29-06-2017

[Nb] 2 - Dénombrer toute la Communauté d'Israël

Numbers 1:1-54 par : le père Alain Dumont
Quand YHWH recense, ce n’est pas pour compter ses troupes mais pour relever la tête de chaque fils d’Israël. Il y a un sentiment de fierté qui habite tout ce chapitre, et en définitive tout le livre.
Attention : une erreur s’est glissée à partir de 6’13 :
– le recensement anonyme est celui de Ex 12,37
– le recensement par Moïse est celui de Ex 30,11-16.
Désolé… 
Duration:20 minutes 2 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/message/denombrer-toute-la-communaute-d-israel.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous avons pris le temps la dernière fois de considérer le MiDeBaR, cette terre en attente d’une parole qui convoque l’homme à la cultiver, à lui faire porter son fruit jusqu’à la fameuse MOISSON qu’espèrent tous les prophètes jusqu’au Christ Jésus ; et on en est venu à comprendre que par le Christ, la Création tout entière se révèle être un MiDeBaR dont le MiDeBaR SîNaY est la figure mythique ! Suit alors, jusqu’à la fin du ch. 1 du livre, un DÉNOMBREMENT, un recensement des Fils d’Israël qui motive le titre habituel de ce 4e livre de la ToRaH : le Livre des Nombres.

Alors ce genre de recensement, a priori rébarbatif, est typique du rédacteur sacerdotal. Je vous rappelle qu’il y a somme toute deux rédacteurs principaux dans l’Ancien Testament, ou deux écoles principales de rédaction si vous préférez : d’une part l’école de rédaction sacerdotale, quasi obsessionnelle sur les chiffres, les référencements ou les mesures, entre autres très axée sur la primauté de la sanctification par le culte envers YHWH. Et d’autre part, l’école de rédaction Deutéronomiste qui est quant à elle plus dans la recherche de SENS, qui aime mettre en scène et donc nous offre des récits très vivants là où l’école sacerdotale, elle, est plus austère, établit d’abord ce qui doit être fait quitte à ce que le SENS se découvre par la suite ; en attendant, il faut obéir à la lettre ! On voit bien la différence en comparant par exemple les deux récits de la création, en Gn 1, de style sacerdotal, et en Gn 2, de style deutéronomiste ; ou alors le livre de Jérémie, d’inspiration deutéronomiste, et celui d’Ézéchiel, de facture sacerdotale ; ou encore le récit du Livre des rois, deutéronomiste, et celui des chroniques, sacerdotal : même histoire royale, mais deux manières très différentes de rapporter les faits, de les comprendre et de les ordonner.

Sur cette base, on peut dire que l’ensemble du livre des Nombres est rédigé par l’école sacerdotale. Donc ne nous étonnons pas du style : on a vu que cette école est de très haute tenue spirituelle, avec une vision de la vocation d’Israël tout emprunte d’élévation et pour qui la SAINTETÉ, c’est-à-dire la RENCONTRE NUPTIALE avec YHWH, résonne comme le CŒUR de la convocation du peuple élu par YHWH. Et ça n’est pas par hasard si nos frères juifs commencent la lecture de ce livre au cours du ShaBaT qui précède la fête de ShaVOu”OT qui célèbre le don de la ToRaH à Moïse sur le Mont HoRèV, en le couplant avec la lecture d’un passage du livre d’Osée dont le ch. 2 commence avec ces mots : « Et le nombre des enfants d'Israël sera comme le sable de la mer qui ne peut ni se mesurer, ni se dénombrer. » D’où le lien avec notre premier chapitre sur le dénombrement. Alors certes, le prophète ne donne pas une image avantageuse pour Israël, mais son objectif est de présenter le peuple comme l’ÉPOUSE bien-aimée de YHWH, par quoi on retrouve bien l’idée d’une RENCONTRE NUPTIALE ! La fin du ch. 2 d’Osée dit ceci : « Je serai ton fiancé pour toujours ; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde ; je serai ton fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras YHWH. » Donc ne jamais oublier cet objectif inscrit au cœur de l’âme sacerdotale, et tout ce qu’on va lire désormais n’aura d’autre but, d’autre horizon que l’organisation du peuple en vue de cette élévation sainte comprise comme un temps de fiançailles. L’objectif du livre du Lévitique était l’organisation sainte du peuple autour de la vie du MiShKâN ;  celui des Nombre est l’organisation sainte du peuple en marche vers la Terre de la Promesse, toujours en lien évidemment avec le MiShKâN.

Alors lisons les premiers versets : « Relevez [chaque] tête de toute la Communauté des Fils d’Israël, selon leurs clans, selon leurs maisons paternelles en comptant nommément tous les mâles, tête par tête, âgés de vingt ans et au-dessus, tous ceux qui en Israël sont aptes à faire campagne. » (Nb 1,2-3) À vrai dire, ça n’est pas le premier recensement puisqu’un premier a eu lieu à l’occasion de la redevance d’un demi-shekel pour le MiShKâN, en termes similaires. C’était en Ex 30,11-16. Et puis on peut considérer qu’un recensement avait eu lieu lors de la sortie d’Égypte puisqu’on nous a dit qu’étaient sortis « environ 600 000 hommes de pied sans compter les femmes et les enfants », c’était en Ex 12,37. Les rabbins font remarquer que le premier dénombrement — les 600 000 hommes sortant d’Égypte, quand bien même on l’a vu ce chiffre est démesuré — est effectué par un anonyme ; le second est effectué par Moïse, et le troisième, au ch. 1 du livre des Nombres, par Moïse et ‘AHaRoN. Et ils donnent un sens à cette progression : le premier recensement concerne une libération tout extérieure par YHWH : il faut que le peuple ait foi en YHWH, le DIEU libérateur. Le second recensement, lui, est tourné vers l’édification du MiShKâN sous la direction de Moïse et au fonctionnement duquel chaque Fils d’Israël est appelé à contribuer par son demi-shekel. On avait dit à cette occasion que c’était là une manière de manifester que tout Fils d’Israël, riche ou pauvre, était considéré sur un plan d’égalité vis-à-vis du MiShKâN : le riche n’avait pas à donner plus qu’un pauvre, en l’occurrence une somme assez dérisoire pour chacun. Or maintenant que le MiShKâN est non seulement bâti mais en activité, voici que le recensement est assuré par Moïse ET ‘AHaRoN — c’est au v. 3 — : vous voyez, c’est là où on sent peu à peu s’effectuer le passage de Moïse, dont la vocation était d’édifier le fondement de la foi du peuple d’Israël, à ‘AHaRoN et à travers lui au Grand-Prêtre, c’est-à-dire au gardien du MiShKâN. Moïse, lui, n’a qu’un temps = celui du désert. Ce qui va durer, c’est le MiShKâN, le Tabernacle, ainsi que le sacerdoce qui lui est affilié.

Or il se trouve, on va le voir, que ce nouveau temps sera celui des COMBATS, raison pour laquelle ce recensement est spécifiquement orienté vers la prise d’arme dans la mesure où, face à l’arrivée d’Israël, les nations en place vont se positionner en ennemies, et ça se comprend ! Sauf qu’il ne s’agit pas d’analyser la situation avec nos concepts contemporains : les méchants conquérants contre les pauvres habitants du pays ! On l’a déjà dit plusieurs fois : dans l’ancien temps, chaque année, tous les rois partaient en campagne pour affermir leurs frontières ou pour les étendre. Ça faisait partie du rythme annuel de la vie de chaque nation. À cette différence près que ce petit peuple qui surgit du désert avec pour vocation le souci de rendre un culte à YHWH sur la terre de KaNa“aN, ne cherche pas seulement à faire son trou comme n’importe quelle nation. Il a une vocation qui est de manifester la force libératrice de YHWH à travers sa ToRaH. Alors non pas une idéologie qui impose à la populace des règles que ses dirigeants ne s’imposent pas à eux-mêmes ! La ToRaH est une législation d’une très haute exigence pour ceux-là mêmes qui en acceptent le joug ! On est dans la recherche d’un SENS de l’histoire. Du coup, ça n’est pas seulement face à un peuple que vont se dresser les ennemis d’Israël, mais bien face à ce SENS, face à cette quête donc Israël est porteur et qui lui donne sa raison d’être. Ici, il faut peut-être se rappeler cette phrase attribuée à Winston Churchill : « Tu as des ennemis ? BIEN ! Ça prouve qu’une fois dans ta vie, tu t’es levé pour quelque chose ! » Et cette chose, concernant Moïse et les Fils d’Israël, c’est la Parole de VIE de YHWH qu’il s’agit de faire résonner au milieu des nations.

À présent, venons-en au recensement en lui-même. D’abord, l’expression est très belle : non pas « comptez », ou « dénombrez », ni même « recensez » la Communauté des Fils d’Israël, mais littéralement : « Levez — ou relevez [chaque] tête de toute la Communauté ». Alors on peut entendre « relever » comme quand on « fait un relevé » ; ou « lever » comme on « lève une armée » ; dans ce cas, on reste dans une affaire de dénombrement. Mais il y a plus : il n’est pas question ici de faire acception des personnes mais de lever la tête de chacun, comme pour lui dire : « Sois fier ! ». On lève la tête de chaque homme de plus de 20 ans comme pour lui dire : « Sois fier d’appartenir à ce peuple ! » ; ou « Nul n’est plus grand qu’un autre face à YHWH dans notre peuple ! » Autrement dit : chacun, du plus grand au plus petit, du plus fort au plus faible, du plus intelligent au plus déraisonnable, du plus riche au plus pauvre… Chacun a du prix aux yeux de YHWH et chacun a sa place dans le peuple, de sorte que si un seul d’entre eux manque à l’appel, c’est tout le peuple qui s’en trouve amoindri. Mais dès lors que je sais que j’ai « du prix aux yeux de YHWH », comme dit le Prophète Isaïe au ch. 43 de son livre ; dès lors donc que je le sais et que surtout j’y crois ; dès lors que YHWH a LEVÉ MA TÊTE, alors je peux ME LEVER pour PARTIR AU COMBAT ! Le combat de la VIE ! Et c’est très fort ! Il ne s’agit pas simplement pour Moïse et ‘AHaRoN de faire une mobilisation générale — ça, c’est le moyen pervers des purs administrateurs pour qui les individus ne sont jamais que des pions anonymes qu’on envoie au front comme une seule masse au nom d’idées à défendre, des idées de hauts fonctionnaires pour qui la plèbe n’est que le rouage d’un système dont ils se sont auto-constitués les gardiens. Rien de ça ici : on « lève chaque tête », l’une après l’autre, parce que chaque tête est importante aux yeux de YHWH ; chaque tête doit être connue et reconnue pour que le peuple existe, non pas seulement comme un simple amas d’individus mais comme une FAMILLE composée de FRÈRES, des frères qui savent pouvoir compter les uns sur les autres. Et si l’on parle de FRÈRES, alors c’est que là, très subtilement, la figure de YHWH se profile comme celle d’un PÈRE ! Un PÈRE aux 603 550 fils, dit le v. 46.

Alors comme il ne s’agit pas d’un simple décompte anonyme, le texte va citer les noms. D’abord celui des collaborateurs de Moïse et ‘AHaRoN, les NaSsi‘îM, c’est-à-dire litt. des « Élevés », des « altesses » on pourrait dire, ou des « Sommités », ou peut-être mieux tout simplement des « Autorités », sachant que l’Auctoritas en latin, c’est ce qui élève, ce qui fait grandir. Or le NaSsi est certes un haut personnage, mais il n’est haut que pour pouvoir élever à son tour ! Un pour chaque tribu. On va appeler ces hommes par leur nom pour qu’ils puissent à leur tour appeler chacun des frères de leur propre clan par son nom, lever sa tête selon ce que YHWH a commandé, et ça jusqu’au v. 46. Alors attention ici de ne pas aller trop vite dans la lecture : prendre le temps de lire ces listes qui nous amènent au plus concret du sentiment d’exister, d’appartenir à un peuple, et non pas simplement à une structure anonyme. Ce sont nos pères dont on décline les noms ici ! Donc respect !

Alors maintenant, c’est vrai qu’on remarque facilement qu’il n’est question ici que des hommes et non des femmes. Tout simplement parce qu’à cette époque, on n’envoie pas les femmes guerroyer ! Pourquoi ? Parce que la femme est tout entière orientée vers la VIE et le don de la VIE ! Il serait contradictoire avec l’Alliance de l’amener à donner la mort ! En soi, ça n’est pas difficile à comprendre.

Ceci dit, le ch. 1 du Livre des Nombres se termine par la question de la tribu de Lévi, à partir du v. 47. Pour eux, pas question de les recenser pour le moment. Alors au regard de ce qu’on vient de dire, est-ce que ça signifie qu’ils n’ont pas de prix aux yeux de YHWH, puisqu’il semble qu’on ne « lève » la tête d’aucun Fils de Lévî ? Sûrement pas ! Simplement, ce recensement a lieu en vue du combat, or les Lévites, ou mieux les LéVîiM — c’est comme ça que je préfère les désigner — n’y participeront pas. C’est intéressant ! Si on se souvient du Sanctuaire mémorial de Joseph-Aménophis, au milieu de tous les autres sanctuaires bâtis à la mémoire des Pharaons dont les fresques exaltaient les faits de guerre, celui de Joseph était le seul qui n’en comportait aucun : uniquement des fresques en rapport avec la science du grand scribe et sans doute — mais ça n’est qu’une conjecture — des fresques en rapport avec la tradition des pères, sans doute sous forme voilée, comme un enseignement ésotérique, pour conserver la mémoire de la lignée d’Abraham. Donc les LéVîiM sont avant tout les gardiens de la mémoire du peuple, cela-même qui a permis à cette mémoire de se conserver pendant cinq siècles jusqu’à Moïse. Et donc de la même manière que cette lignée a été gardienne du Sanctuaire mémorial, elle est gardienne du Sanctuaire de YHWH au milieu du peuple reconstitué. Alors la fin du chapitre nous décrit comment les tribus se répartiront tout autour du Sanctuaire sur lequel veilleront au plus près les Fils de LéVî, mais ça, nous aurons largement l’occasion d’y revenir par la suite.

Reste peut-être la question de l’irritation de YHWH, au v. 53. Alors ça nous chatouille toujours aux entournures ces histoires-là, parce que nous n’avons de la colère qu’une image négative. Mais rappelons-nous d’une part que s’il est question d’irritation, il ne s’agit pas tant de menace que de CADRE. Et Dieu sait si l’auteur sacerdotal est attentif au CADRE, parfois jusqu’à l’obsession tatillonne. Mais c’est parce que dans ce CADRE est promise la LIBERTÉ, l’ÉLÉVATION, la RENCONTRE, bref la VIE ! L’irritation de YHWH n’est jamais que la sanction logique d’une liberté perdue pour ne pas en avoir pris soin, pour avoir voulu n’en faire qu’à sa tête ; non que YHWH veuille brider la liberté de ses fils, mais rappelons-nous NaDaV et ‘AViHOu : ils ont cru que la liberté consistait à s’affranchir de tout cadre et ils s’y sont brûlés tout entiers : ils n’étaient pas près ! L’homme est incapable de supporter les conséquences d’une liberté absolue telle qu’elle existe en YHWH ! Donc patience : un jour, la pleine liberté sera donnée, la liberté des enfants de DIEU, comme dit Paul en Rm 8,21 ; sauf que ce sera une liberté en Christ, puisque « C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. », dit encore Paul en Ga 5, v. 1 ; et dans l’Esprit Saint, si tant est que : « Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. » (2Co 3,17). Ce qui ne veut pas dire au demeurant que tout cadre aura disparu en sorte que cette liberté, au lieu d’élever, ne devienne à l’inverse une occasion de chute comme dit encore Paul en 1Co 8, v. 9. Parce que là, l’irritation du Seigneur sera sans plus de recours dans la mesure où très paradoxalement, c’est par la liberté en Christ que l’homme aura refusé le Christ en se croyant devenu capable de vivre sans Dieu ni maître. On est là au comble de la perversité, au comble du péché qui en fait n’est plus qu’une chute libre vers l’absurde ! Mais bon, on n’en est pas encore à ce stade : pour l’heure, les fondements sont patiemment en train d’être posés. D’ici-là, on construit les affaires, et si on veut que ça dure, il faut être rigoureux ! Donc le cadre est strict, mais c’est pour la VIE !

Prenez le temps de lire ces versets, sans les survoler. Savourez comment YHWH prend le temps de lever la tête de chacun. Imaginez la fierté naissant sur chaque visage ainsi reconnu. Vous verrez : cette énumération vous paraîtra bien moins ennuyeuse que ce qu’elle semblait promettre sans un minimum d’introduction. Et puis dans les vidéos à venir, on en dira un peu plus sur le sens de ces nombres. Nous verrons donc la suite la prochaine fois. En attendant, je vous souhaite une bonne lecture de ce ch. 1. Je vous remercie. 
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