02-07-2021

[Dt] YHWH est UN ! Aime YHWH !

Deuteronomy 6:1-5 par : Père Alain Dumont
Nous entendons aujourd’hui des versets parmi les plus célèbres de la Bible. Mais en fait, que veut dire que YHWH est UN ? Et quel sens revêt le commandement de L’aimer ?
Comment le prophète
YeSha“eYâHOu / Isaïe joue-t-il un rôle prépondérant dans cette théologie de ‘ADoNaï ‘èH.âD / du DIEU UN ?
Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/ancien/pentateuque/deuteronome/ecoute-israel-dt-1-11/message/dt-yhwh-est-un-aime-yhwh/
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui certainement un des passages les plus célèbres de la TORâH, où se trouve le fameux : « SheMa“ YiSseRâ’éL, ADoNaï ‘ÈLoHéYNOu, ‘ADoNaï ‘èH.âD » : « Écoute YiSseRâ’éL, YHWH, notre ‘ÈLoHîM, YHWH est UN » (Dt 6,4).

Alors d’abord redisons-le : il ne faut pas oublier que le Décalogue précède immédiatement, ce qui a pour effet de placer toutes les paroles du livre sous le sceau de ce travail essentiel de libération intérieure ; sous le sceau de ce travail de MONTÉE jusqu’à la Ressemblance avec YHWH, pour reprendre les termes du rédacteur sacerdotal qui n’est jamais loin, les deux écoles étant intimement associées pour composer la TORâH.

Alors lisons déjà les v. 1 à 3 : « Voici le commandement, les décrets et les jugements que YHWH, votre ‘ÈLoHîM, commande de vous apprendre pour les faire sur le sol où vous passez pour en hériter, afin de CRAINDRE YHWH, ton ‘ÈLoHîM, de garder tous ses décrets que MOI, Je vous commande, à toi, à ton fils, au fils de ton fils, tous les jours de ta vie, afin de prolonger tes jours. Écoute YiSseRâ’éL, et garde ce qui est BIEN pour toi pour le faire, et pour que vous multipliiez beaucoup, comme a parlé YHWH, le ‘ÈLoHîM de tes pères ; sur un sol ruisselant de lait et de miel. » (Dt 6,1-3). Là, quand on est un peu habitué, on reconnaît des thèmes de la littérature biblique de sagesse — les livres SAPIENTIAUX, de sapiensia en latin qui signifie l’intelligence, le bon sens, et donc la Sagesse —. Ces écrits sont tardifs, autour du Ve siècle avt J.-C. Par exemple, on reconnaît ici l’idée de CRAINTE : « Commencement de la connaissance : la crainte de YHWH ! » (Pr 1,7). Et rappelons-nous : la crainte n’est pas la “peur que l’autre me fasse du mal”, mais plutôt la “peur de faire du mal à l’autre”, notamment par la convoitise. On reconnaît aussi dans ces versets l’idée de la transmission de père en fils, toujours dans le livre des Proverbes entre autres, un peu plus loin : « Écoute, mon fils, l’instruction de ton père ; ne rejette pas la TORâH de ta mère ! » (Pr 1,8). Et puis il y a cette notion de « bien » à garder, qui est elle aussi toute sapientielle et qui rejoint l’idée de BÉNÉDICTION que le Deutéronome exprimera dans des termes similaires à la fin du livre : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous les cieux et le sol : Je donne face à vous la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant YHWH ton ‘ÈLoHîM — on va entendre ces mêmes mots d’ici quelques versets —, pour écouter sa voix et t’attacher à Lui ; c’est Lui ta vie, la longévité de tes jours sur le sol que YHWH a juré de donner à tes pères, ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya”aQoV. » (Dt 30,19-20). Là on comprend que le BIEN qui occupe nos versets n’est pas un bien-être qu’on s’octroie, mais les actes d’élévation, les décisions vivifiantes qui creusent l’écrin qui saura recevoir la BÉNÉDICTION de YHWH ; un écrin spirituel qui permet à YiSseRâ’éL d’ensemencer en lui les ressources nécessaires qui permettront au peuple de relever les défis de son histoire. Or l’acte de foi en ‘ADoNaï ‘èH.âD est au cœur de ce travail spirituel, raison pour laquelle il participe, avec le Décalogue, au noyau primitif du Deutéronome autour duquel tout le reste sera composé.

On considère en effet aujourd’hui que ce v. 4 fait partie du Deutéronome primitif “découvert” par le roi Yo’ShiYâHOu / Josias, dans le Temple de YeROuShâLaYiM / Jérusalem au cours du dernier tiers du VIIe siècle. Yo’ShiYâHOu a régné en YeHOuDâH  / Juda de 639 à 609 avant J.-C et sa réforme date de 621 : « La Dix-huitième année du roi Yo’ShiYâHOu, le roi envoya le scribe ShâPhâN, fils de ‘ATsaLeYaHOu, fils de MeShouLLâM, à la Maison de YHWH… H.iLeQiYYâHOu, le Grand Prêtre, dit à ShâPhâN, le scribe  : “J’ai trouvé le rouleau de la TORâH dans la Maison de YHWH !”. H.iLeQiYYâHOu donna le rouleau à ShâPhâN qui le lut… Et ShâPhâN, le scribe , informa le roi en ces termes : H.iLeQiYYâHOu, le prêtre, m’a donné un rouleau”, et ShâPhâN le lut devant le roi. » (2R 22,3.8.10). Les exégètes estiment pour la plupart que ce rouleau devait être constitué du Décalogue et de nos v. 4-5, introduisant quelques passages du Code législatif qu’on décèle à divers endroits du livre, classiquement — pour ceux que ça intéresse : Dt 12,13-18 et Dt 28. La recherche sur ce point est encore en discussion, mais quoi qu’il en soit, ce v. 4 affirme donc, à partir du VIIe siècle, que YHWH est UN, affirmation mise par le rédacteur deutéronomiste sous l’égide de Moïse. Reste néanmoins à savoir en quel sens.

Rappelons d’une part que jusqu’à Yo’ShiYâHOu, depuis vraisemblablement un millénaire, cette zone du Proche-Orient connaît plusieurs YHWH : il y a YHWH de MaDiâN, YHWH de TéYMâN, YHWH de ‘ÉDOM, etc. Mais on trouve aussi en KaNa“aN : YHWH de BéYT-‘ÉL ; YHWH de ShîLoH ; YHWH de ShoMeRON / Samarie, YHWH de YeROuShâLaYiM, etc. Chaque région le vénère à sa manière, en particulier ‘ÉDoM dont le culte de YHWH est réputé comme le plus profond et le plus sage de tous — Job en est le meilleur exemple que les compilateurs de l’Ancien Testament n’ont pas hésité à intégrer, alors même que Job n’est ni Juif, ni même plus largement israélite. Il ne faut pas être surpris de cette multiplicité : c’est un peu, par analogie, comme les catholiques qui parlent aujourd’hui du Sacré-Cœur de Montmartre ; du Sacré-Cœur d’Issoudun ou du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial ; etc. En soi, c’est le même mystère du Salut par le Christ Jésus qu’on célèbre dans chacun de ces sanctuaires, mais avec des attachements et sous des aspects formels particuliers qui façonnent le caractère propre de chaque dévotion. Ceci dit, ce qui caractérise la dévotion de YHWH en KaNa“aN, en particulier le territoire qui correspond à ‘ÈPheRaYîM, BiNeYâMiN et MeNaShèH — les trois tribus issues de RâH.éL, la seconde femme de Ya”aQoV —. Ce qui caractérise donc la dévotion de YHWH en KaNa“aN, c’est la mémoire d’une sortie de MiTseRaYîM, possiblement associée à l’Arche d’Alliance longtemps conservée au sanctuaire de ShîLoH, au nord de BéYT-’ÉL, au cœur du territoire de ‘ÈPheRaYîM, avant d’être déposée à QiReYaT-Ye“âRîM, non loin de YeROuShâLaYiM, sur une colline de Abou-Gosh, à la frontière de BiNeYâMiN et de YeHOuDâH. Je dis que l’Arche est « possiblement » associée à une histoire de sortie de MiTseRaYîM, parce qu’à bien y regarder, on s’aperçoit en fait que Moïse n’est jamais mentionné dans l’histoire de DâWiD pour qui l’Arche jouera un rôle important ! Moïse ne sera d’ailleurs pas mentionné dans l’histoire royale avant 2R 14,6, deux fois à propos de H.iZeQiYYâHOu / Ézéchias, ainsi qu’au ch. 18 ; et deux fois à propos de Yo’ShiYâHOu en 2R 21,8 et 23,25… tout comme il n’apparaît jamais que deux fois chez les prophètes, en Is 63,11-12 et en Ba 2,28 : donc dans des textes postexiliques… Alors forcément, on s’interroge : comment une figure placée au fronton de la Bible peut-elle être autant ignorée dans les anales de l’histoire ? Et c’est là que ça commence à être vraiment intéressant, parce que c’est là qu’on sort d’une vision d’un livre “dicté” d’en-haut à la rédaction d’une TORâH qui allie l’inspiration à la raison humaine ; comme une première collaboration divino-humaine dont on va voir dans les vidéos suivantes qu’une telle collaboration est précisément le signe de l’avènement du Royaume : la MALÉDICTION, c’est le refus de cette collaboration ; la vie éternelle, la BÉNÉDICTION tient dans le consentement à cette collaboration. On y reviendra.

Tout ça pour dire qu’en définitive, cette histoire de Sortie de MiTseRaYîM n’est pas d’emblée associée à YHWH — je vous parlerai prochainement des récentes recherches concernant l’origine du culte de YHWH, vous verrez, c’est aussi passionnant que l’histoire du patriarche YOSéPh / Aménophis ! — ; donc cette histoire de Sortie de MiTseRaYîM n’est pas d’emblée associée à YHWH mais appartient primitivement en propre à la mémoire des tribus du CENTRE de KaNa“aN ; elle ne rejoindra la mémoire de YeHOuDâH qu’à l’occasion de l’invasion Assyrienne qui poussera les populations du Nord vers le Sud. Elle sera alors peu à peu intégrée à une mémoire unificatrice de TOUT YiSseRâ’éL pour composer un récit national  qui sera développé à partir de l’Exil pour composer les cinq livres de la TORâH, et dont le Décalogue et notre v. 4 pose les fondations ; une mémoire qu’on peut déjà, à partir de Yo’ShiYâHOu et de son code, qualifier proprement de ‘Juive’ puisque désormais, TOUT YiSseRâ’éL se rassemblera au BéYT HaMiQeDDâSh, litt. la Maison de Sainteté, c’est-à-dire au Sanctuaire de YeROuShâLaYiM, sur le territoire de BiNeYâMiN associé au royaume de YeHOuDâH.

Donc : jusqu’à l’invasion assyrienne, les sanctuaires dédiés à YHWH sont assez divers, attachés à des populations et des traditions différentes, y compris sur le sol de KaNa“aN entre d’une part YiSseRâ’éL, au Nord, sous l’égide principale de ShoMeRON / Samarie, et d’autre part YeHOuDâH / Juda, au Sud, sous l’égide de YeROuShâLaYiM / Jérusalem. Deux salves d’invasion par l’Assyrie auront raison de YiSseRâ’éL entre 745 et 722, de sorte qu’à l’époque de H.iZeQiYYâHOu / Ézéchias, roi de YeROuShâLaYiM, outre les déportations vers l’Est d’une partie de la population du Nord, on assiste à une émigration d’une autre partie de cette population vers la région Sud, en YeHOuDâH, qui abritera désormais le seul sanctuaire officiel de YHWH de KaNa“aN. Un siècle plus tard, vers 620, l’Assyrie en perte de puissance relâche la pression sur le pays à cause des soulèvements de sa province de Babylone. Yo’ShiYâHOu, le roi de YeHOuDâH à cette époque, va alors en profiter pour restaurer le Temple de SheLoMoH / Salomon et recentrer le culte à YeROuShâLaYiM autour du slogan de notre v. 4 : YHWH est UN dans le sentiment assuré que puisque le BéYT HaMiQeDDâSh de YeROuShâLaYiM est seul à subsister de tous les sanctuaires de YHWH en KaNa“aN, c’est bien la preuve que YHWH désire être vénéré selon la tradition de YeHOuDâH, à YeROuShâLaYiM où tout le peuple devra désormais MONTER — ça n’est pas pour rien que ce terme est utilisé — pour se rassembler et célébrer, entre autres, les fêtes mémoriales du calendrier.

Bref : la devise : « ADoNaï ‘èH.âD » = YHWH est UN, va donc présider dorénavant à l’unité du peuple rassemblé sur le territoire de YeHOuDâH. Désormais, YHWH est donc UN au sens où il UNIFIE, où Il fonde l’unité du peuple Juif.

Par la suite, en 587, les Babyloniens vont envahir cette fois YeHOuDâH, détruire YeROuShâLaYiM et le BéYT HaMiQeDDâSh ! Du coup : nouvel Exil des notables, à Babylone cette fois ; toujours la Mésopotamie donc, et il est vraisemblable que les notables nouvellement exilés y aient retrouvé des communautés de cousins israélites et se soient installés avec eux. Il y aura aussi des fuites depuis  YeROuShâLaYiM vers le Sud, c’est-à-dire en MiTseRaYîM, notamment avec Jérémie. Néanmoins, on peut dire que le slogan de Dt 6,4 est suffisamment ancré dans la chair du peuple Juif pour prendre, à l’occasion de cette dispersion babylonienne, une dimension universelle ; notamment grâce au prophète YeSha“eYâHOu / Isaïe sur l’œuvre de qui on va prendre le temps de s’arrêter rapidement.

En deux mots : le livre de YeSha“eYâHOu présente un itinéraire spirituel extraordinaire par lequel le prophète dévoile le secret de la fidélité de YHWH à la Maison de David ; une fidélité que le prophète NâTâN avait révélée au roi dans le second livre de SheMOu‘éL , au ch. 7. La première partie du livre de YeSha“eYâHOu court du ch. 1 au ch. 33 :

– Les 12 premiers ch. présentent le prophète comme un homme de visions attaché à la Maison de David — là, on est au VIIIe siècle, donc à l’époque du roi H.iZeQiYYâHOu / Ézéchias, une des plus grandes figures de la période royale telle que la rapporte la Bible. Au début du ch. 2 , on entend notamment YHWH exposer son dessein universel de Salut à partir du BéYT HaMiQeDDâSh de YeROuShâLaYiM — le Sanctuaire de Jérusalem — où les nations afflueront pour écouter sa TORâH.

– Les ch. 13 à 33 passent en revue les nations ennemies de YiSseRâ’éL — à commencer par Babylone — et annoncent le jugement de YHWH à leur encontre — sachant que YeROuShâLaYiM ne sera pas épargnée par ce jugement : de la même manière que dans la TORâH, la génération infidèle du désert devra laisser la place à une nouvelle génération dont le désir de servir YHWH motivera l’entrée sur le Sol promis, YiSseRâ’éL parti en exil à cause de son infidélité à YHWH devra attendre l’avènement d’une nouvelle génération de déportés dont le désir de servir YHWH motivera le retour à YeROuShâLaYiM. On voit bien comment ici, le discours de Moïse au fils du Deutéronome sert de figure pour exalter et légitimer le retour de toute génération exilée à YeROuShâLaYiM, quelle que soit l’époque — au moins pour une partie en tout cas. L e prophète annonce alors que YHWH pourra fonder Sa royauté universelle à partir de Sion, le fameux Mont MoRîYYâH dont on a parlé il n’y a pas si longtemps, c’est-à-dire la colline de YeROuShâLaYiM sur laquelle est édifié le BéYT HaMiQeDDâSh, le Sanctuaire qui abrite le trône de YHWH.

– La seconde partie du livre, qui va du ch. 34 au ch. 66, montre quant à elle comment YHWH va mettre en œuvre son dessein de Salut exprimé dans la vision du ch. 2 : en fait, selon le prophète YeSha“eYâHOu, il se trouve que même à travers ses meilleurs représentants comme notamment H.iZeQiYYâHOu/ Ézéchias, la Maison de David s’avère incapable de mettre en œuvre le dessein de YHWH. Ce dessein sera donc accompli par un mystérieux Serviteur ; un Serviteur Souffrant que YHWH glorifiera, et par qui sera engendrée une descendance de serviteurs qui prendront le relai de la Maison de David — sans pour autant que celle-ci soit rejetée. Toujours est-il que le BéYT HaMiQeDDâSh sera alors la source d’une ALLIANCE universelle renouvelée ; la joie sera redonnée en Sion pour toutes les nations ; une joie sur laquelle veilleront ensemble YHWH comme un Père à la fois créateur et sauveur, et YeROuShâLaYiM comme une Mère consolatrice.

Tout ça fait de YeSha“eYâHOu un prophète — ou à tout le moins une école prophétique dont YeSha“eYâHOu est le maître à penser, parce que le livre témoigne en fait d’une pensée qui s’étend sur au moins deux siècles — ; Tout ça, donc, fait de YeSha“eYâHOu un prophète essentiel pour YiSseRâ’éL en Exil qui va pouvoir, grâce à son école, travailler sur lui-même pour analyser les raisons de cette déportation dont la nation a fait l’objet. C’est en grande partie grâce à YeSha“eYâHOu que les Juifs en Exil vont pouvoir répondre à une question proprement existentielle : « Si nous sommes en Exil, cela voudrait-il dire que YHWH s’est fait battre par plus fort que Lui ? Mais qui alors ? Assur, le dieu tutélaire des Assyriens ? Marduk, le dieu des Babyloniens ? Ahura Mazda, le dieu des Perses ? Faudrait-il du coup se tourner vers eux au détriment de YHWH ?

Ou alors, si YHWH est vraiment ADoNaï ‘ÈLoHéYNOu, ADoNaï ‘èH.âD — vous voyez l’importance de cette parole inscrite dans la CHAIR de YiSseRâ’éL comme LA ressource par excellence dans l’épreuve — ; si YHWH, donc, est vraiment ADoNaï ‘ÈLoHéYNOu, ADoNaï ‘èH.âD, que veut-Il nous dire à travers cet Exil ? Que veut-Il nous apprendre ? Et c’est là que YeSha“eYâHOu se présente comme un maître pour permettre à YiSseRâ’éL de ne pas se laisser aller à une mauvaise INTERPRÉTATION qui lui eût inspiré le mauvais choix : Attention donc : YHWH est vraiment le seul VRAI DIEU, le DIEU VIVANT ; les dieux des nations, fussent-elles militairement et culturellement plus puissantes, ne sont que de vaines idoles ! « Le sol [du peuple de la Maison de Ya”aQoV] s’emplit de Néants — un terme méprisant qui désigne les idoles — ; ils se prosternent devant l’œuvre de leurs mains, devant ce qu’ont façonné leurs doigts ! […] Mais l’échine du terreux sera courbée ; la superbe des hommes sera abaissée ; et c’est YHWH qui sera élevé, Lui SEUL, en ce jour-là ; et les Néants disparaîtront en totalité. » (Is 2,8.17-18) ; et à l’autre extrémité du livre, s’adressant aux fils de YiSseRâ’éL : « Faites face vers Moi — c’est-à-dire « Tournez-vous vers Moi ! », ce qui est le propre d’une conversion — Faites face vers Moi — donc — et vous serez sauvés, tous les confins du sol ! Car c’est Moi, ‘ÈL, et aucun autre ! » (Is 45,22). On pourrait multiplier les citations.

Alors ? YHWH a-t-Il trouvé plus fort que Lui ou déploie-t-il une stratégie singulière ? Faut-il se tourner vers les dieux des nations, ou rester fidèle au dieu des pères ? Grâce entre autres au prophète YeSha“eYâHOu, c’est donc la seconde option qui sera retenue : YHWH est UN au sens où il est l’UNIQUE divinité régnant sur toutes les nations ; mais surtout au sens où, malgré la dispersion de YiSseRâ’éL à travers le monde, Lui seul l’UNIFIE et constitue sa Ressource fondamentale ! Dès lors, s’Il a sanctionné YeROuShâLaYiM, ce ne peut pas être parce que YHWH aurait été vaincu par une divinité supérieure, mais bien parce que les Fils de YiSseRâ’éL ont eux-mêmes été jusqu’au comble de la trahison de l’Alliance : ils ont préféré les Néants à YHWH, en conséquence de quoi ils se retrouvent sans ressource quand les nations déferlent sur eux en ennemies. YiSseRâ’éL fait ici l’expérience de la Malédiction DANS L’ALLIANCE qui n’en est aucunement brisée pour autant. Mais il n’en reste pas moins que YiSseRâ’éL, pour avoir oublié YHWH en n’en faisant qu’à sa tête à travers ses rois, se trouve dans l’incapacité de puiser dans les ressources de l’Alliance. Ça n’a donc rien à voir avec une quelconque condamnation de la part de YHWH — La Malédiction est la conséquence JUSTE de cette trahison par laquelle le peuple ne sait plus trouver le chemin qui mène à la source de Vie. YHWH n’y est pour rien. Reste que, dans l’Alliance qui demeure, YiSseRâ’éL garde la capacité de CHOISIR de revenir, de MONTER de nouveau vers Lui en consentant à nouveau d’être CONVOQUER spirituellement au Mont H.oRèV. Alors le Sol promis lui sera à nouveau accessible. Mais en aucun cas YHWH ne saurait manipuler la liberté de son peuple pour le contraindre à ce retour, à cette “aLîYaH, עֲלִיָּה en hébreu, c’est-à-dire à cette MONTÉE, encore et toujours ! Aujourd’hui encore, un Juif qui retourne sur le sol de YiSseRâ’éL accomplit sa “aLîYaH, son ASCENSION — comme quoi voyez, la TORâH est toujours vivante aujourd’hui —. Définitivement, rappelons-nous que YHWH laissera toujours son peuple libre et et ne fera jamais peser sur lui aucune convoitise ; Il ne met pas la main sur lui  ! En YHWH, il n’y a aucune perversité qui consisterait à faire faire à YiSseRâ’éL une “aLîYaH que le peuple n’aurait pas choisie librement ! Et c’est bien là, au demeurant, le signe de la toute-puissance de YHWH, de la toute-puissance de son AMOUR ! On va en reparler dans un instant à propos du v. 5.

Néanmoins, une fois que YiSseRâ’éL en Exil comprend sa faute, reste cette question tragique : « YHWH, le seul véritable ‘ÈLoHîM, nous aurait-il abandonnés ? » Et c’est là que le prophète YeSha“eYâHOu se fait consolateur, quand il se met à crier au nom de YHWH : « Sion — c’est-à-dire YeROuShâLaYiM qui est construite sur le Mont Sion — Sion parle ainsi : “YHWH m’a abandonnée, ‘ADoNaÏ m’a oubliée.” Mais une femme oublie-t-elle son nourrisson pour ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Et même si elle l’oubliait, Moi, Je ne t’oublierai pas. Car Je t’ai gravée sur mes deux paumes, tes remparts sont toujours devant Moi. » (Is 49,14-16) Là en fait, il faudrait relire tout le grandiose ch. 49 du livre de YeSha“eYâHOu. Saint Paul ne dira pas autre chose : « Si nous sommes infidèles, Lui reste fidèle parce qu’il ne peut pas se renier lui-même ! » (2Tm 2,13). Ici, Paul est complètement disciple de Moïse ! Même s’il parle du Christ Jésus, c’est du cœur de l’ALLIANCE qu’il en parle. Toute sa théologie du Christ est fondée sur l’ALLIANCE de Moïse, par quoi Paul est fondamentalement en communion avec Jésus.

En attendant, pour en rester au Deutéronome, notre rédacteur, inspiré par l’écoute du prophète, inscrit AVANT l’entrée sur le Sol promis, c’est-à-dire comme une certitude ancestrale, que tant que YiSseRâ’éL sera fidèle à YHWH, la BÉNÉDICTION promise ne disparaîtra pas et le peuple pourra demeurer sur le sol promis aux pères pour servir YHWH ! Maintenant, s’il est infidèle, il pourra toujours revenir ! Voilà ce qui motive le travail des scribes pour éditer la TORâH de Moïse et la transmettre à tout le peuple. C’était le v. 3 : « Écoute YiSseRâ’éL, et garde ce qui est bien pour toi pour le faire, et pour que vous multipliiez beaucoup, comme a parlé YHWH, l’‘ÈLoHîM de tes pères ; sur un sol ruisselant de lait et de miel. » (Dt 6,3). Alors insistons : pourquoi est-ce si important que cette parole soit prononcée en amont de l’entrée en KaNa”aN ? Parce que si par malheur cette parole avait été édictée sur le SOL, une fois le Jourdain franchi, elle aurait été liée à ce SOL, tant et si bien qu’elle aurait été perdue avec lui au moment de la déportation ! Dit autrement, même si elle n’a pas été entendue en plénitude dès le début, il est raisonnable de dire avec les scribes deutéronomistes qu’elle appartenait néanmoins à la tradition de Moïse dès le début, c’est-à-dire indépendamment du fait qu’on soit sur le SOL de la promesse. Du coup, même si, par après, on se trouve loin du SOLà cause d’une infidélité caractérisée à l’Alliance ; même s’il semble que le SOL ait été perdu, le v. 4 demeure inscrit dans la mémoire et dévoile toute sa puissance fédératrice en même temps qu’elle maintient le peuple dans l’espérance : si nous voulons revenir à YHWH, nous le pourrons toujours ! Raison pour laquelle le rédacteur l’inscrit tout à fait légitimement à ce stade du récit qui précède le franchissement du Jourdain que racontera le livre de YeHOShOu“a, le livre de Josué qui suit.

Alors poursuivons en lisant le v. 5 : « Aime YHWH, ton ‘ÈLoHîM, de tout ton cœur, de toute ta gorge — ton souffle, ton âme, enfin traduisez comme vous voulez — et de toute ta puissance. » (Dt 6,5). Ces paroles sont célèbres. Notons cependant qu’en elles-mêmes, elles n’ont rien de très novateur : en fait, on a ici les paroles caractéristiques des traités de vassalité tel qu’on les énonçait au Moyen-Orient à l’époque assyrienne ! Dans les années 1980 on a retrouvé une stèle datée de l’an 672 déposée dans un sanctuaire assyrien, sur laquelle on trouve des paroles très semblables — ce qui laisse supposer qu’une version de ce même traité était déposée dans chaque sanctuaire de l’empire. Cette stèle comprend un Serment de Loyauté où l’empereur Assarhaddon s’adresse aux populations en parlant de son héritier Assurbanipal : « Aime Assurbanipal […], roi d’Assyrie, comme toi-même. […] Ne placez pas un autre roi ou un autre seigneur sur vous ! » Il est donc vraisemblable qu’un tel traité a été déposé dans les sanctuaires du Royaume du Nord, de sorte que les scribes du VIIe siècle, non seulement ne pouvaient pas l’ignorer mais s’en sont carrément inspiré, non pas pour affirmer l’autorité du roi de YeROuShâLaYiM, mais celle de YHWH ! De sorte qu’ici, on assiste à rien de moins que la formulation d’une THÉOCRATIE caractérisée, ce qui va sauver le peuple en Exil !!! Pourquoi ? Parce que si YiSseRâ’éL était une monarchie comme les autres, la dynastie royale ayant disparu avec TsiDeQiYYâHOu / Sédécias, le dernier roi de Juda, le peuple dispersé aurait tout bonnement disparu avec lui ! Mais grâce à la TORâH, qui n’est liée ni au sol de KaNa“aN, ni aux rois de YiSseRâ’éL, le peuple conserve son fondement en YHWH ; il conserve sa vocation — et jusqu’à sa CON-vocation —, ce qui lui permettra de subsister comme une COMMUNAUTÉ VIVANTE, jusqu’à aujourd’hui, malgré les émois de son histoire !

Arrêtons nous ici sur le verbe AIMER : « Aime YHWH, ton ‘ÈLoHîM » (Dt 6,5a). ‘âHaV en hébreu, ne signifie pas un sentiment — qui serait plutôt H.âVaV — mais un impératif de LOYAUTÉ absolue envers YHWH comme ROI. Ceci dit, le récit ne dit pas : « Sois loyal envers YHWH » mais bien : « Aime YHWH ! ». Quant au grec de la LXX — c’est toujours intéressant d’aller voir comment l’hébreu a été traduit, parce que le grec nous donne des indices quant à l’interprétation de la Bible environ deux siècles avant J.-C. —, Le grec, donc, traduit ‘âHaV par agapaô, ἀγαπάω, qui signifie aimer par choix, et non sous le coup d’une émotion. Donc en hébreu comme en grec, il ne s’agit pas de susciter un sentiment d’amour envers YHWH, mais de CHOISIR de l’aimer. Ce qu’en français on traduit par aimer de charité.

Or précisément, tout emprunté à la rhétorique assyrienne que soit cet impératif, l’auteur deutéronomiste connaît les prophètes, et en particulier HOShé“a / Osée pour qui le même verbe aimer, ‘âHaV, est endossé par YHWH. Par exemple au ch. 11 de HOShé“a : « Quand YiSseRâ’éL était jeune, Je l’AIMAIS ; et dès l’Égypte, Je l’ai appelé “mon fils” […] Moi, j’ai mis sur pied ‘ÈPheRaYîM, Je l’ai pris sur mon bras, mais ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux. C’est dans des cordages de terreux que Je les attirais, avec des liens d’AMOUR. » (Os 11,1.3-4). Entendons par là, comme le traduit à nouveau le grec : j’ai CHOISI de l’aimer de charité, et Je l’attirais avec des liens de CHARITÉ, c’est-à-dire LOYALEMENT, en refusant absolument d’assouvir à son égard quelque élan pervers de convoitise que ce soit. Et tant mieux qu’il ne s’agisse pas de sentiment ! Comme pour des amoureux : il est très dangereux de s’avouer qu’on s’aime passionnément, dans la mesure où quand la passion tombe, l’amour tombe avec lui ; alors qu’un amoureux qui ose dire à son amie : je choisis de t’aimer, alors là, oui : cet amour, lié à la volonté, se donne les moyens de ne pas s’effondrer à la moindre variation climatique du sentiment ! Je reconnais que c’est moins romantique, mais CHOISIR D’AIMER est INFINIMENT plus fort, infiniment plus sécurisant !

Du coup, pour en rester à notre verset, on assiste à un glissement de sens qui n’a rien d’anodin dans la mesure où l’on passe d’un impératif : « Aime ! », à ce qui se reconnaîtra avec le temps comme une SUPPLIQUE inattendue de la part de YHWH ; non seulement inattendue, mais paradoxale puisque sa toute-puissance va se dévoiler non pas à travers l'énoncé des commandements, mais à travers la supplique d'un amour dont l'intrigue ne sera nulle part plus magnifiquement représentée que dans le Cantique des Cantiques. Dans un passage de L’Étoile de la Rédemption, Franz Rosenzweig dit magnifiquement que le véritable amour ne dit pas tant « Je t’aime », que « Aime-moi ! » ; « Choisis de m’aimer ! ». Et c’est très fort quand on y réfléchit : la puissance de l’amour de charité n’est pas de se déclarer en force, mais de consentir à s’en remettre à la volonté de l’autre ; de choisir de s’accorder à la volonté de l’autre. Ça peut faire peur, mais en attendant, c’est vraiment là que se révèle la toute puissance de l’amour qui refuse de convoiter ! Or voilà précisément l’intrigue de tout le Cantique des Cantiques dont on vient de parler ; raison pour laquelle ce livre du Cantique, apparemment construit sur la sensualité, nous livre en réalité le secret le plus profond de l’AMOUR VRAI qui, tout habité de grands désirs qu’il soit, sans compromis, refuse tout esprit de convoitise.

Ce n’est pas autre chose qu’explicite la suite du verset — qui là se détache complètement des traités assyriens —, à propos de cet amour qui consiste à accorder la volonté humaine à celle de YHWH — de tout ton cœur, le cœur étant le lieu de la volonté dans l’anthropologie biblique — ; à Lui être redevable du moindre souffle de l’existence — de toute ta gorge, de toute ton âme — et à Lui offrir chacun des actes qui la composent — de toute ta puissance. Vaste programme de restauration SPIRITUELLE de la Ressemblance de ‘ÂDâM avec YHWH ; une restauration qui demandera du temps, de la patience, et qui ne s’accomplira véritablement que lors de la venue du MaShiaH., — du Messie — que Moïse désignera au ch. 18 sous le nom de Prophète : « Du milieu de toi, issu de tes frères, YHWH ton ‘ÈLoHîM suscitera un prophète comme moi. Et Lui, écoutez-le. » (Dt 18,15) Un MaShiaH. en qui YHWH et l’Homme se trouveront unis non seulement cœur à cœur — union des volontés —, mais SPIRITUELLEMENT, donc CHARNELLEMENT — puisque le support de l’esprit en l’homme n’est rien d’autre que la CHAIR ! Alors il est bien évident que l’auteur du Deutéronome est encore loin d’une telle perspective. Mais il n’en reste pas moins que tel est le chemin que YHWH emprunte, qui prend en compte la liberté de l’homme, sans la manipuler, pour mener à bien son projet créationnel !

J’espère qu’avec tout ça, on perçoit mieux à quel point la révélation n’est jamais donnée d’emblée explicitement, comme un gros paquet à décortiquer… Elle est toujours distillée peu à peu, pas à pas ; comme avec un enfant dont on perçoit tout le potentiel, mais qu’on accompagne au fil du temps, à son rythme, avec beaucoup de miséricorde pour tout ce qu’il fait encore maladroitement, y compris pour les relents de convoitise qu’il n’arrive pas encore à gérer. En tout cas, à ce stade de la rédaction du Deutéronome, on assiste à rien de moins qu’une révolution spirituelle qui fait véritablement de YiSseRâ’éL un peuple à part ! Ça, il ne faut pas le manquer !

Alors je vous laisse aujourd’hui sur ces considérations concernant les v. 1 à 5 du ch. 6 du Deutéronome. Je vous en souhaite une bonne lecture. Nous resterons sur les v. 4 & 5 la prochaine fois, tant ils ont encore bien des choses à nous dire.

Je vous remercie.
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