12-04-2021

[Dt] - L'esprit comme puissance de communion

Deuteronomy 5:16-21 par : Père Alain Dumont
Dès lors que paraît la dimension spirituelle chez l’homme paraît la Paternité, donc la Filiation. Mais que nous dit la Bible de l’esprit ? Quel impact cela a-t-il sur la Maternité, les époux, la famille ? Une fois encore, la Bible se révèle être un socle formidable pour interpréter ce qui fait la grandeur de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de YHWH.
Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/ancien/pentateuque/deuteronome/ecoute-israel-dt-1-11/message/dt-l-esprit-comme-puissance-de-communion
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Après nous être attardés lors de la dernière vidéo sur l’importance de l’INTERPRÉTATION, qui est le lieu par excellence où nous trouvons notre liberté au quotidien en vivant sur le fondement de la TORâH et de l’Évangile, nous avons terminé en posant une question peut-être inattendue, mais qui n’est pas sans gravité : que veut dire « être fils ou fille de ‘AVeRâHâM » ? Quelle est, en définitive, la nature de ce rapport de FILIATION ? Qu’il s’agisse de chacun par rapport à ses propres pères et mères que le Décalogue exhorte à glorifier ; ou qu’il s’agisse de chacun par rapport au Père éternel ; ou même du Fils éternel par rapport au Père éternel — « Père, je t’ai glorifié sur la terre. J’ai mené à l’achèvement l’œuvre que Tu m’as donnée de faire. » (Jn 17,4). De quoi parle-t-on exactement ?

La FILIATION, dans la Bible, apparaît comme une réalité non pas tant biologique — à quoi elle se trouve systématiquement réduite aujourd’hui — que SPIRITUELLE. Dit autrement, le Fils — autant que la fille du reste —, c’est celui qui est engendré, non pas tant génitalement que SPIRITUELLEMENT.

Pour mieux comprendre, on va prendre la question du côté de la PATERNITÉ, à partir d’une observation simple : dans son livre Sous le signe du Lien, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik fait remarquer que, dans le règne animal, jamais les mâles ne se transforment à proprement parler en « pères » ; ce sont uniquement des géniteurs, rien de plus. C’est NOUS, par analogie, qui les associons à des « pères », mais dans le règne animal, la paternité n’existe juste pas ; elle n’est nulle part, SAUF à partir du moment où, dans l’histoire de ce règne animal, apparaît l’espèce humaine comme une entité absolument originale ; une entité JAMAIS VUE auparavant, et dont la spécificité est d’être SPIRITUELLE.

Pour se rendre compte de cette étape, on peut s’appuyer paradoxalement sur les découvertes archéologiques qui nous offrent les traces de l’émergence de l’ESPRIT chez l’homme avec l’apparition des sépultures. Alors qu’on ne les trouve qu’occasionnellement chez le Néandertalien, les sépultures sont systématiques chez l’Homo Sapiens, surtout à partir du moment où il se sédentarise, voici à peine 10 000 ans. Ça n’est pas si vieux que ça ! Or si la sépulture témoigne a minima de l’accomplissement d’un devoir d’ensevelissement, c’est qu’elle laisse entrevoir la conscience d’un lien, quel qu’il soit, qui existe entre le mort et ses survivants.

Mais plus profondément : la sépulture témoigne de la conscience qu’un AUTRE que Moi existe pleinement. Le monde n’existe pas exclusivement autour de mon MOI individuel ; je ne suis pas seul au monde ; je ne suis pas le centre du monde. D’autres individus vivent, non pas seulement à côté de MOI mais EN LIEN avec MOI. L’AUTRE m’apparaît comme un ALTER EGO, un « autre MOI », avec qui s’établit plus qu’une relation grégaire, en troupeau ou en groupe — le fameux « vivre ensemble » auquel l’idéologie contemporaine tente de nous réduire —. La sépulture est une sorte de langage qui témoigne que je prends conscience qu’un autre « Moi » existe, différent et à côté de mon ÉGO, mais avec qui s’établit néanmoins un LIEN qui dépasse la simple relation ici et maintenant : un LIEN par l’ESPRIT, et là, ça change TOUT.

L’ESPRIT n’est pas ce par quoi j’entre en relation — rappelons-nous l’anthropologie biblique sur laquelle nous fondons notre INTERPRÉTATION : pour la Bible, l’homme est VIE, CORPS et ESPRIT. La VIE, c’est cet élan vital qui anime le corps, ce qu’on appelle classiquement l’ÂME et que la Bible assimile analogiquement à la GORGE et au souffle qui passe par elle. Le CORPS ainsi animé est ce par quoi l’homme sait entrer en RELATION, ce par quoi il parle, sourit, regarde, sent et ressent, etc. Quant à l’ESPRIT, c’est cette troisième composante de l’homme par quoi il n’entre plus seulement en relation, mais en COMMUNION, avec YHWH comme avec son PROCHAIN. Ce qui signifie que si l’âme humaine a ses attributs spécifiques — la raison, entre autres, qui est essentiellement une faculté d’INTERPRÉTATION analytique ou analogique capable d’éclairer la volonté —, cette âme permet à l’homme, par la raison, de se découvrir INSPIRÉ ; ou à tout le moins capable d’être INSPIRÉ ! Une INSPIRATION qui va bien au-delà d’une simple communication qui relève de la raison, au point que tant que celle-ci ne s’ouvre pas à l’INSPIRATION ; tant qu’elle refuse d’ouvrir l’homme à sa dimension spirituelle, toute communication déraye ! Une manière de dire que la raison ne suffit pas : la raison sans l’esprit n’est jamais qu’une mèche de bougie sans flamme… la flamme a certes besoin de la mèche, mais la mèche n’est pas tout pour autant : sans la flamme, elle est vaine. Il en va de même pour la raison.

Là, voyez, la Bible nous donne un FONDEMENT d’interprétation unique, qui n’est pas le fondement scientifique, qui n’est pas le fondement taoïste, ou ce que vous voulez. Mais il n’en reste pas moins que c’est un fondement d’INTERPRÉTATION qui est passé au creuset de l’histoire et qui a fait ses preuves au sens où des milliards d’êtres humains y ont trouvé un chemin inégalé de croissance, de MONTÉE vers la liberté. Or ce fondement biblique d’INTERPRÉTATION, qui a gagné ses galons de légitimité, nous enseigne que l’ESPRIT est ce par quoi tout homme est rendu capable d’ENTRER EN COMMUNION. Un ESPRIT, un SOUFFLE dont la Source est en YHWH et que YHWH partage, communique à l’homme, à ‘ÂDâM ; ‘ÂDâM qui s’en trouve ainsi créé à l’image et à la ressemblance divine, pour reprendre ce magnifique verset du 1er chapitre de la Genèse, au fronton de toute la Bible.

Or les conséquences ne sont pas minces, rendez-vous compte : si la même PUISSANCE DE COMMUNION subsiste en YHWH et en ‘ÂDâM — puissance de communion par laquelle, rappelons-nous, ‘ÂDâM est à l’image et à la ressemblance de YHWH — ; cette commune PUISSANCE DE COMMUNION autorise raisonnablement la possibilité de leur rencontre ! Et ça c’est bouleversant : DIEU et l’Homme ne sont pas incompatibles au point que YHWH se souillerait en s’unissant à sa Création par ‘ÂDâM, tout au contraire ! Pour aller jusqu’au bout avec les prophètes, cette puissance spirituelle de communion que partagent YHWH et ‘ÂDâM est précisément ce qui autorise à envisager leurs épousailles. C’est tout le Cantique des Cantiques. Quant à l’interprétation chrétienne, elle enseigne simplement que cette COMMUNION, que ces épousailles trouvent leur accomplissement CHARNEL en Jésus, le Christ ; au profit de la multitude du genre humain qu’il s’attachera par le sacrifice de sa vie pour l’entraîner avec Lui dans la résurrection. Voilà l’enjeu de la dimension SPIRITUELLE en l’homme : par l’Esprit Saint, savoir accueillir CHARNELLEMENT YHWH pour œuvrer de concert avec Lui à la poursuite de la Création.

Du coup, quand les Évangiles nous disent que la Vierge enfante le Verbe dans la CHAIR par l’action de l’ESPRIT SAINT, d’après le ROC sur lequel se fonde notre INTERPRÉTATION, il ne s’agit aucunement d’une fable irraisonnée ! L’Incarnation par l’opération de l’ESPRIT n’est ni plus ni moins que l’aboutissement d’un projet qui s’inscrit parfaitement dans la trajectoire élaborée à partir de notre fondement biblique qui n’a plus à prouver sa légitimité ! Sur ce fondement, l’ESPRIT SAINT peut enfin opérer en Marie la COMMUNION CHARNELLE entre YHWH et ‘ÂDâM ; et, par lui, entre YHWH et sa Création puisque cette COMMUNION dont l’homme se découvre être le SUBSTRAT, le SUPPORT, entraîne dans cette MONTÉE tout l’Univers auquel il appartient irréductiblement. Un univers qui n’attend que ça pour que se poursuive la Création interrompue par le péché, ce qui fera écrire à Saint Paul  : « La Création est à l’affût du dévoilement des fils de Dieu qu’elle attend depuis des lustres ! » (Rm 8,19). Ça n’est pas rien !

Alors revenons maintenant à l’ESPRIT qui marque spécifiquement l’humanité au sein de la Création. C’est donc par leur esprit que les hommes peuvent entrer en COMMUNION les uns avec les autres. Le plus remarquable est que cette COMMUNION soit ressentie non seulement entre pairs — [p-a-i-r-s], au sein d’une même génération ; mais encore entre pères — [p-è-r-e-s] — et fils, c’est-à-dire ENTRE GÉNÉRATIONS ! Et c’est à partir du moment où l’homme, Homo Sapiens, devient cet être capable d’abriter l’ESPRIT ; où il devient capable de reconnaître, d’accueillir, d’entrer en COMMUNION et d’honorer l’autre en tant qu’autre, y compris entre générations ; À partir de ce moment, paraît la PATERNITÉ ; et de concert, paraît la FILIATION qui se révèlent définitivement liées comme deux réalités SPIRITUELLEMENT indissociables. À partir de ce moment, la géniture devient une POSTÉRITÉ à qui les PÈRES ont pour tâche, en ce qui nous concerne, de TRANSMETTRE le ROC biblique à partir duquel se tisse l’interprétation de cette histoire d’alliances qui les relie eux-mêmes, EN AMONT, à leurs propres PÈRES, et EN AVAL à leurs FILS ; comme la trame d’une MÉMOIRE qu’on se passe d’une génération à l’autre ; qui unifie SPIRITUELLEMENT ces générations. Redisons-le, voila ce qui est absolument inédit dans tout le règne animal dont l’homme est issu, puisqu’aucun animal n’est capable de transmettre quoi que ce soit à sa géniture. Même le Bonobo dont on nous rebat les oreilles, tout apte qu’il soit d’apprendre 400 signes différents, reste incapable de transmettre cette reconnaissance à qui que ce soit ! Il reste prisonnier de son animalité.

Paradoxalement, on pourrait dire qu’il y a d’un côté une CONTINUITÉ biologique, puisque l’homme appartient bien au règne animal ; mais d’un autre côté, il y a un HIATUS, une RUPTURE irréductible qui procède de ce sot inouï opéré à l’intérieur même de toute la Création par l’avènement du SPIRITUEL dans le CHARNEL ! C’est aussi sensationnel que paradoxal ! Nulle part, dans la littérature humaine, on a été capable de mettre le doigt, ou ne serait-ce même que d’imaginer une communion pareille entre le charnel et le spirituel, qui marque le lien qui unit les hommes entre eux, tout en les unissant à YHWH comme à leur Source, jusqu’à envisager de célébrer des NOCES avec Lui ! L’échange MERVEILLEUX auquel font référence certaines prières eucharistiques chrétiennes trouve là son fondement, au sens fort.

Du coup, si on a compris ça ; si on a compris qu’avec le SPIRITUEL paraît la PATERNITÉ, il n’est pas très étonnant que, dans une humanité contemporaine qui cherche à effacer le spirituel en réduisant tout au psychologique ; ainsi reconduite à sa pure animalité, cette même humanité efface dans le même élan toute trace de PATERNITÉ.

Ce qui, par ailleurs, impacte gravement la MATERNITÉ ! Alors pour le coup, une certaine forme de MATERNITÉ existe, elle, dès le règne animal ; mais dès lors qu’apparaît la PATERNITÉ, cette MATERNITÉ devient concomitamment capable de se déployer, par l’avènement du SPIRITUEL, en SE LIANT AU PÈRE pour se mettre à tisser avec lui une HISTOIRE que l’un et l’autre, l’un avec l’autre, sont désormais capables de transmettre à leur descendance. Et du cœur de cette ALLIANCE du PÈRE et de la MÈRE, absolument révolutionnaire dans le règne animal, les voilà tous deux en capacité d’INTERPRÉTER leur vie non pas de « couple » mais leur vie de « CONJOINTS » — en fait, pour ma part, je n’aime pas parler du « couple » humain dans la mesure où le « couple » n’est jamais qu’un appariement : on le trouve chez plusieurs espèces animales, ce qui veut bien dire qu’il n’a pas besoin du spirituel pour exister. De ce point de vue, il est symptomatique que dans une société qui, encore une fois, a mis volontairement le spirituel à la retraite, on institue le PACS pour entériner a minima ce qui ne relève plus que de simples appariements, de simples mises en « couples », en CDD la plupart du temps, comme dans la plupart des espèces animales au demeurant. Reste que dans le cadre interprétatif qui est le nôtre — celui qu’une MONTÉE, d’une ASCENSION du genre humain par l’avènement du SPIRITUEL, et non pas seulement par la raison — le PACS constitue l’entérinement administratif d’une RÉGRESSION, et certainement pas un “progrès”, contrairement à la manière dont ça nous est vendu. Voyez comme quoi le cadre interprétatif permet de discerner la pertinence des décisions prises ici et maintenant, non seulement par nous-mêmes mais par les gouvernants, quels qu’ils soient ? Le cadre interprétatif est donc vraiment essentiel !

Enfin bref, pour en revenir à l’avènement du SPIRITUEL qui nous occupe : la MÈRE humaine, grâce à ce nouvel ordre SPIRITUEL inscrit au plus intime de sa CHAIR, devient dès lors capable de s’ALLIER au père, et réciproquement ; de sorte que par cette ALLIANCE, et uniquement par elle, s’ouvre pour eux un chemin inattendu qui n’est autre que celui de l’AMITIÉ. La dimension spirituelle offre au père et à la mère de savoir envisager une COMMUNION réciproque : les voilà donc en mesure de devenir AMIS, et dans le droit fil de cette amitié, de devenir ÉPOUX. Une autre manière de dire que faire l’expérience CHARNELLE du SPIRITUEL, c’est se donner les moyens, pour le PÈRE et la MÈRE, de voir se révéler en eux l’image et la ressemblance avec YHWH qui n’est autre que cette CAPACITÉ SPIRITUELLE de COMMUNION.

Du coup, leurs CHAIRS conjointes peuvent se dévoiler — au sens fort — sans honte : « Tous deux étaient nus, l’époux (‘iSh) et l’épouse (‘iShaH), et ils n’en avaient pas honte » (Gn 2,25) — dans la mesure où ces deux CHAIRS conjointes se dévoilent comme un SUBSTRAT HISTORIQUE : l’union des corps ne consiste plus seulement en un acte reproducteur purement animal, instinctif, mais en la RENCONTRE DE DEUX HISTOIRES ; en l’union de deux CHAIRS pour composer une nouvelle HISTOIRE COMMUNE, ce que la TORâH appelle une « CHAIR UNE » : « C’est pourquoi l’époux (‘iSh) quitte son père et sa mère et s’attache à son épouse (‘iShaH), et ils adviennent une CHAIR UNE » (Gn 2,24) — Habituellement, on traduit : « l’homme s’attache à sa femme », mais la parité des termes hébreux disparaît, qu’on retrouve néanmoins dans le jeu [époux-épouse] qui a l’avantage de donner à penser, surtout quand la fin du verset parle de לְבָשָׂ֥ר אֶחָֽד BâShâR ‘èH.âD, CHAIR UNE, de la même manière qu’il y a eu un י֥וֹם אֶחָֽד YOM ‘èH.âD, un JOUR UN en Gn 1,5. Le JOUR UN n’est pas le « premier jour », mais le JOUR UNIQUE en son genre : le JOUR FONDATEUR ; le JOUR qui UNIFIE tout ; le JOUR sur lequel tout se FONDE, une sorte de tarmac, si vous voulez, à partir duquel est lancée l’HISTOIRE de la CRÉATION. Et dans la stylistique biblique, parler de CHAIR UNE au ch. suivant suggère analogiquement que, du cœur de leur COMMUNION SPIRITUELLE, l’époux et l’épouse ne participent à rien de moins qu’à un acte FONDATEUR : ils ont la capacité de COMMENCER une HISTOIRE « nouvelle » — « l’époux quitte son père et sa mère… » —, non pas au sens où cette histoire rendrait le passé obsolète, mais au sens où chaque génération RENOUVELLE L’HISTOIRE, lui donne un nouvel ÉLAN. Et si l’époux « quitte » père et mère, ce n’est pas pour en effacer la trace mais pour ne pas être prisonnier d’une “compulsion de répétition”, ne pas être le fruit d’une “castration” pour reprendre les termes de Freud qui n’était pas juif pour rien ! Ça signifie que l’ÉPOUSE est celle par qui est endiguée cette compulsion de répétition qui marque l’animalité !!! Wow ! Et comment ? Par l’INSPIRATION nouvelle qu’elle insuffle à l’ÉPOUX. Voyez, depuis bientôt vingt ans que j’exerce le métier de conseiller conjugal, je me suis forgé quelques convictions, dont l’une est celle-ci : l’épouse a besoin que l’époux soit son ROC, sa fondation — on y reviendra — autant que l’époux a besoin que son épouse soit son INSPIRATION. Voyez : il y a dans le cadre de l’interprétation biblique d’une haute légitimité, redisons-le, un jeu du masculin et du féminin qui n’est pas nécessairement conflictuel, à condition qu’on ne reste pas dans les demi-mesures : c’est cette ALLIANCE consentie pour le meilleur et pour le pire du ROC et de la MUSE qui permet à l’histoire de trouver un nouvel élan à chaque épousailles. Alors évidemment, tout ça a un impact sensationnel sur la compréhension du mariage comme sacrement, mais là n’est pas notre sujet.

Toujours est-il que c’est bien à partir de leur ALLIANCE, de leur ATTACHEMENT spirituel unique — et donc pérenne, et donc indissoluble : l’indissolubilité du mariage chrétien vient de là, sans quoi leur amitié n’est que du vent, pour ne pas dire une imposture… — Donc : c’est à partir de leur ALLIANCE, de cet ATTACHEMENT SPIRITUEL unique des deux CONJOINTS que, sur le FONDEMENT transmis par les générations précédentes et qui remonte jusqu’au début de la Création, peut paraître une nouvelle INTERPRÉTATION qui élance une HISTOIRE qui leur est propre au sein de l’époque et du contexte qui sont les leurs. Une INTERPRÉTATION qu’ils devront à leur tour transmettre à leur descendance ; descendance que les CONJOINTS se découvrent chargés d’initier à sa propre dimension SPIRITUELLE, à sa dimension FILIALE absolument absente à son tour du règne purement animal.

Tout ça est d’une importance extrême, parce que ça signifie que dans le fond, la seule raison d’être de la PATERNITÉ, c’est le SPIRITUEL ! Le SPIRITUEL qui CONDITIONNE l’avènement de la PATERNITÉ et tout ce qui s’ensuit ; ce qui place par voie de conséquence toute PATERNITÉ humaine au rang spécifique de GARDIENNE DE LA VIE SPIRITUELLE dans le cadre de son foyer pour que chaque membre de ce foyer puisse se déployer et apporter ce qu’il a de meilleur à la Création qui attend sa révélation. Et là, j’espère qu’on perçoit à quel point le SPIRITUEL n’est rien de moins que le garant d’une anthropologie saine, qui ne peut jamais se confondre avec de la simple sociologie ou de la simple psychologie. La place du PÈRE est donc vraiment ineffaçable.

Ceci dit, comprenons bien que tout ça ne fait pas des PÈRES des êtres “supérieurs” aux MÈRES — laissons cette vision à Pierre Bourdieu et à ses interprétations marxistes qui jouissent de lancer l’un contre l’autre l’homme et la femme. Tout au contraire : la vision du PÈRE comme gardien de la vie spirituelle fait de lui le SERVITEUR de la communauté — alors c’est sûr que si vous détruisez la communauté au profit de la société, vous n’avez plus besoin de pères, mais on y reviendra dans la prochaine vidéo — ; donc : la vision du PÈRE comme gardien de la vie spirituelle fait de lui le SERVITEUR de la communauté, de la famille, dans l’art subtil d’une TRANSMISSION CHARNELLE de l’accueil de l’autre en tant qu’autre, c’est-à-dire l’accueil de la TRANSCENDANCE. La TRANSCENDANCE comme ce consentement à une FAIBLESSE originaire : « Je ne suis pas TOUT ! ». Cette faiblesse est inscrite dans l’être même de l’homme parce qu’il est homme ! Et le plus étonnant, c’est que DIEU, qui est TOUT, choisit de « revêtir notre faiblesse » ! Dès qu’Il crée, il choisit de prendre sur Lui notre faiblesse : il choisit d’avoir besoin de nous. C’est sidérant ! Complètement contre-intuitif ! Et pourtant…

Alors attention : cette faiblesse n’a rien à voir avec une défaillance : elle m’oblige simplement à m’ouvrir à un autre que moi-même. Dit autrement : ma faiblesse est ce qui me fait prendre conscience que j’ai besoin d’un autre. Grâce à cette FAIBLESSE inscrite en ma CHAIR, je me rends compte que « j’ai besoin d’un autre que moi » — quel qu’il soit, homme ou dieu. C’est bien pourquoi l’individualisme est pervers : en déniant la transcendance, il tue l’altérité : l’autre ne peut être qu’un ennemi ! Et c’est bien pourquoi l’individualisme fait peser sur l’homme une exigence terrible : une exigence d’autosuffisance que décrit formidablement Nietzsche — la thèse de Nietzsche, entre autres, c’est d’essayer de penser l’homme à partir du moment où il a tué Dieu, donc la transcendance ; et ce qui est extraordinaire chez Nietzsche, c’est qu’il dit avec fulgurance que dans ce cas, il ne reste plus à l’homme qu’à devenir par lui-même un Surhomme. Et ça, c’est une tragédie ! Nietzsche est passionnant à lire de ce point de vue !

Reste que tout à l’inverse, le ROC interprétatif de la Bible nous enseigne que cette ouverture à un autre que soi n’est possible que là où le PÈRE — ou à tout le moins celui qui en tient lieu — vit dans sa CHAIR cette ouverture à la transcendance, en premier lieu vis-à-vis de la MÈRE. Un père et une mère sont bien deux êtres TRANSCENDANTS l’un à l’autre — ils sont différents — ; mais deux être transcendants qui consentent à se reconnaître FAIBLES — « j’ai besoin d’un autre que moi. » — ; et qui surtout choisissent d’ALLIER LEURS VULNÉRABILITÉS — ce qui est le cœur de leur amitié — ; choisissent, du cœur de cette faiblesse, de refuser de convoiter l’autre pour le réduire à soi ; et pour ça, consentent à s’OFFRIR librement l’un à l’autre pour former une ALLIANCE nuptiale d’où jaillit la fameuse BÉNÉDICTION, toujours elle ; la BÉNÉDICTION comme une puissance de croissance, comme un goût de l’aventure : « Notre amour était tellement fort qu’on pouvait tout vaincre », me disait un jour une dame toute simple, mais tellement belle dans ce qu’elle portait en elle grâce à cette ALLIANCE vécue avec son époux que j’allais enterrer le lendemain. Voilà la BÉNÉDICTION : « Nous ne sommes pas TOUT, chacun de notre côté ; mais alliés l’un à l’autre, si différents que nous soyons, du cœur de notre amitié, on peut tout vaincre ! » Eh bien, quand on bénéficie d’un tel modèle — préférentiellement parental, mais à défaut, il suffit de rencontrer dans notre existence des êtres qui nous illuminent, et c’est toujours envisageable tant que l’Église, entre autres, saura aller au-devant des plus pauvres — ; eh bien donc, quand on bénéficie d’un tel modèle, la vie peut alors se présenter comme un avenir toujours ouvert. Un avenir où je pourrai envisager, un jour, de rencontrer cet autre que moi avec qui je partagerai une amitié qui nous fera tout vaincre ! Et pour tout dire : YHWH est le premier avec qui, en Christ, une telle rencontre d’amitié est possible pour illuminer nos existences !

Il y a ici une véritable catéchèse familiale à mettre en œuvre, qui n’est pas optionnelle ; une catéchèse que rien ne saurait remplacer dans la mesure où, de quelque forme qu’elle soit, cette transmission est toujours et irréductiblement CHARNELLE, viscérale : la transcendance ne s’apprend pas comme une leçon de mathématiques ou de logique ; elle ne s’impose pas ; elle n’est jamais l’effet nécessaire d’une cause. Pour s’ouvrir à la grandeur de la TRANSCENDANCE, il faut que quelqu’un la vive et surtout sache la mettre en RÉCIT. Et là, rien de plus beau qu’un PÈRE qui, le premier, en tant que GARDIEN DE LA VIE SPIRITUELLE, se donne la peine de RACONTER ; de donner le goût à ses enfants d’ÉCOUTER, d’écouter cette histoire de vie et de bénédiction qui se transmet de génération en génération ; cette histoire où hommes et femmes savent offrir leur vie, sortir de leurs zones de confort pour que ne disparaisse jamais ce cadre au sein duquel s’effectue mystérieusement cette CROISSANCE de l’être à laquelle chacun aspire. À partir de là va pouvoir se tisser un imaginaire familial et populaire où chacun pourra puiser la force d’aller jusqu’au bout de soi. C’est là le but de toutes les initiations traditionnelles, dans toutes les cultures, sur toutes les latitudes ; et en particulier, c’est le but de la Bible qu’elle atteint de manière magistrale ! Cette dimension d’histoire, qui n’est jamais que le récit de ce consentement à ce que l’AUTRE s’ALLIE, s’ATTACHE à moi et réciproquement — et dieu sait s’il faut pour ça batailler ! — ; cette dimension d’HISTOIRE est absolument essentielle pour que nos enfants, devenant ainsi SPIRITUELLEMENT nos fils et nos filles, puissent avoir accès aux ressources spirituelles qui leur permettront à leur tour d’INTERPRÉTER leur propre histoire, à la lumière de celle sur laquelle leurs PÈRES auront veillé pour les enraciner. INTERPRÉTER leur propre histoire, c’est-à-dire savoir analyser les événements de leur vie avec recul ; savoir puiser dans leur culture biblique et évangélique les moyens de vaincre leurs peurs, de franchir dignement les épreuves que la vie leur prépare immanquablement ; et enfin savoir enraciner leurs joies dans un terreau de GRATITUDE qui transfigure toute joie en festins, en danses, en festivités COMMUNAUTAIRES.

Donc : Messieurs, transmettons ! Faisons de la catéchèse, soyons des ‘pros’ de l’histoire racontée ! Celle de la Bible, celle des grandes épopées humaines — donc spirituelles, puisque l’homme et l’avènement de l’esprit dans la création sont indissociables — ; la vôtre, celle de votre famille, que sais-je ? Et, là, parce que vous leur aurez donné la sécurité nécessaire , vous verrez joyeusement, de vos yeux, germer vos enfants comme de véritables fils et filles, du seul fait que vous leur aurez donné la possibilité d’ÉCOUTER vos récits CHARNELS, à partir de quoi ils pourront INTERPRÉTER leur propre vie et jouer leur propre partition dans le monde qui les attend ! Et ça, ça fera l’admiration de votre épouse qui saura vous INSPIRER, car elle reconnaîtra en vous le ROC dont elle et sa famille ont besoin. « Écoutez, fils, l’instruction d’un père et soyez attentifs pour pouvoir comprendre ; car c’est un bon savoir que je vous donne : mon enseignement, ne l’abandonnez pas ! Car je fus un fils pour mon père, tendre et chéri près de ma mère. Or il m’instruisait et me disait : ‘Que ton cœur saisisse mes paroles, observe mes préceptes et tu vivras. Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence, n’oublie pas et ne dévie pas des paroles de ma bouche ; ne l’abandonne pas et elle te protégera, aime-la et elle te gardera — elle t’ouvrira à la bénédiction ! —. Principe de la Sagesse, acquiers la sagesse et avec tout ton avoir, acquiers l’intelligence — interprète ton histoire ! — Tiens-là en haute estime, et elle t’élèvera — Ah, voilà l’élévation, la croissance, l’offrande, le sens de la vie, le « bonheur transcendant » ! — Elle te glorifiera si tu l’étreins ; elle mettra sur ta tête une couronne de grâce — tu seras ROI de ton existence —, d’un diadème de Gloire elle te fera le présent. » (Pr 4,1-9)

Il y a aussi le ch. 3 du Siracide : « Moi votre père, écoutez-moi, mes fils, et agissez de telle sorte que vous viviez. Oui, YHWH glorifie le père dans le fils — ça c’est magnifique ! Glorifier le père n’est donc pas seulement lui rendre hommage, mais vivre pleinement et mener à l’accomplissement tout ce que le fils a reçu du père — ; et Il glorifie le droit de la mère pour les fils. Qui glorifie le père expie ses péchés ; qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor […] Qui glorifie le père prolonge ses jours ; qui glorifie sa mère honore ‘ÈLoHîM. Celui qui craint YHWH glorifie le père et sert ses parents comme des maîtres. Mon fils, en actes et en paroles, glorifie ton père pour que t’atteignent toutes les bénédictions. » (Si 3,1-8).

Là, on reconnaît bien le style du Deutéronome dont ces auteurs sapientiaux sont complètement imprégnés : la glorification, la bénédiction, la vie, etc. L’auteur sacerdotal, lui, insistera sur l’autre dimension spirituelle qu’est l’OFFRANDE, mais les deux vont évidemment de pair puisque toute écoute porte à entrer dans le mouvement d’offrande qui caractérise ceux qui appartiennent à l’Alliance avec YHWH.

Enfin, quoi qu’il en soit, on voit qu’à leur tour, ces auteurs sapientiaux se positionnent comme de dignes fils de Moïse : ils INTERPRÈTENT la TORâH, à leur manière. Cette TORâH qui reste pour chaque génération cet univers de MÉMOIRE fondatrice, cet univers de paroles absolument nécessaire pour que s’élance à chaque nouvelle génération la quête de la fameuse BÉNÉDICTION promise par la TORâH.

Alors il y aurait encore beaucoup de choses à dire, notamment sur le fait que Jésus se présente comme ÉPOUX, et l’Église comme ÉPOUSE, pour comprendre que cette histoire d’ALLIANCE est là pour forger non seulement des communautés de CONJOINTS, des communautés de FAMILLES, mais aussi la COMMUNAUTÉ humaine qui aime se rassembler pour célébrer cet ATTACHEMENT réciproque entre elle et YHWH. Je pense évidemment aux rassemblements dominicaux, entre autres. Mais bon… on va s’arrêter là.

Alors maintenant, puisqu’on vient de l’évoquer, peut-être faut-il se poser la question : c’est quoi, une COMMUNAUTÉ ? C’est ce que nous verrons la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite un bon partage sur toutes les notions dont nous avons essayé de montrer la légitimité pour que soit reçue la BÉNÉDICTION promise par YHWH à AVeRâHâM et à sa descendance que nous sommes, en tant que Chrétiens, par l’alliance qui nous attache au Christ ressuscité, notre Sauveur.

Je vous remercie.
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