qu’elle a encensés. Elle se parait de son anneau et de son collier et allait derrière ses amants ; et Moi, elle M’oubliait ! – oracle du Seigneur. C’est pourquoi, voici que je vais la séduire ; je vais l’emmener au désert et je parlerai à son cœur. De là, je lui donnerai ses vignes et je changerai la vallée de “AKhOR en porte d’espoir. Là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour de sa montée du sol de MiTseRaYîM. Et c’est en ce jour — Oracle de YHWH — que tu M’appelleras : “Mon époux”, et ne M’appellera plus : “Mon Bâ“aL”. — Ah vous entendez ? L’enjeu, dans le Nord, est vraiment entre YHWH et les Bâ“aLîM : Qui est ton Dieu, YiSseRâ’éL ? À qui t’attaches-tu ? Qui est ta bénédiction ? — J’écarterai les noms des Bâ“aL de ta bouche, on ne fera plus mémoire de leurs noms. » (Os 2,4-19)
Voilà une harangue qui ne manque pas de panache, mais reconnaissons que c’est chaud bouillant ! On pourrait aussi lire le ch. 17 du second livre des Rois qui raconte la tension entre le prophète ‘ÉliYâHOu/Élie et AH.e‘âV/Achab, le roi de YiSseRâ‘éL. Avec sa femme ‘YZèVèL/Jézabel, une Phénicienne, le roi soutient le culte de Bâ“aL et d’Astarté. L’histoire raconte comment YHWH, par l’entremise de son prophète ‘ÉliYâHOu, secoue le Royaume du Nord en retenant les pluies qui faisaient son orgueil et sa richesse.
Ceci dit attention de ne pas trop vite reléguer ce genre de propos au rang de folklore ! Si on pense à la situation climatique contemporaine due en partie à l’exploitation pure et simple des ressources de la planète au nom d’une soumission avérée des élites au Bâ“aL de l’argent roi, il y a bien des choses à entendre. Et comme par hasard, à travers les sécheresses qui succèdent aux inondations et aux tempêtes, c’est par l’eau que la Création se rappelle à nous… Et là, on rigole moins ! Et que je sache, il n’y a guère que l’Église catholique qui puisse faire résonner un avertissement prophétique à travers le monde. Il suffit d’aller lire l’encyclique Laudato Si du pape François. Elle n’a aucun équivalent en termes de portée auprès des nations du monde, y compris les plus rotors.
Alors, pour en rester à notre étude, la sécheresse dont parlent nos versets est ressentie comme l’effet d’une « colère » de YHWH, ce que la TORâH assume sans difficulté, à condition de ne pas y voir un état d’âme du divin ! Encore une fois, observons avec la Bible comment, quand survient la désolation, le Juste, lui — qui se sait BÉNI, qui sait où sont ses appuis dans la TORâH et en YHWH — ne s’affole pas : il se dit, parce qu’il l’a appris de ses pères dont il a consenti à l’héritage : « YHWH me secoue, et c’est sans doute bien, même si je ne vois pas SUR LE COUP que ce qui se passe est BON. Je sais que je le VERRAI APRÈS COUP ! » C’est ça, la foi, la ‘èMOuNâH en hébreu. C’est le trait de Job : « Je sais que mon Rédempteur est vivant — et donc vivifiant — et que le dernier, sur la poussière, Il se tiendra debout ! Et après cela, alors qu’on aura écorché ma peau, de ma propre chair, je verrai ‘ÈLOHa ! — ‘ÈLOHa est la forme singulier de ‘ÈLoHîM qu’on trouve essentiellement dans le livre de Job — » (Job 19,25) Voyez ? Par la foi, appuyé sur la mémoire des pères, le Juste choisit d’affronter son épreuve en face, comme dans nos versets à propos de la sécheresse ; mais surtout, il choisit de se tenir face à YHWH en lui disant : « Me Voici ! » Ses pères lui ont appris à prendre la désolation comme un EXERCICE pour se rendre attentif aux appels de YHWH qui retentissent. Reste que ce n’est pas facile pour autant, comme en témoignent les psalmistes. On va prendre l’exemple du Ps 73 :
« Quand fermentait mon cœur, quand mes reins me lançaient,
moi, stupide, je ne comprenais pas, j’étais une bête devant Toi. — Donc, SUR LE COUP, je ne comprends pas. C’est normal.
Mais — grâce à la mémoire que je reçois de mes pères — je suis toujours avec Toi ; Tu saisis ma main droite.
En Ton conseil, Tu me mènes ; ensuite, en gloire, tu me prends.
Qui est pour moi dans les cieux. Hors Toi, je ne désire rien sur la terre. — Voilà : il sait où est sa ressource, sa bénédiction ! —
Ma chair et mon cœur s’épuisent : le roc de mon cœur et ma part d’héritage, c’est ‘ÈLoHîM à jamais. — Par moi-même, je ne peux rien. Mais sur la base de l’héritage transmis par mes pères, tout est possible ! —
Car voici : ceux qui s’éloignent de Toi — ceux qui décident de T’oublier — périssent ;
Tu réduits tous ceux qui, loin de Toi, se prostituent — Voilà la malédiction : ils ne savent plus où trouver leurs appuis ! ce sont eux-mêmes qui se réduisent, et YHWH n’y peut juste rien ! —
Et moi, la proximité de ‘ÈLoHîM fait mon bonheur — ma bénédiction —.
En mon Seigneur YHWH je place mon refuge — Me Voici ! —
pour raconter toutes tes œuvres
[aux Portes de la Fille de Sion (grec)]. » (Ps 73(72),21-28).
Le Juste, en dernier ressort, se fait donc témoin : il met son chemin en récit pour exprimer la joie qui jaillit paradoxalement de l’épreuve traversée — ou en passe de l’être. Une joie qu’il lui faut transmettre, c’est plus fort que lui, aux générations qui suivent : il se fait témoin de la bénédiction à laquelle il accède à la ressource puisée en YHWH, APRÈS COUP, au cœur de la malédiction où YHWH s’avère être son recours, donc… sa BÉNÉDICTION. C’est drôlement puissant ! Et en définitive, quand on a compris ça, on s’aperçoit que tous les Psaumes sont habités par ce même mouvement d’être.
Pour le dire rapidement : le rôle de la TORâH, inspirée par les prophètes, c’est d’objectiver, de cadrer et de fonder le chemin de la bénédiction ; le rôle des prophètes, c’est de rappeler que YHWH n’est pas un faux dieu, qu’Il n’est pas un Bâ“aL, alors attention aux secousses ! En même temps, en tant qu’époux véritable, Il est fidèle, donc : rien à craindre ! Quant aux Psaumes, aux Justes, leur mission est celle du témoignage : ils reconnaissent que si YHWH les secoue, c’est qu’ils ont quelque chose à corriger dans leur propre vie — Job lui-même reconnaîtra qu’il n’est pas Dieu, qu’il n’a pas tout compris sur tout, tout Juste qu’il soit devant ‘ÈLOHa — ! Et au cœur de cette secousse, APRÈS COUP, après le contrecoup, le Juste choisit de se mettre debout, de vivre et de témoigner à ses fils de la puissance de la Bénédiction qui se trouve en YHWH. Et là, le Juste devient SAGE aux yeux de YHWH, son Rédempteur ; et aux yeux des hommes au milieu desquels il devient père. Les Psaumes composent la substance du TÉMOIGNAGE que le Sage offre à ses fils pour que l’assurance de la bénédiction habite leur mémoire à jamais, jusqu’à aujourd’hui.
Jésus lui-même a été habité par les Psaumes ; quand l’Évangile nous dit qu’il se retirait dans des endroits déserts pour prier, c’était pour réciter les 150 Psaumes et y puiser la ressource de bénédiction qu’ils contiennent. Dit autrement, là où la TORâH édifie pour ainsi dire l’ossature des commandements, les Psaumes, eux, y accrochent de la chair. D’où l’importance pour un Juif ET de scruter la TORâH, ET de chanter les Psaumes encore et encore ; de même pour un Chrétien : ET scruter l’Évangile, et si possible la TORâH ; ET chanter les Psaumes. Non pas comme des “prières à dire” mais comme le substrat CHARNEL qui s’attache à la charpente de la TORâH et de l’Évangile pour faire du peuple Juif et chrétien un peuple VIVANT, VIVIFIANT, unis à YHWH comme à son seul et véritable époux et répondant ainsi, mystérieusement, au désir de l’être, au désir de YHWH le plus profond.
Voilà pour les Sages. En revanche, pour les fous ; c’est-à-dire pour ceux qui se laissent aller à l’idolâtrie du pouvoir et de l’argent, confrontés aux mêmes désolations dont la sécheresse est ici le paradigme, ils sont dans la panique. Comme les Sages, ils sont secoués, mais ils ne savent pas quoi faire de cette secousse : ils n’y entendent aucun appel, ni aucun rappel ; ils n’ont aucun appui, aucune ressource pour aller au-delà de l’impression d’une “colère divine” qu’ils subissent, faute de mieux, et qui les révolte évidemment. Alors on n’est jamais à l’abri d’une illumination et d’un revirement, heureusement. Il peut arriver que le fou devienne sage et s’aperçoive APRÈS COUP que YHWH a eu raison de le secouer à travers des événements qui l’ont déstabilisé. C’est en tout cas ce qu’on peut lui souhaiter de meilleur. Mais en attendant, quelle désolation !
Suite de quoi les v. 18 à 21 répondent aux v. 16-17 en reformulant clairement les points d’appuis que YiSseRâ‘éL connaît bien maintenant et qui reprennent à peu de chose près les prescriptions du ch. 6, v. 6 à 9 — entre autres l’impératif des TePhîLîN et de la MeZOuZâH — mais pris désormais dans le cadre de l’Alliance, donc de la TRANSMISSION de pères en fils : « Quoi qu’il arrive, si tu reçois, si tu gardes et si tu transmets d’Alliance, tu sauras, toi et tes descendants, que YHWH est fidèle, qu’Il est digne de foi. « Digne de foi est cette parole : si nous périssons, nous vivrons avec [le Christ Jésus] ; si nous endurons [la secousse], nous régnerons avec Lui ; si nous le dénions, il nous déniera — c’est-à-dire qu’il nous laisse à notre liberté ; Il nous laisse nous réduire nous-mêmes, pour reprendre les termes du Ps 73 — ; si nous ne sommes pas dignes de foi, lui demeure digne de foi, car il ne peut pas se renier Lui-même. » (2Tess 2,11-13). Voilà le Roc du Juste ! Le v. 21 reprend quant à lui une part la bénédiction du v. 9
Suite de quoi les v. 26 à 32 anticipent la conclusion du Deutéronome, au ch. 30 : l’héritage du Sol dépend vraiment du choix de YiSseRâ‘éL : ou il choisit la voie des commandements de Vie de la TORâH, et c’est la BÉNÉDICTION ; ou il choisit une autre voie — celle des idoles —, mais comme seule la première donne la Vie, en toute logique, la seconde ne peut conduire qu’à la mort, c’est-à-dire à l’incapacité de trouver le chemin des ressources nécessaires quand le besoin s’en fait sentir.
Là, il faut toujours avoir en tête qu’on est au cœur de la pensée du scribe deutéronomiste. Quand il rédige, il s’appuie en fait sur l’expérience de l’Exil dont il livre ici tout le sens ! Si l’héritage a été perdu — les élites ont tout de même été déportées et dispersées 1000 km à l’Est de Jérusalem —, ce n’est pas que les promesses de la TORâH étaient fausses ; ce n’est pas parce que YHWH aurait trouvé son maître face aux dieux de Babylone ; mais c’est parce que YiSseRâ‘éL n’a plus voulu se laisser secouer par les traits vivants de l’être, par les flèches du Dieu de ses pères. C’est parce qu’il n’a plus voulu se laisser conduire, c’est-à-dire se laisser ébranler par les commandements qu’il est devenu comme les nations. Résultat : il n’y a plus de raison que YiSseRâ‘éL reste sur le Sol promis, donc YHWH l’exile sur un autre sol qui ne représente rien aux yeux de la TORâH : aucun Temple ne peut y être construit, donc plus de flèches lancées vers le ciel à travers les sacrifices pour répondre aux traits de vie que YHWH lance depuis les cieux… Mais voilà — parce que c’est aussi ça, l’Alliance — : Il reste la MÉMOIRE des patriarches et des prophètes qu’il va falloir revisiter pour retrouver le chemin qui mène à Jérusalem, et revenir à YHWH qui, Lui, reste fidèle comme le rappelle saint Paul ; comme Jésus le raconte si magnifiquement dans sa parabole du Fils Prodigue.
Dit autrement — et spirituellement, c’est essentiel de bien l’entendre — : c’est paradoxalement en perdant le Sol, en étant secoué, ébranlé, déplacé ; en faisant l’expérience de la malédiction que YiSseRâ‘éL prend conscience APRÈS COUP de la valeur de cet héritage ; et surtout que sa réception dépend de ce que lui a transmis la mémoire de ses pères ! Dès lors, exilé, va-t-il pouvoir retrouver l’héritage ? — c’est toute la parabole du Fils Prodigue — Va-t-il pouvoir un jour retourner sur le Sol ? Bien entendu, et c’est là toute la prédication consolatrice des prophètes, à commencer par HOShé“a/Osée, qui va aussi contribuer à la rédaction de la TORâH. De sorte que YiSseRâ‘éL sait, dans sa chair, que dans toutes les démêlées de l’Alliance, YHWH reste fidèle, qu’Il est MISÉRICORDIEUX, c’est-à-dire toujours prêt à relever celui qui est tombé et qui revient vers Lui. Et voilà que la malédiction, contre toute attente, devient cet avertissement de YHWH qui a HEUREUSEMENT retenti : APRÈS COUP, la malédiction se révèle avoir été une BÉNÉDICTION ! Sans elle, nous n’aurions rien compris, et nous nous serions résolument perdus ! Voyez, tout ça est très concret, et invite à la réflexion. Un Juif, comme un Chrétien, c’est quelqu’un qui ne se laisse pas vivre, mais qui cherche ! Qui cherche la BÉNÉDICTION I Qui a soif de BÉNÉDICTION et qui, par Moïse et par Jésus, en gardent précieusement le chemin pour le transmettre à toutes les générations.
Reste à expliquer les v. 29-30 qui sont a priori énigmatiques. Les deux monts évoqués font partie de l’héritage, puisqu’ils sont sur le Sol : le GeRiZîM au Sud et le “ÉVâL au Nord. Ce sont des monts qui reviendront dans l’histoire de la conquête, dans le livre de YeHOShOu“a / Josué, notamment au ch. 24 où la TORâH, précisément entre ces deux monts, est proclamée comme la charte de tout YiSseRâ‘éL.
Alors quel est le sens de ces deux montagnes ? Elles constituent en fait la dimension CHARNELLE de la proclamation de l’Alliance. Comme si la bénédiction et la malédiction étaient inscrites à même le Sol promis. Ça ne signifie pas nécessairement que YHWH veuille être adoré là — du moins selon la tradition Juive, parce que les Samaritains auront une autre interprétation …—, mais il n’empêche : au centre géographique de l’héritage, YHWH inscrit la CONDITIONNALITÉ de l’Alliance. Alors redisons-le : l’amour de YHWH est inconditionnel, mais la RÉCEPTION de cet amour, elle, est bel et bien conditionnée à la réponse des fils de YiSseRâ’éL ; à leur RESPONSABILITÉ — c’est le même mot — toujours à reprendre de père en fils, génération après génération. L’Alliance est donc proclamée entre un mont qui représente CHARNELLEMENT la bénédiction et un mont qui représente CHARNELLEMENT la malédiction : à YiSseRâ‘éL dont les tribus se répartiront rituellement sur chaque versant opposé des deux monts, de choisir quel chemin il veut prendre. On comprend mieux alors pourquoi le v. 26 anticipait le ch. 30 du Deutéronome : « Je mets devant toi la bénédiction et la vie, la malédiction et la mort. Choisis la vie ! » L’Alliance laisse libre ! VIVRE et AIMER sont par essence des actes de LIBERTÉ, des choix à poser dans la foi en YHWH, donc d’engagement à écouter — ou pas — les appels de l’Être — Je vous rappelle que YHWH, Y-H-W-H, c’est le verbe être conjugué à tous les temps —, sachant que, de ce choix, découlent nécessairement les conséquences : BÉNÉDICTION ou MALÉDICTION…
Il faudra du temps pour que YiSseRâ‘éL entende — ce qui est absolument dans l’ordre des choses, y compris pour vous et moi —. Il découvrira l’importance de cette liberté intérieure — qui est une capacité de poser des choix en connaissance de cause, en sachant qu’il y a des conséquences concrètes en termes de bénédiction et de malédiction — ; YiSseRâ‘éL découvrira donc l’importance de cette liberté intérieure peu à peu, mais il n’en reste pas moins qu’une fois entendu l’appel de YHWH, l’appel de l’être, les scribes, à partir de l’Exil, vont se mettre au travail. Ils vont inscrire cet appel et ses nombreux rappels dans la TORâH, faire mémoire des Prophètes, inscrire leur témoignage dans les Psaumes et les écrits de sagesse pour qu’une transmission se mette en forme et permette au peuple de devenir tout entier le Témoin de l’Alliance avec YHWH au milieu des nations. Pourquoi ? Non pas pour fanfaronner, mais parce qu’en définitive, YiSseRâ‘éL sait que toutes les nations sont appelées à écouter les mêmes appels d’être — les mêmes appels de l’être et les appels à être — pour se voir rouvrir le chemin des bénédictions de l’Alliance ! Cet appel lancé aux nations, les scribes le font retentir dans les onze premiers chapitres de la Genèse, ne serait-ce que pour entériner dans un premier temps le refus des nations à y répondre. D’où la vocation des patriarches ‘AVeRâHâM, YTseRâQ et Ya“aQoV qui fut d’initier une réponse en consentant pour eux et leur descendance aux secousses d’être qui allaient présider à leur histoire, et dont la première résonne à travers ces mots : « Va vers toi, vers le sol que Je te ferai voir ! » (Gn 12,1). 1500 ans plus tard — selon la chronologie basse que nous avons adoptée — ce sera le rôle du Christ Jésus, en s’appuyant sur la tradition des Fils de YiSseRâ‘éL, de rouvrir aux nations le chemin de la BÉNÉDICTION : « Moi, Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient vers le Père sinon à travers moi. » (Jn 14,6).
Et pour aller jusqu’au bout, dans la ligne du Deutéronome, du prophète HOShé“a/Osée, du Cantique des Cantiques, des Psaumes et des Évangiles entre autres, Juifs et chrétiens découvrent — et ça leur est vraiment spécifique — qu’en tout ça, la nature de cette Alliance n’est autre que NUPTIALE ! « Tu M’appelleras : “Mon époux” » (Os 2,18) ; « Je Me suis épris de toi ! » (Dt 7,7) ; « Celui qui a l’épouse est l’époux, cependant que l’ami de l’époux, celui qui s’est tenu là et qui l’écoute, se réjouit de joie à la voix de l’époux. C’est cette joie qui est la mienne — dit Jean-Baptiste qui se fait témoin —, et elle est en plénitude ! » (Jn 3,29) ; « Ils ne peuvent pas, les fils des épousailles, prendre le deuil tant que l’époux est avec eux. » (Mt 9,15) ; Viens !” ; et celui qui écoute, qu’il dise : “Viens !” […] Ainsi parle celui qui TÉMOIGNE de ces choses — qui les TRANSMET — : “Oui, Je viens promptement !” “— Amen ! Viens Seigneur Jésus !” » (Ap 22,17.20) ; etc.
Donc voyez : sur la base de tout ça, nous comprenons maintenant clairement que le peuple que YHWH se constitue est un peuple qu’Il ne veut rien de moins qu’épouser pour en faire un peuple de TÉMOINS, un peuple de TRANSMISSION, de père en fils, de génération en génération auprès de tous les peuples de la terre, à commencer par YiSseRâ‘éL. Ce que les chrétiens reconnaîtront pour leur part à travers le mystère de l’Incarnation. APRÈS COUP, après la secousse de la mort et de la résurrection du Christ Jésus, ils se sauront greffés sur l’olivier franc de YiSseRâ‘éL.
Enfin en attendant, du point de vue de YHWH, les choses sont claires : Lui est engagé indéfectiblement, Lui est FIDÈLE à son Alliance. That’s the point au moment d’ouvrir la deuxième partie du Deutéronome, avec le ch. 12 jusqu’au ch. 26, qui déclinera le Code Deutéronomique qui réglera la vie de YiSseRâ‘éL sous l’égide de ses épousailles avec YHWH.
Nous verrons ça la prochaine fois.
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Bonne lecture du ch. 11.
Je vous remercie.______________________________________________________________