04-02-2018

[Nb] 48 - Les filles de TseLâPheH.âD

Numbers 27:1-11 par : le père Alain Dumont
À l’occasion d’une question de droit successoral, la ToRaH s’interroge sur ce qui se passe lorsqu’un homme meurt sans fils. Les filles hériteront-elles ? Premiers pas vers l’égalité homme – femme que la post-modernité n’a pas inventée.
Duration:19 minutes 32 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui le ch. 27 du Livre des Nombres jusqu’au v. 11, et là, on retombe un peu paradoxalement dans des questions de casuistique. Mais quelque part, voyez, c’est ça qui fait de la ToRaH un livre vivant : dans la vraie vie, les questions surviennent toujours quand on ne s’y attend pas ! Un moment on discute d’affaires professionnelles, quand puis tout à coup on a un coup de fil qui nous apprend qu’un des enfants est chez le médecin, puis juste après il faut régler une affaire de litige et en même temps contrer l’appel d’offre d’un concurrent qui tente de nous prendre un client, etc. Eh bien ici, c’est la même chose : on fait le dénombrement pour YHWH, mais voilà qu’il faut en même temps régler des problèmes d’héritage, penser au successeur de Moïse, peaufiner un peu la ToRaH des Offrandes, repartir en guerre avant d’envisager de vraiment s’installer, etc. Là, je viens de vous résumer tout ce qu’on va trouver dans les ch. qui vont suivre au moins jusqu’au ch. 32. C’est comme ça : la Bible, ça n’est pas un traité de philosophie rédigé dans les règles de l’art pour des étudiants d’université, thème après thème, introduction, thèse, antithèse, synthèse et conclusion ! C’est charnel, c’est dans la vie ! On prend les questions quand elles se présentent, et parfois on les reprend parce que de nouvelles circonstances font qu’il faut compléter les affaires, etc.

Bref. Donc : après le recensement du peuple au ch. précédent en vue du partage de la Terre de KaNa“aN, voilà que se présentent des filles d’un certain TseLâPheH.âD du clan de Manassé — Manassé, je vous le rappelle, est un des fils de Joseph. Alors elles, elles ont un pb : leur père est mort de sa belle mort — « pour son manquement », dit le texte, c’est-à-dire qu’il a assumé le sort de sa génération qui était de mourir au désert pour avoir refusé d’entrer en Terre Promise — mais il n’a pas eu de fils pour lui succéder ! Alors là c’est une peu subtil, je l’avoue, mais c’est assez fort parce que le rédacteur nous fait d’ores et déjà regarder en direction du prochain livre, à savoir le Deutéronome qu’on va ouvrir prochainement et qui fournit des renseignements intéressants concernant le droit successoral en Israël qui, en réalité, ne nous est même connu QUE par le Deutéronome qui prévoit le droit privilégié du premier fils, au ch. 21. Ici, le texte du livre des Nombres précise cette règle en fixant l’ordre préférentiel des héritiers : fils, filles, frères, oncles puis autres parents du clan. Le but est évidemment de maintenir les biens dans la tribu, comme pour la loi du Jubilé qu’on a vu à propos du Lévitique au ch. 25 et qu’on reverra rapidement à la fin du livre des Nombres. On est par ailleurs dans la même ligne que la loi du lévirat qui vise à assurer la continuité de la famille — rappelez-vous, cette loi du lévirat est celle que des sadducéens vont s’opposer à Jésus à propos de la résurrection : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » (Lc 20,28-33) Bon, eh bien la loi selon laquelle le frère doit épouser la femme de son frère décédé, c’est la loi du Lévirat que le Targum introduit tout naturellement dans la suite de notre passage : « Notre père est mort dans le désert. Il ne faisait pas partie de la bande de ceux qui ont murmuré et qui se sont concertés pour se rebeller contre YHWH, dans la bande de KoRaH., mais c’est pour son propre manquement qu’il est mort — il n’a induit personne d’autres à pécher — et qu’il n’a pas eu d’enfants mâles. Pourquoi le nom de notre père serait-il écarté du milieu de sa parenté parce qu’il n’a pas eu d’enfant mâle ? Si nous, nous ne pouvons être considérées au même titre qu’un fils et que notre mère a en vue un mariage [selon la ToRaH du] lévirat, que notre mère prenne la part de notre père et la part du frère de notre père ! Mais si nous sommes considérées autant qu’un fils, donne-nous l’héritage au milieu des frères de notre père ! » (Targum ps.-Jonathan de Nb 27,3-4) En rouge, ce sont les ajouts du targum par rapport au texte qui est celui de la ToRaH aujourd’hui.

Quel est le but de tout ça ? Eh bien tout simplement de PRÉSERVER LA MÉMOIRE ! La MÉMOIRE, je ne vous le dirai jamais assez, c’est le trésor des peuples. Déconstruisez la mémoire et vous rendez un peuple non seulement orphelin mais sans force, propre à devenir esclave de n’importe quelle culture qui osera, elle, affirmer sa propre mémoire. Or il y a deux lieux CHARNELS de mémoire, puisqu’il ne peut pas y avoir de mémoire sans CHAIR — sans quoi ce n’est pas la mémoire mais l’idéologie, manipulable à merci — ; et ces deux lieux sont respectivement la TERRE et la FAMILLE. Vous voulez détruire la mémoire d’un peuple ? Enlevez-lui tout droit à la propriété foncière et tout droit successoral. C’est ce qui se passe dans certains pays au nom de l’égalité des individus. Résultat ? Les maîtres exploiteront les esclaves, c’est inévitable ! Le seul rempart contre cette loi inique et structurellement pécheresse, comme disait Jean-Paul II, c’est la ToRaH et le Christ ; c’est la Synagogue et l’Église, ensemble ! Israël ET les nations converties, ensemble ! Le jour où on comprendra ça ! Enfin bref.

Donc voilà, on perçoit en tout cas que ce texte est moins anodin qu’il n’y paraît à première vue. Et à bien y réfléchir, il présente une intéressante hiérarchie de la gravité des manquements, puisque la révolte contre Moïse, comme celle de KoRaH. qui a induit la faute de tout le peuple derrière lui, rejaillit sur la descendance de ce KoRaH. qui ne bénéficiera d’aucune transmission foncière à propos d’une terre qu’en l’occurrence, KoRaH. a poussé à refuser ; en revanche, le manquement individuel, si on peut dire, au sens où il n’induit pas d’autres à pécher ; ce manquement individuel donc n’affecte pas la descendance qui a droit à un héritage. Alors ce qui est intéressant par ailleurs, c’est l’interprétation que fera de ce texte un père de l’Église, saint Éphrem le Syrien, au IVe siècle de notre ère, qui se réjouit de voir dans les filles de TseLâPheH.âD la figure des femmes saintes qui hériteront du royaume au même titre que les hommes. Comme quoi voyez : on n’a pas attendu le féminisme pour enseigner l’égale dignité de l’homme et de la femme. Mais quoi qu’il en soit, avant de parler du Règne de Dieu, on voit que le droit successoral tel que YHWH le conçoit dans sa justice — puisque Moïse prend le temps d’aller Le consulter, se met en place dès ici bas, et par décret DIVIN s’il vous plaît !

Alors avant de poursuivre la lecture du chapitre, j’aimerais qu’on reste un peu sur cette considération tellement essentielle qui est en train de se construire ici. Pour l’instant, on n’est pas encore en Terre Promise ; cette terre qui se présente donc comme l’HÉRITAGE d’Israël parmi les nations }— c’est ainsi que la dénomme le v. 10. Cette dénomination est fondamentale parce qu’elle ne définit rien de moins que l’ESSENCE même de cette terre, à savoir qu’elle est un HÉRITAGE. Et c’est ça qui va s’inscrire dans la chair des Fils d’Israël, de sorte que dès le début et pendant toute l’histoire, cette terre restera un HÉRITAGE. Du coup, que vous viviez sur cette terre ou que vous en soyez loin, elle reste leur point de mire ! Aujourd’hui encore, un Juif ne vit que tourné vers Israël, qu’il soit religieux ou non. On pourrait dire que pour être Juif, il faut en définitive deux choses : la circoncision et l’héritage de la terre. Plus précisément : un repère TEMPOREL, la circoncision : « Un jour, mon fils, tu es devenu Fils d’Israël ! » et un repère SPATIAL : la Terre. Et comme cet héritage date de Moïse, c’est-à-dire de ce temps mythique fondateur, comme on l’a déjà dit plusieurs fois, les nations pourront bien envoyer Israël en Exil, voire détruire Jérusalem, vider cette terre de tout Juif, ils ne pourront jamais faire en sorte que le fondement disparaisse. Et c’est ce qui fait qu’un Juif restera toujours et partout parfaitement libre d’être ce qu’il est puisque son Héritage — l’Héritage de son peuple dont il se sent totalement partie prenante — ne disparaîtra jamais !

Comprenons bien : si la terre n’avait été déclarée comme héritage qu’une fois conquise, comme le fruit de la conquête ; dit autrement si l’héritage était conditionné par sa conquête, il aurait inexorablement explosé dès la première déportation ! On a été conquérants, on ne l’est plus, on va ailleurs, adieu la terre conquise ! Seulement si la terre est promise en héritage AVANT la conquête, c’est qu’elle l’est inconditionnellement ! Du coup, quand vous êtes en Exil, vous envisagez tous les jours qu’un retour soit possible, une “aLîaH dirait-on aujourd’hui en hébreu, c’est-à-dire une ascension — parce qu’on ne “va” pas à Jérusalem : on y monte toujours à la rencontre de YHWH — ; donc un Juif en Exil, en diaspora envisage tous les jours qu’un retour soit possible en vertu de CET héritage inscrit dans les fondements mosaïques de l’histoire et du DROIT divin de ce peuple sur cette Terre. Contester ce droit à Israël — tout en sachant que ce peuple n’est pas meilleurs que les autres c’est entendu / sans oublier non plus qu’il n’est pas pire que les autres — Contester donc ce droit à Israël, c’est contester à YHWH son droit à l’existence — si on peut dire —, ce dont l’ONU qui s’auto-constitue comme instance morale mondiale et par là même s’auto-divinise sans complexe, a complètement conscience ! Comme quoi encore une fois, la ToRaH n’est définitivement pas un pur document d’archives ne concernant que l’Antiquité !

Alors redisons-le : ce droit d’Israël à vivre sur la Terre que YHWH a juré à ses pères de lui donner n’est pas un droit immunitaire ! C’est un droit d’une exigence extrême puisqu’il n’est applicable qu’en proportion de l’obéissance à la ToRaH ! Néanmoins, quand bien même le peuple est infidèle au point que YHWH l’en fasse partir, ce qui est établi encore une fois dans le temps mythique du désert ne disparaît pas. Les dons de Dieu sont sans repentance, dit saint Paul en Rm 11, v. 25. L’Alliance ne peut pas être anéantie pour la simple et bonne raison qu’elle est scellée en Moïse ! Et encore plus en Jésus dès lors que cette Alliance s’ouvre aux nations qui acceptent de se recevoir de cette ToRaH. Sachant que pour nous, en tant que GoYîM, notre attachement à Jérusalem n’est pas de la même nature que pour un juif. Nous, nous puisons notre espérance dans le fait que LE CHRIST est le Temple définitif de YHWH, non plus un temple de pierres mais un temple de CHAIR en qui se rencontrent et s’épousent librement et inconditionnellement la nature divine et la nature humaine. Donc encore une fois, notre rapport à la Jérusalem terrestre, et par elle notre rapport à la terre même de KaNa“aN, est différent, mais nous ne les dédaignons pas pour autant dans la mesure où elles sont essentielles à l’Olivier Franc sur lequel nous sommes greffés et sans lequel nous n’aurions jamais, ne serait-ce qu’entendu parler du projet d’Alliance éternelle entre YHWH et sa création.

Bien. On n’en dira pas plus ici. Merci néanmoins aux filles de TseLâPheH.âD de nous avoir permis de réfléchir à tout ça, parce que mine de rien, c’est important : ça donne à notre regard la direction nécessaire pour avancer sur le chemin tracé par YHWH pour notre JOIE ! La suite du chapitre va marquer un vrai tournant dans cette aventure, mais nous verrons ça la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite une bonne lecture de cette première partie du ch. 27 du Livre des Nombres. Je vous remercie.
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