20-12-2017

[Nb] 45 - Bénir Israël

Numbers 24:1-25 par : le père Alain Dumont
BiLe”âM donne ses deux derniers oracles par lesquels les nations vont devoir discerner leur positionnement vis-à-vis du Peuple Élu. Certaines ne voudront que le maudire et l’exterminer par principe ; d’autres entendront la promesse de YHWH de bénir celles qui béniraient la descendance d’‘AVeRâHâM. Que décidera BâLâQ ?
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Transcription du texte de la vidéo :
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui le ch. 24 du Livre des Nombre avec lequel commence directement avec le troisième oracle de BiLe”âM, et on sent là qu’un palier est en train de se franchir. Le texte déjà nous dit qu’il se détourne des NeH.aShîM, un mot difficile à traduire parce qu’il renvoie irrépressiblement au NaH.aSh, c’est-à-dire au serpent. Et c’est vrai que les études montrent qu’au Moyen-Orient, de l’Égypte au Mitanni, la divination était très liée à l’observation des comportements des serpents. On le voit par exemple dans la confrontation entre les magiciens de Pharaon et Moïse, au début du livre de l’Exode ; mais on pourrait aussi discerner un processus divinatoire dans l’histoire du péché originel où Ève se tourne vers la divination plutôt que d’accueillir le don du Créateur ; une divination qui consiste précisément, comme on le voit avec BiLe”âM, à PRENDRE plutôt qu’à recevoir. Et il n’est peut-être pas anodin que l’histoire concernant le peuple à propos du serpent d’airain soit venue juste avant : mordus par les serpents de la divination païenne, voilà que le peuple est convoqué à regarder du côté du serpent de Moïse comme lorsque Pharaon avait vu les serpents de la sorcellerie être avalés par le serpent de Moïse, et dans les deux cas, il s’était agit d’un bâton : dans l’Exode, le bâton s’était transformé en serpent ; dans l’épisode du serpent d’airain, le bâton supporte le serpent, mais dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un serpent plus fort que ceux de la sorcellerie, c’est-à-dire plus fort que les serpents par lesquels on manipule le divin. Alors il serait intéressant d’approfondir, mais pour notre sujet, on en comprend assez pour entendre que BiLe”âM, en réalité, renonce à manipuler YHWH, le Dieu qui bénit Israël. Inutile, donc, de passer par la divination ; il faut tourner sa face du côté où YHWH réside, à savoir le MiDeBaR ! Alors non plus, géographiquement parlant, le MiDeBaR du NèGèV ou de PaRâN, au sud, mais à l’Est de MO’âV. N’oublions pas que formellement, Israël n’est pas encore sorti du MiDeBaR dans la mesure où la sortie n’interviendra véritablement qu’après la mort de Moïse. Cette fois, BiLe”âM n’appréhende plus Israël par une extrémité, comme au ch. précédent, mais face à face, et là, nous dit-on, il reçoit l’inspiration : le ROuaH. ‘ÈLoHîM, le Souffle de Dieu vient sur lui. À moins que « Et l’esprit de Dieu fut sur lui » désigne Israël, ce qui voudrait dire que l’Esprit protège Israël : ça, c’est l’interprétation des rabbins qui ont une dent contre BiLe”âM mais on pourrait leur objecter que si c’était le cas, on aurait l’Esprit de YHWH et non pas, comme ici, l’esprit de ‘ÈLoHîM. De toute manière, c’est une expression typique qui désigne l’esprit des prophètes : on le retrouvera souvent dans les livres historiques concernant les premières confréries de prophètes pour signifier une sorte d’envahissement extatique qui deviendra, avec le temps, plutôt l’avènement d’une sagesse : le juste véritable est habité du ROuaH. YHWH, le Souffle de YHWH, qui deviendra dans la tradition juive la SheKh.îNaH. Ceci dit, pour l’heure, on n’en est pas encore là : BiLe”âM entre donc en extase à la manière des Shamans si vous voulez, de sorte qu’un MâShâL va être prononcé non plus à l’intention de BâLâQ mais d’Israël.

Et là, BiLe”âM est vraiment prophète : il entend et il voit au cours d’une extase qui lui coupe les jambes puisqu’il tombe, dit le v. 4. Il est terrassé, ce qui veut dire quelque part qu’il meurt pour être saisi par le monde du divin. Et c’est là que ça devient intéressant parce qu’on a le témoignage, en quelque sorte hors du sérail propre du peuple élu, de la manière dont le divin perçoit Israël : « Qu’elles sont belles tes tentes, Ya“aQoV ! Tes demeures, Israël ! » Ça c’est une formule que reprend tout juif pieux au début de la prière du matin à la Synagogue. Les v. 6 à 8, quant à eux, sont l’expression d’une grande fécondité mais qu’il ne faudrait pas lire comme un privilège gratuit ; ne serait-ce que le premier élément du v. 7 : litt. : « L’eau ruisselle de ses deux seaux », sauf que les seaux, ce sont ceux qu’il s’agit de porter chaque main, ce qui suppose le travail ! Et c’est ce travail qu’en définitive YHWH bénit, ce qui est on ne peut plus vrai aujourd’hui : mettez des Bédouins dans un endroit désert, 20 ans après, l’endroit est toujours désert ; mettez des Juifs dans ce même endroit, 20 ans plus tard, c’est une oasis où poussent les dattiers, la vigne ou les figuiers. Et c’est ce qui fait qu’Israël sera toujours plus grand que n’importe quelle nation ; son roi plus grand que tous les rois dont Agag, au v. 7, qui représentent les ennemis envieux d’Israël. Ceci dit, l’antique version du début du v. 7 est aussi suggestive, dont on a les traces grâce à la version grecque des LXX : « Un homme sort, issu de sa semence, qui sera le seigneur de nombreuses nations ! », ce que confirme le Targum. Je lis un peu avant, à partir du v. 6 dans la traduction en araméen du Targum : « Comme des torrents d’eau qui débordent, ainsi sont ceux de la maison d’Israël, assis par groupes, devenant puissants dans l’enseignement de la ToRaH et comme des jardins plantés le long du cours des fleuves, tels sont leurs disciples par équipes dans leurs maisons d’étude ! L’Éclat de leur visage brillera comme l’éclat des firmaments que YHWH a créés le second jour de la création du monde et qu’il a étendus pour la Gloire de la SheKhiNaH. Ils sont élevés et exaltés au-dessus de toutes les nations comme les cèdres du Liban qui sont plantés le long des sources d’eau. — et voici le v. 7 : — C’est d’eux que se lèvera leur roi, et leur libérateur sera d’entre eux et parmi eux. La semence des fils de Ya“aQoV dominera sur les peuples nombreux. » Cette semence, c’est évidemment David — même si la tradition du Targum voit Saül mais la suite ne va pas dans ce sens. Ce qui est intéressant, c’est que le Targum a très bien compris que ce texte, du v. 3 au v. 9, vise précisément la royauté en Israël. Et là, on a une des différences les plus nettes entre l’histoire interprétée par le rédacteur principal du livre des Nombre pour qui le SACERDOCE est premier, voir même le seul à être représentatif d’Israël ; et l’histoire interprétée par le rédacteur deutéronomiste, qui écrira les livres historiques, pour qui c’est la figure politique ROYALE qu’il importe d’exalter. Or c’est bien cette figure royale qu’exalte cet oracle de BiLe”âM, signe que le récit est de facture deutéronomiste qui change vraiment du style sacerdotal qu’on avait l’habitude de lire depuis la seconde partie au moins du livre de l’Exode. Mais si le rédacteur sacerdotal l’a conservé, c’est parce que cet oracle est juste essentiel et qu’il ouvre l’avenir !

C’est en effet la première fois que surgit une figure royale, et c’est un prophète païen qui la discerne là où Moïse, lui, dans ses visions, discernait exclusivement le Sacerdoce. Et c’est assez compréhensible : toute la dynamique de Moïse, c’est l’élévation qui positionne Israël dans le giron de YHWH, et c’est elle qui demeure comme la racine indéracinable d’Israël. Le roi, lui, sera donné pour administrer le peuple, pour lui donner une visibilité au sein des nations, ce qui n’est pas la même chose et qui ne pouvait pas venir avant le moment où, précisément, Israël s’installerait sur la Terre de la Promesse. Or BiLe”âM se fait là le prophète des nations qui accueillent Israël et entrent, par le fait même, dans la bénédiction donnée par YHWH à ‘AVeRâHâM et à sa descendance. ‘AVeRâHâM qu’on retrouve en filigrane au v. 9 : « Béni soit qui te bénira, maudit soit qui te maudira », à lire évidemment en lien avec Gn 12,3 et 27,29. Quant au lion, il ne peut pas ne pas être rapproché ici de Juda, le fameux LION DE JUDA de la bénédiction de Ya“aQoV au ch. 49 de la Genèse qui vaut la peine d’être relu ici, puisqu’on retrouve les mêmes accents : « Juda, toi, tes frères te célébreront, ta main sera sur la nuque de tes ennemis, les fils de ton père se prosterneront devant toi. C’est un lionceau de lion que Juda. Tu es remonté du carnage, ô mon fils ; il s’est agenouillé, il s’est couché comme un lion, comme une lionne : qui le fera se lever ? » (Gn 49,9) On sent là toute la noblesse de celui que le combat a fourbu mais qui est allé jusqu’au bout et ne s’est pas laissé prendre. Et c’est ainsi que BiLe”âM, fidèle aux paroles de YHWH, confirme la vocation royale d’Israël sur sa terre et dans ses combats pour faire sa place au milieu des nations, et devenir pour elles une lumière qui les guide à leur tour vers YHWH.

Alors ceci dit, on comprend qu’à nouveau, la panique et la colère s’emparent de BâLâQ qui chasse BiLe”âM, non cependant sans que le prophète le gratifie d’un dernier oracle. Ceci dit, au v. 11, la manière dont BâLâQ parle de YHWH montre bien qu’il n’a pas évolué d’UN POIL en sa direction. Pour lui, YHWH reste une idole parmi les autres que BiLe”âM n’a pas réussi à séduire, c’est tout ! Et ici, BâLâQ n’est rien d’autre que l’éponyme de ces nations incapables d’entrer dans une relation d’élection, une relation d’amour avec le divin : tout n’est que séduction, convoitise et affaires de corruption. Une notion qui malheureusement a retrouvé toute son actualité depuis que les nations occidentales ont décidé de renier leur attachement au Christ. À vrai dire, dès le deuxième millénaire, la tentation de BaLaQ a repris de la graine, mais l’Église veillait au grain. Jusqu’à ce qu’au dernier tiers du XXe siècle, toute instance prophétique a été congédiée par les nations . Dès lors, c’est BâLâQ qui se retrouve face à lui-même. Que va-t-il se passer ? Eh bien sans doute le dernier oracle de BiLe”âM va-t-il pouvoir nous éclairer — comme quoi si la ToRaH n’a pas voulu laisser cet oracle sous silence, c’est qu’il y a une raison et un message pérenne concernant les nations. Alors allons-y.

Le v. 14 introduit le MâShâL de façon caractéristique : il est donné, littéralement, « pour l’après des jours », une expression caractéristique des apocalypses prophétiques, c’est-à-dire de ces textes où est annoncé l’accomplissement de l’Alliance. Par exemple en Isaïe : « Et il adviendra dans l’après des jours que la montagne de la Maison de YHWH sera établie au sommet des montagnes et qu’elle s’élèvera au-dessus des collines » (Is 2,2) : voilà, l’horizon est donné : au terme de l’histoire, Jérusalem sera le cœur religieux du monde. Ou alors Osée, au ch. 3 : « Pendant de nombreux jours, les Fils d’Israël resteront sans roi et sans chef, sans sacrifice et sans stèle, sans éphod et sans TeRâPhîM. Ensuite, les Fils d’Israël reviendront et chercheront YHWH leur ‘ÈLoHîM, et David leur roi ; ils viendront en tremblant vers YHWH et vers ses biens, dans l’après des jours ! » (Os 3,5) etc. Donc ici, parlant de l’après des jours au v. 14, BiLe”âM vise accomplissement de l’Alliance, mais avec les effets sur les nations, selon qu’elles se positionneront pour ou contre Israël. Les v. 15-16 reprennent la formulation des v. 3 et 4 avec cependant un attribut supplémentaire, à savoir que non seulement le prophète entend et voit, mais en plus il « connaît la connaissance », YâDa“ Da“aT en hébreu, il « pénètre la pénétration » de “ÈLîON, c’est-à-dire du TRES-HAUT — toujours cette racine “âLâH, qui signifie MONTER. Et tout à coup, le v. 17 se tourne vers une figure à venir mystérieuse, une figure royale issue de Ya“aQoV — d’Israël donc — et dont le signe est une ÉTOILE. Alors là, c’est carrément l’ouverture sur les livres historiques. Pour la première fois, le regard est projeté hors de la ToRaH en direction d’un roi à venir — donc là on reconnaît bien le rédacteur deutéronomiste —, mais en même temps, ce regard s’enracine dans la période mythique du MiDeBaR, du désert, donc elle est irréductible ! Manière de dire que la venue de David — puisque du point de vue du rédacteur, environ 5 siècles plus tard, il ne peut s’agir que de David ; sachant néanmoins que remis dans le contexte, cet astre fait irrésistiblement penser aussi au patriarche Joseph : souvenons-nous l’un de ses songes où il se voit comme cet astre devant qui onze étoiles se prosternent, sans compter le soleil et la lune — Manière de dire donc que la venue de David, peut-être comme un nouveau Joseph, est non pas tant programmée qu’attendue, espérée dès la première génération qui pénètre en KaNa“aN. Vous voyez : autant Moïse institue le sacerdoce, autant il attend un prophète qui lui succédera, autant son homologue païen, pour ainsi dire, présage le surgissement d’un roi en Israël ; un roi par lequel Israël va pouvoir forger sa place au milieu des nations. Mais en même temps, Moïse — toujours absent du récit — reste comme protégé de cette institution royale. Dans le fond, on ne sait pas trop quoi en penser : d’un côté, c’est une bonne chose si le roi est fidèle à YHWH, mais de l’autre, c’est catastrophique s’il ne Lui est pas fidèle… Alors ? Alors autant laisser Moïse en dehors de ça. Toujours est-il qu’à cette étoile est associé un sceptre, c’est-à-dire une dynastie.

Alors attention : ne songeons pas tout de suite à l’étoile de David, qu’on trouve par exemple sur le drapeau d’Israël : cette étoile-là est un signe tardif et comme tel n’appartient ni à la Bible, ni même au Talmud. Elle apparaît au XIVe siècle après J.-C. avec la Kabbale, et ne s’appelle d’ailleurs pas l’étoile de David mais le BOUCLIER de David, MaGéN DaWiD. Quant aux étoiles à 6 branches représentées dès le IIe ou IIIe siècle un peu partout au Moyen-Orient, elles sont sans attache à David. Donc pas d’anachronisme !

Il n’empêche néanmoins que pour le rédacteur, cette étoile désigne quasi nécessairement David ! Par ailleurs un tel signe ne pouvait quelque part n’avoir été donné que par un Mésopotamien qu’on sait être de grands astrologues dès l’Antiquité, surtout encore une fois à l’époque du rédacteur, à savoir l’époque babylonienne suivie de l’époque perse. Alors ceci dit, dans ce contexte, l’étoile est surtout le signe d’un être céleste, et si elle désigne un roi, c’est un roi sur lequel repose le sceau de la divinité ! C’est sans doute pour ça que la tradition d’Israël est prudente avec cet oracle de BiLe”âM — jusqu’au targum qui efface même cette allusion en remplaçant l’étoile par un roi : « Je le vois mais non pour maintenant : je le contemple, mais il n’est pas proche. Un roi doit se lever d’entre ceux de la maison de Ya“aQoV, un libérateur et un chef d’entre ceux de la maison d’Israël » (Targum Neofiti de Nb 24,17).

Reste pourtant que les chrétiens, eux, vont recevoir cette annonce pour ce qu’elle est et l’associer à la naissance de Jésus, en particulier Matthieu qui fait à nouveau intervenir des mages d’Orient dans la ligne BiLe”âM ! Comme si les nations avaient dû attendre tout ce temps pour revenir à Israël et s’ouvrir à la bénédiction de ‘AVeRâHâM ! Allez : ça vaut le coup de se relire ce passage qui prend un relief tout à fait particulier quand on le lit à la lumière de l’épisode de BiLe”âM : « Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient — tiens, voilà les descendants de BiLe”âM ! — arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons VU SON ÉTOILE à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui.” En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : “À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : ‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ “ Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : “Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui.” Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’ÉTOILE — encore elle — qu’ils avaient vue à l’orient les précédait jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils VIRENT L’ÉTOILE, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. » (Mt 2,1-12) Et puis n’oublions pas Jean, en particulier à la fin de l’Apocalypse, concernant cette fois le retour du Messie quand les temps seront accomplis : « Moi, je suis le rejeton, la semence de David, l’ÉTOILE resplendissante du matin. » (Ap 22,16). Enfin voilà : cette étoile attendue par les nations traduit non pas leur duplicité à vouloir se substituer à Israël — ça c’est BâLâQ, c’est-à-dire le bras armé des politiques qui ont souvent joué un mauvais jeu vis-à-vis des Juifs quand ceux-ci commençaient à les gêner, agissant en se référant abusivement à l’Église alors même qu’elle tentait de les en dissuader ! Bon, ça n’est pas notre objet, mais si ça vous intéresse, je vous mets un lien sur cette question dans les notes et documents. Pour ce qui est de l’Écriture en tout cas, il est indéniable qu’on lit dans cette prophétie de BiLe”âM une ATTENTE, une ESPÉRANCE des nations vis-à-vis d’Israël par qui le Salut advient au monde par l’engendrement du MaShiaH, du Messie dont on a ici une des toutes premières annonces — même si encore une fois le texte est de facture tardive : la tradition à laquelle il se réfère peut tout à fait être ancestrale.

Ceci dit, finissons rapidement la lecture du chapitre qui en définitive ne fait que décrire ce qui se passera sous la royauté de David qui « fracassera les tempes de MO’âV » — l’expression est en Jr au ch. 9, ainsi que toutes les régions alentour, non pas pour se façonner un empire mais pour consolider les frontières d’une terre qu’il faut protéger des assauts ennemis. C’est toujours la même chose : David n’a pas été un Louis XIV ou un Napoléon Bonaparte ! Il s’est donné pour tâche de répondre aux commandements de YHWH, de la tradition de Moïse dont il se recevait. Donc, pour s’ne tenir au texte des Nombres, que vous preniez Seth — Seth représente la population bédouine de l’époque, si vous voulez, ou ÉDoM, ils passeront tous les deux sous la coupe d’Israël. Viennent ensuite trois peuples que « voit » BiLe”âM : deux ennemis : ‘AMaLèQ et ‘OG, qui sont comme les éponymes des nations idéologiquement hostiles à Israël : l’une comme l’autre ont fondu sur Israël sans crier gare, au livre de l’Exode et dernièrement quelques chapitres auparavant. Ces nations sont vouées à disparaître ! Pourquoi ? Parce qu’elles s’opposent en définitive à YHWH en personne ! C’est la traduction littérale du v. 23 : « Qui survivra s’il se fait ‘ÉL ? » Voilà la grande tentation des idéologies quelles qu’elles soient : se faire dieu à la place de Dieu ! Et depuis en gros le XVIIe siècle avec la montée en France du Jansénisme, les idéologies n’ont cessé de croître CONTRE DIEU : elles sont toutes les filles de ‘AMaLèQ et de ‘OG ! Et elles n’ont aucun avenir, dit BiLe”âM qui décidément reste bien du côté de YHWH !

Alors au milieu de tout ça, il y aura aussi des nations affiliées à Israël, qui subiront le même sort de le peuple de YHWH mais ne disparaîtront pas pour autant. Certes, Israël, avec ces nations, sera fait prisonnier de peuples comme l’Assyrie — Assour dans le texte —, mais l’Assyrie elle-même sera mise à mal par des peuples de la Mer : KiTTîM, c’est-à-dire les Chypriotes ; de même pour “éVèR, c’est-à-dire le peuple descendant de Sèm, un des fils de No‘aH. , qui vivait au nord lui aussi, à côté de Assour. Enfin bref : BiLe”âM annonce dans le fond que les peuples qui chercheront à détruire Israël s’entre-déchireront purement et simplement, mais Israël et ses alliés, eux, ne disparaîtront pas ! Alors c’est dit de manière un peu compliqué je l’avoue, sans doute parce que c’est justement un MâShâL, une parabole : comprenne qui a des oreilles ! En tout cas, BâLâQ est averti : à lui maintenant de choisir son camp et manifestement, la fin du v. 25 semble dire qu’il a compris la leçon puisqu’il passe son chemin.

Je ne sais pas si vous le sentez, mais lu comme ça, un fils d’Israël entend nécessairement que les nations, quand elles entrent dans le projet de YHWH, ne peuvent tout simplement pas le maudire ! Alors va pour les rabbins qui tournent toutes les paroles de BiLe”âM au vinaigre, tellement ils sont échaudés par les affres de l’histoire jusqu’à aujourd’hui, mais si on prend le récit posément, BiLe”âM, ici, est l’éponyme de toutes les nations qui reconnaissent Israël comme le peuple élu et qui avertissent les nations sœurs qui, elles, ne veulent pas en entendre parler… C’est donc un moment assez déterminant et on comprend mieux pourquoi, ici, Moïse dans le fond, est le grand absent : c’est un règlement de compte ENTRE NATIONS à propos d’Israël, mais c’est essentiel pour Israël qui, dans ce récit, prend conscience qu’elle n’aura pas à se battre contre toutes les nations : certaines seront à ses côtés et c’est là ce dont aujourd’hui l’Église a pleine conscience dans la suite de la déclaration Nostra Ætate de Vatican II. Et en étudiant, en scrutant l’Écriture comme nous le faisons, en chrétiens tout simplement, nous entrons dans le MâShâL de BiLe”âM afin d’avoir part à la bénédiction de YHWH promise à ceux qui béniraient ‘AVeRâHâM et sa descendance : c’était au commencement de l’histoire du Salut, au ch. 12 du livre de la Genèse.

Voilà. Je vous souhaite une bonne lecture de ce ch. 24 du livre des Nombres. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.
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