05-11-2016

[Lv] 20 - Impureté de la femme en couches

Levitique 12:1-8 par : le père Alain Dumont
Une fois qu’elle a enfanté, nous dit le texte, la femme reste impure pendant 7 jours. Tiens ! Pourquoi donc ?
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui le ch. 12 du livre du Lévitique. C’est un tout petit chapitre de 8 versets, toujours à propos de la pureté et de l’impureté. Ici, seul Moïse est interpellé, et c’est à propos de l’impureté de la femme qui vient d’enfanter. Alors il ne faut pas être surpris : on est toujours dans le cadre de l’Alliance, et donc dans ce cadre, un accouchement provoquant des écoulements de sang entraîne nécessairement la question de l’impureté, non au sens d’une répugnance mais toujours au sens ce sang n’étant pas rendu à YHWH, il enraye le mouvement d’élévation vers la SAINTETÉ. Une fois qu’elle a enfanté, nous dit le texte, la femme reste impure pendant 7 jours. On aura la même indication concernant les menstruations au ch. 15, auxquelles fait allusion la fin du v. 2. Entendons par là que si le mari veut rester lui-même pur et pouvoir accéder aux offrandes du Sanctuaire, il ne pourra pas s’approcher de sa femme pendant ce laps de temps. Alors à propos des Offrandes, cette histoire nous oblige à approfondir le rapport qu’entretient le fils d’Israël avec la pureté : comprenons bien qu’il ne s’agit pas seulement de rester pur pour être individuellement capable de porter une Offrande. Vu le prix que ça coûte, le Fils d’Israël moyen n’a pas les moyens d’offrir chaque jour des Offrandes en son nom propre ! Alors on pourrait se dire : bon, eh bien si pendant 7 jour, quand il s’approche de sa femme, il est impur, ça ne va pas beaucoup lui changer la vie ! Eh bien détrompons-nous, parce que la pureté personnelle vise infiniment plus large que le seul individu : la pureté personnelle permet au Fils d’Israël d’être solidaire de TOUTES les Offrandes qui ont lieu chaque jour dans le Sanctuaire et dont les fruits rejaillissent sur TOUT le peuple dans son ENTIER. C’est EN TANT QUE MEMBRE DU PEUPLE que le Fils d’Israël bénéficie des bienfaits des Offrandes quotidiennes et qu’il se garde dans l’élan d’élévation qui fait s’approcher de YHWH TOUT le peuple. Ce qui veut dire que se garder pur personnellement dans l’Alliance — en l’occurrence, pendant sept jours, ne pas s’approcher de sa femme qui vient d’enfanter —, c’est contribuer à ce que le peuple TOUT ENTIER reste pur pour que le peuple TOUT ENTIER s’élève vers YHWH grâce aux Offrandes du MiShKâN. Donc c’est beaucoup plus large que la seule considération individuelle et mesquine dans laquelle la pensée analytique contemporaine nous emprisonne !

Alors maintenant, pourquoi 7 jours d’impureté après la naissance ? Sans doute parce qu’il y a un rapport avec les 7 jours de la Création : enfanter, c’est créer en collaboration avec ‘ÈLoHîM. Je vous rappelle que quand DIEU crée, on parle de ‘ÈLoHîM, le DIEU connu de tous, comme pour dire que ce moment n’est pas spécifique à Israël. Donc au moment d’une naissance, on collabore avec ‘ÈLoHîM, mais en même temps, on verse du sang, donc il y a un déséquilibre. En revanche, au HUITIÈME JOUR, Israël reprend ses marques à travers le rite de la CIRCONCISION — pour les mâles, évidemment — comme le spécifie le v. 3. Alors vous me direz : mais là aussi on verse le sang ! Alors ? Alors il y a une explication rabbinique assez puissante que je vais essayer de vous résumer : en Ex 22,29, il est nettement spécifié que pour être offert pour le rachat des premiers-nés des Fils d’Israël, l’animal ne doit pas être âgé de moins de 7 jours. Du coup, toute circoncision des mâles le huitième jour est lue comme étant associée à ce sacrifice pour le rachat, de sorte que le sang de la circoncision devient celui d’une Offrande. Dit autrement, la circoncision devient le signe charnel que l’homme est uni par le sang aux Offrandes d’animaux qu’il est dès lors habilité à faire approcher dans le Sanctuaire. C’est une manière de dire que, par la circoncision, un Fils d’Israël n’est pas purement extérieur aux Offrandes et quelque part, quand bien même aujourd’hui, comme en d’autres périodes de l’histoire, les Offrandes ont disparu, cette circoncision associe le Fils d’Israël à toutes celles qui ont néanmoins été offertes au fil des générations ! Vous voyez ? L’appartenance au peuple est ici encore vraiment essentielle : un fils d’Israël n’offre jamais une Offrande uniquement pour lui-même ; le peuple est toujours PREMIER. Et quand on parle du peuple, il s’agit du peuple en son entier, non seulement dans l’espace mais dans le temps, depuis Abraham ! Et c’est la circoncision, en opérant ce lien entre l’individu et le Sanctuaire, qui affilie le Fils d’Israël à toute la Communauté ; une Communauté, donc, qui se pense et qui n’existe QU’à partir du Sanctuaire ! Par-delà les générations ! C’est très fort !

Par ailleurs, puisqu’on touche en l’occurrence à un organe où l’homme expérimente sa « puissance », le fait pratiquer l’ablation du prépuce est le signe que le Fils d’Israël abdique, pour ainsi dire, sa souveraineté absolue en la remettant dans les mains de YHWH. Et que cette ablation soit pratiquée le Huitième jour n’est pas sans signification : elle est un signe que le huitième jour tant attendu, après le 7e jour dans lequel ‘ADâM a figé la Création à cause de son péché, de sa désobéissance, de sa prétention à se faire dieu à la place de DIEU ; donc la circoncision est le signe de l’abdication par laquelle, au milieu des nations, les Fils d’Israël prennent en quelque sorte le contre-pied du péché originel ; reviennent à l’obéissance envers YHWH, font TeShouVaH — c.-à-d. opèrent un RETOUR vers Lui — et contribuent ainsi à l’avènement du Huitième Jour ; ce Jour magnifique où l’homme et YHWH peuvent dès lors se rencontrer nuptialement, non plus dans un rapport de domination mais dans un rapport de LIBERTÉ : chacun se donne librement sans craindre d’être réduit par l’autre à l’esclavage. Et avec l’avènement de ce Huitième jour, l’ ‘AdâM, l’Homme accompli de saint Paul, entraîne avec lui toute la Création jusqu’à son propre accomplissement. Ça n’est pas rien !

Ceci dit, 33 jours de purification s’ajoutent aux sept premiers, ce qui fait un total de 40, un nombre qui est toujours témoin d’une étape décisive concernant l’histoire. 40 ans, c’est le nombre type d’années que traverse une génération humaine et qui est le symbole d’une unité de temps avant de passer à une autre étape : 40 jours de déluge, 40 ans de séjour au désert pour Israël, 40 années de règne pour David comme pour Salomon, 40 jours de fuite pour Élie, 40 jours d’épreuve pour Jésus au désert, 40 jours d’apparition du ressuscité à ses disciples, etc. Du coup, 40 jours de purification pour la femme accouchée marquent le commencement d’une nouvelle étape, que ce soit pour elle ou pour l’enfant. Ce n’est donc qu’au bout de 40 jours qu’elle pourra amener l’animal pour le manquement : un agneau de l’année pour l’holocauste, en forme de sacrifice d’hommage, et un pigeon ou une tourterelle pour le manquement, comme il était spécifié au ch. 5 concernant les plus pauvres. Encore qu’il s’agissait d’un COUPLE de pigeons, alors qu’ici, un seul est requis. Alors vous me direz : « Mais de quel manquement la femme est-elle coupable ? » D’aucun en particulier, là n’est pas la question ! Ce qui est en cause, c’est l’ÉTAT de la femme dû à son épanchement de sang qui crée un déséquilibre qu’il faut donc réparer, ce qui est le rôle des Offrandes du MiShKâN.

Alors maintenant, pourquoi, au v. 5, la femme reste-t-elle impure deux fois plus longtemps pour une fille ? Sans doute parce que cette fille est elle-même appelée à enfanter et qu’à sa naissance, sa mère assume les purifications que sa fille devra elle-même vivre lorsqu’elle accouchera. C’est comme pour la circoncision : on anticipe, la mère marque dans sa chair ce que sera la vie de sa fille, de sorte que toutes les générations sont solidaires les unes des autres. Ça ne manque pas de noblesse !

Bien, ceci dit, offrir un holocauste d’agneau, ça coûte cher ! Donc le v. 8 minimise la dépense : deux pigeons ou deux tourterelles, un pour l’holocauste comme il est requis au ch. 1, v. 14 à 17, l’autre pour l’offrande pour le manquement comme il est requis on l’a dit au ch. 5, v. 7 à 10. C’est évidemment ce que saint Luc rapportera à propos de la purification de Marie au Temple, en Lc, ch. 2, v. 22 à 24. À ce propos, quand on parle de la Vierge Pure, ça ne peut pas signifier qu’elle n’est jamais passée par un stade d’impureté légale ! La preuve, c’est qu’elle vient offrir l’Offrande prescrite ! Si elle avait été pure toute sa vie au sens légal, ça signifierait qu’elle a enfanté sans épanchement de sang, ce que toute une légende dorée va exploiter de manière complètement fausse et profondément inutile ! Par ailleurs, si ça avait été le cas, elle n’aurait pas eu besoin de venir offrir ces tourterelles ! Ou alors elle l’aurait fait de façon complètement hypocrite, pour faire comme tout le monde… ce qui ferait de la Vierge la reine des hypocrites que Jésus dénoncera violemment dans les Évangiles ! Voyez : attention aux légendes de naissance miraculeuses de Jésus ! Il faut être sérieux : soit on croit à la vérité de l’Incarnation, soit on n’y croit pas. Si le Verbe s’est vraiment fait homme dès sa conception, il n’a pas commencé en jouant les passe-murailles à sa naissance ! Ou alors c’est qu’il n’a pris qu’une apparence d’homme, et là, on est dans l’hérésie la plus primitive avec la conséquence tragique qui veut que si le Christ n’a pas en TOUTE CHOSE assumé notre condition humaine, alors nous ne sommes tout simplement pas sauvés ! Que la conception soit virginale, c’est dans l’Évangile ; que la naissance de Jésus soit un tour de passe-passe, ça n’y est pas !

Bref : retour au texte du Lévitique. À partir de là s’ouvre, avec les ch. 13 et 14, un autre ensemble de purifications qui concernent cette fois les affections de la peau dont on va prendre le temps de dire quelques mots dès maintenant. On traduit souvent l’hébreu TsâRâ“aT par « lèpre », mais c’est trop restreint dans la mesure où la lèpre aujourd’hui est une maladie bien définie, la fameuse « maladie de Hansen », dont on parle pour la première fois il me semble à propos d’Alexandre le Grand. Par ailleurs, les pathologies envisagées dans ces chapitres sont plus larges que les seules affections cutanées : c’est tout ce qui touche les moisissures de vêtements, des tissus et des cuirs, les taches de salpêtre ou les vermoulures des murs.

Cette fois, à nouveau, YHWH s’adresse à Moïse et à ‘AHaRoN. D’emblée, le texte nous oblige à considérer que certaines affections comme une tumeur, une dartre — c’est-à-dire des plaques sèches sur la peau — ou des taches luisantes sont de teneur SPIRITUELLE. Alors évidemment, ça chatouille nos mentalités marquées par l’efficacité des diagnostics scientifiques qui dénient par méthode tout lien entre la pathologie et le spirituel, mais il n’empêche : prenez toutes les techniques médicinales traditionnelles, partout sur la terre : elles font toutes spontanément le lien entre la pathologie et l’unité brisée de la personne envisagée dans toutes ses dimensions : physique, morale et spirituelle ! Et on aurait tort de croire que ces techniques sont inopérantes ! Surtout, elles impliquent un rapport du médecin au malade qui fait appel à une sagesse qu’on aurait tout intérêt à retrouver aujourd’hui pour ne pas faire que réparer cet « homme-machine » conceptualisé par Descartes et dont on ne s’est toujours pas libéré quatre siècles plus tard.

Eh bien : à leur manière, les ch. 13 et 14 du Lévitique s’emploient, à partir du modèle analogique qui est le leur, à déceler les raisons spirituelles des affections les plus flagrantes, les plus apparentes, donc les plus menaçantes, toujours vis-à-vis de la pureté du peuple de sorte que les Offrandes du MiShKâN n’en soient pas elles-mêmes altérées. Et quelque part, ces chapitres vont nous obliger à nous poser la question des origines SPIRITUELLES des pathologies qui nous assaillent aujourd’hui, à partir de la pensée analogique qui est la nôtre et qui reste, quoi qu’on en dise, celle du christianisme. Ce qui aurait d’ailleurs pour effet de stimuler les chrétiens eux-mêmes à se réconcilier avec cette pensée analogique, à savoir penser l’homme et le monde à partir du CORPS DU CHRIST ! Sans quoi le christianisme se réduira à une pure philosophie vouée à se noyer dans le concert de toutes les autres, ce qui ferait la joie de pas mal de francs-Maçons soit dit en passant.

Alors on n’en dira pas plus pour l’instant. Je voulais simplement vous préparer à lire avec le plus de bienveillance possible ces chapitres qui, c’est vrai, pour nos esprits scientistes, sont pour le moins déconcertants. Mais vraiment on aurait tort de les mépriser, parce qu’ils ont, au milieu de toutes ces considérations apparemment étranges, un tas de choses à nous dire de la part de YHWH.

Nous essaierons de nous laisser enseigner à partir de la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite à tout le moins une bonne lecture du petit ch. 12. Je vous remercie. 
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