12-07-2017

[Nb] 6 - Sauvegarder l'unité du peuple

Numbers 3:2-10 par : le père Alain Dumont
Voici qu’est redonné ici le CADRE institutionnel dès lors que la remise en marche se profile. Un cadre au service du peuple, au service de la mission, et en définitive au service de l’élévation des hommes et de leur rencontre nuptiale avec YHWH.
Duration:12 minutes 55 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/message/nb-6-sauvegarder-l-unite-du-peuple.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous poursuivons notre lecture du ch. 3 du Livre des Nombres. Alors on l’a compris, le Livre des Nombres n’est pas en train de raconter l’histoire mais de FONDER l’histoire. Ceci est primordial, quand bien même on nous dit que ce livre date de la période de l’Exil et non de celle de Moïse dans la mesure où précisément, au moment où les Juifs de Babylone reviennent à Jérusalem à l’époque de l’empire Perse, il faut REFONDER la nation d’Israël, et là, pas d’autre moyen que de réalimenter, pour ainsi dire, la mémoire du peuple. Une sorte d’ « update », de « mise à jour », si vous voulez, de ce qui fait l’âme du peuple des Fils d’Israël. Encore une fois j’insiste, tellement ce procédé nous dérange aujourd’hui : il ne s’agit pas d’inventer ! On plonge dans la mémoire, on rapporte ce que la tradition orale couplée à divers documents écrits ont véhiculé des événements fondateurs au fil du temps ; et la mémoire, à cette époque, sait être fidèle ! Ce qui va changer à partir de l’Exil, c’est que des scribes vont la poser officiellement par ÉCRIT en ayant tout à fait conscience qu’ils redonnent à leur nation ses racines, de sorte que quand le scribe Esdras ouvrira solennellement les rouleaux sacrés et proclamera cette ToRaH devant le peuple rassemblé à Jérusalem, l’être profond des Fils d’Israël qui entendront cette proclamation sera bouleversé jusqu’aux larmes ! Ces larmes qui jaillissent quand tout à coup, vous partagez une émotion qui traverse tous les cœurs d’une assemblée ; quand intuitivement, chacun reconnaît que c’est de SOI qu’il s’agit dans ces paroles, mais pas seulement soi : tout ceux qui sont autour de nous et en qui on reconnaît ses propres frères et sœurs. C’est un véritable revival, une renaissance ! Et nous qui lisons ces passages, même en tant que chrétiens, c’est dans cette renaissance qu’il faut entrer, avec le Christ. Le passage d’Esdras proclamant le Rouleau de la ToRaH est une étape essentielle sur le chemin de cette renaissance dont Jésus parlera à Nicodème. « Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux [à Jérusalem]. On demanda au scribe Esdras d’apporter le rouleau de la ToRaH de Moïse, que le Seigneur avait prescrite à Israël. Alors le prêtre Esdras apporta la ToRaH en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le rouleau, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la ToRaH. Esdras ouvrit le rouleau; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le rouleau, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : “Amen ! Amen !” Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre — on croirait lire l’Apocalypse de saint Jean : la liturgie céleste est exactement la même —. Esdras lisait un passage dans le rouleau de la ToRaH de Dieu, puis les LéVîiM traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre. Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les LéVîiM qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : “Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas !” Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la ToRaH. Esdras leur dit encore : “Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart !” Les LéVîiM calmaient tout le peuple en disant : “Cessez de pleurer, car ce jour est saint. Ne vous affligez pas !” Puis tout le peuple se dispersa pour aller manger, boire, envoyer des parts à ceux qui n’avaient rien de prêt, et se livrer à de grandes réjouissances ; en effet, ils avaient compris les paroles qu’on leur avait fait entendre. » (Né 8,1-3.5-6.8-12)

Passage vraiment magnifique et émouvant d’un peuple qui retrouve ses racines et sa raison d’exister ! C’est dans cet esprit qu’il faut lire la ToRaH, et en particulier le livre des Nombre qui nous intéresse. Vous voyez : on n’est pas seulement dans un pensum administratif et froid. On n’est pas en train de lire un code de droit : il y a un pathos dans lequel il faut entrer JOYEUSEMENT ! Et c’est parce qu’en Christ nous sommes greffés sur cette racine que la JOIE doit nous habiter en lisant, en écoutant plutôt ces paroles. Raison pour laquelle Paul, dans la ligne même du scribe Esdras, écrira à plusieurs reprises : « Soyez dans la joie ! »

Donc voilà. Tout ça pour nous permettre d’entrer dans l’esprit de ce que nous sommes en train de lire, et qui dans le fond anime la ToRaH de bout en bout. Dernière petite remarque pour des chrétiens : entre Moïse et ‘AHaRoN, je lis le même genre de rapport qu’entre Jésus et Pierre à qui il donnera les clefs du Règne. Ici, Moïse donc n’a pas de descendance, mais associé à ‘AHaRoN, on est tout simplement en train d’établir que suivre la descendance de ‘AHaRoN, c’est être par elle affilié à Moïse, tout comme en ce qui concerne les chrétiens — du moins les catholiques — : suivre l’Évêque de Rome successeur de Pierre, c’est être affilié au Christ Grand-Prêtre de la Nouvelle Alliance.

Alors : maintenant, voyons cette semence de ‘AHaRoN. On reconnaît ses fils nommés en Lv ch. 10 : souvenez-vous : NaDaV et ‘AViHOu mangés par le feu de l’autel. C’est ce que rappelle le v. 4. Ceux-ci n’ont pas de descendance : manière de dire qu’ils sont rayés de la lignée sacerdotale, ce qui signifie qu’il ne suffit pas de se faire valoir de la descendance de ‘AHaRoN : encore faut-il être fidèle aux prescriptions de la ToRaH de Moïse en tout point concernant le service du MiShKâN. Le v. 3 dit que tous les prêtres reçoivent l’onction, alors que jusqu’à présent, il était bien dit que seul le Grand-Prêtre en était bénéficiaire. Mais on peut comprendre que les prêtres reçoivent cette onction en dépendance, évidemment, de celle du Grand-Prêtre. Le rituel de la consécration des prêtres catholiques relèvent du même principe : l’onction est conférée uniquement par l’évêque et ils n’exercent leur sacerdoce qu’en lien avec lui : ils lui sont subordonnés.

Le v. 5 établit quant à lui la place de SERVITEUR concernant toutes les autres classes de LéVîiM. Eux aussi ne relèvent que de l’autorité de ‘AHaRoN. Leur charge est décrite très succinctement par les v. 7 et 8, mais le plus important est le v. 7, litt. : « Les LéVîiM se chargeront de sa charge — de la charge de ‘AHaRoN — et de la charge de toute la communauté devant la Tente de la Rencontre en servant au service du MiShKâN. » (Nb 3,7) Donc les LéVîiM représentent à l’intérieur du Sanctuaire toute la communauté des Fils d’Israël dont je vous rappelle le caractère SACERDOTAL ! C’est essentiel ! Même ‘AHaRoN ne sert pas pour lui-même : tout le service du MiShKâN est celui du peuple des Fils d’Israël qui s’élève comme un seul homme vers YHWH ! Ce qui veut dire en d’autres termes que les prêtres et les LéVîiM n’assurent leur service que par SUBSIDIARITÉ, par délégation de la part du peuple. Alors le texte poursuit en élargissant le service des LéVîiM aux fils de ‘AHaRoN, c’est-à-dire qu’ils sont les serviteurs de tout le clan des prêtres qui seuls, précise le v. 10, sont habilités à exercer le sacerdoce. Donc tout le peuple est sacerdotal mais délègue strictement aux prêtres le service propre de la Tente de la Rencontre ; et c’est au service de tous que sont institués les LéVîiM.

Alors vous me direz : « Oui mais tout ça on le sait à force de le répéter ! » Oui, mais non ! Pour que les choses s’ancre dans la mémoire, il faut les dire, dire qu’on vient de les dire et dire qu’on va le redire, avec toujours un contexte un peu différent, pour que ça rentre ! Là, le peuple se prépare à reprendre la route, donc on redonne le CADRE, avec éventuellement les sanctions pour ceux qui seraient tentés de s’en affranchir : « L’étranger qui s’approche sera mis à mort ! », tout comme les prêtres qui n’en feraient qu’à leur tête subiraient le même sort que NaDaV et ‘AViHOu. Tout ça pour contenir la tentation de s’approprier le sacerdoce ; de se l’accaparer, ce que certains pasteurs dans certaines Églises ne sont parfois pas loin de faire, très imprudemment ! J’ai une idée, et hop : je fonde une communauté de « véritables chrétiens » comme ils disent, sous-entendu : les autres n’ont rien compris avant moi, et me voici le pape de ma secte ! Eh bien la ToRaH n’est pas naïve et elle sait cette tentation perverse de l’homme à s’approprier le mystère et donc à s’y brûler. C’est la raison pour laquelle elle institue ce lien à ‘AHaRoN comme un CADRE qui sauvegarde l’unité du peuple ; et de ce point de vue, l’Église catholique ne fonctionne pas autrement et se reçoit pleinement de la tradition de Moïse une fois encore. Non qu’il ne faille qu’une seule tête, une seule pensée : il y a des dizaines de rites différents, de familles, d’obédiences différentes dans l’Église Catholique qui se trouve être la plus universelle de toutes les Église ! Sans rire ! Alors il n’est pas de notre propos de faire de l’apologétique donc on n’en dira pas plus. Mais ça fait du bien de se redire parfois les choses de manière un peu claire : l’Église catholique est la plus universelle des Église, et elle ne serait pas là, surtout depuis Vatican II, il n’y aurait aucun dialogue œcuménique ni aucun dialogue entre les religions dont elle est le fer de lance.

En tout cas pour en revenir à notre texte, dès lors que la reprise de la marche se profile, le CADRE institutionnel est donc redonné, sachant qu’un tel cadre est au service du peuple, au service de son unité et de sa mission en vue de l’élévation des hommes et de leur rencontre nuptiale avec YHWH, jusque dans le mystère chrétien dont nous assistons ici à une nette préfiguration !

Alors voilà pour aujourd’hui. Relisez ces v. 1 à 10 dans la perspective que nous venons d’évoquer et vous verrez qu’ils vous partageront volontiers toute l’énergie qui est inscrite en eux. Je vous en souhaite en tout cas une bonne lecture. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie. 
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