06-09-2017

[Nb] 20 - Ras-le-bol de la manne !

Numbers 11:4-14 par : le père Alain Dumont
De la manne, de la manne, toujours de la manne et rien que de la manne depuis déjà deux ans... Ça commence à bien faire ! Combien de temps YHWH va-t-Il ainsi faire peser son joug sur les Fils d'Israël ?
Duration:22 minutes 4 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/message/nb-20-ras-le-bol-de-la-manne.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous poursuivons notre lecture du ch. 11 du livre des Nombres et donc, comme annoncé lors de la dernière vidéo, nous allons entrer dans une première révolte : celle contre la manne. Alors là, c’est une sorte de bis repetita de l’épisode d’Ex 16 qui s’est terminé par le même envoi de cailles, sauf qu’à l’époque, il n’y avait pas encore la manne qui a été donnée juste dans la suite de la plainte qui, pour le coup, était légitime puisqu’on n’avait rien à manger ! Ici, ça n’est plus le cas : cette fois, c’est le ras-le-bol de ne manger que de la manne qui provoque l’appétit de viande et suscite la révolte. L’argument du v. 5 est assez étrange : « En Égypte, nous mangions pour rien ! » Ah bon ? À moins que « pour rien » ne signifie pas qu’ils aient été nourris gratuitement par les Égyptiens — puisqu’ils étaient esclaves, ils étaient nourris au prorata de la quantité de travail — mais signifie qu’ils n’étaient pas soumis au joug de la ToRaH de Moïse sous laquelle ils semblent ployer ! « Manger pour rien » veut dire ici qu’étant esclaves de l’Égypte, ils étaient libres des préceptes de YHWH, libres de la ToRaH et de l’obligation d’en accomplir les MiTsVoT — les œuvres — jour après jour ; c’est-à-dire libres en définitive  de ce travail sur soi qu’impose la ToRaH de YHWH. On n’imagine pas le nombre incalculable de personnes pour qui travailler sur soi est juste insupportable : pour des tas de raisons, la survie passe par un pur fonctionnement sans se poser de question et avec pour seule matière à discussion les brèves de comptoir… Or c’est justement le difficile pari de YHWH et de Moïse son serviteur : que TOUT UN PEUPLE se mette au travail sur soi, et pour cela, de les appauvrir au désert en leur donnant chaque jour juste la quantité et la qualité de nourriture dont ils ont besoin. On peut penser ce qu’on veut d’un tel scénario, mais en tous les cas, personne ne peut vivre de cette providence quotidienne imposée sans nécessairement, à un moment où à un autre, se questionner, en commençant par la révolte et le hurlement.

On peut dire les choses autrement. Avoir la bouche remplie jour après jour par un autre, c’est la condition infantile au sens où du point de vue de l'enfant, c'est la liberté des parents qui s’impose, point barre. Pour lui, la nourriture n'est donnée que quand les parents le décrètent, ce qui fait d’eux non seulement les nourriciers mais les LÉGISLATEURS ! Eh oui : dans la mesure où ce sont eux qui dispensent la nourriture, ça signifie CHARNELLEMENT que ce sont eux qui dictent la loi ! Sauf qu’à un moment, ça devient juste insupportable : insupportable que la loi ne me vienne que de l’EXTÉRIEUR, par un autre dont la présence devient oppressante ; insupportable que la nourriture soit liée à un autre dont la présence, là encore, fut-elle généreuse, est accablante. Parce que du point de vue de l’enfant, cette relation est une relation de domination où il se comprend comme un esclave alors qu’il voudrait se sentir maître. Il sait que ses parents l’aiment, mais leur omniprésence ressentie comme une oppression, opacifie leur amour à ses yeux. Du coup, ni la nourriture, ni la loi qu’elle représente ne sont plus pour lui des signes d’amour : la loi renvoie immédiatement au législateur ; la nourriture renvoie immédiatement au nourricier qui décide seul quand et comment nourrir, point final ; la chose est juste révoltante et c’est exactement la situation qu’on a, à ce stade, avec les Fils d’Israël : la ToRaH est omniprésente et la manne est certes donnée, mais dans l’ordre d’une dépendance quotidienne qui ne parvient pas à évacuer la question cruciale : « Qu’est-ce qui m’assurre qu’il y en aura encore demain ? ». Une question qui constitue ni plus ni moins que l’ÉPREUVE par excellence, terrible autant que terrifiante parce que déterminante pour le reste de l’existence, à savoir l’ÉPREUVE de la FOI par laquelle l’enfant se pose cette question effrayante : « L’AUTRE, qui m’impose sa LOI, sera-t-il FIDÈLE à sa parole ? » Autrement dit : « Puis-je lui donner ma confiance ? » avec évidemment le premier réflexe qui consiste à la lui refuser : la fameuse « période du NAN » que tous les parents contemporains connaissent bien : — Mange ! Nan ! — Viens avec nous ! Nan ! etc. etc. Freud appelait cette période le stade anal, le stade du sentiment de maîtrise de soi et de son environnement qui, s’il n’est pas travaillé positivement, rejaillira au moment de la non moins fameuse « crise » d’adolescence.

Quel est le nœud ici ? Il est que l’enfant — ou l’adolescent — entre dans l’illusion qu’il doit être lui-même à l’origine de la loi, non pas tant d’ailleurs pour lui obéir — les adolescents sont les premiers à refuser d’appliquer pour eux-mêmes leurs propres lois —, non pas tant pour lui obéir donc que pour s’imposer à tout l’entourage en qui ils n’ont pas foi, qu’ils prennent pour leurs ennemis tout simplement parce qu’ils refusent de se laisser travailler par la frustration : ne sont leurs alliés que ceux qui ne les frustrent pas ! Vous voulez savoir si quelqu’un est sorti ou non de son adolescence ? Observez son comportement face aux frustrations et surtout face à ceux qui en sont la cause : vous serez vite fixés !

L’enfant, à ce stade, croit donc qu’en s’établissant le législateur de sa propre vie, sans dieu ni maître, il devient “libre” alors qu’en réalité, il devient un trou noir qui se rétracte sur lui-même et absorbe tout ce qui passe à proximité sans se rendre compte des conséquences mortelles qu’il provoque et qu’il sera incapable de gérer tant qu’il ne sortira pas de cette dynamique de toute puissance : c’est le fameux complexe d’Œdipe d’une certaine manière dont on voit assez bien l’expression ici au niveau de tout un peuple, et c’est là qu’on comprend qu’il n’est peut-être pas un hasard que Freud ait été juif ! Le rêve de l’enfant au stade œdipien, c’est de devenir le législateur à la place du père — devenir calife à la place du calife, comme disait l’autre — par un refus catégorique de lui faire confiance ; et ce qui est valable à propos du Père l’est évidemment a fortiori à propos de DIEU. Or ce complexe d’Œdipe non résorbé, voilà en quelque sorte ce que révèle la ToRaH à propos des manquements, des délits, des transgressions etc. ; ce qu’on regroupe en français sous le terme de « péché », ce péché mortifère « tapi à la porte » du cœur de chaque homme, comme dit le ch. 4 de la Genèse à propos de Caïn et Abel.

Ceci dit, 19 siècles avant Freud, Jésus a désigné tout simplement le chemin pour se dégager de ce vortex infernal et meurtrier : « Si vous ne vous détournez pas et ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez aucunement dans le Règne des Cieux » (Mt 18,3). Ça ne signifie pas qu’il faille rester infantiles mais qu’il faut à tout prix GARDER LA FOI, CHOISIR d’avoir FOI en l’autre, d’avoir foi en DIEU en dépassant la tentation de devenir le maître du monde, de se faire dieu à la place de DIEU… Alors c’est vrai, il y a un risque ; ce que Blaise Pascal (au XVIIe s.) appellera un PARI, ou que Sœren Kierkegaard, 200 ans plus tard, appellera un PASSAGE ou un SAUT mais c’est tout simplement parce qu’il n’y a pas de véritable CHOIX sans risque ! Dit autrement, tout vrai choix est une ÉPREUVE, raison pour laquelle quand le choix est le bon, quand il est fécond, il produit la JOIE ! Et le choix de la foi n’échappe pas à la règle : un tel choix, au fondement de tous les autres choix, est même le signe par excellence de notre LIBERTÉ ! Une liberté qui ne se départ pas des autres mais au contraire, décide de venir à leur rencontre à l’image de YHWH qui, le Premier, témoignant de sa souveraine LIBERTÉ, a CHOISI de mettre en nous sa FOI et de venir à notre rencontre ; à commencer évidemment par Israël. Or voilà précisément le suspens dans lequel nous plonge le livre des Nombres : Israël va-t-il CHOISIR de rester un peuple de FILS, c’est-à-dire un peuple qui se reçoit de la FOI de ses Pères à travers l’écoute de la ToRaH de YHWH et de Moïse son serviteur ? Ou à l’inverse va-t-il décider de devenir une nation comme les autres et se perdre, se diluer dans l’illusion de l’autodétermination de soi par soi, sans FOI ni ToRaH ?

Mais continuons à scruter cette FOI comme un acte fondamentalement FILIAL parce que c’est particulièrement difficile pour nous aujourd’hui à comprendre — vous voyez que le livre des Nombres nous entraîne loin ! : souvent, on entend dire que l’adulte est celui qui a abandonné l’état d’enfance. Sauf qu’une telle vision relève plus du progrès que de la croissance ! Le progrès avance en abandonnant les versions antérieures, les théories antérieures etc. Depuis Copernic par exemple, plus personne ne se revendique d’Héraclite concernant la révolution du soleil autour de la terre : on a « progressé » en l’abandonnant ; ou alors quand sort la dernière version d’un appareil ou d’une voiture, on abandonne la fabrication du modèle précédant : on « progresse ». On progresse, mais on ne GRANDIT pas nécessairement ! Ça n’est pas la même chose ! Or devenir adulte ne consiste pas à « progresser » mais à « grandir » ; devenir adulte ne consiste pas à abandonner l’état d’enfance mais à ASSUMER la foi que l’enfant, dans les premiers temps, vit certes spontanément dans une totale dépendance à ses parents nourriciers ; mais une foi qui doit à un moment non plus être seulement spontané, ni même seulement résignée mais CHOISIE VOLONTAIREMENT ; être adulte consiste à CHOISIR la FOI qui s’avère donc être AVANT TOUT un acte FILIAL, non plus au sens d’un engendrement matériel mais au sens d’un engendrement SPIRITUEL de telle sorte que le FILS se sent appartenir à la CHAIR même des générations qui le précèdent et qu’il CHOISIT de RENCONTRER avec GRATITUDE. Si donc être adulte consiste à CHOISIR la FOI qui s’avère être avant tout un acte FILIAL, alors, dans le consentement à la RENCONTRE qu’elle autorise désormais sous quelque mode que ce soit — puisque sans foi en l’autre, aucune rencontre n’est possible ! —, la FOI ouvre les portes de la VIE Éternelle comme on ouvre une salle de Noces : les Noces célébrant par excellence la RENCONTRE au plus intime, au plus CHARNEL de l’époux et de l’épouse. Reste que le choix de la FOI est difficile dans un monde qui le pervertit en acte de faiblesse alors même qu’en vérité, c’est tout au contraire le CHOIX DES HOMMES FORTS ; le choix de ceux qui ont le courage d’aller jusqu’au plus profond d’eux-mêmes pour trouver la joie d’y rencontrer la source même de la VIE, à savoir YHWH qui ne cesse de lancer son appel aux Fils d’‘AVeRâHâM pour les amener à une plénitude d’existence : « Lekh Lekha, Va vers toi ! »

Du coup, que nous apprend le livre des Nombres ? Que le pécheur qui est constamment dans l’angoisse de ne plus être nourri le lendemain est donc acculé, pour grandir, à CHOISIR la FOI EN YHWH ! Alors maintenant, comment CHOISIR LA FOI ? Eh bien il n’y a pas d’autre chemin que celui de l’ESPÉRANCE. Non pas l’espoir, qui est encore individuel ; mais l’ESPÉRANCE qui s’appuie sur le témoignage de ceux qui nous ont précédés — sur le témoignage des pères — selon lequel YHWH est FIDÈLE à ceux qui l’écoutent, qui se mettent en marche vers l’horizon vers lequel YHWH a JURÉ AUX PÈRES de les conduire, eux et leur descendance. C’est pour ça entre autres que saint Paul ne cesse de dire et de redire : « DIEU est fidèle ! » : « Il est fidèle le DIEU par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur ! » (1Co 1 ?9) ; « Dieu est fidèle : Il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-dessus de vos forces mais avec l’épreuve, Il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter ! » (1Co 10,13) ; etc. Tout ça pour dire que la liberté à laquelle appelle la ToRaH, celle qui nous fait passer de l’état d’une FOI spontanée, infantile, à une FOI VOLONTAIRE, la foi des FILS, ne consiste pas du tout à passer de l’état de dépendance à l’état d’indépendance, mais à passer de l’état de dépendance passive à celui de la dépendance CONSENTIE ; et comme tout passage, elle est nécessairement une ÉPREUVE. Toutes les révoltes qu’on va voir à présent sont dans le fond des crispations face à l’épreuve du passage de l’enfance à la vie de FILS dans la FOI.

Alors maintenant, revenons au texte : la manne, et la manne seule, assure la subsistance quotidienne du peuple au désert ; alors on se dit : de quoi se plaignent-ils ? Sauf que ça n’est effectivement pas simple dans la mesure où, en même temps qu’elle est donnée, la manne est une ÉPREUVE ! Pourquoi ? Parce que ce qui est éprouvant, c’est ce miracle qui advient par intermittence sans qu’on en voie jamais le bout : il faut marcher dans le désert, ce qui n’est déjà pas facile, mais d’autant moins qu’il y a ces éclairs quotidiens d’un miracle — celui de la manne — qui, tant qu’il dure, confirme en fait chaque jour qu’on n’est pas encore arrivé ! Le jour où les Fils d’Israël entreront en Terre Promise, la manne cessera et ce sera le signe que l’épreuve du désert est terminée. Mais tant que la manne revient, chaque jour, certes elle nourrit le peuple — encore qu’il faudrait voir comment, mais bon —, mais chaque jour aussi, le miracle de la manne signifie au peuple que l’épreuve continue, que la route n’est pas à son terme et ça, à force, c’est désespérant ! Dit autrement : bien sûr, quand le miracle surgit, comme la guérison de l’aveugle-né ou de la belle-mère de Pierre dans les évangiles, tout le monde chante la gloire de DIEU parce que l’épreuve est FINIE ! Mais quand le miracle doit être répété CHAQUE JOUR, c’est que l’épreuve se maintient ! Du coup, si on perd le but de cette épreuve ; si on ne sait plus vers où on avance, ce miracle incessant devient juste insupportable ! Alors au lieu de lever la tête du guidon et de regarder le sommet qui a motivé la mise en route, on regarde en arrière et on se dit : « Mais pourquoi on est parti ? On était tellement mieux chez les Égyptiens… En suivant Moïse, on n’a fait que de tomber de Charybde en Scylla ! » Si YHWH n’est pas capable de nous nourrir autrement que par un miracle chaque jour, c’est encore pire que l’Égypte ! Du coup, quelle est la légitimité de sa ToRaH ? Eh oui ! On a déjà dit plusieurs fois que le législateur n’est légitime que dès lors qu’il nourrit son peuple. En dehors de ce principe, méfions-nous toujours du législateur qui se nourrit d’abord lui-même généreusement tandis que la population dont il a la charge, elle, se contente de pelures d’oignons ! Donc au désert plus encore que partout ailleurs, si Dieu veut instaurer sa ToRaH, il FAUT qu’il nourrisse son peuple. Mais voilà qu’Il le nourrit avec de la manne, et encore : juste la dose quotidienne nécessaire. POURQUOI ? Pour maintenir le peuple sous le joug de sa providence ? Pour l’empêcher de prendre en main son destin, de devenir adulte ? En fait, la suite nous le dira : cette épreuve de la manne révèle que ce peuple — et il l’exprime clairement ici — a gardé une MENTALITÉ D’ESCLAVE ! Ce sera particulièrement clair quand les espions reviendront de leur exploration de la Terre Promise au ch. 14 et que les Fils d’Israël comprendront qu’il va falloir se battre pour avoir le droit de vivre sur cette Terre : ils prendront peur et à nouveau, la plainte resurgira dans les mêmes termes qu’ici : « Sûrement il vaut mieux pour nous retourner en Égypte ! » (Nb 14,3) ! Ce qui veut dire qu’ils ne sont pas libres ! Ce sont des esclaves : le peuple libre, le peuple de FILS, lui, dirait : « YHWH a promis, donc suivons YHWH ». L’esclave, lui, dit : « C’est trop dur de ne jamais savoir si demain nous aurons encore à manger ! Quand paraît la manne, c’est la joie — dixit le v. 8 — mais entre aujourd’hui et demain, quelle angoisse ! »

Donc vous voyez, tout ça pour comprendre que, quand on n’y réfléchit pas trop, on se dit que tout va bien pour ce peuple : il mange tous les jours, il est guidé par YHWH, il a Moïse et ‘AHaRoN, il a les LéVîiM, etc. De quoi se plaint-il ??? Ben oui, sauf que c’est pas si simple et j’espère avoir réussi à vous faire sentir un minimum où se tient le malaise. Ça n’est pas parce qu’Israël seraient un peuple de râleurs — auquel cas, il suffisait à YHWH de choisir les Français qui sont des professionnels de ce point de vue / je plaisante ! — mais parce que GRANDIR n’est pas si simple. Advenir à la vraie liberté des FILS en assumant par la FOI la dépendance à un DIEU Père n’est pas si simple, ni pour Israël, ni pour nous. Et le récit du livre des Nombres est là pour témoigner de la manière dont YHWH va traverser avec le peuple cette épreuve, pendant 40 ans. Qu’est-ce que vous voulez, YHWH ne peut pas plus faire grandir ce peuple qu’un jardinier ne peut tirer sur ses poireaux pour les faire pousser plus vite. Et quelque part, l’épreuve du peuple, c’est aussi l’épreuve de YHWH ; c’est d’ailleurs à ça qu’on peut voir que l’Alliance est nuptiale : YHWH est attaché à son peuple pour le meilleur et pour le pire !

Toujours est-il que la suite nous dit au v. 10 que Moïse écoute les pleurs du peuple pendant que la narine de YHWH se met à brûler — encore une fois, voilà Moïse pris entre le marteau et l’enclume ! Et le texte de dire littéralement : « Aux yeux de Moïse, mal ! » Non que Moïse soit en train de dire que la colère de YHWH lui déplaît comme comprennent certaines traductions, mais que cette colère LUI FAIT MAL ! D’où la question au v. 11 : LâMâH HaRé“oTâ Le“aBeDDèKhâ : « Pourquoi fais-tu mal ton serviteur ? » Mais oui : le voilà pris entre la plainte du peuple et la colère de YHWH, c’est plutôt inconfortable !!! Et là, il y a une confession juste magnifique : « Je ne peux à moi seul porter tout ce peuple ! C’est trop lourd pour moi ! » Rappelons-nous la prière de Jésus à Gethsémani au moment où les hommes le cherchent pour l’arrêter : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! » C’est la même chose, à savoir l’humble remise de soi à la volonté de YHWH face à une épreuve qui dépasse les seules forces humaines : et là, Moïse le premier se positionne comme FILS. Il n’y a pas de lassitude ici chez Moïse, pas plus que chez Jésus : il y a l’HUMILITÉ qui lui fait dire : « Là, ça me dépasse ! Pour moi, c’est impossible, mais avec Toi, tout est possible. » Voilà : ça c’est la prière du FILS : le fils ne nie pas le père mais il s’appuie sur lui de sorte qu’avec lui, ce qui paraît impossible devient possible. C’est bouleversant ! L’impossible, dit Fabrice Hadjadj, c’est ce qui n’est possible qu’avec DIEU ! Quand recevrons-nous enfin le témoignage de nos anciens ??

Enfin voilà. On s’arrête là pour aujourd’hui. J’espère être parvenu à vous faire sentir quelques-uns des enjeux qui sont inscrits dans ce récit fondateur. Mille pardons d’aller si lentement dans la lecture mais aller plus vite, ce serait passer à côté de ce qu’ont voulu nous transmettre nos pères et ce serait condamner le livre des Nombres à l’obsolescence sous prétexte que le Nouveau Testament serait un « progrès » vis-à-vis de l’Ancien… Or il ne s’agit pas de progresser mais de GRANDIR, et pour cela, nul ne saurait négliger un seul livre de la ToRaH de Moïse pour comprendre qui est le Christ Jésus et quelle est la nature du SALUT, de la CROISSANCE, de l’ÉLÉVATION qu’Il est venu accomplir en faveur de toutes les nations infantiles ! Enfin bref. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.
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