06-07-2021

[Dt] Nous réconcilier avec notre Nature Filiale

Deuteronomy 6:4-5 par : Père Alain Dumont
Nous restons sur ces versets, tellement fondamentaux de la TORâH que Jésus les prendra à son compte pour les poser au fronton de la vie chrétienne. Nous nous interrogeons sur ce que signifie « ÉCOUTER », et ce que nous dit ce verbe sur la NATURE FILIALE de tout homme.
Tout un programme est contenu dans ces quelques lettres…
Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/ancien/pentateuque/deuteronome/ecoute-israel-dt-1-11/message/dt-nous-reconcilier-avec-notre-nature-filiale
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

______________________________________________________________

Bonjour,

Je vous propose de poursuivre notre lecture des v. 4-5 du ch. 6, tant ces versets sont fameux, au point que Jésus les citera explicitement suite à la question du scribe, vous vous souvenez : « L’un d’entre [les Pharisiens], versé dans la TORâH, pressa Jésus de questions pour lui soumettre une épreuve : “Rabbi, quel est le grand commandement dans la TORâH ?” Jésus lui déclara : “Tu aimeras de charité YHWH, ton ‘ÈLoHîM, dans tout ton cœur, dans toute ton âme et dans tout ton discernement. Voilà le grand et le premier commandement. Cependant qu’un second lui est identique : Tu aimeras de charité ton prochain comme toi-même. À ces deux commandements sont suspendus toute la TORâH et les Prophètes.” » (Mt 22,35-40). Alors déjà, on entend que « de toute ta puissance », qu’on a dans le Deutéronome, est devenu : « de tout ton discernement ». Dans Marc et dans Luc, Jésus dit : « De tout ton discernement et de toute ta force. » (Mc 12,30), comme ça, pas de jaloux.

Toujours est-il que le scribe ne semble pas étonné ; ce qui tend à signifier que l’extrapolation de Jésus appartenait à l’interprétation commune. Rien de très étonnant à ça dans la mesure où depuis le milieu du Ve siècle où la tradition Prophétique s’est éteinte pour faire place peu à peu à la tradition « Sapientiale » — on en a déjà parlé dans la dernière vidéo —, c’est-à-dire une tradition où YHWH n’ajoute plus rien : la TORâH est en place, à l’homme d’exercer sa « sagesse » à partir de ce fondement. Dit autrement, par la tradition sapientiale, YHWH encourage désormais son peuple à exercer son DISCERNEMENT, autrement dit : à INTERPRÉTER concrètement son histoire à la lumière de la TORâH, ce qui l’objet propre des Écrits de Sagesse, et puis plus tard, sous une autre forme, les écrits rabbiniques comme la MiShNaH ou la GéMaRa‘ qui composent le Talmud.

Le terme grec qu’emploie l’Évangile est dianoia, διάνοια, ἐν ὅλῃ τῇ διανοίᾳ σου, qu’on traduit habituellement par « intelligence ». Et de fait, dianoia, c’est effectivement l’intelligence, mais pas en tant que faculté, qui serait plutôt le noûs, νος, très rare dans la Bible, ou la sunésis, σύνεσις. Dianoia, c’est plutôt l’intelligence en acte de réflexion, donc en acte de DISCERNEMENT, ce qui rejoint l’idée d’INTERPRÉTATION. On a ça par exemple dans la première lettre de saint Jean : « Nous savons que le Fils de ‘ÈLoHîM a surgi et qu’Il nous a donné un discernement pour pénétrer le vrai — c’est-à-dire le Père révélé en son Fils Jésus, le Christ —. » (1Jn 5,20). Ou dans le Siracide, écrit, à peine 200 ans avant J.-C. : « Un cœur affermi sur un discernement d’intelligence est comme l’harmonie marbrée d’un mur peaufiné. » (Si 22,17). C’est joliment dit : par le DISCERNEMENT, on atteint l’harmonie — le cosmos, κόσμος en grec, c’est-à-dire l’harmonie d’un univers organisé selon leλόγος, le Logos, la Raison organisatrice, disaient les philosophes grecs de l’Antiquité dont la pensée allait peu à peu acculturer tout le Moyen-Orient conquis par Alexandre à partir du IVe siècle.

Toujours est-il qu’en ajoutant : « de tout ton discernement » à la citation de Dt 6,5, Jésus assume une tradition pour laquelle aimer YHWH ne consiste pas à contraindre à aimer, mais à conjuguer l’amour de YHWH avec l’exercice de l’intelligence — entendons par là l’exercice du discernement au sens de la pratique de l’INTERPRÉTATION qui caractérise l’homme LIBRE — ; une intelligence indispensable pour éclairer le cœur, c’est-à-dire la volonté — c’est la dimension RAISONNABLE de l’homme — de sorte que l’énergie de l’âme — l’énergie vitale qui est la part divine déposée en l’homme — puisse être orientée vers le haut ! Toujours cette vision d’élévation qui imprègne définitivement toute la TORâH, les Prophètes et les Écrits de Sagesse.

Et c’est là que le commandement du Deutéronome se distingue définitivement des formulations de traités assyriens sur lesquelles il se base, sans aucun doute, mais qu’il REVISITE de manière absolue puisque là où la formulation assyrienne, tout en parlant d’aimer, rend ESCLAVES du souverain les populations auxquelles elle adresse ; le commandement du Deutéronome, lui, s’inscrit dans la dynamique de MONTÉE initiée par la Sortie de MiTseRaYîM, et donc vise la LIBERTÉ de ceux à qui il s’adresse. On est aux antipodes !

Dès lors, on comprend mieux le trajet que nous font prendre ces versets. On passe de la CRAINTE, au v. 2, à l’amour libérateur au v. 5, ce qui n’est pas rien ! La CRAINTE, on l’a déjà souvent dit, ce n’est pas la peur ; la CRAINTE, c’est une vertu ! La CRAINTE, c’est la conscience qu’un AUTRE que moi existe dont je suis DÉPENDANT, puisque c’est Lui qui me donne d’exister. Or la grande expérience de la Bible, c’est que cet Autre PARLE ! Il parle, et chacune de ses paroles donne la vie ! Il est bien évident que si cet Autre ne parlait pas, il générerait la peur, comme dans toutes les mythologies, sous toutes les latitudes ! Mais non : précisément, il parle ; et sa parole est VIVANTE, VIVIFIANTE ; et plus je me mets à son ÉCOUTE, plus je prends conscience de sa grandeur, de sa noblesse, et plus je le CRAINS ; Lui qui m’a donné cette âme qui imprime en moi l’élan d’une VIE dont les ressorts m’échappent complètement, mais qui est pourtant pleinement remise entre mes mains ! La CRAINTE de YHWH, d’un point de vue biblique, c’est avoir conscience que je reçois tout de Lui, et que c’est BON ! « Ki ToV ! », ça, c’est le refrain qui ponctue tout le ch. 1 de la Genèse.

Dit autrement, dans un premier temps, la CRAINTE me fait percevoir YHWH comme un ROI dont je suis le SERVITEUR et qui me libère des limites du péché — MiTseRaYîM désigne l’Égypte, mais étymologiquement, ce mot signifie la frontière, la limite — Donc YHWH est ce ROI à nul autre pareil dont l’objectif est de LIBÉRER ses serviteurs des limites, des frontières ENFER-mantes du péché ; un ROI qui fait son office en me rachetant de la convoitise à laquelle je me suis VENDU, à laquelle je me suis livré moi-même comme prisonnier, puisque la convoitise a cet effet pervers qu’à tout instant, elle se retourne contre celui qui l’invoque, contre qui la revendique, pour le garder comme esclave. Mais YHWH est aussi et surtout ce ROI qui me convoque à m’élever ; un ROI qui me dit : « Je t’ai créé à mon image et à ma ressemblance » — toujours le ch. 1 de la Genèse —, à quoi il convient d’apparier l’appel lancé en Dt 6,4 : « Écoute YiSseRâ’éL ! » (Dt 6,4). Or dans la mesure où l’écoute relève de la vocation du FILS — rappelez-vous, on en a longuement parlé dans la vidéo intitulée : L’Esprit comme Puissance de Communion —, j’entends alors le ROI dire à YiSseRâ’éL, et par conséquent à chacun de ceux qui se greffent sur la racine de ce peuple pour s’abreuver à la source de la TORâH par Jésus ; donc en entendant : « Écoute YiSseRâ’éL ! », j’entend le ROI me dire : Je t’ai créé comme MON FILS : « Quand YiSseRâ’éL était jeune, je l'aimais, et c’est dès MiTseRaYîM que je l’ai appelé Mon FILS. » (Os 11,1) ; « Parle ainsi à Pharaon : “Ainsi parle YHWH : ‘Mon FILS, mon premier-né, c’est YiSseRâ’éL ! […] Laisse aller mon FILS pour qu’il Me serve !‘” » (Ex 4,22). Et bien entendu, Matthieu ne pourra pas ne pas reprendre cette parole prophétique à propos de Jésus, LE FILS par excellence du point de vue chrétien : « [Joseph] fut [en MiTseRaYîM] jusqu’au terme [de la vie] de Hérode [le Grand], afin que soit mené à sa plénitude ce qui fut ainsi parlé sous l’égide de YHWH par le prophète [Osée] : « C’est dès MiTseRaYîM que je l’ai appelé Mon FILS”. » (Mt 2,15).

Tout ça, en définitive, pour dire une chose somme toute assez simple : l’image et la ressemblance dont parle le rédacteur sacerdotal en Gn 1 n’est dans le fond rien d’autre que la NATURE FILIALE de ‘ÂDâM ; ce qui pose dans le même moment : d’une part une distinction entre ÂDâM et ‘ÈLoHîM : l’un n’est pas l’autre, le FILS n’est pas le PÈRE ; et d’autre part un lien entre eux : celui de la filiation et de la paternité. Sauf que ce lien doit être entériné librement par ‘ÂDâM ! ‘ÂDâM doit CONSENTIR à sa nature filiale, c’est-à-dire CONSENTIR à ne pas être à lui seul son commencement et sa fin ; CONSENTIR à vivre en COMMUNION SPIRITUELLE avec YHWH qui reste, quoi qu’il en soit, la seule et unique SOURCE DE VIE. Alors on connaît la suite : ÂDâM se laissera tenter de convoiter le statut de paternité divine ; son discernement sera dès lors obscurci par la convoitise : « je suis seul maître à bord, quant à l’autre : qu’il soit mon esclave ou qu’il meure ! » C’est toute l’histoire des ch. 4 à 11 de la Genèse. Mais voilà qu’à partir de ‘AVeRâHâM, YHWH qui ne se laisse pas envahir par le désespoir, va appeler UN homme, et à partir de lui : UN peuple ; et à partir d’un fils de ce peuple, Jésus, tout homme ; YHWH, donc, va appeler tout le genre humain sur le chemin d’une filiation consentie, au cœur de laquelle chaque génération va d’ailleurs faire elle-même une certaine expérience paternelle ; mais évidemment jamais au sens absolu, ce que Jésus exprimera explicitement : « N'appelez personne votre Père sur la terre ; car un seul est votre Père : Celui qui est dans les cieux. » (Mt 23,9).

Voyez, quand je prends conscience de la nature filiale de ma création, de mon existence ; lorsque j’y CONSENS, je comprends alors que YHWH, mon ROI, est dans le même temps Mon PÈRE . Et là, je passe de la CRAINTE à l’AMOUR : « Aime YHWH ! ». Mais en étant PÈRE, YHWH ne cesse pas pour autant d’être ROI, ce qui signifie que l’amour filial ne fait pas disparaître la crainte !

Ceci dit, c’est vrai que saint Jean écrit : « La charité — entendons maintenant : l’amour filial — la charité achevée bannit la crainte. » (1Jn 4,18). Mais quand saint Jean écrit ça, c’est du cœur de la TORâH qui lui inspire ces propos ! Or un fils de la TORâH ne peut pas affirmer que la CRAINTE devient obsolète ! Elle ne peut pas disparaître, redisons-le, puisque c’est par elle, et par elle seulement, que peut naître l’AMOUR FILIAL. Il faut donc entendre saint Jean à la lumière de la TORâH, et en particulier de Dt 6,1-5 : l’amour de charité, l’amour FILIAL DÉPASSE la CRAINTE, en nous rappelant  qu’avant de dépasser, il faut toujours et d’abord ATTEINDRE ! Donc la Charité portée à sa perfection, comme en Jésus qui est LE FILS par excellence, ATTEINT la CRAINTE qui instaure un rapport prioritaire à DIEU comme ROI ; et la DÉPASSE en révélant qu’en YHWH, la PATERNITÉ est prioritaire sur la ROYAUTÉ. Or l’air de rien, Jean ne pose rien de moins ici que la ligne de démarcation entre l’interprétation juive et l’interprétation chrétienne de la nature divine : pour un Juif, YHWH est d’abord le ROI qu’il faut CRAINDRE en appliquant fondamentalement les MiTseWOT, suite de quoi il est PÈRE — et de ce point de vue, ce raisonnement suit la dynamique des v. 1 à 5 de Dt 6. Mais pour un chrétien, à l‘écoute de Jésus, YHWH est d’abord PÈRE ; un PÈRE dont il faut consentir à être le FILS en s’attachant au Christ ; sans oublier pour autant que YHWH est ROI — nombre de paraboles de Jésus y font expressément référence —, et donc sans oublier qu’il y a un CADRE à tenir que le DÉCALOGUE exprime de manière aussi magistrale que laconique.

À partir de là, on peut alors discourir sur l’AMOUR qui constitue l’essence même de YHWH ; un AMOUR qui conjugue paradoxalement une dimension PATERNELLE et une dimension FILIALE — ça c’est la grande révélation chrétienne. Une dimension de PAROLE VIVANTE donnée , et une dimension d’ÉCOUTE qui reçoit cette PAROLE dans une gratitude aussi libre qu’infinie. Dès lors, si le projet divin dans la création se manifeste à travers la convocation du peuple à ÉCOUTER, sans vouloir résorber le hiatus qui sépare le ROI du Serviteur autant qu’il sépare le Père du Fils ; le projet divin n’est autre que de réconcilier ‘âDâM avec sa dimension FILIALE initiale.  Raison pour laquelle cet appel à l’ÉCOUTE résonne précisément entre les v. 2 et 5 de Dt 6, au v. 4 : « Écoute YiSseRâ’éL ! », dans la mesure où cette ÉCOUTE est le porche qui fait passer de la crainte à l’amour.

L’ÉCOUTE se présente donc, pour le dire autrement, comme le nerf de la foi qui est L’ACTE FILIAL par excellence ! En effet, : « Comment invoquer le Seigneur si on n’a pas mis sa foi en Lui ? Mais comment mettre sa foi en Lui si on ne l’a pas écouté ? Et comment écouter si personne ne proclame ? […] Car la foi vient de ce qu’on écoute, et ce qu’on écoute, c’est la Parole du Christ. » (Rm 10,14.17). Ici, Paul n’élabore aucune théorie personnelle : il n’est ici rien d’autre qu’un digne disciple de la TORâH par laquelle il se sait d’autant plus en pleine COMMUNION avec Moïse qu’il est en COMMUNION avec Jésus. Lui qui, en tant que Juif, CRAINT YHWH comme ROI ; lui qui a une conscience éperdue de Son existence et de Sa présence vivifiantes ; Paul fait l’expérience que l’interprétation de la TORâH par Jésus lui donne d’accomplir ce à quoi convoque précisément toute la TORâH ; à savoir inverser le rapport de la CRAINTE à l’AMOUR FILIAL ; permettre à la crainte, par l’ÉCOUTE de YHWH à la lumière du Christ Jésus, d’ouvrir le chemin de l’amour de charité ; d’ouvrir définitivement le chemin de l’AMOUR FILIAL auquel Jésus conduit à travers tout son enseignement et sa vie dont la vérité sera signée par sa mort et sa résurrection. Voilà tout le sens de cette phrase essentielle du Christ : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6).

ÉCOUTER est à la racine de la FOI ; une FOI qui ne se départit pas de la CRAINTE de YHWH — avoir conscience de la primauté de son existence sur la mienne — ; mais qui s’accomplit pour les chrétiens dans l’attachement à la figure de Jésus qui se présente comme FILS du PÈRE éternel. Or le FILS n’est pas d’abord celui qui est engendré physiologiquement ! Le FILS, c’est celui qui se reçoit d’une figure paternelle ; qui se met à l’écoute d’un PÈRE en qui il trouve le soutènement qui lui offre de pouvoir développer en lui ce qu’il y a ce meilleur. C’est par l’ÉCOUTE du PÈRE que Jésus peut dire qu’il est LE FILS ; entendons par là qu’Il est Celui qui ÉCOUTE de toute éternité la Parole Source du PÈRE ; ce FILS dont la Parole, qui est directement le fruit de cette ÉCOUTE, est identiquement celle du Père ; au point que pour nous, écouter le Fils, c’est écouter le Père ; et du coup devenir fils à notre tour, « par le FILS éternel ». « C’est Moi qui suis le chemin, et la Vérité, et la Vie. Aucun ne vient vers le Père, sinon PAR Moi. » (Jn 14,6). Autrement dit : « Aucun ne devient FILS, sinon PAR MOI ; Moi qui vous initie à la véritable ÉCOUTE de YHWH, à la véritable ÉCOUTE du PÈRE.

Difficile d’exprimer plus clairement le fait que, par Jésus, nous nous trouvons réconciliés avec notre NATURE FILIALE — perdue par ‘ÂDâM qui a refusé d’écouter — ; autrement dit : c’est par Jésus que renaissent en nous l’image et la ressemblance dans lesquelles nous avons été créés : « Celui qui M'a envoyé est véridique, et ce que J'ai écouté de Lui, voilà ce que J’adresse au monde. […] Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous pénétrerez ce que Je suis ; que Je ne fais rien de moi-même, mais que Je parle selon ce que le Père M'a enseigné. » (Jn 8,26.28)

« Ne crois-tu pas que Je suis dans le Père, et que le Père est en Moi ? Les paroles que Je vous dis, Je ne les dis pas de Moi-même ; et le Père qui demeure en Moi, c'est Lui qui fait les œuvres. » (Jn 14,10)

« Celui qui ne M'aime pas ne garde pas mes paroles. — vous entendez le rapport entre aimer et ÉCOUTER ? — Et la parole que vous écoutez n'est pas de Moi, mais du Père qui M'a envoyé. » (Jn 14,24)

« Je leur ai donné les paroles que Tu M'as données — voilà le Fils et le Père — ; et ils les ont reçues — ils les ont écoutées —, et ils ont vraiment connu que Je suis sorti de Toi ; et ils ont eu foi en ce que c’est Toi qui M'as envoyé. » (Jn 17,8)

Voilà : ÉCOUTER Jésus, c’est apprendre à écouter le PÈRE en pleine Lumière ; et c’est offrir à l’ESPRIT SAINT, qui ne cesse de SOUFFLER en nous les paroles vivifiantes du PÈRE rapportée par le FILS, de nous faire passer peu à peu de la Crainte à l’amour filial qui consent à ne pas se faire Père à la place du Père, pour tout recevoir de Lui dans la joie de la GRATITUDE : « Tous ceux qui sont menés par l’Esprit de ‘ÈLoHîM, ceux-là sont fils de ‘ÈLoHîM — c’est-à-dire que l’Esprit leur rappelle les mots du Christ qui sont les mots mêmes du Père —. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit de servitude pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption filiale par lequel nous crions : “‘âBa ! Père !” ». (Rm 8,14-16). Dit autrement, la CRAINTE est le premier rempart contre tout esprit de CONVOITISE ; mais quand la CONVOITISE disparaît, grâce à l’AMOUR FILIAL auquel la crainte nous a introduits ; quand on reconnaît en soi cette NATURE FILIALE qui nous fait reconnaître YHWH comme PÈRE, ‘aBa ; eh bien on s’aperçoit que cette NATURE FILIALE n’est rien d’autre que la PART DIVINE de notre être ! Depuis le commencement, quand nous avons été créés à l’image et à la ressemblance du FILS éternel ! Ça va quand même drôlement loin !

Voilà en tout cas comment les chrétiens entendent l’accomplissement de la promesse faite à Moïse au ch. 18 du Deutéronome : « Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi, Je mettrai Mes paroles dans Sa bouche, et Il leur dira tout ce que Je Lui commanderai. » (Dt 18,18). Il n’est donc pas étonnant que Jésus ait enseigné ses disciples en mettant ses paroles dans leur bouche ; en leur faisant apprendre par cœur ses paroles, mot pour mot ; puisque dans Sa propre bouche, Ses paroles ne sont autres que celles du Père ; et que par ses paroles, après la résurrection qui allaient valider leur puissance vivifiante, les disciples se redécouvraient FILS du PÈRE.

-

Voyez, c’est dans cette optique jubilatoire que le Deutéronome fait de la TRANSMISSION — puisque c’est de ça qu’il s’agit en définitive — une de ses thèses majeures, en promouvant cette ÉCOUTE qui conditionne la pérennité de l’Alliance de génération en génération, jusqu’à Jésus Christ et au-delà. Et c’est cette TRANSMISSION du Maître à son disciple comme du père à son fils que thématiseront, entre autres, les livres de Sagesse : « Écoute mon fils l’instruction de ton père… » (Pr 1,8) ; « Mon fils, si tu reçois mes paroles et abrites en toi mes préceptes… » (Pr 2,1) ; « Mon fils, n’oublie pas mon enseignement et que ton cœur — Ah tiens ! — garde mes préceptes… » (Pr 3,1) ; « Mon fils, sache que faire beaucoup de livres n’a pas de fin […] Ayant tout écouté, crains YHWH et observe ses commandements : c’est là le tout de l’homme. » (Qo 12,12.13) ; « Moi, votre père, écoutez-moi, fils, et agissez de telle sorte que voyez sauvés ! » (Si 6,4) ; « Venez mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte de YHWH ! » (Ps 34(33),12), etc.

Alors allons jusqu’au bout, pour bien comprendre : aussi surprenant que ça puisse paraître, ce phénomène d’Écoute ne touche pas seulement l’homme, mais YHWH en son être le plus profond ! En YHWH subsiste ce qu’on appelait du temps de Jésus les « deux puissances dans le ciel » ; deux puissances que Jésus désignera précisément des noms de Père et de Fils éternels ; où le Fils reçoit, ÉCOUTE tout de son Père qui est la Source ; cette paternité et cette filiation éternelles étant le support de l’Amour qu’ils partagent l’un pour l’autre, dans une COMMUNION spirituelle d’où jaillit l’ESPRIT qui déborde d’Eux-mêmes pour opérer la Création sous la présidence du Fils qui accomplit la volonté du Père. Or dans cette Création, celui qui sera le support de cette COMMUNION, c’est l’Homme, ‘ÂDâM, créé pour ce faire « à l’image et à la ressemblance de ‘ÈLoHîM », c’est-à-dire créé comme FILS. La seule créature capable de se mettre à l’ÉCOUTE de la Parole vivifiante de YHWH comme de son PÈRE ; et en COMMUNIANT FILIALEMENT avec Lui, poursuivre la Création, la travailler de l’intérieur — être son âme — et l’élever sans fin.

Reste qu’il faudra néanmoins redécouvrir cette réalité peu à peu, péniblement, après le péché par lequel la convoitise est venue barrer cette transmission. Mais en tous les cas, voilà ce à quoi s’attelle la TORâH, et en particulier notre Deutéronome.

« Aime YHWH, ton ‘ÈLoHîM ! » signifie donc en dernier ressort : réconcilie-toi, consens à ta nature filiale ; sois un fils pour YHWH. Et c’est ce qu’accomplira Jésus, comme le chante Paul dans son hymne aux Éphésiens : « Béni soit ‘ÈLoHîM, le Père de notre Seigneur Jésus, le Christ ; qui nous a bénis en une totale bénédiction de l’Esprit aux Ciels, dans le Christ, quand Il nous a choisis en Lui avant la fondation du monde, pour être consacrés et sans reproche face à Lui, dans la Charité. Il nous a prédestinés pour Lui à une adoption filiale par Jésus, le Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé. » (Éph 1,3-6). Vous entendez ? Jésus nous rétablit dans notre être FILIAL : voilà la BÉNÉDICTION des bénédictions, la ressource absolue qui nous rend victorieux de toutes les épreuves que nous pouvons traverser en étant FILS, et donc frères et sœurs, dans l’Église. Tout ça grâce à Jésus, le Bien-aimé, c’est-à-dire le FILS, Celui qui sait parfaitement et de toute éternité Écouter le Père et vivre avec Lui dans une COMMUNION SPIRITUELLE PARFAITE à laquelle tous deux nous convoquent pour y participer en entrant librement, FILIALEMENT dans cette Écoute vivifiante du PÈRE : ce que la tradition chrétienne appelle notre DIVINISATION.

Disons encore les choses autrement : cette dimension filiale dépose dans la Création la faculté d’y transmettre une MÉMOIRE. C’est par cette capacité de transmission que l’homme passe, pour ainsi dire, de la simple “espèce” à la “NATURE humaine” — le fameux : “On ne naît pas homme, on le devient.” de nos anciens — On peut toujours faire une “histoire de l’espèce humaine”, à la manière de Yuval Harari dans son best-seller Sapiens — on en a déjà parlé. Mais sa lecture bouddhiste de l’histoire de l’Homo Sapiens n’est jamais qu’une réduction matérialiste de la nature humaine au rand d’espèce animale. Alors ok, cette espèce est capable du pire ; mais pourquoi lui dénier ; pourquoi lui retirer par principe toute capacité au meilleur ? Sauf que ce meilleur passe par l’ÉCOUTE FILIALE, ce à quoi des auteurs comme Harari se refusent absolument au nom de leur science ; ce à quoi croient éperdument les auteurs bibliques en surmontant, grâce à la TORâH, la tentation du désespoir.

Quoi qu’il en soit, la révélation de l’unicité de YHWH : « Écoute Israël, YHWH notre ‘ÈLoHîM, YHWH est UN » (Dt 6,4) ne définit rien de moins que le mystère de l’élection qui nous illumine en nous rendant décidément notre nature FILIALE. Pour la Bible, la question n’est pas de déduire l’essence divine à partir d’une pur logique rationnelle, mais d’ouvrir à l’homme les voies de la sagesse — la RAISON RAISONNABLE — qui le prépareront à recevoir YHWH tel que LUI veut LIBREMENT se révéler. L’unicité divine qu’évoque le v. 4 surgit de la pénétration de cette sagesse ; une unicité qui ne s’impose pas conceptuellement à un monde qui refuse d’écouter, mais qui n’en demeure pas moins LÀ, comme une unicité objective qui s’offre à qui veut bien l’entendre RAISONNABLEMENT. Et finalement, nul ne peut dire « YHWH est UN » s’il ne dit pas auparavant : « YHWH notre ÈLoHîM » — non pas même “mon ÈLoHîM]” mais bien “notre ÈLoHîM” qui traduit la foi d’une COMMUNAUTÉ, d’un peuple UN qui consent à se recevoir comme un peuple de FILS ; tous FRÈRES lorsqu’ils se mettent à l’écoute du DIEU UN comme de leur DIEU PÈRE.

Donc vous voyez, il y a à partir de ces quelques mots un vrai travail d’assimilation sapientielle ; c’est-à-dire un vrai travail de sagesse où l’homme se trouve préparé à être élevé dans une COMMUNION SPIRITUELLE aux conséquences surnaturelles inattendues, puisque c’est d’amour filial, et donc de LIBERTÉ et donc de CHARITÉ qu’il est question : un AMOUR FILIAL envers YHWH d’où procède L’AMOUR FRATERNEL vécu entre tous ceux qui partagent ce même AMOUR FILIAL pour YHWH, dès ce monde-ci ; comme la préfiguration de la Vie éternelle à laquelle YHWH nous convoque. Pas seulement une relation de vassal à suzerain, de serviteur à seigneur ; mais une COMMUNION SPIRITUELLE de PÈRE à FILS, d’ÉPOUX à ÉPOUSE, c’est-à-dire au plus intime des liens qui peuvent exister entre des êtres RAISONNABLES, c’est-à-dire doués de discernement, hommes ou DIEU. Du coup, c’est toute l’histoire de l’Élection qui s’éclaire : une Élection de FILS, qui se structure dans l’Alliance, qui se discerne dans la Sagesse d’une tradition qui se développe de génération en génération et qui se concrétise, qui s’accomplit en plénitude dans le grand commandement de la Charité.

Cette charité répond donc à la CONVOCATION du PÈRE, à laquelle l’homme RÉPOND selon la totalité de son être filial, à savoir :
– TOUT son cœur comme lieu de la volonté ;
– TOUTE son âme comme le sujet qui agit à la lumière de la TORâH et de l’Évangile ;
– et TOUTE sa puissance comme la capacité charnelle mise en œuvre pour grandir et, dans cette communion renouée avec YHWH, porter un fruit surnaturel qui demeure.

La barre est évidemment placée très haut, et le drame de l’auteur deutéronomiste, au moment où il écrit ces lignes inspirées, est de savoir pertinemment que YiSseRâ’éL n’a pas su porter un tel commandement. Preuve en est : la malédiction de l’Exil où il se trouve. Dès lors, reprenant toute la tradition prophétique et l’inscrivant dans les fondements de la TORâH, le rédacteur, imprégné de Sagesse, dans la force de l’INSPIRATION DIVINE, exprime l’espérance de la conversion de YiSseRâ’éL qui lui donnera de revenir à la racine même de son Élection portée par la figure de Moïse. On ne saurait mieux exprimer la radicalité absolue de ce premier et si grand commandement que Jésus nous fera la grâce de porter à son accomplissement, pour nous ouvrir le chemin de la VIE et de la BÉNÉDICTION offertes aux Fils de YHWH dont la Création attend patiemment, au prix de bien des souffrances, c’est vrai, la manifestation : « La Création est à l’affût du dévoilement des fils de Dieu qu’elle attend depuis bien longtemps ! » (Rm 8,19).

Je vous laisse sur ces considérations. Vu l’importance de ces versets, il était indispensable d’y passer du temps. Nous verrons la suite la prochaine fois.

Je vous remercie.
______________________________________________________________

Les Psaumes expriment le dialogue permanent de l'homme avec son Dieu.


David les a écrits, Israël les a reçus et les chante encore chaque jour. Comme tout juif, Jésus les connaissait par cœur. Après la Résurrection, l'Église les a fait siens, précisément parce qu'ils étaient la prière quotidienne de Jésus. C'est donc Lui qui, aujourd'hui, nous les donne à chanter comme sa propre prière. Il convenait de leur laisser une place privilégiée dans un site consacré à l'écoute de la Bible.

Ici, les tutoriels ne nous expliquent pas les Psaumes : ils les mettent en œuvre pour vous aider à préparer la psalmodie de chaque dimanche. Car il ne suffit pas de "réciter" les Psaumes. Il faut les chanter, et laisser la mélodie leur donner chair.

Les Psaumes sont classés par année (A, B ou C), selon les différents temps liturgiques. Cliquez sur le Psaume que vous avez la charge de chanter au nom de votre communauté, et prenez le temps de répéter à l'aide du tutoriel, autant de fois que nécessaire pour vous permettre d'assurer votre voix.

  • Attention à garder le tempo, sans ralentir ni accélérer.
  • La psalmodie demande une voix soutenue et sûre.
  • Pour cela, pensez toujours à bien prendre votre respiration et à appuyer votre phrasé sur la première syllabe de chaque verset. 

Pour apprendre les principes généraux de la psalmodie, pensez à regarder la vidéo du bas de la page.

Apprendre à chanter