06-11-2016

[Lv] 27 - De la crainte des parents à la crainte de YHWH

Levitique 19:1-15 par : le père Alain Dumont
Quand la crainte de la mère et du père conduit à la crainte de YHWH, c’est-à-dire à la découverte que la source de la VIE qui coule en moi est AUTRE que moi.
Duration:16 minutes 54 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/de-la-crainte-des-parents-a-la-crainte-de-yhwh.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous avançons peu à peu mais sûrement dans notre lecture du livre du Lévitique et nous ouvrons à présent le ch. 19 qui va nous occuper un petit moment, tellement il est important. Alors on retrouve dès le v. 2 la Communauté, “aDaH, qui désigne l’assemblée du témoignage en tant qu’assemblée essentiellement cultuelle, ce qui est un indice qui prévient que les prescriptions qui vont venir vont essentiellement concerner le culte, ce qui n’est pas étonnant puisqu’on sait maintenant que la SAINTETÉ est attachée au culte auquel rend apte la vigilance à rester pur selon les prescriptions de YHWH : c’était tout l’objet des ch. 11 à 16. Précisons que tout ça ne se comprend QUE dans le cadre de l’ALLIANCE, c’est-à-dire dans cette Pensée Analogique attachée au MiShKâN et à la dynamique d’élévation qui lui est associée. Encore une fois, sortons de ce cadre et on n’y comprend plus rien ! Et par suite on ne comprend plus rien au Christ Jésus et à sa propre élévation à laquelle le Baptême associe les chrétiens.

Bref. La fin du v. 2 est un rappel de la convocation à la sainteté qui a retenti au ch. 11, v. 44-45 : « Vous serez Saints car Moi, Je suis Saint », c’est-à-dire « Vous serez à part car Moi, je suis à part ». Rien que ce rappel manifeste bien l’articulation nécessaire qui existe entre la Loi de Pureté — les ch. 11 à 16 — et la Loi de Sainteté — les ch. 17 à 26. Les prescriptions qui suivent sont donc marquées, d’une certaine manière, comme des commandements privilégiés dans l’ordre de cette sainteté qui n’est ni plus ni moins redisons-le que l’ordre de la VIE et de la LIBERTÉ — On a peut-être l’impression qu’on répète toujours la même chose, mais c’est comme ça que ça rentre ! En même temps, on ne cesse jamais d’être surpris ! Surpris par exemple que le premier commandement de la série soit la crainte des parents associée à l’observance du ShaBaT au v. 2 toujours ! On avait déjà cette association dans le Décalogue d’Ex 20, mais dans l’ordre inverse. Ceci dit, en Ex 20, il s’agissait d’honorer les parents et non de les craindre. Sur cette question de la crainte, je vous renvoie sur la vidéo dédiée à ce thème. En deux mots, la crainte n’est pas tellement le fameux « respect » des parents, mais la perception que, derrière eux pour ainsi dire, il y a une Loi supérieure dont ils sont les intendants et les témoins vis-à-vis des enfants. Et dans la mesure où dans l’enfilade de cette crainte s’inscrit la prescription de magnifier le ShaBaT, on comprend que ce dernier est le lieu par excellence où se perçoit cette Loi supérieure dont les commandements doivent être transmis et vécus de père en fils, de mère en fille, bref : de génération en génération. Ce qui veut dire que les lois de pureté, la casherout et tout le reste est vain si tout ça n’est pas soutenu et vivifiée par l’observance du ShaBaT dont les parents sont les premiers gardiens, pour eux-mêmes et leurs enfants. Or si le texte commence par ça, c’est que pour lui, dans le cadre de l’Alliance, TOUTE LA SUITE relève de ce lien entre les générations scellé par le ShaBaT. Retirez cette prescription et tout le peuple perd ipso facto son unité charnelle ! Il se retrouve réduit à une somme d’individus sans lien entre eux. En d’autres termes, ce que nous dit le texte, c’est que c’est grâce à ce lien entre les générations et la pratique du ShaBaT que la suite peut être mise en œuvre avec fruit. Et rien que là, on a un principe tout à fait important pour nous chrétiens qui aurions tendance, dans la mouvance d’un Jean-Paul Sartre, à mettre les valeurs AVANT la transmission de la foi et la pratique dominicale associée CHARNELLEMENT à cette transmission ! Or la transmission ne concerne PAS les valeurs mais la CHAIR ! On inculque des valeurs, qui sont bien différentes selon les latitudes, mais on TRANSMET la VIE, et la VIE est charnelle ou elle n’est pas ! C’est CETTE VIE qu’il faut apprendre à garder dans la lumière, sans quoi le corps tombe dans le pur fonctionnement, devient une pure machine dirait Descartes, qu’on pourra certes programmer par les valeurs mais pour fonctionner alors dans la seule dimension horizontale. Et là, pourquoi voulez-vous que les enfants aient le moindre motif de crainte au regard de leurs parents puisque derrière ces valeurs, il n’y a… RIEN, personne, aucune TRANSCENDANCE ? C’est-à-dire une réalité plus haute qui justifie un mode d’être au monde singulier que vient marquer de son sceau la pratique du ShaBaT ou du Dimanche, entre autres. Si nous ne faisons qu’inoculer à nos enfants des « idées », au pire, nous en ferons de bons soldats du système ; au mieux, ils emprunteront les chemins de vie les plus téméraires à la recherche de cette CHAIR que les parents n’auront pas voulu transmettre parce qu’eux-mêmes ne l’auront pas mise en œuvre comme le lieu premier où s’authentifient ces fameuses valeurs. Tout ce qui précède dans le Lévitique nous dit où vivre concrètement cette dimension CHARNELLE : dans les Offrandes du Sanctuaire, dans les repas, qu’ils soient festifs ou quotidiens, dans les relations intimes autant que dans les règles élémentaires de la vie sociale. Et ce qu’ajoute le ch. 19, dès les premiers versets, c’est que tout ça ne peut être vécu que baigné par la lumière familiale du ShaBaT. Des enfants qui verront et vivront avec leur père et leur mère fidèlement les règles du ShaBaT ; règles qui illumineront leur comportement et leur feront porter un fruit qui demeure ; ces enfants reconnaîtront leurs parents comme des JUSTES et craindront YHWH en eux ; de sorte qu’à leur tour, ils aimeront le ShaBaT comme une formidable puissance de VIE. Et c’est précisément ce à quoi convoque le v. 4 : ne vous tournez pas vers les faux dieux qui n’existent pas ! Ce que le Ps 115, entre autres, développera en disant : « Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n'entendent pas, des narines et ne sentent pas. Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier ! Qu'ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles. Israël, toi : mets ta foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c'est Lui ! » (Ps 115,5-9) Dit autrement, ce qui n’existe pas ne peut pas conférer l’existence ! Seul YHWH est VIVANT parce que seul YHWH DONNE LA VIE !

Dès lors : première implication à partir du v. 5 : les Offrandes, et en particulier les sacrifices de paix dont on retrouve ici la prescription du ch. 7, v. 16 à 18. Je vous renvoie à l’explication que nous avons déjà donnée, avec cette différence que la prescription du ch. 7 était donnée aux prêtres, alors qu’ici, elle est explicitée pour toute la communauté.

Deuxième application à partir du v. 9 : le souci du pauvre au moment des moissons : ne moissonne pas tout ! Laisse aux pauvres de quoi grappiller ton champ ou ta vigne. Voilà une dimension sociale complètement CHARNELLE ! Qu’est-ce que vous voulez, un enfant qui voit son père pratiquer ce commandement dans une vie illuminée et rythmée par le ShaBaT ne peut encore une fois qu’admirer et donc craindre YHWH qui le guide dans la justice. Alors oui ces versets véhiculent des valeurs, mais des valeurs authentifiées CHARNELLEMENT ! Celui qui pratique ça sera alors enclin à pratiquer la suite quasi-naturellement : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas se tromper les uns les autres, ne pas prêter de faux serments, ne pas exploiter son prochain, ce que le v. 14 signe en disant : « Tu craindras ton ‘ÈLoHîM, Moi, YHWH ! ». Ah voilà : la crainte de la mère et du père conduit à la crainte de YHWH, c’est-à-dire à la découverte de la source de la VIE qui est AUTRE que moi. Je me reçois d’un AUTRE qui m’appelle : voilà le secret de mon existence ! Difficile à entendre dans une société qui a détourné le « Je pense donc je suis » de Descartes pour en faire la bannière de l’individualisme ! Dans le premier cas — celui de la crainte —, on bâtit un peuple ; dans le second, on se contente d’un hall de gare où chacun vit en confondant son nombril avec le centre du monde ! Dit autrement, les v. 9 à 14 ne nous parlent pas de générosité ! Le généreux exerce toujours une forme de puissance : « Je te donne ce qui est à MOI ! » Or le Lévitique ne parle pas de générosité, mais de CHARITÉ — Tout est là ! Le Transcendant est là, qui constitue l’âme des MiTsVoT et qui consiste moins à donner qu’à ABANdonner : « Commence, non pas tant par donner que par ABANdonner de ton bien, de ton revenu — la moisson ou la vigne —, et tout le reste en découlera ! » Eh oui, parce que c’est quand on commence à vouloir garder pour soi-même son pré carré que s’installent le mensonge et l’exploitation de ceux qui ont le malheur de croiser mon nombril ! Dans le fond, le commandement le plus essentiel de ce passage est celui des v. 9 à 10 qui sont proprement CHARNELS ; qui prescrivent un acte concret d’abandon pour que le reste ne glisse pas dans la vanité des seules valeurs, des grands principes, mais s’enracinent dans une vérité palpable, authentifiée par la CHAIR.

C’est ainsi qu’on voit que le Lévitique n’a pas pour objectif d’écrire un traité de morale : ce qui lui importe, ce sont les œuvres concrètes, les fameuses MiTsVoT en hébreu ! « Montre-moi ta foi sans les MiTsVoT ! Moi, je te montrerai la foi par mes MiTsVoT » dira saint Jacques dans sa lettre, ch. 2 v. 18, qui s’inscrit complètement dans la ligne du lévitique, et plus largement de la ToRaH ! La suite mérite d’être entendue : « Toi, tu as la foi en un Dieu Unique. Tu fais bien ! Les démons aussi ont la foi et ils tremblent ! Homme vide, veux-tu connaître que la foi sans les MiTsVoT ne sert à rien ? N’est-ce pas par ses MiTsVoT qu’Abraham notre père a été déclaré juste, lorsqu’il a porté en élévation son fils Isaac sur l’autel des Offrandes ? Tu vois bien que la foi œuvrait avec ses MiTsVoT et c’est par les MiTsVoT que la foi a été portée à son accomplissement. Ainsi l’Écriture a-t-elle été portée à la plénitude : Abraham a eu foi en Dieu : c’est cela lui a été considéré comme justice, et il a été appelé ami de Dieu. Voyez que c’est par les MiTsVoT que l’homme est déclaré juste et non par la foi seule ! » (Jc 2,19-24) Je vous laisse apprécier le relief que prend cette lettre à la lumière du Lévitique.

Alors voilà : Là où la ToRaH se manifeste comme une ToRaH de VIE, c’est par la primauté de la CHAIR que manifestent les MiTsVoT, les œuvres, et jamais sans elle, sans quoi les démons, toujours tapis à la porte, s’empareront de la vie et la videront de son sens. Et pour le coup, par la CHAIR des MiTsVoT, la ToRaH devient le véritable MOTEUR de la morale ; une morale éclairée par la crainte, par la Transcendance ; qui se reçoit de YHWH par la médiation de la mère et du père en tant qu’ils appliquent charnellement les MiTsVoT de cette ToRaH dont découle alors la justice, et avec elle, la VIE du peuple marqué, de génération en génération, par la crainte vivifiante de YHWH.

À partir de là, du v. 15 au v. 19, on peut quitter l’ordre familial pour entrer dans celui de la vie du peuple,la vie sociale pourrait-on dire, que régit l’exercice du jugement dans les moments inévitables de contentieux. Alors attention aux traductions de la fin du v. 15. J’aime assez celle de la Bible de Jérusalem : « C’est avec justice que tu jugeras ton compatriote », “aMiTèKha où on retrouve la racine “aM, le peuple ; il ne s’agit pas ici du prochain, Ré“a, qu’on va trouver au verset suivant. Que dit le v. 15 ? Une vérité toute simple : au nom de YHWH, dans la crainte de YHWH, le juge ne doit pas se laisser aller à ses émotions ! Le petit n’est pas innocent parce qu’il est petit : même un petit peut commettre des manquements, des délits que sa petitesse ne peut en aucun cas légitimer en tant que tels. On peut le comprendre, on peut avoir de la compassion, mais le juge, lui, doit être impartial au nom de la ToRaH de VIE, au nom d’une justice transcendante. Là, on parle vraiment de la législation au sein d’un peuple qui craint YHWH et observe ses préceptes religieux — les Offrandes du MiShKâN — dans lesquels s’enracinent les préceptes familiaux et sociaux ! Quant au « Grand », aucun favoritisme non plus : lui sera tenté d’acheter son innocence ou son immunité ! Mais s’il craint YHWH, il se présentera à son tour devant le juge comme un “aMiT, un compatriote, un membre du peuple comme les autres ! On songe ici à saint Paul quand il dit : « En Christ, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme parce que vous n’êtes qu’UN en Christ Jésus » (Ga 3,28)

Alors maintenant, comment éviter d’en arriver aux contentieux entre compatriotes ? Eh bien en travaillant la dimension FRATERNELLE, cette dimension presque totalement disparue aujourd’hui en Occident et pourtant tellement essentielle. Nous en reparlerons la prochaine fois, parce qu’on a déjà vu suffisamment d’éléments importants qui permettent déjà une lecture renouvelée de cette première partie du ch. 19 du livre du Lévitique. Je vous remercie.
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