05-01-2019

[Foi 2.3_B] - L'Eucharistie (2ème partie)

par : le père Alain Dumont
Jésus s’est saisi de la mémoire de son peuple Israël pour étendre l’Élection à tous les hommes, notamment à travers l’institution de l’Eucharistie. Cela s’est passé lors du dernier repas de Jésus avec ses disciples qui présentent tous les traits d’un repas pascal.
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PLAN :
– Le repas pascal
– Revivre la libération d’Égypte
– Le rituel du SèDèR de PèSaH.
– Les coupes de vin
Rubrique :Les sacrements
Duration:32 minutes 57 secondes
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

nous avons pris le temps lors de la dernière vidéo de nous plonger dans le mystère de l’Élection qui motive toute l’histoire du Salut. Nous allons à présent voir comment concrètement la mémoire de cette élection s’est transmise et comment Jésus s’est saisi de cette mémoire pour étendre l’Élection à tous les hommes, notamment à travers l’institution de l’Eucharistie. Ça s’est passé lors du dernier repas de Jésus qui s’avère présenter les traits essentiels d’un repas pascal et dont il nous faut dire à présent quelques mots.

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LE REPAS PASCAL

Le soir où Jésus va entrer dans sa Passion, qui va le conduire à la mort sur la Croix et à sa Résurrection le dimanche qui suit, Jésus, donc, réunit ses apôtres pour un repas dont plusieurs indices montrent qu’il s’agit d’un repas PASCAL — le SèDèR de PeSaH. en hébreu, qu’on pourrait traduire par : la Liturgie de la Pâque — ; un repas en tout cas que tout Juif, croyant ou non, partage à l’occasion de la fête annuelle de la Pâque.

Toute l’histoire, toute la vie juive puise en effet à la mémoire attachée à ce SèDèR, à savoir la mémoire de la libération de l’esclavage d’Égypte à l’époque de Moïse, on en a déjà parlé. Au moment de la plaie ultime, alors que Pharaon s’est cadenassé dans son refus d’écouter Moïse, et donc DIEU à travers son serviteur, voilà que ce même DIEU prévient son peuple de se disposer au départ. Or chose étrange, il ne leur ordonne pas tant de préparer leurs bagages que de préparer un REPAS particulier, avec un agneau rôti aux herbes amères ainsi que du pain façonné à la hâte, qui n’aura donc pas le temps de gonfler : on appelle ce pain le PAIN AZYME en français ; la MaTsa en hébreu. Toujours est-il qu’en plus, DIEU ordonne aux Hébreux de prendre le sang de l’agneau pour le répartir sur les linteaux des portes comme signe de protection contre la mort qui va s’abattre prochainement sur les mâles premiers-nés de l’Égypte — comme une sorte de boomerang du mal, vous vous rappelez : Pharaon est en train d’anéantir le peuple Hébreu en le réduisant à l’esclavage et en faisant systématiquement assassiner tous ses mâles nouveau-nés. Une espèce de Shoah avant l’heure si vous voulez. Terrifiant !

Toujours est-il que grâce au sang placardé sur les montants des portes et des fenêtres, l’ange porteur de la sanction divine va « passer » outre ces maisons et en épargner les premiers-nés. C’est le sens du mot Pâque, PèSaH. en hébreu, qui signifie passage ; le verbe PâSaH. signifie passer sans s’arrêter. Pâque, c’est donc avant tout le passage de la mort qui ne s’arrête pas dans les maisons marquée du sang de l’agneau, mais c’est aussi pour Israël le passage de la servitude à la liberté, le passage d’une rive à l’autre de la Mer Rouge, le passage en définitive de la mort à la vie !

Voilà, Pâque, c’est tout ça. Et pour Jésus, ces différentes dimensions de la Pâque vont prendre un relief encore plus marqué, ne serait-ce que parce que cette fois, certes la mort passe mais elle saisit Jésus, sans pouvoir néanmoins le retenir dans ses griffes. Le Christ ressuscité manifeste dès lors une liberté définitive qu’Il offre à tout le genre humain — du moins à tous ceux qui voudront bien s’ouvrir au mystère du Salut.

Du coup, pour en revenir au tout premier événement de la libération d’Égypte, avec ce repas de la Pâque, nous sommes vraiment à un moment FONDATEUR du peuple Juif à partir duquel celui-ci va structurer son identité, notamment à travers une vie cultuelle très réglementée certes, mais qui ne se comprend qu’en référence à cet épisode initial de libération. Aussi étrange que ça puisse paraître, ce repas va garantir la sauvegarde d’une mémoire qui saura ainsi traverser victorieusement les moments les plus difficiles de son histoire ! Et bien entendu, cette mémoire était d’une vivacité extraordinaire à l’époque de Jésus, plus d’un millénaire après Moïse ! Aujourd’hui encore, aucun Juif, qu’il soit pratiquant ou athée, ne rateraient la fête annuelle de la Pâque qui commence, la veille, par un repas en famille et le lendemain qui se poursuit pour les croyants à la synagogue où tout le peuple se rassemble pour écouter la ToRaH et refonder ses liens fraternels autour du récit de son histoire originelle.

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REVIVRE LA LIBÉRATION D’ÉGYPTE

Au cours de ce repas pascal juif donc, on rappelle l’épisode de la sortie d’Égypte racontée dans les premiers chapitres du livre de l’Exode ; sauf qu’on va le rappeler CHARNELLEMENT, de sorte que chaque année, on REVIT familialement cet événement en communion avec les générations passées ! Du coup, la sortie d’Égypte ne reste pas un simple souvenir ancestral : c’est une expérience vivante, présente et permanente que chaque Juif revit dans sa CHAIR. Dit autrement, le repas pascal ; le SèDèR de PeSaH. est déjà un SACREMENT : il rend présent une réalité qui a certes été initiée dans un événement du passé, mais un événement dont la mémoire vivante garde aujourd’hui le peuple branché sur la source de la VIE et de la LIBERTÉ, alors même qu’à chaque génération, la mort semble s’acharner sur le peuple élu — pensons à nouveau à l’horreur de la Shoah il n’y a pas si longtemps !

Et c’est ainsi que, grâce au SèDèR de PeSaH., à ses rites on ne peut plus CHARNELS, tout juif se considère comme étant PERSONNELLEMENT SORTI D’ÉGYPTE. Or quand on est habité d’une telle expérience, non seulement on connaît le prix de l’existence mais, par mode de gratitude et dans l’énergie que seule confère une espérance à toute épreuve, on devient capable de se donner sans compter ; non plus tant pour sauver sa propre peau qu’à partir de la vitalité intérieure que confère cette mémoire, vivre une vraie FRATERNITÉ dont l’âme ne résulte pas de la simple solidarité des individus mais de leur COMMUNION. Une communion FRATERNELLE, comme cette ÉNERGIE CHARNELLE grâce à laquelle chacun se sent appartenir à une même histoire, à une même aventure, à un même CORPS. De ce point de vue, vous pourrez aller relire le magnifique texte de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens au ch. 12, je vous l’ai mis dans la fiche Pour aller plus loin.

Pour toutes ces raisons donc, le SèDèR de PeSaH. organise minutieusement les prescriptions de l’Exode pour ce repas pendant lequel on lit le récit de ce moment fondateur dont voici les principaux extraits. DIEU s’adresse à Moïse et à son frère Aaron et leur dit : « Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : Le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison… Vous aurez un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un an… Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois. Toute l’assemblée de la communauté d’Israël l’égorgera au crépuscule. On prendra du sang ; on en mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera la chair cette nuit-là. On la mangera rôtie au feu, avec des pains azymes — c’est-à-dire sans levain — et des herbes amères » (Ex 12,3.5-8). Tout ça suivi immédiatement des directives du repas : « Mangez-le ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous le mangerez à la hâte. C’est la Pâque du SEIGNEUR. Je traverserai le pays d’Égypte cette nuit-là. Je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte… Le sang vous servira de signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang. Je passerai par-dessus vous… » (Ex 12, 11-13). Et DIEU de poursuivre : « Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. » (Ex 12,14).

Ainsi donc, aujourd’hui encore, le peuple Juif revit — au sens fort — ce repas fondateur de son identité ; un repas préparé autour d’un agneau rôti — ou un équivalent —, avec des herbes amères et du pain azyme entre autres ; et il est très instructif, pour comprendre l’Eucharistie chrétienne, de faire connaissance avec le déroulement de ce repas — ne fut-ce que dans les grandes lignes.

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LE RITUEL DU SÈDÈR DE PÈSAH.

Avant de voir rapidement l’ordonnancement du SèDèR de PeSaH., soyons bien d’accord : on ne mime pas le repas ordonné par Moïse comme il a été vécu à l’époque ! C’est un repas RITUEL dont le but n’est pas de faire la reconstitution d’un repas antique mais d’en faire MÉMOIRE au sens où chaque geste est revêtu d’un sens précis qui permet à chaque participant d’intégrer pour lui-même le récit, de sorte qu’il VIT littéralement la sortie d’Égypte en communion avec ses pères. Comme l’Eucharistie du reste : il ne s’agit pas pour les chrétiens de reconstituer le dernier repas du Christ mais d’en faire MÉMOIRE exactement sur le même principe, mutatis mutandis * comme on dit.

Mais pour l’heure, restons-en au SèDèR juif dont le noyau originel remonte certes à Moïse, mais dont l’organisation actuelle remonte au moins au Ve siècle avant J.-C., à l’époque de l’Exil à Babylone dont on retrouve plusieurs traces culturelles dans le rituel de ce repas ; on reconnaît aussi des influences gréco-romaines comme le fait de manger couché, accoudé sur le bras gauche comme le faisaient les hommes libres de la cité — ça ne se fait plus aujourd’hui mais Jésus a consommé le SèDèR dans cette position. Ce qui n’empêche que certaines prescriptions, elles, soient apparues au Moyen-Âge — là c’est plus facile à voir parce qu’on a des documents précis —, voire au XVIe siècle en ce qui concerne les chants.

Alors on ne va pas détailler ces affaires, mais voilà : encore une fois, on ne reconstitue rien ; on demande en revanche au rituel de nous faire REVIVRE CHARNELLEMENT l’événement fondateur du peuple auquel on appartient, pour s’imprégner d’une MÉMOIRE commune et se sentir fièrement appartenir à une HISTOIRE, à une FRATERNITÉ multiséculaires. Ce qui fait que JAMAIS un Juif ne se sent seul, quelle que soit sa condition d’existence. Même au plus fort de la Shoah, il ne se sentait pas seul. Et voilà ce qui manque désespérément aux générations contemporaines occidentales dont on a déconstruit l’histoire pour, soi-disant, les rendre plus « libres », pour qu’ils pensent « par eux-mêmes » en « doutant » par méthode de tout ce que l’éducation pouvait leur apporter et de tout ce que la mémoire pouvait leur transmettre… Résultat pour la France au début du XXIe siècle : une dépression chronique galopante et une angoisse d’isolement généralisée sur lesquelles les patchs des réseaux sociaux ne sont jamais que des rustines dérisoires sur des plaies béantes provoquées par des idéologies jacobines aussi ignorantes que revanchardes. Or prenons bien conscience que Juifs et Chrétiens vivent, de ce point de vue, un privilège extraordinaire qui les sauve de toutes ces angoisses ; ne serait-ce que, pour s’en tenir aux Chrétiens, par le rassemblement dominical, cette fraternité qui fera que même si vous êtes envoyé en Chine ou en Amazonie, vous pourrez toujours trouver une communauté qui vous accueillera. Si vous vivez ardemment cette fraternité en Christ, vous ne vous sentirez jamais seul et votre espérance de sera jamais déçue, comme chante le Psaume.

Toujours est-il qu’ au soir du 14 Nissan dans le calendrier juif, c’est-à-dire à la nouvelle lune tombant le jour de l'équinoxe de printemps ou immédiatement après, on apprête la table de PeSaH.. Au moment de commencer le repas, le père de famille entonne la grande bénédiction du QiDDouSh de Pâque qui remercie DIEU pour tout ce qu’Il a donné à Israël depuis la libération d’Égypte : les 10 commandements, les fêtes, le ShaBaT, etc. Après quoi on boit une 1ère coupe de vin : la « Coupe de l’esclavage » et on mange des légumes qu’on trempe dans du vinaigre ou de l’eau salée pour se rappeler les larmes de l’esclavage en Égypte.

Puis on brise une partie de la MaTsaH — le pain azyme — après avoir dit cette bénédiction : « Béni sois-Tu, Eternel notre Dieu, Roi de l'univers, Toi qui crée le fruit de la terre… » Il y a en fait trois MaTsoT — pluriel de MaTsaH — qu’on sert à table posés l’un sur l’autre ; on fractionne le pain du milieu en signe à la fois des chaînes rompues de la servitude d’Égypte et de l’ouverture des eaux de la Mer pour permettre aux Fils d’Israël de traverser à pied sec. C’est donc un signe de liberté. Par ailleurs, cette fraction évoque aussi le sacrifice de l’agneau auquel on s’unira en mangeant ce pain rompu qu’on réserve pour la fin du repas.

Vient alors le moment de raconter la sortie d’Égypte à travers un dialogue avec les plus jeunes. Au terme de ce récit, on bénit la 2e coupe de vin et on la boit : c’est la « coupe de libération ». On prononce alors la bénédiction sur le reste de la MaTsaH : « Tu es béni, Éternel notre Dieu, Roi de l’univers, Toi qui fais sortir le pain de la terre. » On la fractionne et on la mange. On mange ensuite les herbes amères qui rappellent l’amertume de l’esclavage, pour communier à la condition d’esclave au moment de prendre le repas en prélude à leur libération. Les convives peuvent alors manger le repas de fête.

Mais ça n’est pas fini : À LA FIN DU REPAS — retenez bien ce moment —, on prend la MaTsaH brisée au début et on la partage entre les convives ; on récite une nouvelle bénédiction sur la 3e coupe de vin qu’on se partage, la « coupe de l’Alliance », avant d’entonner une grande prière d’Actions de grâces — en grec, on dirait qu’on récite une Eucharistie

Enfin, l’ensemble se termine par la récitation des Ps 114 à 118, des psaumes de louange qu’on appelle le Grand HaLLèL, suivi de la consommation de la 4e et dernière coupe de vin ; la « coupe de fulmination » ; une coupe apocalyptique qui promet le jugement de tous ceux qui se sont opposés au dessein de DIEU en se faisant son ennemi, donc l’ennemi d’Israël. On traduit souvent l’hébreu en parlant de la coupe de la « colère », mais il semble plus judicieux de parler de la coupe de la « fulmination » de DIEU — la fulmination évoque le feu de la colère, comme les narines d’un taureau en furie —. On va y revenir.

En attendant, on n’a dès lors moins de peine à comprendre le récit du dernier repas de Jésus avec ses disciples ! Écoutez bien : « À LA FIN DU REPAS, Jésus, ayant pris du pain — la MaTsaH et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donna aux disciples en disant : “Prenez, mangez : ceci est Mon corps.”  Puis, ayant pris une coupe — la 3e du repas — et ayant rendu grâce, il la leur donna en disant : “Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. Et Jésus de poursuivre : “Je vous le dis : désormais Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où Je le boirai, nouveau, avec vous dans le Royaume de mon Père.” — ce qui veut dire qu’il ne boit pas la dernière coupe ! Et de fait, l’évangile raconte : Après avoir chanté les psaumes — le grand HaLLèL, ils partirent pour le mont des Oliviers. » (Mt 26,26-30)

Alors évidemment, Jésus donne un sens nouveau à ces gestes traditionnels de la fin du SèDèR de PèSaH., mais il ne les invente pas ! Non seulement Il ne rejette pas la tradition de ses pères, mais Il va la mener à son accomplissement : tout ce que promettaient ces gestes revécus fidèlement par tout Juif depuis des siècles, revivant ainsi l’événement de la libération d’Égypte qui marque la vraie naissance du peuple des Fils d’Israël, Jésus va en signer l’accomplissement à travers le don de sa vie, dans sa Passion, sa mort et sa résurrection comme on l’a vu dans les vidéos précédentes.

Ceci dit, restons encore un peu sur la signification des coupes de vin.

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LES COUPES DE VIN

La séquence de ces 4 coupes ne remonte pas à Moïse ; elle a intégré le SèDèR au fil du temps, mais ce qui est sûr, c’est que dès l’époque de Jésus, le repas pascal comportait bel et bien ces quatre coupes de vin qu’on buvait rituellement en se les passant de convive à convive.

Les significations de ces quatre coupes sont très riches, qu’on peut résumer de la manière suivante — on va retrouver ce qu’on vient de décrire :
• 1) Après la bénédiction solennelle, tout le monde buvait à la 1ère coupe et on mangeait les herbes amères en mémoire de l’amertume de l’esclavage en Égypte.
• 2) On lisait le récit le récit de la sortie d’Égypte et tous buvaient alors à la 2e coupe en mémoire de la libération.
• 3) Le repas pouvait commencer suite de quoi on buvait la 3e coupe : la « coupe de l’Alliance » par laquelle on bénissait DIEU pour son Alliance.
• 4) Enfin, on chantait le Grand HaLLèL et on buvait la 4e coupe : la « coupe de la fulmination », c’est-à-dire la coupe qui évoque la mise à pied de tout mal sous le feu de la colère de DIEU et le retour des justes dans Sa Demeure ; ce qu’évoquait le prophète Isaïe — je vous mets les texte dans la fiche Pour aller plus loin — et que décrira magnifiquement le Livre de l’Apocalypse. Dès lors, on voit bien que boire cette 4e coupe était un acte grave : ça engageait à tout mettre en œuvre pour rester des justes en étudiant et en obéissant à la ToRaH, sans quoi on passait dans le clan des méchants et la coupe ferait un jour son office pour nous consumer au feu de la fulmination de DIEU avec qui le mal est absolument inconciliable, totalement incompatible ! Sans négociation possible !

Ceci dit, écoutons bien à présent le récit évangélique. Il prend soin de préciser qu’on est À LA FIN DU REPAS, donc si Jésus prend une coupe, ce ne peut être que la troisième, la « coupe de l’Alliance », ce qui permet de mieux comprendre pourquoi il parle à son propos du « sang de l’Alliance » à laquelle renvoie traditionnellement cette coupe : « Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. Il se leva de bon matin et il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d’Israël. Puis il chargea quelques jeunes garçons parmi les fils d’Israël d’offrir des holocaustes, et d’immoler au Seigneur des taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des coupes ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : “Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons.” Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : “Voici LE SANG DE L’ALLIANCE que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous.” » (Ex 24,4-8)

Ce texte là, tout juif le connaît par cœur. Donc les disciples savent très bien à quoi Jésus fait allusion en parlant du SANG DE L’ALLIANCE ; sauf qu’ici, il parle de SON SANG, qu’Il désigne donc comme un sang SACRIFICIEL puisque le sang qu’a utilisé Moïse était un sang sacrificiel. Donc encore une fois : Jésus n’annule absolument pas l’Alliance de Moïse ; tout au contraire, il lui donne un élan nouveau, il la RENOUVELLE en l’élargissant, par son propre sang cette fois, à la « multitude », c’est-à-dire à toutes les nations. Voilà la fameuse « nouvelle alliance », non pas une alliance qui déclarerait nulle la précédente mais qui évoque un nouvel élan insufflé à l’Alliance avec Abraham. La Première Alliance demeure donc, mais la voilà désormais adaptée à la multitude des hommes, ce que visait bel et bien le projet de DIEU dès la fondation du monde ! Voilà l’ACCOMPLISSEMENT de cette Alliance par Jésus ; voilà désormais le sens renouvelé de la 3e coupe par laquelle l’Alliance entre DIEU et tout le genre humain est désormais et définitivement scellée.

Ceci dit, Jésus ajoute immédiatement ces paroles mystérieuses : « Désormais Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne », ce qui veut dire non pas qu’il ne boira pas la dernière coupe mais qu’il ne boira plus de ce fruit de la vigne ; et de fait on l’a vu, le récit dit bien qu’après le chant du Grand HaLLèL, tout le groupe se lève pour partir au Mont des Oliviers sans boire le vin de la 4e coupe… ce qui n’a pas dû manquer de choquer les apôtres, parce qu’aucun Juif n’aurait l’audace n’éluder la fameuse « coupe de fulmination » !

Oui, mais écoutons bien sa prière à Gethsémani, avant d’être arrêté pour être crucifié : « Mon Père, s’il est possible, que CETTE COUPE passe loin de Moi ! — voilà la 4e coupe ! — Cependant, non pas comme Moi, Je veux, mais comme Toi, Tu veux. » (Mt 26,39) La « coupe de fulmination » n’a donc pas disparue : la revoilà, sauf que cette fois, il ne s’agit plus d’une coupe de vin prophétique. Jésus va la remplir réellement DE SON SANG pour payer la rançon effroyable de NOS péchés.

Parce qu’en définitive la question demeure encore et encore : qui paiera, en rigueur de justice, le prix assassin du péché ? D’accord, DIEU pardonne ; sauf qu’il ne s’agit pas simplement d’effacer une ardoise ! Le péché ne fait pas que nous donner la mort : il fait aussi des victimes, et ça, qui va réparer ? C’est bien beau qu’un criminel de guerre par exemple se repente, mais quid des suppliciés, des assassinés ? Que penser d’un juge qui amnistierait purement et simplement ce meurtrier repenti au seul motif que lui, le juge, serait « bon » ? Eh bien : la passion de Jésus touche tout ça ! Ça n’est pas parce que DIEU est souverainement « bon » qu’Il peut se contenter de passer l’éponge sur nos crimes, quels qu’ils soient ! Ce serait profondément injuste, et même… diabolique, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les victimes ! En toute justice, nous devons — vous et moi — payer pour le mal que nous commettons, avec les dividendes des victimes. Or c’est là qu’intervient la coupe que va boire le Christ au cours de sa Passion. Jésus, en tant que notre FRÈRE, est envoyé par le Père comme notre Go’éL, selon les prescriptions mêmes de la ToRaH dans le livre du Lévitique. En tant que Go’èL, il va payer notre rançon en prenant sur Lui la sanction du péché ; il va se faire LA VICTIME de notre péché meurtrier et prendre sur Lui toute la souffrance de toutes les victimes de l’histoire ! Et du cœur de cette abyme de souffrance, Il va pardonner ! On est loin de la « grâce présidentielle » accordée avec condescendance par un fonctionnaire de l’État jacobin confortablement et quasi divinement assis sur son fauteuil élyséen ! Si le Christ Jésus nous rachète de l’esclavage de notre péché ; s’Il nous fait GRÂCE, ça ne peut être qu’en versant son sang ! Et là, Il est crédible.

Mais là encore attention : ce « sang versé » — versé par le crime des pécheurs, s’entend —, Jésus va le transformer en « sang de l’Alliance », en sang sacrificiel qu’Il peut, seul, offrir au Père puisqu’Il est innocent de ce sang ! S’Il n’était pas innocent, Il ne pourrait pas l’offrir, ce serait un blasphème ! Il est en parfaite communion avec le Père, grâce à quoi son sang peut être offert PAR LUI et par personne d’autre. Il est donc à la fois :
Go’éL, notre frère en humanité ;
• Grand Prêtre officiant pour obtenir le pardon de son peuple, accomplissant ce que promet depuis des siècles la fête annuelle du Yom KiPOuR ;
• Il est la victime innocente qui assume la souffrance de toutes les victimes de l’histoire et qui devient capable de nous pardonner en leur nom. C’est ce pardon qu’Il fait monter vers le Père en communion avec qui peut dès lors se répandre sur le genre humain une MISÉRICORDE juste, capable de transformer en vérité le cœur de tout homme, de toute femme par la charité dont la source se trouve ouverte en surabondance.

Alors maintenant, concluons cette question des coupes du repas. Du fait qu’il s’agit désormais d’une OFFRANDE, Jésus consomme seul la 4e coupe, mais la relie à la 3e, la « coupe de l’Alliance » à laquelle les disciples ont communié ! Boire cette 3e coupe de vin revient donc à consentir au renouvellement de l’Alliance qui consiste, comme à l’époque de Moïse, à transformer une situation de mort en un jaillissement de vie ! « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Mt 26,28)

Ceci dit, nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises… mais on va s’arrêter là pour aujourd’hui. Vous avez déjà bien du grain à moudre avec votre accompagnateur. Nous verrons la suite la prochaine fois.

Que le Seigneur vous garde en sa bénédiction.
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