10-06-2021

[Dt] Le Décalogue, Cœur très saint de la TORâH

Deuteronomy 5:22-33 par : Père Alain Dumont
Les paroles du Décalogue sont scellées pour qu’Israël garde la route qui mène à la Bénédiction, sans dévier ni à droite, ni à gauche. Un vrai chemin de sagesse ouvert par la fidélité aux paroles de l’Alliance à laquelle convoque HaShèM, et auxquelles Jésus saura donner l’interprétation ultime et vivifiante, plus forte que la mort.

Erreur : à 1936, lecture erronée : non pas mélancolie” mais bien MÉLODIE ainsi qu'il est écrit… Mille pardons.
Transcription du texte de la vidéo : 
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous nous sommes longuement attachés dans les dernières vidéos à déceler les enjeux des versets centraux du Décalogue : « Glorifie ton père et ta mère, selon ce que t’a commandé YHWH, ton ‘ÈLoHîM, afin que se prolongent tes jours pour ton bien sur la terre que YHWH, ton ÈLoHîM, te donne. » (Dt 5,16). Du coup en nous appuyant sur ce qu’on en a dit, on peut maintenant poursuivre la lecture.

Formellement, les v. 17 à 20 sont strictement les mêmes que les v. 13 à 16 d’Ex 20 ; sauf qu’ici, on peut les INTERPRÉTER — puisque maintenant, on sait qu’il n’y a pas de TORâH SheViKheTaW, TORâH écrite, sans TORâH SheBè“âL PèH, sans TORâH orale, c’est-à-dire sans INTERPRÉTATION — Donc si formellement parlant, les v. 17 à 20 de notre ch. 5 sont strictement les mêmes que les v. 13 à 16 d’Ex 20, le contexte, lui, nous invite à les INTERPRÉTER différemment. Et le contexte nous est imposé par les v. 12 à 15 qui justifient l’observance du ShaBaT.

On se souvient que dans la version de l’Exode, la motivation du ShaBaT est celle du 7e jour de la Création ; alors qu’ici, dans la version du Deutéronome, la motivation du ShaBaT est celle de la LIBÉRATION de MiTseRaYîM — la LIBÉRATION d’Égypte. Et c’est ce contexte de libération qui va précisément présider ici à l’interprétation de nos commandements. Dit autrement, sous cet angle, ces commandements se révèlent le lieu où se distingue l’homme libre de l’homme esclave, l’homme vivant de l’homme mort. Est LIBRE, est VIVANT celui qui REFUSE d’assassiner, d’adultérer, de voler, de mentir et de convoiter à chaque moment où il en aurait l’opportunité. Ce qui va très loin puisque si je choisis de REFUSER d’enfreindre ces interdits de manière non négociable — ce qu’a fait le Christ de manière incomparable —, alors quels que soient les actes que je pose dans ma vie, ce sont TOUS des actes LIBÉRATEURS ! Et l’inverse est tragique puisque ceux qui CHOISISSENT au contraire d’enfreindre ces cinq interdits, ces cinq actes se révèlent aussi despotiques que pervers puisqu’en tout état de cause, personne ne peut poser l’un de ces cinq actes sans, de facto, rendre l’autre esclave : que ce soit la convoitise, le mensonge, le vol, l’adultère ou l’assassinat. La résistance à ces cinq tentations : voilà les signes d’une LIBÉRATION en acte qui se donne les moyens d’agir à la ressemblance de YHWH, le DIEU LIBRE par excellence ; LIBRE parce que LIBÉRATEUR. Et de fait, si en YHWH il n’y a ni convoitise, ni faux témoignage, ni vol, ni adultère ni meurtre, ça signifie que si, à la suite de Moïse et de Jésus, nous écoutons ces paroles pour les garder, nous voilà alors rendus à la Ressemblance de YHWH, ce qui n’est pas rien puisque c’est de Salut, de restauration de la Création et de Vie éternelle qu’il est question !

Dit autrement : s’ils sont en plein accord avec ces cinq interdits, nos actes deviennent TOUS non seulement des actes LIBÉRATEURS, mais des actes d’AMOUR : et on voit bien ici combien le champ s’élargit à l’infini ! En revanche, si les actes que je pose librement ne libèrent pas mon prochain ; autrement dit, si les actes que je pose soi-disant au nom de ma “liberté individuelle” qui n’est en réalité que la revendication d’une licence à peine déguisée ; si ces actes donc, sont en fait inspirés par la convoitise, le faux témoignage, le vol, l’adultère ou le meurtre, alors je suis dans l’aveuglement le plus coupable : je deviens pervers dans la mesure où j’affirme “aimer” ce qu’en réalité je prends plaisir à détruire : appeler « amour » ce qui n’est en fait que « convoitise », voilà ce qui s’appelle PÉCHER, c’est-à-dire trahir la Ressemblance avec YHWH. Et là, j’espère que vous sentez que grâce à la TORâH, on a une lumière complètement actuelle pour comprendre les maux principaux de notre monde contemporain, mais surtout pour y répondre et ouvrir un chemin là où ce monde, bâti sur l’excitation incessante de la convoitise, sur la perversion de l’argent-roi, jette à chaque instant ses pas dans l’impasse ; une impasse que raconte très précisément le récit du premier péché de ‘ÂDâM et H.aWWâH, ‘ÂDâM et Ève !

Alors on va dire les choses encore autrement : la mémoire de la TORâH se souvient que dans l’histoire, le premier moment de la libération d’Israël a été EXTÉRIEUR : c’était la libération, la SORTIE de l’esclavage de MiTseRaYîM. Mais pour être effective, cette SORTIE doit être transformée — au sens où on transforme un essai en rugby —. Pour celui qui a été libéré de toute contrainte extérieure esclavagiste, il s’agit encore de CONSENTIR à cette libération, c’est-à-dire de choisir de VIVRE en cohérence avec cette première libération dont il a été l’objet afin de LIBÉRER à son tour, c’est-à-dire refuser de considérer comme des esclaves ceux qui lui sont confiés — c’est toute la parabole évangélique du Débiteur impitoyable. Or ce consentement intérieur ne consiste en rien d’autre qu’en notre ASCENSION jusqu’à la plénitude de notre identité Adamique, c’est-à-dire de notre identité d’HOMME — avec un grand H — créé à l’Image et à la Ressemblance de YHWH. C’est bien parce qu’il s’agit d’une ASCENSION que la TORâH, et en particulier le Deutéronome, parle de bout en bout de MONTER. Une fois SORTI, Il s’agit encore de MONTER pour aller jusqu’au bout de cette libération qui doit s’INCARNER pour être vivante, vivifiante. Et c’est cette MONTÉE que la TORâH désigne sous le nom de BÉNÉDICTION ; ce que Jésus développera dans tout son enseignement, particulier son fameux « discours sur la Montagne ». Et là encore : dans le cadre analogique qui est celui de Jésus et le nôtre, “montagne” résonne avec “HoRèV”, de sorte qu’on entende bien que dans son enseignement, Jésus ne fait rien d’autre, on l’a déjà dit souvent, qu’INTERPRÉTER la TORâH de Moïse pour l’accomplir en plénitude.

Alors très concrètement, à quoi est-ce que je vois que je consens, que j’adhère véritablement à la libération qu’a entreprise YHWH en ma faveur ; à quoi est-ce que je me reconnais en train de MONTER, en ASCENSION ? À quoi est-ce que je découvre, en définitive, que j’ai la Foi ?
– Au fait qu’au moment même où j’aurais toutes les raisons d’assassiner mon frère, fut-ce sous le couvert de la loi, je REFUSE de le faire au Nom de YHWH — voilà la Croix ! —, parce que ses Commandements constituent en moi la ressource grâce à laquelle je résiste à la tentation : LÀ, je suis LIBRE ! Là je me découvre BÉNI !
– Alors que j’aurais toutes les bonnes raisons de me taper la femme de mon prochain, je REFUSE de le faire au Nom de YHWH, grâce aux Paroles vivantes de YHWH ensemencées en moi au point de constituer la Ressource, le point d’appui de mon humanité véritable : LÀ, je suis LIBRE, là je me découvre BÉNI !
– Alors que j’aurais toutes les raisons de voler, je REFUSE de le faire au Nom de YHWH, grâce aux Paroles de YHWH gravées en moi comme ma ressource : LÀ, je suis LIBRE, là je me découvre BÉNI !
– Alors que j’aurais toutes les raisons de mentir à mon prochain, d’élaborer des stratégies ou de médire contre lui, je REFUSE de le faire au Nom de YHWH, grâce aux Paroles de YHWH en moi comme ma ressource : LÀ, je suis LIBRE, là je me découvre béni !
– Et enfin : alors que j’aurais toutes les raisons du monde de reluquer la femme de mon voisin et tout ce qui passe sous mes yeux ; je REFUSE de le faire au Nom de YHWH, grâce aux Paroles de YHWH plantées en moi comme ma ressource, mon point d’amour : LÀ, je suis LIBRE, là je me découvre béni !

Je ne suis donc pas libre du seul fait que je me donnerais le droit de revendiquer la liberté de tout faire au gré de mes pulsions, au seul titre d’une souveraineté individuelle autoproclamée. Je ne suis véritablement et pleinement libre qu’à partir du moment où je CONSENS à faire émerger en moi une LIBERTÉ INTÉRIEURE qui répond de la manière la plus conforme, la plus JUSTE à la libération initiale de YHWH. Un CONSENTEMENT dont la vertu n’est rien de moins que de me rendre la Ressemblance avec YHWH. Ce qui signifie que selon la TORâH — et là, on retrouve la fameuse dimension FILIALE inhérente à l’être même de l’homme, de tout homme —, TOUTE LIBERTÉ INTÉRIEURE se présente fondamentalement comme un acte de GRATITUDE : YHWH m’a libéré — Il m’a libéré de MiTseRaYîM par la traversée du YaM SOuPh — la Mer des Roseaux — si je suis Juif ; et des griffes de la mort par le Baptême en Christ Jésus si je suis chrétien — ; Il inscrit en moi sa Parole de Vie, sa Parole VIVANTE dont le DÉCALOGUE constitue le Process de base ; un Process grâce auquel, si j’y consens, s’inscrit en moi comme une ressource qui me permet de toujours choisir le chemin de la VIE, le chemin de la BÉNÉDICTION que tout seul, pas mes seules forces, je ne saurai tout simplement jamais trouver !

Pourquoi ? Parce que ce chemin ne s’ouvre qu’au sein d’une ALLIANCE. Il ne s’ouvre qu’au sein d’un ATTACHEMENT à un autre qui s’appelle YHWH ; et en définitive, c’est le CONSENTEMENT à cet ATTACHEMENT qui s’appelle la FOI. La FOI n’est pas « croire que Jésus est Dieu »… La FOI, c’est nouer par Jésus, donc par la TORâH, une AMITIÉ avec YHWH ; une AMITIÉ qui confirme qu’un lien est donc possible avec YHWH, ce qui n’est concevable que s’il existe, d’une manière ou d’une autre, une RESSEMBLANCE entre l’homme de Dieu ! Raison pour laquelle la Bible inscrit cette RESSEMBLANCE au fronton de la TORâH,  comme une FONDATION et non pas comme une récompense : « ‘ÈLoHîM dit : “Faisons l’homme à notre Image, selon notre Ressemblance”. » (Gn 1,26). Sans cette ressemblance, aucun lien ne serait envisageable entre l’Homme et DIEU, ce que le récit de ‘ÂDâM et H.aWWâH signifie négativement lorsqu’il met en scène le REFUS de l’homme de mettre sa foi en cette ALLIANCE : ce faisant, ‘ÂDâM nie la ressemblance qui le lie à YHWH et perd ipso facto la BÉNÉDICTION ; ce qui s’appelle en termes bibliques, prendre le chemin de la MALÉDICTION. Non pas la CONDAMNATION : YHWH ne condamne jamais. Mais si je me détache de la source de la BÉNÉDICTION qui consiste dans le consentement à l’ALLIANCE FILIALE qui m’attache YHWH ; dit autrement, si je choisis d’assouvir ma convoitise en affirmant mon autosuffisance plutôt que de me rendre disponible par la FOI à tout recevoir d’un autre, alors je choisis la MALÉDICTION qui consiste à me retrouver sans autre ressource que mes seules forces lorsque survient l’épreuve ! Et là, où est le scandale puisque ‘ÂDâM et H.aWWâH nient volontairement ce lien à travers le choix conjoint de la convoitise ? Ils ne cassent pas le lien — le péché n’a pas ce pouvoir —, mais ils le nient : ils choisissent de se mentir à eux-mêmes en se prétendant être à eux-mêmes leur propre source, autosuffisants, DONC ils choisissent eux-mêmes le chemin de la MALÉDICTION, qui n’est définitivement pas une punition de la part de YHWH. Maintenant s’ils reviennent, s’ils font leur TeShouVaH — leur conversion — ; autrement dit : s’ils reviennent à la Parole de YHWH pour répondre à nouveau favorablement à son appel de VIE — ce que fera Jésus en leur nom —, alors ils découvriront que la BÉNÉDICTION leur a toujours été disponible, comme aux premiers temps ! La Ressemblance avec YHWH sera retrouvée et la collaboration à la Création pourra reprendre, pour la plus grande joie de l’Univers !

Bref. Voyez combien ce choix d’écouter les paroles de YHWH constitue la bonne terre où peut germer la LIBERTÉ INTÉRIEURE qui illumine la volonté, et autorise l’ouverture à la BÉNÉDICTION promise, non seulement à mon profit mais au profit des miens, au profit de ma famille, de mon clan et de mon peuple. C’est là le fruit du TRAVAIL SPIRITUEL à proprement parler qui nous incombe et qui est loin d’être optionnel ! Travailler spirituellement ne consiste pas à entrer en soi pour méditer en pleine conscience — encore que je n’ai rien contre pour ceux à qui ça fait du bien, mais cet exercice-là nous fait aller de moi à moi, donc l’objectif est tout à fait différent ! Le SPIRITUEL tel que nous le présente la TORâH, est le lieu d’une COMMUNION avec un AUTRE que moi ; le SPIRITUEL me fait aller de moi à l’Autre que moi : rien à voir avec les techniques contemporaines de développement individuel !

En tout cas, d’un point de vue biblique, dans le Cadre Analogique du Temple, ce TRAVAIL SPIRITUEL prend sens dès lors qu’il s’inscrit volontairement et résolument dans l’ALLIANCE libératrice, pour la plus grande JOIE de YHWH : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit pleine. » (Jn 15,11). Ce TRAVAIL, redisons-le tellement c’est important, pose comme principe le REFUS explicite de chacun des cinq actes meurtriers que dénonce le Décalogue — raison pour laquelle il faut les connaître par cœur — ; tout ça pour s’apercevoir que ce REFUS sans compromis, loin de faire de nous des mous ou des dégénérés comme notre monde de rapaces voudrait le faire croire ; ce REFUS sans compromis, donc, est AU CONTRAIRE la porte de la LIBERTÉ véritable ; une LIBERTÉ vivifiante par laquelle MONTE toute une COMMUNAUTÉ, jusqu’à l’accomplissement d’elle-même DANS L’AMOUR : voilà pourquoi Jésus poursuit : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit pleine. Voici ma MiTseWâH : Aimez-vous de Charité les uns les autres, comme Je vous ai aimés de Charité. » (Jn 15,11-12). Om l’on apprend que la Charité, c’est précisément l’amour qui refuse consciemment et volontairement de transgresser l’un quelconque de ces interdits vis-à-vis de l’Autre, pour pouvoir l’accueillir, le rencontrer et partager avec lui une COMMUNION vivifiante.

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J’aime assez ce qu’écrit à ce propos le rabbin Philippe Haddad dans son livre Paroles de Rabbins : « La rencontre avec l’Autre, quel qu’il soit, nous fait grandir — elle nous fait sortir de nos limites, de nos frontières, de MiTseRaYîM, et elle nous fait MONTER vers le sol de la liberté intérieure, de la liberté véritable —. Car cet Autre prolonge notre être, notre pensée, notre vision du monde. L’Autre représente une part d’humain que nous ne posséderons jamais, un regard sur la réalité que nous ne poserons jamais, les nuances d’une mélodie que nous ne percerons jamais. L’Autre nous rappelle certes notre limite, puisqu’il occupe l’espace que nous ne pourrons occuper ; pour autant, il peut nous inviter à le découvrir, comme nous pouvons l’inviter à découvrir notre univers, selon les lois de l’hospitalité. » (Philippe Haddad, Paroles de Rabbins, Seuil (2010), p. 79). C’est joliment dit. L’Autre, disait Emmanuel Levinas à la suite de Franz Rosenzweig et du Talmud, se rencontre dans le VISAGE. ShaMMaï, qui vivait à l’époque de Jésus, disait : « Reçois tout homme avec un beau visage. », au sens où la beauté du visage s’exprime dans la générosité d’un sourire pour l’Autre, quel qu’il soit. Le sourire est le signe que la Lumière vivifiante du Jour UN de la Création subsiste en nous, et irradie particulièrement de ceux qui travaillent à consentir à être créés à l’Image et à la Ressemblance avec YHWH. Voilà la plénitude de la JOIE dont parle Jésus ; une plénitude qui se reçoit donc dans l’ALLIANCE avec YHWH comme avec notre Père ; ce Père par qui naît la communion FRATERNELLE et, avec elle, la COMMUNAUTÉ. Pas seulement une société fonctionnelle, orpheline et morose, mais une COMMUNAUTÉ vivante et joyeuse.

Concrètement : quand on se sent MONTER en LIBERTÉ grâce à l’ALLIANCE, on se surprend à dire : « Là, c’est vraiment MOI ! » Voilà la BÉNÉDICTION par excellence. À l’inverse, la MALÉDICTION qui naît de la convoitise et du refus de la contrainte de l’Alliance, cette MALÉDICTION se révèle dès lors qu’on se surprend à dire : « C’est plus fort que moi ! ». Être BÉNI, c’est reconnaître que si je suis LIBRE, c’est d’abord en étant LIBÉRÉ par l’Autre à qui j’offre l’hospitalité et sur qui je refuse de mettre la main. Être MAUDIT, c’est tomber dans la perversité qui consiste à considérer l’autre comme mon esclave et à ne pas savoir l’envisager — au sens fort — autrement que comme un objet de manipulation à mon profit ; autrement qu’en l’enfermant dans les limites de mon MiTseRaYîM intérieur pour l’y exténuer et l’assassiner plutôt que de lui offrir de MONTER jusqu’à l’avènement de sa propre LIBERTÉ.

Ainsi donc, si je suis LIBRE INTÉRIEUREMENT, c’est parce que quelqu’un, un AUTRE, me LIBÈRE, ET de l’esclavage extérieur dont il me donne de SORTIR, ET de l’esclavage intérieur qui consiste à consentir à MONTER vers la liberté véritable au cœur d’une ALLIANCE incontournable. Et tout ça est loin d’être purement conceptuel ! Ça rejaillit très concrètement par exemple sur le rôle spirituel des parents : si la mission du père et de la mère est d’être, au Nom de YHWH, les maîtres d’œuvre de la libération extérieure de leurs enfants — « Je fais en sorte que tu ne manques de rien » —, c’est dans l’espérance que chaque enfant consentira d’une part à offrir l’hospitalité à ses frères et sœurs — c’est déjà un sacré combat ! — ; et du cœur de cette FRATERNITÉ, consentira à entreprendre sa propre MONTÉE jusqu’à la Ressemblance avec YHWH ; à entreprendre sa propre ASCENSION par laquelle il deviendra une LUMIÈRE pour le monde. Rappelons-nous à nouveau Saint Paul : « La Création est à l’affût du dévoilement des fils de Dieu qu’elle attend depuis bien longtemps ! » (Rm 8,19).

Bien. Ceci dit, attardons-nous un peu sur le v. 21 concernant la convoitise : « Et tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; et tu ne brigueras pas sur la maison de ton prochain, son champ, son serviteur, sa servante, son bœuf, son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. »  (Dt 5,21). En mettant la « femme de ton prochain » à part des biens de la maison — contrairement à la version de l’Exode —, le propos cible plus précisément ce qui constitue le nerf du péché. Le v. 21 se place au niveau de l’AVIDITÉ par quoi s’enfile tout le reste : le mensonge, le vol, l’adultère et le meurtre ; mais il élargit le propos : refuser de convoiter la femme du prochain commence avant tout par le refus de convoiter ce qui est déjà d’ordre matériel comme le champ, le serviteur ou le bœuf du prochain ! Ce faisant, tu es gagnant parce que cette maîtrise large de ton avidité te préviendra de convoiter la femme de ton prochain et d’entrer dans le vortex pécheur qui te mènera à l’assassinat, sous quelque forme que ce soit… Ça n’est pas autre chose que vise Jésus lorsqu’il dit, à la suite de ShaMMaï qu’on vient d’évoquer précédemment : « Celui qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l’adultère dans son cœur. » (Mt 5,28). Jésus ici ne fait rien d’autre que d’inscrire l’amour marital dans la dynamique du Décalogue qui dénonce la trajectoire pécheresse ; cette trajectoire qui envenime en particulier l’amour des époux en empruntant toujours la même séquence : celle qui va de la convoitise au meurtre en passant par l’adultère. Dans le fond, avec ce process, YHWH nous offre un critère de discernement spirituel somme toute assez simple, et bigrement efficace pour prévenir bien des embrouilles familiales ! Entre autres.

Le v. 22 poursuit : « Ces paroles, YHWH les a parlées sur toute votre Convocation — QâHâL en hébreu, de la racine QOL, la voix ; d’où le verbe QâHaL : convoquer, et le substantif : QâHâL, la Convocation, l’Assemblée convoquée, et pas seulement le ralliement ou l’attroupement — ;
Ces paroles, donc, YHWH les a parlées sur toute votre Convocation, sur la montagne, au milieu du feu, de la nuée, de la brume, à grande voix, sans rien ajouter.
Il les a écrites sur deux tables de pierre et me les a données. » (Dt 5,22). Quand on regarde bien, on s’aperçoit que ce verset encadre l’ensemble du Décalogue en formant une inclusion avec les v. 4-5 : « YHWH vous a parlé pour s’adresser à vous face à face,
dans la montagne, au milieu du feu.
Moi-même, je me tenais entre YHWH et vous,
en ce temps-là, pour vous rapporter la parole de YHWH. Car vous avez frémi en face du feu
et vous n’êtes pas montés sur la montagne. » (Dt 5,4-5). Comme si l’auteur tenait à garder le Décalogue charnellement à l’intérieur des frontières de l’HoRèV pour y convoquer chaque génération d’Israël ; de sorte qu’écouter le Décalogue revient irréductiblement à se tenir au pied de la Montagne l’HoRèV — ce qu’on appelle célébrer un MÉMORIAL. La notion de MÉMORIAL est ici très prégnante, raison pour laquelle le v. 3 disait que cette parole retentit AUJOURD’HUI : non seulement l’aujourd’hui de la première génération du désert, mais celui de la génération suivante à qui Moïse parle dans le cadre du Deutéronome ; et toutes les générations à venir ! Et ce passage est d’autant plus important qu’avec les v. 1 à 5 qui initient notre chapitre, on ne trouve rien de moins que le fondement de la notion de SACREMENT chrétien compris dans le cadre biblique. Prenons par exemple l’Eucharistie : la fraction du pain consacré nous CONVOQUE, par sa consommation, à nous attacher AUJOURD’HUI à l’unique sacrifice du Christ qui s’offre pour nous sur la Croix, de sorte que, par l’offrande conjointe de notre propre vie, nous soyons attachés à sa résurrection ; comme à son ASCENSION ! Dit autrement : de sorte que nous soit ainsi ouvert le chemin de la VIE qui nous fait MONTER avec Lui jusque dans le sein du Père. L’ensemble des v. 1 à 5 fait ainsi retentir la convocation AUJOURD’HUI à l’HoRèV pour entendre cette Parole de feu ; une convocation qui retentit analogiquement au nom de Moïse pour rassembler chaque génération à la Synagogue à l’occasion du ShaBaT ; un ShaBaT dont l’énoncé, comme par hasard, se trouve au centre de l’inclusion dessinée entre le v. 1 et le v. 22, à savoir les v. 12 à 15.

Et ici, tout est dit ! Vraiment, pour le Deutéronome, ce Décalogue forme un TOUT en soi, le socle de toute Parole sortant de la bouche de YHWH : « Ces paroles, YHWH les a parlées sur toute votre Convocation… et — précise le verset — Il n’a rien ajouté ! » (Dt 5,22a). Non seulement Il les a parlées mais, ajoute Moïse, Il les a ÉCRITES : « Il les a écrites sur deux tables de pierre et me les a données » (Dt 5,22b) ! Là, on rencontre ce qu’on appelle la CLÔTURE de la TORâH écrite la plus officielle qui soit et qui lui confère son autorité. C’est ce qui fera dire à Moïse, à la fin du livre : « Ce commandement que moi, je te commande AUJOURD’HUI — Ah tiens ! — n’est pas impossible pour toi, ni hors de ta portée. Il n’est pas dans les ciels pour que tu dises : “Qui montera pour nous aux ciels nous le prendre et nous le faire entendre pour que nous le fassions ?” Et il n’est pas par-delà la mer pour que tu dises : “Qui passera pour nous par-delà la mer nous le prendre et nous le faire entendre pour que nous le fassions ?” Non, tout près de toi est la Parole, sur ta bouche — la fameuse TORâH SheBè“âL PèH, orale, qui interprète la TORâH SheViKheTaW, écrite — et dans ton cœur pour que tu la fasses. » (Dt 30,11-14).

Cette parole, c’est essentiellement le DÉCALOGUE par lequel, dans le fond, tout a commencé et tout s’est structuré ; et dont tout le reste de la TORâH n’est jamais que le développement. On n’ajoute RIEN au Décalogue : on en développe en revanche tout le potentiel à partir de notre histoire de libération ; c’est ce qui légitime l’exercice de l’INTERPRÉTATION, dès Moïse. Quant à Jésus, il n’ajoute rien non plus à ces Dix Paroles : il les mène cependant à la plénitude de leur INTERPRÉTATION, dans la tradition de Moïse ; une plénitude qui donne à ces Dix Paroles d’être la BÉNÉDICTION par laquelle la MORT est VAINCUE ! Cela, Moïse ne pouvait pas le donner.

Raison pour laquelle Jésus dira : « Ne décrétez pas que je sois venu jeter à terre la TORâH ou les Prophètes. Je ne suis pas venu jeter à terre mais faire advenir en plénitude ! Amen, je vous parle ainsi : jusqu’à ce que passent les ciels et le sol, aucun YoD, ni un seul MaQQâPh — le tiret en hébreu — ne passera de la TORâH que tout ne soit advenu. » (Mt 5,17-18). Redisons-le : Jésus n’ajoute rien à la TORâH SheViKheTaW — la TORâH écrite — : Il l’INTERPRÈTE en vérité ; il élabore une TORâH SheBè“âL PèH — nos évangiles — que validera sa résurrection d’entre les morts puisque cette INTERPRÉTATION, il l’a portée dans sa CHAIR vivifiante, irradiant à ce point la Lumière de la VIE que les ténèbres n’ont pas su l’arrêter ! Là advient la plénitude que pointe la TORâH de Moïse.

Ouf ! Ainsi le noyau dur de la TORâH est donc livré, de sorte qu’on sent dans les versets qui suivent un véritable apaisement : dès le v. 23, c’est vers Moïse, spontanément, que se tourne le peuple. Pourquoi ? Parce que Moïse sait INTERPRÉTER la Voix qui s’exprime dans le feu. Alors certes, le peuple voit la Gloire et entend la Voix ; mais il connaît aussi cet avertissement qui veut que nul ne peut voir la Gloire de YHWH et vivre ! Il sait donc qu’il mourra de poursuivre cette contemplation, disent les v. 25 et 26. Reste qu’entre le peuple et ce qu’il entend, ou ce qu’il voit, il y a Moïse : ça ce sont les v. 27 à 31. Et s’il faut être précis dans les termes, disons que Moïse n’est pas présenté ici à proprement parler comme médiateur mais comme intermédiaire. Le MÉDIATEUR est un CONCILIATEUR, ce qui sera le rôle de Jésus, mais pas celui de Moïse dont la tâche n’est pas de concilier mais de rapporter les paroles d’un camp à l’autre.

Alors maintenant, pourquoi YHWH dit-Il au v. 28 que les paroles d’Israël sont « bonnes » ? Mais toujours pour la même raison ! Comme le dira encore et toujours le ch. 30, ces paroles sont celles d’un peuple qui choisit de VIVRE. Pour le Deutéronome, il y a synonymie absolue entre ce qui est BON et ce qui est VIVANT. Or c’est à Moïse que le peuple doit de pouvoir écouter la voix de YHWH sans mourir : ce qu’Israël entend, c’est la voix de Moïse ; et ce que dit Moïse, c’est la parole de YHWH. Raison pour laquelle AUJOURD’HUI, écouter la Parole de Moïse, c’est tout autant écouter la Parole de YHWH à l’HoRèV.

Et à bien y regarder, il y a ici tout un jeu de voilement et de dévoilement. D’un côté, le Sacré reste voilé, puisqu’il relève d’un LIEU interdit —le Mont HoRèV — et d’un SON interdit — la kabbale juive dit que l’homme ne sait pas entendre ce son : il n’en perçoit que l’écho. Mais dans le même temps ce même Sacré est dévoilé par l’intermédiaire de Moïse. Et dans la même trajectoire, pour nous chrétiens : en Jésus, YHWH est charnellement à la fois voilé et dévoilé. Dit autrement : c’est par la MÉDIATION de la CHAIR de l’homme Jésus que, dans l’irradiation spirituelle qui émane de Lui, nous pouvons ÉCOUTER le Verbe de YHWH et VOIR YHWH sans mourir — Rappelons-nous saint Jean : « Qui m’a vu a vu le Père. » (Jn 14,9) —.

Alors pour en rester à notre Deutéronome, ce jeu d’alternance entre le voilé et le dévoilé est figuré entre les v. 23 et 31 à travers une mise en scène d’approches et de retraits — Israël s’approche de YHWH, se retire, envoie Moïse s’approcher, de sorte qu’au centre de ces versets, Moïse se voit mandaté par le peuple pour permettre à ce dernier de s’engager dans l’Alliance : « Toi, approche et écoute tout ce que parlera YHWH notre ‘ÈLoHîM ; puis tu nous parleras, toi, selon tout ce qu’aura parlé vers toi YHWH, notre ‘ÈLoHîM : nous L’écouterons et nous le ferons. » (Dt 5,27). Ça veut dire quoi ? Ça veut dire simplement qu’Israël sait qu’il n’est pas prêt, dans l’immédiat, à recevoir sans médiation la plénitude de l’HÉRITAGE de YHWH. Du coup, pour Israël, s’engager dans l’Alliance, c’est s’engager à travailler cette ouverture de soi à l’AUTRE. Voilà le chemin dont le v. 32 exhorte à ne s’écarter ni à droite, ni à gauche. Les v. 32 et 33 reprennent les termes des deux premiers versets du chapitre pour signer une inclusion générale dont le centre — alors là il faut me croire sur parole, parce que ce serait un peu long à démontrer ­— se trouve être le v. 22 qui se présente décidément comme un verset essentiel : « Ces paroles, YHWH les a parlées sur toute votre Convocation, sur la Montagne, du milieu du feu, de la nuée et de la brume, à grande voix, sans rien ajouter. Il les a écrites sur deux tables de pierre et me les a données. » (Dt 5,22).

Toute l’histoire d’Israël sera désormais rythmée par cette convocation AUJOURD’HUI, et il faut croire que cette sagesse qui consiste non pas seulement à habiter le temps mais à le bâtir conjointement avec YHWH — et en cela goûter une restauration de la Ressemblance avec Lui ; il faut croire que cette sagesse, telle une route ouverte dans le MiDeBaR, est furieusement inspirante, puisque c’est elle qui prépare l’avènement du Messie par qui le Chemin de la Résurrection et de l’Élévation ultime vers YHWH pourra s’ouvrir. Là est le sommet de la BÉNÉDICTION !

Je vous laisse sur cette dernière considération. Nous ouvrirons le chapitre 6 la prochaine fois.

Je vous remercie.
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