03-06-2022

[Dt] Quand Israël affronte ses propres démons

Deuteronomy 9:1-29 par : Père Alain Dumont
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Entrer sur le Sol promis ne sera pas une mince affaire ! Il va falloir que YiSseRâ’éL affronte ses démons, et fasse front devant les Géants de KaNa“aN qui les avaient découragés 40 ans auparavant. Mais attention de ne pas tirer orgueil de cette victoire programmée : YHWH ne sait que trop bien à quel point ce peuple, tout élu qu’il soit, est rebelle !
Transcription du texte de la vidéo : 
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous lisons aujourd’hui le ch. 9 du Deutéronome, et d’emblée on est en terrain connu puisque pour la 3e fois retentit l’annonce solennelle : « SheMa YiSseRâ‘éL !  — en 5,1, cette convocation introduisait le Décalogue et en 6,4, elle faisait partie intégrante du premier et plus grand commandement de la TORâH. Donc on peut s’attendre à ce qu’un élément essentiel du discours de Moïse soit livré dans les versets qui suivent, même si c’est de manière un peu moins évidente que les deux premières séquences.

Alors bien sûr, les v. 1 à 3 sont choquants dans la mesure où Moïse ordonne à YiSseRâ‘éL  de déshériter à son profit les “ANâQîM, qu’on a déjà rencontrés aux ch. 1 et 2 du Deutéronome. Les  “ANâQîM, ou les Fils de  “ANâQ, sont les anciens habitant du Sud de KaNa“aN, autour de Hébron. Quand les Hébreux montaient du désert, Moïse avait envoyé des explorateurs qui étaient revenus en disant : « Qu’il est puissant, le peuple qui habite le sol ! Les villes sont fortifiées, très grandes ; et nous y avons même vu des descendants de  “ANâQ ! » (Nb 13,28). Dans l’imaginaire, ces “ANâQîM étaient devenus des géants invincibles ; rien que l’évocation de cette population avait suffi pour décourager les Hébreux, ce qui leur avait valu d’errer quarante ans — c’est-à-dire le temps d’une génération — dans le désert. Ce qui fait que, dans ce passage, on assiste donc à rien de moins qu’à la conjuration de cet échec : « Tu vas aujourd’hui passer le Jourdain pour hériter de nations plus grandes et plus fortes que toi, de grandes villes fortifiées jusqu’aux cieux ! » (Dt 9,1).

Alors ne soyons pas surpris : comme toujours quand on lit la Bible, il ne faut pas sortir les versets de leur contexte. On l’a déjà relevé plusieurs fois : à cette époque, les mouvements guerriers  de toutes les petites royautés qui constituent le paysage sont monnaie courante ! Les frontières n’existent que mouvantes. L’archéologie montre bien qu’à cette époque, sur ce sol comme partout ailleurs, les populations ne cessent de lutter pour leur vie, pour leurs sources, pour leurs territoires, etc. D’autre part, on peut comprendre que les Fils de “ANâQ voyant déferler un groupe de nomades vindicatifs, soient eux-mêmes sur les dents. Maintenant, en insistant sur la fascination que provoquent des descendants de “ANâQ, l’auteur est en train de dire que si YiSseRâ‘éL ne les assimile pas — souvenez-vous ce qu’on a dit à propos de la fin du ch. 7 —, c’est inévitablement l’inverse qui se produira : ce sont les “ANâQîM qui les assimileront !

Maintenant attention : ce que dirent les v. 4 à 6, c’est que YiSseRâ‘éL, dans le fond, part en guerre contre ses propres démons — ce que le rédacteur deutéronomiste ne sait que trop bien à l’époque où il rédige le livre au nom de Moïse, c’est-à-dire après la terrible épreuve de l’Exil — ou des Exils, devrait-on dire, parce qu’il n’y a pas eu qu’une seule vague. En se mettant à l’écoute des grands prophètes comme HOShé“a / Osée, YeSha“eYâHOu / Isaïe ou YiReMeYaHOu / Jérémie, pour les plus incontournables, le rédacteur sait très bien que, dans l’histoire, YiSseRâ‘éL s’est laissé assimiler ! Il a reproduit dans ses propres rangs ce qui a valu aux fils de “ANâQ d’être déshérités par YHWH. Voilà précisément, selon sa lecture des événements, ce qui a entraîné l’Exil. Alors Dieu merci, toujours grâce aux prophètes, notre rédacteur sait aussi que l’élection de YiSseRâ’éL demeure ! Si en Exil, le peuple fait l’expérience de la malédiction, il ne sort pas pour autant de l’Alliance. Il sait que le chemin de la bénédiction n’est jamais fermé et qu’un retour, une TeShOuVaH est toujours possible, ce à quoi travaille d’arrache-pied toute la TORâH.

Dit autrement : si, d’après notre passage, YHWH envoie le peuple de YiSseRâ‘éL déshériter les descendants des “ANâQîM, c’est que ces ennemis refusent que ce Sol soit celui sur lequel YHWH puisse être glorifié exclusivement selon le rituel de la TORâH de Moïse. Seulement attention : affirmer ça, c’est mettre YiSseRâ‘éL sous la lame du même couperet : s’il ne glorifie pas YHWH en accomplissant les commandements qu’il a déjà été par deux fois sommé d’ÉCOUTER, alors il sera chassé du Sol de la même manière, sans cependant en être déshérité, ce qui est bien évidemment une différence majeure.

En filigranes, il faut entendre que si les Fils de “ANâQ disparaissent, ce n’est pas tant parce que YiSseRâ‘éL les aura vaincus par les armes, mais parce qu’ils refusent que la TORâH s’impose sur le Sol comme la seule ressource qui leur permettrait d’y demeurer ! En disant ça, comprenons bien qu’on touche à l’enjeu même du salut des nations ! Le jour où les nations consentiront à prendre le chemin de la Bénédiction — et évidemment, je pense ici au Christ qui se présente explicitement comme le vrai Chemin de vie —, alors il n’y aura aucune raison qu’elles n’aient pas elles-mêmes accès au Sol promis. Non pas pour en refouler YiSseRâ‘éL, ni même pour y résider ; mais pour, en Christ, bénir ‘AVeRâHâM selon la promesse faite au tout début du ch. 12 de la Genèse : « YHWH dit à ‘AVeRâHâM : “Va vers toi, hors du sol de ta parenté et de la maison de ton père, vers le Sol que Je te ferai voir. Je fais de toi une nation grande. Je te bénis, je rends grand ton nom. Sois une bénédiction : Je bénis ceux qui te bénisse, et celui qui te maudit, Je le réprouve. C’est en toi que sont bénis tous les clans de la Terre. » (Gn 12,1-3). Du coup, on comprend qu’en maudissant YiSseRâ‘éL, c’est ‘AVeRâHâM que maudissent les fils de “ANâQ, et donc YHWH les réprouve. Tout comme Il réprouve les chrétiens qui négligent le Christ, qui négligent sa Parole : Il les réprouve non au sens où il les condamne, mais au sens où eux-mêmes, par leur négligence, ne bénissant pas ‘AVeRâHâM, ils perdent par conséquent l’accès à la bénédiction qui ne vient que par lui. Du coup, les chrétiens font l’expérience de la malédiction, qui n’est pas, je le rappelle, une condamnation ! La malédiction n’est jamais que l’accès perdu à la bénédiction sous prétexte qu’on pourrait, sans le Dieu de la TORâH, donc sans le Christ, se sortir par ses propres force des combats de l’existence et déclarer qu’on est des surhommes, des fils de “ANâQ, en quelque sorte… Et ça, il faut vraiment le déshériter du Sol de notre cœur !

Comme quoi voyez, faire partie du peuple élu n’a rien d’évident ! Ce n’est jamais un acquis, ni pour un Juif, ni pour un Chrétien qui doivent constamment relancer en eux le processus de mémoire par lequel se révèle le chemin de la Vie, en Alliance avec YHWH. Ce que va très logiquement rappeler la suite, à partir du v. 7. On va y lire l’appel à faire mémoire des rébellions qui, dès avant d’entrer en KaNa“aN, ont pollué l’élection en prétendant dénoncer l’Alliance, jusqu’à la révolte du fameux Veau D’or, ou du Taurillon d’or comme on l’a appelé quand on a étudié Ex 32. YiSseRâ‘éL, dit Moïse, a irrité YHWH par le façonnage du Taurillon d’or, au moment même où étaient gravées les Tables de pierre ! Quelle ironie !

Alors à propos de ces Tables, vous remarquerez que le récit parle des « Tables de l’Alliance » aux v. 9, 11 et 15. C’est le seul endroit de la Bible qui les appelle comme ça. On trouve dans la TORâH :
– les « Tables » tout court (Ex 31,18 ; 32,16.19 ; 34,1.28 ; Dt 9,17 ; 10,2.3.4.5) ;
– les « Tables de pierre » (Ex 24,12 ; Ex 31,18 ; 34,1. ; Dt 4,13 ; Dt 5,22 ; 9,9.10.11 ; 10,1.3) ;
– quelques fois les « Tables du Témoignage » dans le livre de l’Exode (Ex 31,18 ; 32,15 ; 34,1.29),
Mais en tous les cas, jamais les « Tables de la TORâH », bien qu’elles en soient le symbole.

Et en dehors de la TORâH, dans le reste de la Bible, les Tables sont encore plus rarement évoquées :
– rien chez les prophètes ou chez les sages qui, eux, préfèrent parler des « Tables du cœur » (Jr 17,1 ; Pr 3,3 ; 7,3), en particulier YiReMeYaHOu / Jérémie.
– Quant aux livres historiques, on ne trouve qu’une seule mention de ces tables — les « tables de pierre » — quand Salomon transfère l’Arche pour la déposer dans le Temple (1R 8,9 // 1Ch 5,10). Et c’est tout.

Alors attention : distinguons bien les Tables de l’Arche d’Alliance qui est censée les contenir. La Bible évoque souvent l’Arche, mais paradoxalement, elle évoque très rarement ce qu’elle contient, à savoir les tables, le bâton de ‘AHaRoN et la jarre de manne. On a sans doute là un silence évocateur du malaise qu’on a évoqué, si vous vous souvenez, à propos de Dt 4 : ces deux tables ont possiblement été des représentations de YHWH et de son ‘AShéRaH — ce qui n’empêche pas qu’y ait été inscrit au dos quelque chose comme le Décalogue, là n’est pas la question —. Mais si c’est le cas, ça pouvait constituer un signe avéré d’idolâtrie selon les critères de la TORâH qui impose de ne pas faire de représentation de YHWH ; de ne pas représenter l’invisible.

Avec le temps, choix a donc été fait de minimiser ce support en pierres au seul profit des paroles qui y étaient gravées. C’est particulièrement clair chez des prophètes comme YiReMeYaHOu / Jérémie ou YeH.èZeQé’èL / Ézéchiel : pour eux, l’enregistrement des paroles sur la pierre s’avère absolument TEMPORAIRE dans la mesure où il faut viser leur inscription SUR LE CŒUR ! Ce qui n’est dans le fond possible que si elles disparaissent, un peu comme quand on assiste au décès d’un être proche. Au moment même où il meurt, c’est automatique : on passe au mode « mémoire » et sa présence devient beaucoup plus intérieure, ne serait-ce que dans les secondes qui présidaient son décès. Donc au moment où l’Arche, et donc les tables de l’Alliance disparaissent, les paroles qu’elles contiennent se gravent sur le cœur. Alors rappelons-nous, ne serait-ce que YiReMeYaHOu : « Voici l'Alliance que Je trancherai avec la Maison de YiSseRâ‘éL, après ces jours — Oracle de YHWH : Je donnerai ma TORâH dans leurs entrailles, Je l'écrirai sur leur cœur. Je serai à eux pour ‘ÈLoHîM ; ils seront à Moi pour peuple. Ils n'enseigneront plus, un homme à son prochain, ni un homme à son frère, en disant : “Pénétrez YHWH !” Car tous Me pénétreront, du plus petit au plus grand — Oracle de YHWH. » (Jr 31,33-34)

Dit autrement, toutes gravées des paroles de YHWH qu’elles aient été, les Tables en tant que tel n’ont de valeur que de support et ne doivent en aucun cas faire l’objet d’une vénération pour elles-mêmes ! C’est YHWH et sa Parole qu’il faut adorer, et non les Tables, ni même l’Arche, toutes déposées qu’elles soient dans le sanctuaire. D’ailleurs à bien y penser, le sanctuaire où l’Arche est entreposée est appelé en hébreu le DeVîR — bâti sur la même racine que DâVâR, la Parole. Le DeVîR, c’est donc le Sanctuaire, non pas au sens d’un lieu où YHWH siégerait comme un roi sur son trône, que comme un lieu — HaMMâQOM, LE LIEU, en hb, le terme qui désigne métaphoriquement le Temple de Jérusalem — LE LIEU, donc, d’où retentit sa PAROLE. La puissance du Sanctuaire, c’est qu’en sort la parole vivante de YHWH ; la parole qui donne la vie, au point que la tradition rabbinique enseignera que c’est à partir de CE LIEU, à partir du rocher sur lequel repose le Temple, que YHWH a commencé de créer le monde pour que la vie y émerge ; c’est de CE Lieu-là qu’ont retenti les Paroles qui ont fait que la Création est entrée dans le temps : Jour 1, deuxième jour, troisième jour, etc. On s’en souviendra quand on lira le premier chapitre de la Genèse.

Enfin bref, c’est en tout cas bien en tant que LIEU DE LA PAROLE de YHWH qu’on parle du sanctuaire, du DeVîR, comme du QoDèSh HaQQâDâShîM, le Saint des Saints. Raison pour laquelle, pendant longtemps, ce seront les prêtres, c’est-à-dire ceux qui peuvent aller au plus proche du DeVîR, qui seront chargés d’enseigner cette Parole. Par ailleurs, d’où a surgi le Décalogue ? De l’HoRèV qui est le tout premier DeVîR, le premier Sanctuaire du peuple d’Israël, avant même que ne soit construite la tente du désert. Et de montagne en montagne, au fil de la marche, on arrive à celle de Sion qui est la plus déterminante, puisque c’est là, d’après la tradition juive, où YHWH veut être honoré. Je dis d’après la tradition juive parce que sur ce plan, les Samaritains ont raison : ni Sion, ni Jérusalem ne sont mentionnées explicitement dans la TORâH ! Raison pour laquelle Jésus pourra répondre à la Samaritaine qui l’interroge : « La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que LE LIEU où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. » (Jn 4,19-21). Or en disant ça, Jésus ne récuse en rien la TORâH qui ne connaît même pas le nom de Jérusalem. Par ailleurs, au ch. 14, il dira à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous avez foi en Dieu, ayez foi aussi en Moi. Dans la Maison de mon Père — dans son Sanctuaire, le BéYT HaMiQeDDâSh —, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-Je dit que Je pars vous préparer un LIEU — pour adorer en vérité, évidemment ! Un Lieu d’où jaillit sa Parole comme une parole de vie, une parole créatrice, une parole divine ! Jésus ne parle pas ici d’une chambre d’hôtel ! — ? Quand je serai parti vous préparer un LIEU, Je reviendrai et Je vous emmènerai auprès de Moi — toujours pour adorer, pour entendre la Parole en vérité et que s’accomplisse la vocation même de YiSseRâ’éL qui est de servir YHWH, d’étudier la TORâH, la Parole dans la paix et être la Lumière des nations —, afin que là où Je suis, vous soyez, vous aussi. » (Jn 14,1-3). Évidemment, éclairé par la TORâH, cette parole de Jésus prend une toute autre dimension !

Enfin bref. Alors maintenant, jusqu’au v. 21, Moïse va s’attarder à faire mémoire du Taurillon d’or et de la colère de YHWH qu’il a eu bien du mal à apaiser. On retrouve l’épisode raconté en Ex 32 — en y ajoutant l’intercession de Moïse pour ‘AHâRoN en passant, une des rares fois où le grand-prêtre est nommé dans le Deutéronome, que le rédacteur prend bien soin de le positionner comme subordonné à Moïse ! — Par ailleurs, le texte nous raconte que Moïse a méticuleusement réduit ce taurillon en poussière — rappelons-nous l’art de la pierre moulée qui s’était transmise de génération en génération depuis Joseph. La pierre qui était symbole d’éternité, qui avait à voir avec les dieux, contrairement à la brique… C’est de cette façon que le Taurillon avait été fabriqué. Comment voulez vous sinon qu’une statue d’or soit réduite en poussière ? Je vous renvoie à tout ce que nous en avons dit dans l’introduction au livre de l’Exode.

Et comprenons bien ce qu’est véritablement en jeu derrière ce rappel. On va revoir une Nième fois l’histoire de YiSseRâ’éL, parce que sinon on n’y entend rien. On a dit, au commencement de l’histoire de Moïse, qu’il y avait eu au moins deux grandes vagues de migration depuis MiTseRaYîM jusque vers la frontière Nord de l’Empire. Une première juste après la mort de AKhéNaTôN, la seconde après RaMSèS IX, conduite celle-là par Moïse. On sait que la première vague s’est installée principalement au Nord de KaNa“aN : ce sont ceux que la tradition rattache aux héritiers de ‘ÈPheRaYîM et MeNaShèH, les fils de Joseph. Du coup, cette tradition n’a aucune raison de faire mémoire d’une arche quelconque. Sur ce territoire du Nord de KaNa“aN, on va vénérer YHWH qui est sans doute le Dieu secret adoré par Joseph, mais en lui rattachant la figure du Patriarche dont le nom égyptien était associé au taurillon — là je vous renvoie encore aux premières vidéos sur le livre de l’Exode. Et si de la même manière que, pour l’Exode, écouter Moïse, c’était écouter YHWH, alors on peut tout à fait imaginer qu’à travers le taurillon, les Israélites reconnaissaient en Joseph l’intermédiaire privilégié de YHWH. Du coup, on a deux façons de vénérer YHWH par une même famille : dans le Nord, on organise son culte autour du Taurillon, et dans le Sud, suite à la seconde vague de migration, on l’organise autour de l’Arche.

Alors maintenant on connaît la suite : invasion assyrienne, descente d’une part de la population du Nord dans le Sud pour se réfugier et assimilation des deux formes de vénération en une seule, avec ce raisonnement somme toute assez simple de la part des Judéens vis-à-vis de leurs frères du Royaume de YiSseRâ‘éL  : si votre culte de YHWH n’a pas su retenir l’invasion assyrienne, c’est que la seule manière dont YHWH veuille être vénéré est celle de Jérusalem ! Il a horreur du taurillon, et cette aversion va être posée au cœur même de la TORâH pour décourager toute velléité d’y revenir !

Là-dessus, nouvel Exil provoqué cette fois par Babylone, qui touche la Judée de plein fouet ! Du coup, à son tour, la forme de vénération assise sur l’Arche disparaît ! Donc plus de taurillon, mais plus d’Arche non plus, et évidemment plus de tables ! Et c’est comme ça que, dit très rapidement, toute cette histoire a peu à peu amené les Fils de YiSseRâ‘éL à épurer leur culte de YHWH. Désormais, au retour d’Exil, plus rien ne reste à vénérer d’extérieur : l’histoire a fait son chemin, consignée encore une fois dans la TORâH dont le but est de prémunir chaque génération des dérives qui menacent de faire perdre l’accès à la bénédiction, et donc de se faire un jour ou l’autre assimiler par les nations dont on ne sera plus différent !

Alors la fin du chapitre poursuit en évoquant les différents moments de rébellion racontées en Ex 17 et en Nb 11, mais surtout le refus de YiSseRâ’éL d’entrer sur le Sol par le Sud suite au retour des explorateurs qui racontent qu’ils ont vu les descendants de ‘ANâQ, les géants aux villes imprenables. Ça, c’était en Nb 14. On a déjà retrouvé le thème du début de chapitre où il s’agissait cette fois d’aller les affronter, on n’y revient pas. Ce qui importe ici, c’est l’insistance, comme aux v. 18 et 19, sur l’intercession de Moïse. Non pas une intercession qui apaiserait la fulmination de YHWH, qui n’est jamais que l’interprétation humaine d’un acte de pure justice : je veux dire par là : si YiSseRâ’éL ne veut pas suivre les commandements de YHWH, eh bien qu’il en supporte les conséquences ! Et comme ça conduit toujours à la catastrophe, le peuple en déduit que YHWH les a punis, mais non ! Il a respecté leur choix, en toute justice ! Or ce que nous apprennent nos versets, c’est que si on ne se base QUE sur la justice pour faire avancer les affaires, ça conduit tout autant à la catastrophe, comme nous le raconte l’histoire du Déluge avec Noé ! La justice est certes nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Il faut autre chose pour que l’homme puisse, non pas purement et simplement subir et assumer les effets mortifères de ses rébellions, mais grandir à travers ses échecs, à savoir la MISÉRICORDE. Bien sûr que ce peuple est insupportable ! Bien sûr qu’il ne vaut pas mieux que les Français ! Sauf que l’objectif n’est pas de le dédaigner, mais de le sauver, de le relever, toujours, encore et encore. Et ça, ça suppose une demande de sa part, et c’est cette demande, que Moïse est appelé à porter dans son intercession. Celui qui a donné la TORâH, qui est à la fois loi-cadre, enseignement et prière ; celui-là même va au-delà et en appelle à la Miséricorde. Et c’est là son épreuve : YHWH éprouve Moïse pour qu’il aille plus loin que la simple justice, de sorte que YHWH puisse La manifester. On est ici dans l’ordre de la maïeutique, et de ce point de vue, le récit est complètement dans la ligne de ‘AVeRâHâM devant Sodome et Gomorrhe, je vous renvoie à la vidéo qui commente cet épisode des ch. 18 & 19 de la Genèse. Mais il annonce aussi la mission du Christ Jésus, en passant par la figure du Serviteur souffrant de Yo’ShiYâHOu qui intercède, seul, en faveur du peuple de YHWH, et c’est encore de justice et de miséricorde qu’il s’agit : « Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, pénétré de souffrance, [le Serviteur de YHWH] comme celui qui voile de nous ses faces — comme un lépreux — ; méprisé, nous l’avons compté pour rien — Mais en fait à travers lui, c’est contre YHWH qu’Israël se rebelle —. Ainsi portait-il nos souffrances, était-il chargé de nos douleurs. Et nous, nous le comptions pour frappé, meurtri par ‘ÈLoHîM, affligé — vous entendez ? Dieu qui paraît punir ! Mais il faut aller plus loin —. Mais c’est à cause de nos rébellions — ah tiens ! — qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été meurtri. La sanction de paix était sur lui : c’est dans ses blessures, que nous voilà guéris. » (Is 53,3-5). Voyez : le Serviteur, et lui seul, intercède en sa chair devant YHWH pour que Miséricorde soit faite à YiSseRâ’éL infidèle… or c’est Moïse ici ! La TORâH est en train de nous dire qu’ultimement, il faudra toujours un Serviteur qui intercède pour YiSseRâ’éL, mais aussi qui  intercède pour tous les hommes, et c’est le Christ en qui nous, chrétiens, nous reconnaissons ce Serviteur, cet intercesseur de Miséricorde. Comme quoi voyez, d’une figure à l’autre, tout se tient, tout se construit..

Enfin quoi qu’il en soit, je vous laisse à présent lire ce chapitre et en tirer quelques-uns des enseignements qu’il contient. Il y en aurait tellement à dire encore ! Nous verrons la suite la prochaine fois.

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