19-12-2014

[Gn] 23 - Jacob, le trompeur trompé

Genèse 29 par : Père Alain Dumont
Jacob rencontre Rachel et la demande en mariage, mais son beau-père Labân a plus d’un tour dans son sac et Jacob va apprendre qu’être roulé par les siens n’est pas forcément chose agréable...
Rubrique :Jacob
Duration:14 minutes 56 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/jacob-le-trompeur-trompe.html )

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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Donc voilà Jacob qui reprend la marche vers le Nord Est, et il arrive vers un puits. Toujours les puits. Non pas que nous soyons dans le désert, mais que voulez vous, l’eau reste un nutriment essentiel, même si vous habitez dans des régions comme la Bourgogne ! Un peu comme nos lavoirs, si vous voulez, qui étaient des lieux où le village se retrouvait.

Et il trouve autour du puits trois troupeaux de brebis, avec une énorme pierre sur la bouche du puits. On attendait que tous les troupeaux soient réunis, puis, vous explique-t-on, on roulait la pierre et on la ramenait… histoire de protéger la source. Autant de détail qui font le récit.

Parlant avec les bergers, Jacob s’aperçoit qu’il est arrivé en Harân. Et là, vous avez un dialogue complètement culturel.

J’avais il y a plusieurs années des étudiants burkinabés qui me disaient : « En fait, nous les africains, il y a des tas de choses que nous comprenons mieux que les blancs dans la Bible ! », et c’est vrai. Partout en Afrique, quand vous rencontrez quelqu’un, on commence par demander : « Comment va la santé ? » « — Ça va ! », « Et les enfants ? » « —Les enfants se portent bien par la grâce de DIEU » etc.  Et là, vous avez la même chose : quand on raconte l’histoire, jamais on ne saute cette étape ! Ça ne ferait pas vrai. Et puis, ça laisse du temps au temps. Nous sommes trop pressés, du coup, tout ce qui est relationnel, tout ce qui fait le relief, tout ce qui est vivant disparaît de nos sacro-saints rapports d’activités journalistiques, mais complètement déshumanisés. Quand on parle des “faits”, on ne parle pas des hommes. On ne raconte pas l’histoire. On est dans la pure émotion du moment, et une émotion chasse l’autre… Mais là, non. On prend le temps de décrire, d’entrer dans la vie de Jacob ; de lui parler. Et on trouve, non pas simplement un héros efficace, mais un homme comme tous les autres, qui sait l’importance de la relation.

Et puis, au cours du dialogue, voilà que les bergers présentent à Jacob la belle Rachel, fille de son oncle Labân (qui veut dire “blanc” / Quand j’étais jeune à Beyrouth, on mangeait du “labneh”, c’est du lait caillé en arabe). Elle arrive avec son troupeau. Et là, il fait ce que tout homme fait quand il est devant une femme : il fait claquer les muscles ! Il soulève tout seul cette énorme pierre, fait boire le troupeau de sa cousine. Jacob n’avait rien, dit le Talmud, mais il était d’une force prodigieuse ! Cette même force qui le fera emporter le combat contre le mystérieux adversaire au moment du retour, avant de traverser le Jourdain !

Puis il embrasse Rachel (Attention, ce n’est pas Hollywood !! Il ne lui roule pas un patin ! il l’embrasse comme une sœur !), et il pleure. Ah ! Il sait y faire, le p’tit Jacob ! Quel roublard… Il sait bien que devant un homme fort qui montre sa vulnérabilité, une femme craque complètement. Le talmud est plus bienveillant : s’il pleure, c’est parce que Rachel lui rappelle sa mère… comme quoi, on retrouve encore le vieux démon de tout hommes cherchant une épouse en espérant retrouver sa mère… Freud n’a rien inventé !

Bref, elle court annoncer la présence de Jacob à son père, qui l’accueille à l’orientale : il court à sa rencontre, il l’étreint, l’embrasse avec tendresse et le fait entrer chez lui. Il apprend ce qui  est arrivé et accepte que Jacob se mette à son service en gardant les troupeaux. Labân se frotte les mains : vous pensez ! Une recrue de plus ! C’est tout bénéfice ! Et là, attention : à roublard, roublard et demi !!! Labân dit à Jacob : « Tu es mon frère, tu ne vas pas travailler pour rien ! » Et là, Jacob se tourne vers les deux filles de Labân, et il louche sur la belle Rachel : « elle est bien faite et belle à voir », comme dit le texte. Et oui, Rachel était belle à voir et Léa, sa sœur aînée, ne l’était pas… du moins aux yeux de Jacob. Et il dit à Labân : « Je serai ton esclave pendant 7 ans pour Rachel, ta fille cadette. » « Top là ! », dit Labân, j’aime autant la donner à quelqu’un de la famille !

Et voilà que Jacob est l’esclave de labân — attention, il ne s’agit pas de l’esclavagisme  commercial du XVIIIe siècle. Un esclave, c’est un serviteur qui n’est pas nécessairement mal traité. Simplement, le contrat fait qu’il doit obéissance à son employeur, à la vie à la mort.

Texte admirable : « Jacob servit 7 ans pour Rachel, et ils lui parurent quelques jours à peine tellement il l’aimait !!! » Ça c’est de l’amour ! C’est la Love Story de la Bible ! Mais Rebecca n’est pas loin : elle avait dit à son fils : 3tu resteras quelques jours auprès de mon frère Labân ». Vous voyez ? Jacob est encore attaché à sa mère… D’autres rabbins disent qu’il fallut bien 7 ans pour que Jacob forme Rachel à la foi d’Abraham. Mais c’est aussi un chiffre qui est attaché à l’Exil : quand le peuple partira en Exil, ce sera, dira Jérémie, pour sept semaines d’années, c’est-à-dire 50 ans…

Enfin… pour nous aussi, les sept ans passent vite : un seul verset !!! Et hop : « Labân, donne-moi ma femme car je veux aller vers elle ! » Et le vieux Labân de lui dire : « Pas de problème, mon fils, pas de problème ! Nous allons organiser un festin et ce soir, tu iras vers ma fille ! » Oui, mais laquelle ? Parce qu’on ne marie pas la cadette avant l’aînée ! Alors il va ourdir un stratagème. La fiancée est voilée pendant les fiançailles, et quand son mari la retrouve dans le lit, on n’y voit plus grand rien. Alors il remplace Rachel par Léa, de sorte que Jacob couche avec elle : le mariage est consommé, plus rien à faire ! Et le matin, il s’aperçoit de la supercherie !!!

Il court vers son beau-père : « Que m’as-tu fait là ! Pourquoi m’as-tu trompé ? » Alors labân lui dit : pas de panique ! On ne marie pas la cadette avant l’aînée. Tu veux Rachel ? Je te la donne, pour 7 autres année d’esclavage. Et comme il aime Rachel, Jacob rempile pour 7 ans, et à la fin, il l’épouse, il va vers elle, mais le texte dit bien : il aima Rachel plus que Léa !

Pauvre Jacob, pensera-t-on… mais en fait, ce texte joue un peu comme une justice immanente. Jacob le trompeur devient Jacob le trompé. À trompeur, trompeur et demi ! Voyez :

– Il a trompé son père, son beau père le trompe.

– Il a profité de la nuit d’un aveugle, Labân le trompe au cours de la nuit des noces

– Il s’est fait passer pour Esaü, Léa se fait passer pour Rachel. Le talmud dit même qu’elles étaient Jumelles. Cette fois, c’est l’aînée qui se fait passer pour la cadette. Avec l’acquiescement de Rachel qui est soumise à son père et aux coutume de son clan.

Les moyens sont les mêmes !

On ne vous dit pas que c’est un châtiment. C’est bien plus l’opération de la sagesse ! N’oubliez pas que la femme est gardienne de la sagesse, et c’est par le biais d’une femme que le destin est comme rééquilibré.

Quoi qu’il en soit, il se retrouve avec deux épouses, et c’est normal, puisqu’il avait voulu être à la fois Ésaü et Jacob ! C’est le mystère des jumeaux, rappelez-vous. On ne sait pas trop si on est un en deux, ou deux en un… Quant à ses deux femmes, comme d’habitude, elles sont rivales ! De toute façon, c’est le propre de la fraternité que d’engager des jalousies, donc elle ne sont pas mieux que Jacob et Ésaü. Et puis… DIEU s’en mêle. Jusqu’à présent, il s’était plutôt fait discret, mais il réapparaît et voilà que Léa est féconde sans être aimée ; Rachel est aimée sans être féconde… Vous voyez ? DIEU n’est pas nécessairement du côté des désirs de l’Élu ! Et heureusement ! Ce serait trop facile, et puis surtout, ça ferait vraiment le Got mit uns qui a généré tant de guerres fratricides !!! Non : la Bible nous apprend que, puisque Jacob, le roublard qui veut toujours avoir raison, aime Rachel, et bien elle sera stérile. C’est un bon moyen de vérifier la qualité d’amour que Jacob lui porte. Quant à Léa, elle n’est peut-être pas aimée, elle est même haïe par Jacob, mais DIEU la bénit et la rend fertile.

Le chapitre 30 vous fait le bilan de la fécondité de ces femmes. Ça ne va évidemment pas être simple, parce que la jalousie va encore se mettre de la partie. Vous pourrez lire tout ce chapitre pour vous faire une idée des démêlées entre les deux fammes.

Quoi qu’il en soit, Léa donnera 6 fils à Jacob : Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon, et une fille : Dina.

À un moment, elle devient elle-même stérile, alors par servante interposée — comme Sarah l’avait fait, rappelez-vous —, elle donne Gad et Asher à Jacob.

Pour Rachel, c’est l’inverse : d’abord stérile, elle donne deux fils à Jacob par l’intermédiaire d’une servante : Dan et Nephtali. Puis elle devient fertile, et elle enfant Joseph, puis encore Benjamin.

Voilà : les douze fils sont nés, qui seront les patriarches des Douze Tribus d’Israël.

Vous voyez que l’histoire prend forme.

À travers eux devra se poursuivre l’histoire de l’élection, de l’Alliance.

Mais ça, c’est pour une autre fois.

La prochaine fois, nous verrons comment Jacob décide de fuir son oncle pour retrouver sa liberté.

Je vous remercie.