06-11-2016

[Lv] 26 - Interdits sacrificiels, matrimoniaux et sexuels

Levitique 17:1-18:30 par : le père Alain Dumont
Après nous être laissés éclairer par la ToRaH de pureté, nous sommes prêts à entrer dans la troisième partie du livre du Lévitique avec les ch. 17 et 18, à savoir la ToRaH de SAINTETÉ qui nous conduira quasiment jusqu’à la fin du livre, au ch. 26.
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Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/la-legislation-de-la-saintete-lv-19-25.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Après nous être laissés éclairer par la ToRaH de pureté, nous sommes prêts à entrer dans la troisième partie du livre du Lévitique avec deux chapitres aujourd’hui : les ch. 17 et 18, à savoir la ToRaH de SAINTETÉ qui nous conduira quasiment jusqu’à la fin du livre, au ch. 26. Le nom de tout cet ensemble vient de ce que par trois fois, on va de nouveau entendre : « Vous serez SAINTS, car Je suis Saint, Moi, YHWH, votre ‘ÈLoHîM ». On l’a déjà entendu à la fin du ch. 11, mais on va le retrouver en 19,2 ; 20,7 et 21,8. Or parler de sainteté, on l’a vu, c’est parler d’élévation et c’est parler du culte. On va donc trouver toute une série de prescriptions qui visent à ne pas s’écarter du chemin qui mène au Sanctuaire.

Alors on commence au ch. 17, v. 1 à 8, par l’abattage des animaux. L’idée est simple : tout animal d’élevage ne peut être immolé comme OFFRANDE QU’au regard de l’UNIQUE Sanctuaire de YHWH. Ce qui est visé ici n’est donc pas l’abattage profane, comme on le suggère dans certains sous-titres de nos bibles, mais bien plutôt la lutte contre les offrandes sauvages faites aux idoles. C’est explicitement dit aux. v. 7 à 9, et cette prescription est importante parce que tout au long de son histoire, Israël va être tenté par les cultes idolâtres. Donc on pose le CADRE qui, quelque part, poursuit le deuil des pratiques égyptiennes, mais surtout prépare l’arrivée en KaNa”aN. Alors évidemment, ça posera des problèmes pratiques : si je suis à des km de Jérusalem, il est juste inimaginable de faire monter les animaux qui ne résisteront pas au voyage et arriveront exténués, donc imprésentables en Offrande pour YHWH ! Alors le Deutéronome prévoira la chose en proposant de vendre la bête pour en acheter une autre sur place, à Jérusalem. C’est en Dt 14, v. 24 à 26. Un peu avant, l’abattage profane sera autorisé, en Dt 12, non pas pour la consommation courante puisque dans le quotidien, la nourriture est avant tout végétale, et si de la viande y est adjointe, ce sont des pigeons ou des tourterelles. Les poulets viendront bien plus tard, après l’exil. D’ailleurs aujourd’hui, la viande courante est le poulet ou le poisson ! L’agneau ou le bœuf, voire la chèvre, sont eux réservés pour les festins. Donc ici, que ce soit clair, la législation vise à éradiquer les immolations sauvages offertes aux idoles. Ceci dit, tout abattage doit néanmoins être KaShèR, dirait-on aujourd’hui, c’est-à-dire abattue rituellement. Raison pour laquelle les prêtres qui ne sont pas en service dans le Sanctuaire seront les bouchers professionnels répandus à travers tout le pays. On l’a déjà dit par ailleurs, mais aujourd’hui encore, les boucheries KaShèR sont normalement tenues par des familles Lévi, Kohn, Kahn, Kohen, Kühn etc. Donc des familles qui se reconnaissent d’origine lévite.

Les v. 10 à 16 reprennent la législation sur l’interdiction de manger le sang que nous connaissons déjà. Le sang, dit le v. 11, est exclusivement POUR L’AUTEL, c’est-à-dire pour les offrandes. Et on redit les affaires : le sang, c’est la NèPhèSh de la chair ! L’âme de la chair, comme on traduit souvent, c’est-à-dire son souffle. Et cette loi est valable, dit le texte, pour tous ceux qui vivent au milieu du peuple d’Israël, y compris les étrangers. Ceci dit, dans le cas de la chasse, on l’a vu, on n’apportera évidemment pas le sang au Sanctuaire, mais à tout le moins, on le recueillera et on le laissera à la terre. Donc là, pas de difficulté majeure. Le cadre est clair, et il perdure jusqu’à aujourd’hui.

Le ch. 18 passe, lui, à un autre registre : celui des interdits matrimoniaux et sexuels. Et comme on l’a évoqué tout à l’heure, le v. 3 est explicite : il s’agit de se défaire des mœurs de l’Égypte autant que de se prémunir de ceux qu’on trouvera en Terre de la Promesse. Alors on reconnaît bien désormais la signature qui scande tous cette partie du livre : « Je suis YHWH ». Voilà : là est l’autorité même du propos. Le cadre, le peuple le connaît, mais il faut aussi lui préciser les interdits qui sont liés à ce cadre, dont je vous rappelle qu’ils sont plus structurants que la simple prescription positive. C’est un paradoxe, mais c’est ainsi. Une chose est de dire : « Fructifiez ! », et autre chose est d’ajouter l’interdit de l’inceste ou de l’adultère pour ne pas fructifier n’importe comment. À bien y regarder, l’objectif de ces interdits n’est nullement de priver l’homme de tout plaisir en dressant face à lui un mur de tabous répressifs et culpabilisants. Tout à l’inverse, ces interdits sont donnés comme des balises pour que l’homme et la femme ne s’égarent pas sur des chemins de mort. C’est encore paradoxal, mais ces interdits du ch. 18 permettent à l’homme et à la femme de s’épanouir dans leur chair ; de jouir d’autant plus dans leur chair qu’ils sont LIBRES, non seulement de l’esclavage aveugle de leurs pulsions mais surtout du joug de la culpabilité ! La question n’est pas de réprimer la chair dont la sexualité est une part. On l’a déjà souvent dit : la répression de la chair n’est pas biblique. Elle est platonicienne, stoïcienne ou ce que vous voulez, mais elle n’est PAS biblique. Ça ne veut pas dire non plus que toute la philosophie antique s’est coalisée contre la chair : Aristote est beaucoup plus modéré sur ce point, ainsi qu’Épicure. En revanche, l’hédonisme est d’un pessimisme abyssal par rapport à la chair dont Aristippe de Cyrène enseigne qu’il faut certes ne jamais différer un plaisir mais en même temps douter constamment de l’illusion dans laquelle ces mêmes plaisirs nous entraînent. Donc l’hédonisme véritable, et non le libertinage avec lequel on le confond aujourd’hui, conduit à une véritable ascèse ! Rien de ça avec la ToRaH dont la pensée analogique prend en compte totalement la dimension de la CHAIR — on dirait aujourd’hui l’Homme dans sa totalité : corps, âme et esprit ! La question n’est absolument pas de réprimer la chair ; les interdits de la ToRaH ne prônent ni l’ascèse, ni l’austérité, ni le masochisme. La Bible va même jusqu’à enseigner qu’il y a un rapport intrinsèque entre la jouissance physique et la spiritualité la plus haute ! À travers ces commandements qui codifient la sexualité, la ToRaH porte la même ambition que lorsqu’elle réglemente les actes alimentaires : il s’agit de garder l’homme PUR jusque dans sa pratique sexuelle en le protégeant du danger de confusion, de mélange dans lesquels baignent ses pulsions aveugles et qui l’empêcherait de participer à la SANCTIFICATION du peuple.

Il faut bien comprendre — et là, je mets ma casquette de conseiller conjugal —, que la sexualité constitue une des ambiguïtés les plus fondamentales de toute société humaine, dans la mesure où à la fois, elle peut être une source de vie, de joie et de bonheur ET un lieu de mort, de tristesse et de malheur. Du coup, il est aussi inconcevable de tarir cette source de vie que de la laisser déborder à l’infini. Et c’est la raison pour laquelle tout ce qui concerne la sexualité se présente partout comme le domaine cadré par excellence : intuitivement, on perçoit la nature médiatrice de la chair — et non pas seulement du corps — : elle est la frontière entre le dehors et le dedans ; elle est le lieu par excellence où la loi s’intériorise pour encadrer l’ardeur de la pulsion. La Loi remplit donc une double fonction : d’une part, elle aide la pulsion à se vivre, à s’épanouir à l’abri de l’extinction dépressive d’une culpabilité excessive ; et d’autre part, les limites qu’elle impose permettent de rester vigilant pour prémunir cette sexualité contre les risques d’une exultation perverse, c’est-à-dire lorsque la pulsion cherche à obtenir satisfaction par n’importe quel moyen dans un déni total de culpabilité vis-à-vis du mal et de la mort qu’elle engendre. Et c’est de LIBERTÉ qu’il est question à travers cette loi qui pose des interdits. Dit autrement : l’interdit qui frappe certaines pratiques sexuelles a pour vocation de circonscrire la pulsion pour qu’elle ne soit ni étouffée, ni étouffante. Or cela n’est rendu possible que si l’homme entre dans le processus de la SAINTETÉ, c’est-à-dire de ce travail de DIFFÉRENCIATION pour qu’il puisse se présenter devant l’autre sans le confondre avec soi ni être confondu par lui. Regardez bien tous les interdits qui défilent dans notre chapitre jusqu’au v. 18 : ils dénoncent tous le danger de s’approprier ce qui n’est pas nettement différencié de soi, au regard de la paternité, de la maternité, de la fraternité et de la filiation.

À partir du v. 19, on sort des questions de l’inceste qui couvre ici les versets 6 à 18 pour pointer diverses autres situations : s’approcher de sa femme pendant sa période de menstruation — encore une fois, la traduction par « souillure » n’est certainement pas la meilleure ; il ne s’agit pas de saleté, on n’y revient pas — ; suit au v. 20 le rappel de l’interdit de l’adultère ; au v. 21 celui des sacrifices humains offerts aux idoles, notamment les enfants comme il semble que c’était le cas en KaNa”aN, mais aussi ailleurs. Alors le texte utilise l’expression : “âVaR LéMoLèKh qui signifie soit « faire passer à MoLèKh », soit faire passer « par le MoLèCh » ce qui semble être plus judicieux, parce qu’on s’est rendu compte, à partir du XXe siècle, que le MoLèKh, ou le MoLoKh n’était pas tant une divinité en soi que le sacrifice d’enfant par lui-même. D’une certaine manière, immoler la progéniture, c’est immoler l’histoire ! Et comme l’histoire est précisément ce que YHWH veut construire avec l’homme, pratiquer l’infanticide est forcément profaner le Nom de YHWH.

Le v. 22 quant à lui pose problème pour aujourd’hui : est-ce que ce verset condamnerait l’homosexualité ? Sauf que la question n’étant pas là pour le Lévitique, la réponse à celle de nos contemporains ne s’y trouvera pas non plus. Les v. 21 à 23 ne considèrent pas l’homosexualité que la Bible n’aborde tout simplement pas. Pour elle, c’est complètement hors-champ ! De toute manière, le verset est très énigmatique. Littéralement, il dit : « Et avec un masculin tu ne coucheras pas des coucheries de femme. » Pour comprendre, il faut lire un autre verset semblable qui apparaît au ch. 20, v. 13 : « Et un homme qui couche avec un masculin des coucheries de femme, c’est une abomination qu’ils font, les deux. » (Lv 20,13). Là, deux interprétations sont possibles : soit on comprend que deux hommes qui couchent ensemble comme on couche avec une femme font une abomination ; soit on comprend qu’un homme qui couche avec une femme sur un mode masculin — entendons ici la sodomie —, les deux, l’homme et la femme (‘iSh et ‘iShaH), font une abomination. Personnellement, je penche pour la seconde interprétation parce que la première supposerait que l’on ait, en hébreu : « Et un homme (‘iSh) qui couche avec un homme (‘iSh) des coucheries de femmes (‘iShaH) ». Or nous lisons bien : « Et un homme (‘iSh) qui couche avec un masculin (ZaH.aR) des coucheries de femme » Dit autrement, la difficulté de l’interprétation vient de ce que le masculin, ZaH.aR n’est pas sur le même niveau que ‘iSh et ‘iShaH, donc on ne peut pas les associer d’emblée. Le correspondant de ZâH.âR, « Masculin », c’est NiQeVaH, « féminin » au sens de réceptacle, comme en Gn 1,27 ; de la même manière que le correspondant de ‘iSh, l’homme, est obligatoirement ‘iShaH, la femme, comme en Gn 2,23. D’autre part, il n’est pas écrit, comme on traduit souvent : « comme on couche avec une femme »… Donc l’interprétation est très délicate : il s’agit en réalité de ne pas assimiler la femme dans l’ordre du masculin. La femme est dans l’ordre du NiQeVaH, du réceptacle au sens où elle reçoit l’homme dans le “creux” qui est en elle — entendons concrètement son vagin — pour recueillir sa semence de sorte que cette semence soit une source de vie. Dès lors, ce verset se greffe parfaitement dans l’ensemble des v. 22 à 24 : 1. - l’enfant, qui est le fruit de l’ensemencement, ne peut pas être immolé à une idole ; 2. - le rapport sexuel entre un homme et une femme doit être un ensemencement ouvert vers la vie, vers la naissance d’un enfant ; du coup, on va jusqu’au bout : 3. - tout commerce sexuel avec un animal est proscrit au sens où il contredit ce mouvement d’ensemencement. Maintenant soyons précis : ces trois moments sont proscrits au sens où ils ne peuvent pas être assimilés par la ToRaH de vie ; ils ne permettent pas l’accord avec la sainteté à laquelle est convoqué le peuple. Dit autrement, qui veut les pratiquer reste libre de le faire, mais il sait qu’il s’inscrit dans un mouvement étranger au mouvement de vie, et donc il ne peut plus prétendre à l’approcher du Sanctuaire. Conclusion : sauf réparation, il ne peut plus prétendre faire partie du peuple saint, comme le précisera le ch. 20.

On a donc trois actes précis qui sont visés ici, avec trois degrés d’appréciation : 1. - le sacrifice d’enfant est une profanation, du verbe H.âLaL ; 2. - la sodomie est une abomination, TO”éVâH, au double sens que ce doit être rejeté en soi, mais aussi et surtout parce que, comme il est dit à partir du v. 24, c’est une pratique observée, entre autres, par les habitants de KaNa“aN auxquels les Fils d’Israël vont bientôt s’affronter ; 3. - la zoophilie quant à elle est dénoncée comme une confusion, TèVèL, de la racine BâLaL qui signifie mélanger et que la ToRaH donne par ailleurs comme la racine populaire de BaBeL. Et là encore, l’enjeu est de se préserver de toute dissolution au milieu des nations qui aurait pour conséquence de disparaître purement et simplement. Dit autrement, l’objectif du Lévitique n’est pas d’abord moral mais c’est celui de la SANCTIFICATION, de l’ÉLÉVATION ; la question de l’homosexualité comme on l’entend aujourd’hui n’est juste pas son objet. Ça ne veut pas dire que la chose ne pose pas de questions en soi, mais la Bible dans son ensemble, et le Lévitique en particulier, ne connaît même pas cette problématique ! Dit autrement, l’objectif du Lévitique est et reste la préservation de l’élection et du mouvement d’élévation vers la SAINTETÉ. Point final.

Voilà. Vous avez les éléments principaux pour pouvoir lire avec fruit les deux chapitres 17 et 18 du Lévitique. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie. 
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