20-11-2016

[Lv] 39 - Ce n'est pas la peine d'en rajouter !

Levitique 27:1-34 par : le père Alain Dumont
Ne faites pas de vœux inconsidérés ! Le livre du Lévitique se termine par cette injonction : vous en avez déjà suffisamment à faire pour travailler à votre élévation. Tout le reste n’est que présomption !
Ceci dit attention : si vous faites malgré tout un vœu, alors il faut aller jusqu’au bout sans lâcher pour autant toutes les autres prescriptions. À bon entendeur…
Duration:13 minutes 43 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/ce-n-est-pas-la-peine-d-en-rajouter.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous voici arrivés avec cette vidéo au terme de notre lecture du livre du Lévitique, et avant de lire l’ultime chapitre, le ch. 27, je voudrais voir avec vous comment dans le fond se compose l’ensemble du livre. Je vous ai rapidement parlé lors de la dernière vidéo, à propos de l’ALLIANCE, BeRiT en hébreu, d’un PROCÈS, sans aller plus loin dans les explications, alors qu’à bien y réfléchir, on a peut-être là le cadre qui offre au Livre sa structure littéraire, c’est-à-dire sa logique, son sens. Alors qu’est-ce que ce PROCÈS D’ALLIANCE qu’on retrouvera particulièrement chez les Prophètes ? Quand les choses ne vont plus parce que le peuple d’Israël n’a pas écouté la voix de HaShèM, celui-ci envoie ses prophètes pour rappeler le CADRE, et donc faire un PROCÈS, un RîV en hébreu, à son peuple — alors attention : faire un procès, ça n’est pas porter plainte ! Ça c’est le raccourci français du bougon moyen qui se plaint constamment en se prenant pour le nombril du monde. Je suis assez d’accord avec les rabbins qui enseignent que de telles personnes sont au stade le plus tragique de leur existence qui n’a plus aucun sens et qui ne trouve plus sa raison d’être qu’en accusant les autres. S’ils ne font pas ça, il ne leur reste plus que la corde pour se pendre. Alors, Dieu merci, HaShèM n’en est pas là ! Quand il fait un procès, ça n’est pas tant pour accuser que pour remettre le CADRE en place. Un peu comme on fait un conseil de famille, si vous voulez, où on rappelle les règles en s’assurant bien que tout le monde avance sur les mêmes bases.

Or les exégètes ont remarqué depuis longtemps qu’un tel procès, suit un process de base qu’on retrouve partout en 5 moments : 1. La TITULATURE, c’est-à-dire que celui qui juge le procès rappelle ses titres et ses qualités ; 2. On rappelle le commandement fondamental qui régit le cadre ; 3. On développe ce commandement fondamental en plusieurs commandements particuliers sur lesquels il faut porter son attention ; 4. On fait un appel à témoins ; 5. On énonce les bénédictions et les malédictions conditionnelles qui sont liées à ce cadre qu’on vient de rappeler. Eh bien il me semble — ce serait sans doute à travailler, mais je vous livre simplement ici mon intuition ­— ; il me semble donc qu’on pourrait faire une épure du livre du Lévitique sur la base d’un RiV BeRiT, d’un procès d’Alliance : 1. la titulature : « Je suis HaShèM qui vous ai fait sortir de la terre d’Égypte ! » qui revient comme un refrain tout au long du livre ; 2. Le commandement fondamental : « Soyez Saints car Moi, je suis Saint ! », au centre du livre ; 3 : les commandements particuliers : l’ensemble du livre en ses différentes parties : les Offrandes, l’investiture des prêtres, la loi de pureté et la loi de sainteté ; 4. L’appel à témoin : en l’occurrence, aussi étrange que ça puisse paraître, il s’agit du Mont Sinaï, à la fin de la loi des Offrandes, au ch. 7 et à la fin du ch. 26 = une sorte de témoin mythique et donc incontestable, inébranlable j’ai envie de dire ; 5. L’énoncé des bénédictions et des malédictions conditionnelles, qui constituent tout le ch. 26.

Du coup, grâce à la structure du procès d’alliance, on comprend peut-être mieux pourquoi le Lévitique se clôt sur les bénédictions et les malédictions conditionnelles : il se présente comme le CADRE processuel qui va présider à toute l’histoire d’Israël et qui ne vise qu’une seule chose : la SAINTETÉ qui permet la RENCONTRE de l’homme, l’AdAM, et de la Création avec HaShèM selon le projet divin établi dès avant la fondation du monde.

Du coup, c’est vrai que dans ce cadre, le ch. 27 se présente comme étrangement surnuméraire. Jusqu’ici, de quoi a-t-on parlé ? Des Offrandes d’animaux et de végétaux, de la sainteté du peuple en son entier, comme un seul corps ; de la ShemiTTaH, de l’année shabbatique et du Jubilé. C’est-à-dire que le cadre a été donné en clair, de sorte que, DANS CE CADRE, une question demeure : peut-on EN PLUS faire des vœux à HaShèM, c’est-à-dire lui consacrer des biens, des animaux, voire des personnes ? Ici, autant le dire tout de suite, la ToRaH est mitigée. Dans l’absolu, oui on peut, ne serait-ce que parce que le patriarche Ya“aQoV s’y est adonné, rappelons-nous, suite au songe de BéThèL : « Si je reviens sain et sauf dans la maison de mon Père — sous entendu, si je suis libéré de mon Exil dans lequel je serai en esclavage : on connaît maintenant la signification de cette expression —, HaShèM sera mon ‘ÈLoHîM ; cette pierre que j’ai placée en stèle sera une maison de ‘ÈLoHîM et de tout ce que Tu me donneras, je paierai pour toi fidèlement la dîme » (Gn 28,21-22). Là, Ya“aQoV fait proprement un vœu. Par ailleurs, le ch. 23 du Deutéronome aux v. 22 à 24 dira que c’est possible, mais en mettant en garde contre l’engagement non tenu : « Lorsque tu auras voué un vœu à HaShèM ton ‘ÈLoHîM, tu ne tarderas pas à l’acquitter, sinon, HaShèM ton ‘ÈLoHîM, pour le requérir, il le requerra de toi ! Il y aura en toi un manquement ! Et si tu t’abstiens de faire un vœu, il n’y aura pas de péché en toi ! La sortie de tes lèvres, tu la garderas : agis selon ce que tu auras voué à HaShèM, ton ‘ÈLoHîM comme une offrande volontaire que tu auras parlé de ta bouche ! » (Dt 23,22-24) Et c’est tout ce qu’on dira des vœux ! Ce qui veut dire que la ToRaH les envisage plutôt sur le mode de la mise en garde ! Et quand vous entendez que ne pas faire de vœu n’est pas un péché, c’est une figure rhétorique pour, dans le fond, DISSUADER d’en faire ! Quand on lira par exemple l’histoire du Juge YiPhTaH. Jephté, on va vite comprendre pourquoi il ne faut pas faire de vœu, parce qu’une fois fait, quand bien même il était inconsidéré — on verra de quoi il s’agit en son temps, le Vœu OBLIGE celui qui l’a prononcé ! Le Deutéronome le dit clairement : tu l’as dit ? Tu le fais ! Promesse vaut vente, comme on dit ! Et même ce qu’on appelle le Naziréat, c’est-à-dire la consécration de soi à HaShèM dont parlera le livre des Nombres, n’est pas tellement encouragé par la ToRaH. Au demeurant, quand Jésus dira : « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l'homme impur mais ce qui sort de la bouche : voilà ce qui rend l'homme impur », il ne dira pas autre chose que ce que dit le Deutéronome ! Jésus non plus n’aime pas les vœux !

Ce qui veut dire que les vœux sont trop dangereux pour être encouragés. Comme si la ToRaH disait : il y a bien assez à faire avec les MiTsVOT, la quête de la sainteté, le discernement sur la pureté et l’impureté etc. etc. Avant de faire des vœux, vis déjà les MiTsVOt, les H.ouKoT, les MiShPaTîM que HaShèM a prescrits, ce sera déjà pas si mal, et c’est en tout cas le moyen donné explicitement par HaShèM pour obéir au commandement de sainteté et vivre LIBRE ! Comme dit une vieille publicité : « Ce n’est pas la peine d’en rajouter ! »

Une fois qu’on a compris ça, le ch. 27 ne pose plus de problèmes. Que nous dit-il ? Que le cœur de la vie d’un Fils d’Israël est totalement décrit dans les ch. 1 à 26. Maintenant, si par malheur, certains Fils d’Israël se sont empêtrés dans des vœux inconsidérés, qu’est-ce qu’il faut faire ? Eh bien il faut les RACHETER. Et tout le ch. 27 ne va nous parler que de RACHAT des vœux qui, dans le fond, rend ESCLAVE. Du coup, par le vœu, on s’est rendu esclave, même parfois vis-à-vis de HaShèM, pour telle ou telle raison ? Allez ! Dans un dernier élan de miséricorde, HaShèM autorise le rachat ! C’est-à-dire qu’il va tout de même falloir payer ! Mais au moins, on sera dégagé de son vœu.

Alors rapidement, quel est le contenu du chapitre ? L’estimation de la valeur de rachat des vœux : pour un jeune entre 5 et 20 ans = 50 shekels d’argent pour un homme et 30 pour une femme — soit dit en passant Mesdames, ne vous vexez pas ! Au moins est-il plus facile de vous racheter ! ; pour un garçon entre un mois et 5 ans, 5 shekels, et 3 pour une fille. Pour les plus de 60 ans, pour un homme : 15 shekels et 10 pour une femme. Reste que pour ceux qui n’ont pas les moyens, le rachat sera calculé au prorata de ses revenus. Pour les promesses de dons d’animaux, de maisons ou de terre, c’est au prêtre de faire l’estimation appropriée. Dans le cas d’une terre donnée à un prêtre, elle peut être rachetée au moment du Jubilé pour une somme supplémentaire de 20% de son montant. Si elle n’est pas rachetée en revanche, elle restera possession du prêtre ! Si la terre n’appartient plus à la personne qui l’avait offerte au Sanctuaire, elle doit revenir à son propriétaire d’origine au moment du Jubilé. Toutes les dîmes et les impôts de 10% prélevés sur les semences ou les fruits doivent être remis au Sanctuaire ; sauf si on souhaite en faire un usage personnel, auquel cas on peut en racheter la valeur, augmenté d’un cinquième !

Voilà ! À ceci près qu’il y a tout de même un vœu qu’on ne peut pas racheter, aux v. 28 et 29 : celui du H.éRèM, qu’on traduit par ANATHÈME. Ce qui est consacré à HaShèm le reste pour toujours ! C’est tellement vrai qu’il faut faire attention de ne jamais vouer un homme à l’Anathème, dans la mesure où personne ne pourra venir conjurer son sort !!! DONC ne faites JAMAIS ça, parce qu’alors cet homme — ou cette femme — devra nécessairement mourir !  Dit autrement : pendant vngt-six chapitres, on nous a expliqué comment vivre pour être saints, libres, de telle sorte qu’Israël puisse amener la Création à l’union nuptiale avec HaShèM. Donc par pitié, dit le ch. 27, N’EN RAJOUTEZ PAS ! Ne faites pas en plus des vœux inconsidérés comme en font les nations ! Il y a une grande sagesse dans ce chapitre quand on sait le lire !

Toujours est-il qu’avec tout ça, nous sommes arrivés au terme du livre. J’espère avoir réussi à vous le faire regarder différemment, avec moins d’appréhension en tout cas. Mine de rien, on a fait là un travail que peu se sont sentis capables de mener à bien : vous ne trouverez quasiment aucun livre équivalent en français, du moins qui soit abordable. Il y a bien le livre d’un certain Bruno Florentin, un pasteur évangélique, mais qui lit tout allégoriquement en faisant sans cesse des rapprochements gratuits et assez réducteurs avec le Christ et la vie chrétienne… C’est à la limite une longue homélie sur le lévitique, mais c’est impatient, ça va trop vite avec des raccourcis très discutables. Donc à éviter de mon point de vue. Quoi qu’il en soit, vous allez voir maintenant que tout ce qui sera dit sur le culte, sur les rituels de pureté, sur l’appel à la sainteté qui ne cesseront de parsemer l’histoire qui va suivre vous apparaîtra désormais relativement familier. Et donc vous apprécierez d’autant plus la lecture de ce qui, jusqu’alors, vous paraissait inaccessible et qui vous conduira d’autant mieux vers une plus profonde communion avec l’enseignement et la vie de Jésus.

Je vous souhaite une bonne lecture de ce dernier chapitre. La prochaine fois, nous ferons une vaste conclusion sur l’ensemble de l’ouvrage avant d’ouvrir le 4e livre de la ToRaH, le livre des Nombres. Vous verrez alors que nous renouerons pour une part avec les récits, toujours pleins d’instruction ; on retrouvera parfois des prescriptions comme dans le Lévitique, pour préciser ce qui ne l’a pas été assez. Mais dans l’ensemble, ça y est : avec l’Exode et le Lévitique, le monde biblique vous est ouvert ! BRAVO d’être arrivés jusque-là ! Je vous remercie.
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