05-11-2016

[Lv] 19 - Impurs cadavres !

Levitique 11:24-47 par : le père Alain Dumont
Pourquoi le cadavre est-il impur ? Pour comprendre, il ne faut pas invoquer la question sanitaire qui est une interprétation juste anachronique. Il faut revenir à la question du sang et à l’interdiction de le répandre.
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous terminons aujourd’hui notre lecture du ch. 11 du Lévitique à partir du v. 24. Là, on sort des questions de nourriture qui occupaient la première partie du chapitre pour en venir, aux v. 24 et 25, à l’impureté concernant les CADAVRES, soit que l’animal ait été blessé et son sang répandu ; soit que l’animal soit mort de maladie ou de vieillesse et pourrit de l’intérieur pour ainsi dire. Pourquoi le cadavre est-il impur ? Pour comprendre, il ne faut pas invoquer la question sanitaire qui est une interprétation juste anachronique et surtout complètement extérieure au contexte. Il faut revenir à la question du sang qu’on vient d’évoquer et à l’interdiction de le répandre. Qu’est-ce qu’un cadavre ? Du point de vue du Lévitique, c’est un animal mort qui n’a pas fait l’objet d’un abattage rituel ; dit autrement, un animal dont le sang n’a pas été rendu à YHWH d’une manière ou d’une autre. Donc le cadavre est impur non pas au sens où il serait “malsain” mais au sens où il ne peut tout simplement pas s’inscrire dans le mouvement de la vie à laquelle toute la dynamique du MiShKâN est attachée.

Alors rappelons-nous : ce qui est PUR, c’est ce qui permet de rester dans la dynamique qui conduit à la sanctification que procure le culte du MiShKâN. Ceci dit, en soi, la pureté ne se communique pas ; en revanche, elle peut être enrayée par l’impureté qui, elle, peut se communiquer. Donc par définition, la pureté est un état fragile sur lequel il faut constamment veiller. On ne peut pas s’y installer ! Il faut choisir d’être PUR, dans toute la mesure où la pureté est une disponibilité de soi à la VIE conçue en termes d’élévation. Dit autrement, la pureté résulte d’un travail d’ascèse, de vigilance, qui consiste à se prémunir de l’impureté certes, mais ce faisant, comme tout véritable travail d’ascèse, cette vigilance renforce l’âme du peuple et lui promet de vraies et de grandes joies que marqueront entre autres les fêtes du calendrier ! Par exemple, dans nos versets, les cadavres étant par définition impurs, ils communiquent leur impureté à qui les touche, non pas au sens d’une infection ou d’une tare qu’elle propagerait mais au sens où ces cadavres font barrage aux conditions qui conduisent à l’élévation, à la sainteté ! Il faut donc s’en prémunir non pas au sens où il faudrait en avoir peur mais au sens où le Fils d’Israël fait le CHOIX DE LA VIE, c’est-à-dire le choix de rester disponible à l’élévation, à la sanctification vers laquelle tend cette vie dans le cadre de l’Alliance.

Maintenant, il peut arriver qu’on ne puisse PAS se prémunir de l’impureté ! Le v. 28 le dit d’ailleurs expressément : il faut bien transporter les cadavres si on ne veut pas que le paysage devienne un vaste champ de putréfaction ! Pensons à Tobie, par exemple, qui refuse que ses frères soient laissés sans sépulture et qui va les prendre pour les enterrer dignement. Est-ce que pour autant on va être rejeté du peuple ? Non ! Dans ce cas, on est impur « jusqu’au soir », sans même avoir besoin d’aller faire une Offrande pour réparer un manquement, parce qu’en l’occurrence, il n’y a pas de manquement ! Néanmoins, il ne s’agit pas non plus de considérer que, comme on ne pouvait pas faire autrement, ça n’est pas grave ! Il faut au contraire signifier le déséquilibre dans lequel jette l’impureté de manière à rester vigilant et ne pas perdre de vue l’objectif de la sainteté : c’est le sens de cet intervalle de temps qui suspend, pour ainsi dire, les actes propres à la vie dans l’Alliance. Non pas comme une punition, mais comme le maintien d’une conscience aux aguets ; une conscience qui, même si elle ne peut pas éviter tout contact avec la mort, ne s’y accoutume pas pour autant.

Les v. 29 au v. 45 prolongent la même idée à propos du cadavre des « bestioles grouillantes », c’est le même terme qu’au v. 20 ; non plus celles qui volent mais celles qui fourmillent un peu partout comme les souris, les taupes et les petits reptiles de toute espèce qu’on trouve dans les jardins et dans les maisons. Alors non seulement ces cadavres communiquent l’impureté à ceux qui les touchent mais aussi à tout ce dans quoi ils tombent, en particulier les ustensiles de cuisine — donc qui ont trait à ce qu’on MANGE, encore et toujours. Dans ce cas, l’impureté est à nouveau communiquée jusqu’au soir, nous dit-on ; et quant aux habits ou aux ustensiles, il faudra les nettoyer avec soin, mais eux aussi resteront impurs jusqu’au soir. Vous voyez ? Le temps marque son empreinte dans la chair affectée, comme une sorte de purgatoire pour aiguiser le désir d’élévation du peuple d’Israël. La vie dans l’ordre de la Sainteté n’est pas écartée, mais elle est reportée, non comme une punition mais comme la sanction normale d’une vie dans l’Alliance qui assume le devoir de vigilance, et donc assume aussi les défaillances.

Alors on continue : si une de ces bestioles se noie dans l’eau d’un récipient — c’est au v. 34, l’eau devient impure et communique l’impureté au récipient. Là, il s’agit clairement de lois sanitaires, mais pas seulement : imaginons que l’ustensile soit nettoyé, il doit encore attendre le soir avant de pouvoir être utilisé à nouveau. Vous voyez ? On retient les affaires, en quelque sorte. On attend de passer à un autre jour, on n’est pas dans l’utilitaire immédiat. On marque QUALITATIVEMENT l’événement qui vient de se passer, que d’aucun parmi les Occidentaux que nous sommes, prisonniers de la pensée analogique du profit, tiendrait pour négligeable puisque la dynamique d’élévation lui est purement et simplement étrangère, voire insupportable. Mais dans une pensée analoguée au MiShKâN, c’est tout différent ! Au demeurant, je ne sais pas si j’ai vraiment insisté sur ce point, mais c’est précisément ça qu’on appelle l’ALLIANCE. L’Alliance ne désigne pas autre chose que ce référencement analogique de la pensée biblique au MiShKâN ! Le MiShKâN est LE LIEU où s’expérimente l’Alliance à travers les Offrandes, et quand il s’agira de se sédentariser à Jérusalem et de bâtir le Temple pour perpétuer ces Offrandes, notamment à partir de SheLoMo, Salomon, tous les moments majeurs de l’Alliance conclue avec les Patriarches ‘AVRaHaM, YTsRaC et YaKoV seront eux-mêmes référés à ce LIEU, HaMaKoM, qu’on le désigne sous le nom de Mont MoRRiYa — la ligature de YTsRaC — ; de BeTheL, là où YaKoV fait son fameux songe ; ou de Mont Sion où se tiendra le Temple… Voilà : l’Alliance, ça n’est pas simplement un contrat signé un jour et dont il faudrait honorer formellement les articles. L’Alliance, c’est une manière d’habiter CHARNELLEMENT ce monde en référence constante au MiShKâN et à YHWH qui y a établi sa demeure.

Alors pour en revenir à notre texte, la question se pose quand l’animal tombe dans une citerne, dit le v. 36 ! Ici, il faut raison garder : l’eau, dans ces contrées, est trop précieuse pour être gaspillée. Mais pas seulement : dans le cadre l’Alliance encore une fois, l’eau en elle-même a pour tâche de purifier. Qu’il s’agisse de l’eau de source — l’eau vivante, comme on l’appelle par ailleurs, ou de l’eau des citernes, ces eaux sont des dons de YHWH. Elles ne sont pas ces masses d’eaux maritimes qui, elles, sont porteuses de mort. Les eaux vivantes, en tant que don de YHWH, c’est-à-dire en tant qu’elles s’inscrivent dans le mouvement de la vie ; ces eaux vivantes donc sont aptes à la purification des individus, et elles sont, pour cette raison, comme immunisées contre l’impureté. Il suffira de retirer l’animal avec une grosse louche, par exemple, dans la mesure où la quantité d’eau qui l’entoure, elle, sera tout de même impure.

Même chose pour les semences : on ne va pas jeter toute la récolte sous prétexte qu’on y trouve un lézard ou une souris crevés ! Maintenant, si on y a mis de l’eau — c’est-à-dire si on a prélevé la semence pour en faire de la cuisine, et que cette eau a été en contact avec le cadavre du lézard, là : interdiction de manger ! Pourquoi ? Certes pour des raisons sanitaires, mais là encore : pas seulement ! C’est toujours la même chose : si manger, c’est élever la vie, on ne peut pas élever ce qui relève du mouvement inverse, c’est-à-dire de la mort par pourriture.

Bien. Le chapitre se termine en notant d’une part que ce qu’on vient de dire à propos des lézards en tout genre est valable pour tout animal pur qui viendrait à mourir sans avoir été abattu rituellement. Il devient impur et cette impureté s’étend jusqu’aux vêtements. Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout simplement qu’on élargit la couronne de protection vis-à-vis de l’impureté : si vraiment on est attentif à préserver jusqu’à ses vêtements, alors on saura d’autant plus être vigilant à ne pas enrayer maladroitement le dynamisme de la sainteté ! Et puisqu’on est repassé sur le registre de la nourriture, eh bien : par prévention, toutes ces bestioles sont déclarées immondes au v. 41, c’est-à-dire non pas répugnantes encore une fois, mais simplement interdites. On n’y revient pas.

Donc l’idée au milieu de tout ça est de ne pas se rendre immonde soi-même par l’impureté, et là surgit le refrain caractéristique du Lévitique, au v. 44 : « Car Moi, je suis YHWH votre ‘ÈLoHîM ! Vous vous sanctifierez et vous serez SAINTS car Je suis Saint ! » Voilà la Rencontre qui se profile — toujours garder cet objectif de l’Alliance en mémoire ! Autrement dit, si je redis les paroles de YHWH en les explicitant un peu : « Si vous vous distancez des nations, si vous obéissez aux commandements qui font de vous, dans la CHAIR, un peuple À PART, alors la rencontre sera possible parce que vous ne vous y effondrerez pas, vous ne fondrez pas en Moi. Vous serez pleinement VOUS-MÊMES comme je suis pleinement MOI-MÊME ! » Voilà : obéir aux commandements du Lévitique, c’est refuser de se façonner une idole à sa propre image ; c’est laisser YHWH être YHWH, c’est mettre sa foi sans réserve en Lui et en ses commandements pour grandir dans la LIBERTÉ qui transmet la VIE ; une liberté qui mène à la RENCONTRE, une rencontre qui n’est possible que vis-à-vis de deux SAINTETÉS.

C’est un chemin d’élévation que le v. 45 note d’une manière tout à fait particulière : « Je suis YHWH qui vous ai fait MONTER de la Terre d’Égypte ». D’habitude, rappelons-nous, il est écrit : « qui vous ai fait SORTIR de la terre d’Égypte. » Eh bien, maintenant, à travers tous ces commandements et ceux qui suivront, on comprend qu’il ne s’agit plus seulement de SORTIR d’une condition d’esclave extérieure, mais de MONTER, de s’ÉLEVER pour quitter une condition d’esclave INTÉRIEURE. « Vous serez donc SAINTS car JE suis SAINT » Non pas « comme je suis saint », mais CAR je suis saint. Il ne s’agit pas d’imiter YHWH, ce qui est juste impossible, mais de revêtir par Lui ce qui seul permet la RENCONTRE avec Lui, à savoir la SAINTETÉ de tout un peuple qui fait passer ses membres de la simple NéPhèSh, de notre simple animalité, à l’état de ‘ADâM, ce que saint Paul traduit par « l’état de l’Homme Parfait » (Éph 4,13), accompli, selon le cœur de YHWH dès le commencement de la Création. Il reste alors à signer le chapitre, ce dont se chargent les v. 46 et 47 ; là, pas de difficulté particulière.

Voilà pour un premier panorama concernant les règles de pureté DANS L’ALLIANCE, j’insiste. Au ch. suivant, on va changer de registre : il s’agira toujours de pureté et d’impureté, mais à l’occasion d’un tout autre domaine que nous découvrirons la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite une bonne lecture de ce ch. 11. Je vous remercie.
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