16-09-2016

[Lv] 11 - Le rôle des prêtres dans la célébration des Offrandes (1)

Levitique 6:1-23 par : le père Alain Dumont
La première partie du Lévitique se termine par le rôle des prêtres dans la célébration des diverses Offrandes. Ici : les Montées, les Offrandes végétales et celle pour les Manquements involontaires.
Duration:20 minutes 41 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/le-role-des-pretres-dans-la-celebration-des-offrandes-1.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

On en a terminé lors de la dernière vidéo avec la typologie des offrandes. Alors pour se rappeler, on en a cinq sortes : la Montée ou l’Holocauste, l’Oblation Végétale et le Sacrifice de Paix, qui sont des offrandes qu’on pourrait qualifier de positives. Et puis, parce qu’il y a des moments où l’homme brise l’élan qui le porte vers YHWH en pratiquant l’infidélité envers Lui ou l’injustice envers son prochain, on a l’Offrande pour les manquements involontaires et celle pour les Délits. Je vous rappelle que le manquement involontaire, c’est en gros ce que nous appelons le péché véniel, c’est-à-dire dont l’objet n’est pas formellement la rupture avec YHWH mais dont la conséquence est tout de même d’avoir contrarié l’approche de YHWH pour laquelle le Fils d’Israël revêt sa nature adamique pour répondre au dessein de leur rencontre NUPTIALE. Bien. Ceci posé, les ch. 6 et 7 qui terminent cette première partie du livre vont nous décrire la place et le rôle des prêtres dans la célébration des diverses Offrandes.

Le ch. 6, lui, renoue pour une part avec le récit puisqu’on retrouve ‘AHaRoN et ses fils, étant entendu que l’expression « et ses fils » désigne toute la descendance sacerdotale de AHaRoN., de génération en génération. Les v. 1 à 6 nous parlent non plus de l’holocauste occasionnel du début du livre, mais cette fois de l’holocauste quotidien dont la flamme doit être perpétuelle, un peu comme elle devait être la même aujourd’hui ! Et là, on voit que cette perpétuité de l’holocauste place cette offrande au fondement de toutes les autres. Comme pour nous dire : quelle que soit l’offrande, en tant qu’elle est nécessairement rattachée à l’holocauste, elle a pour pierre angulaire le rapprochement de la nature adamique avec la nature divine qui est un travail quotidien de tout le peuple, tout au long de la nuit et du jour. Alors maintenant, c’est encore là qu’on voit que cette discipline concerne avant tout le Temple de Salomon, parce qu’on imagine mal un autel déplacé avec le feu des Montées maintenu pendant la marche ! Peut-être qu’on gardait un élément ardent entre deux stations, c’est encore possible, mais l’essentiel n’est pas là ! Et puis vous imaginez qu’on offre autant de sacrifices chaque jour alors qu’on est en marche dans le désert ? Donc ce que vise la règle ici, c’est vraiment de donner un cadre à partir duquel on va penser la vie et l’histoire du peuple des Fils d’Israël. Toujours cette pensée analogique qui n’a rien de symbolique — parler de symbolique ici, c’est faire rentrer la pensée du lévitique dans le cadre analytique de la pensée occidentale et dans le même temps perdre toute la saveur, toutes les harmonies de la pensée biblique ! On est au-delà du symbole et il faut vraiment essayer, plutôt que de tout annexer dans nos propres cases, de nous laisser toucher par les bases de cette pensée qui nous sont livrées. De toute façon, rappelez-vous que toute pensée a une base analogique, c’est-à-dire de principe : dire par exemple que la raison scientifique est la seule qui soit « vraie », c’est un principe analogique qui réfère tout à la « science » : on pense le monde par la science, les rapports et les comportements humains par la science, l’esprit humain par la science etc. Avec évidemment ses fruits et ses limites. Autre exemple : Partir du principe que le marché et le profit organisent la société, voilà un principe sur lequel va s’élaborer toute une pensée analogique : aujourd’hui, on « pense » profit : le bien et le mal sont calculés sur base de profit / non profit ! La famille est comprise comme une unité économique ; la fécondité est vécue sur le principe du profit / no profit : si l’enfant se pointe alors que je suis en plein développement de carrière, exit le gamin, et dans la pensée analogique du profit, c’est un BIEN ! Et vous pourrez bien, en tant que chrétien dont la pensée analogique est tout entière articulée sur la Personne du Christ, descendre dans la rue pour protester, votre manifestation sera elle-même analysée en termes de profits / non profits et vous serez déboutés par des dirigeants qui sont assurés, eux, d’être au service du BIEN que leur désigne la pensée analogique dans laquelle baigne leur compréhension du monde : ils ne conceptualisent même pas que vous puissiez défiler en dénonçant des décisions qui, pour eux, dans leur système de pensée, sont une évidence ! Alors comme cette pensée analogique est totalement désincarnée,

sans figure particulière à sa base, on dira que c’est une idéologie, mais l’idéologie est une forme de pensée analogique au même titre que le MiShKâN ou que le Christ par lesquels juifs ou chrétiens, eux, pensent à leur façon le monde et son histoire ! Alors évidemment, on juge la valeur d’une pensée analogique aux fruits qu’elle porte, mais en attendant, il faut vraiment comprendre que la pensée humaine ne peut pas fonctionner sans se donner une référence analogique. Et c’est encore différent de ce qu’on appelle la culture, mais on arrête là parce que ça nous entraînerait trop loin.

En tous les cas, vous voyez comment l’étude du Lévitique, en nous plongeant charnellement dans un tout autre univers de pensée analogique, nous oblige à regarder quel est celui dans lequel nous-mêmes évoluons, avec ce privilège inimaginable, au terme de notre lecture de la ToRaH, de pouvoir CHOISIR dans quel univers analogique nous voulons enraciner notre existence et quels fruits nous voulons porter ! Fruit du profit ? Fruits d’une élévation ? Et pour aller jusqu’au bout, le Christ n’a aucune place dans l’univers analogique du profit, alors qu’il a toute sa place dans la pensée analogique du MiShKâN comme le Lieu où l’homme adamique se rend disponible à une rencontre nuptiale avec YHWH ! Alors voilà : excusez-moi d’insister sur ce point, mais il est suffisamment essentiel pour qu’on le rappelle régulièrement, sans quoi on est vite repris des lectures extérieures et sèches.

Bien. Revenons au texte. Alors suit le rôle des prêtres dans l’Oblation de Fleur de farine du v. 7 au v. 11, sur le même modèle qu’au ch. 2 à ceci près que s’y ajoute une cuisson sans ajout de ferment, donc en MaTsaH, en azyme, afin que cette Offrande puisse être mangée par les prêtres. Donc : une part est jetée dans le feu avec huile et encens tandis que l’autre part est donnée aux prêtres pour être cuite et mangée. Et YHWH d’ajouter, au v. 10 : c’est un QoDèSh QâDâShîM, un Saint des Saints, c’est-à-dire un acte de la plus haute sainteté ! Je trouve ici la traduction de Chouraqui très suggestive : « C’est un sacrement de sacrement » au même titre que l’Arche déposée dans le QoDèSh QâDâShîM, dans le Saint des Saints, le Sanctuaire proprement dit à l’intérieur du MiShKâN. Je vous rappelle qu’il n’y a pas de superlatif en hébreu : quand on veut parler du plus grand des chants, on dit : ShiR HaShîRîM, le chant des chants, le Cantique des Cantiques. Donc une fois qu’on a compris l’expression, qu’est-ce qui est fait de cette MaTsaH un QoDèSh QâDâShîM dans ce contexte de l’Oblation Végétale ? Non pas la MaTsaH en elle-même, mais la MaTsaH en tant qu’elle est faite pour être MANGÉE dans la mesure où la manducation est elle-même un acte d’élévation. Alors on développera plus à fond cette idée à propos du ch. 9, mais comprenons déjà qu’entre le feu de l’autel et l’acte de manger, il y a ce même mouvement qui se produit et qui fait de L’ENSEMBLE cette MaTsaH une Offrande véritable, qu’elle soit brûlée ou qu’elle soit mangée. Et la fin du v. 11 de préciser : KâL ‘aShèR YiGGa” BâHèM YiQeDDâSh = « Tout qui les touche sera saint ! », ce qui renforce l’idée que ces MaTsot sont saintes en tant qu’elles sanctifient ! Ça c’est très biblique, rappelez-vous : est vivant ce qui donne la vie ; est libre ce qui rend libre ; et donc est SAINT ce qui SANCTIFIE ! Encore faut-il y être disposé, et là intervient la notion de pureté qui occupera toute la troisième partie du livre. Ce qui signifie que les récipients où sera disposée la MaTsaH doivent être purs, et une fois qu’ils l’auront recueillie, on ne pourra plus les utiliser pour autre chose : soit, on le verra, il faudra les laver précautionneusement, soit il faudra carrément les briser ! D’autre part, ça signifie que les prêtres qui mangeront la MaTsaH devront eux-mêmes être purs, ça va sans dire, mais surtout que le fait de la manger fera d’eux des êtres saints, c’est-à-dire à part. Voyez : la sainteté n’est pas un état, c’est un mouvement ; un mouvement d’élévation qui ne peut procéder que du SAINT par excellence, HeShèM, HaQaDoSh BaRouKhOu, comme on dit en Hébreu ; le Dieu Saint qui sanctifie parce que la RENCONTRE, encore elle, ne peut se vivre que dans l’ordre de la SAINTETÉ. La pureté rend disponible à la sainteté mais ne la confère pas : il faut la recevoir humblement de YHWH par le biais des offrandes saintes, ici l’oblation végétale. Et là j’espère que vous sentez qu’on est vraiment aux prémices de ce que les chrétiens vivront à travers les sacrements ! Par ailleurs, quand Jésus affirme : « Qui s’abaisse sera élevé », c’est évidemment depuis ce mouvement médiatisé par les offrandes du MiShKâN qu’il parle ; offrandes, on le verra, qu’il rassemble dans le sacrifice de la Croix auquel nous participons par la consommation de la MaTsaH eucharistique — du moins en ce qui concerne le rite latin qui, de ce point de vue, est le plus explicite.

Ceci dit, on continue dans le même ordre des offrandes végétales mais associées désormais au rite d’investiture du Grand-Prêtre. Cette fois, l’offrande est répartie, nous dit-on dans le v. 12 à 16, sur deux Montées, deux holocaustes consécutifs : celui du matin et celui du soir, comme pour dire qu’il s’agit en réalité d’un même moment. Dit autrement, les sacrifices ne sont pas des événements isolés les uns des autres. Le temps ici se fait histoire, une histoire qui se construit au rythme des Montées offertes le matin et le soir et qui impriment à cette histoire sa DIRECTION : à savoir toujours cette fameuse RENCONTRE avec YHWH. Ces offrandes successives ont pour rôle d’élever le peuple d’Israël dans un seul et même élan dont le Grand-Prêtre est le gardien, de Montée en Montée, jour après jour, génération après génération. On avait gardé quelque chose de ce rite dans les premiers temps de l’Église de Rome, à l’époque où elle commençait à grandir et où l’évêque ne pouvait plus célébrer l’Eucharistie pour tout le peuple. Il y avait donc des prêtres répartis un peu partout pour célébrer l’Eucharistie dans les paroisses de Rome, mais chaque dimanche, l’Évêque célébrait d’abord et on prenait une part du pain consacré — on appelait ça le fermentum — pour le porter dans les différentes paroisses et manifester ainsi l’unité ecclésiale qui présidait chaque Eucharistie célébrée sur le territoire. On avait cette même pratique d’Église à Église pour manifester la communion entre elles… Bref : l’idée en tout cas est qu’on partage un même pain  dont on répartit les morceaux pour manifester l’unité de ce qui est vécu de façon apparemment parcellaire mais en réalité qui est marqué par la communion ; non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, puisque c’est aussi la raison pour laquelle aussi on gardait un morceau de fermentum d’une eucharistie à l’autre. C’est un peu la même idée ici : la MaTsaH, le jour de l’investiture du Grand-Prêtre, est fractionnée et répartie sur 2 holocaustes successifs pour bien manifester qu’en réalité, toutes les offrandes sur lesquelles veille le Grand-Prêtre ne travailler qu’à une seule et même élévation, jour après jour.

Bien. À partir du v. 17, on passe à l’offrande pour les manquements involontaires, le H.aTTâ’T qui commence à nous devenir familier. Mais là, on regarde la fonction des prêtres. D’emblée, cette offrande est posée en regard des Montées, des holocaustes : elle s’inscrit donc toujours dans ce mouvement d’élévation, de rapprochement de YHWH. Et à nouveau, dit la fin du v. 18, c’est un QoDèSh QâDâShîM, un saint des saints, au plus haut des sacrements, et on précise cette fois que le prêtre qui offrira la victime pour le péché en MANGERA. Alors redisons-le : la victime ne s’est pas vue transférer sur elle le péché de l’offrant, sans quoi non seulement elle ne pourrait pas être offerte mais elle ne pourrait certainement pas être consommée ! Ceci dit, contrairement à l’offrande de Paix, l’offrant, cette fois, ne consomme rien : il perd tout le bénéfice de son offrande, ce qui est une forme de pénitence en quelque sorte. En revanche, un animal égorgé n’est pas fait pour être passé simplement par profits et pertes : tout comme pour l’Oblation végétale, cette viande est destinée à un repas. Alors encore une fois, on verra plus tard le sens de la manducation de la victime, mais on peut néanmoins ici réfléchir au sens de ce repas. Pour le dire simplement : le repas, c’est le moment qui permet d’être LE PLUS PROCHE les uns des autres. S’il faut trouver un moment où la proximité est encore plus forte, il n’y a que la relation conjugale réservée à ceux qui se sont consacrés l’un à l’autre. Or les deux moments, le repas et la relation sexuelle ne sont pas étrangers l’un à l’autre ici puisque le mouvement qui est visé dans la relation de l’Homme, ‘âDâM, à DIEU est une relation de type nuptiale ! C’est un grand mystère, dira saint Paul. Mais avant ça, avant cette relation nuptiale, il y a donc le REPAS qui rapproche au plus prêt, au plus charnel les êtres qui le partagent. Ce qui veut dire que participer à un repas attaché à une Offrande, c’est manifester la proximité CHARNELLE dans laquelle on se tient avec YHWH. À cela s’ajoute qu’on ne mange pas n’importe comment : on fait très attention à ne pas être atteint par le sang : s’il en tombe sur les vêtements, il faut les laver avec soin ! Le Sang appartient à YHWH exclusivement ! Même le récipient de cuisson ne devra pas resservir, ou en tout cas, il devra être soigneusement lavé pour signifier que ce repas est unique, qu’il ne se confond avec aucun autre, fut-ce celui d’une autre offrande. On n’est pas dans une cuisine de cantine ! Vous voyez, dans tout ça, il y a cette attention, cette méticulosité qui est tout à l’honneur de ces rites qui ne font rien par pure routine comme s’il suffisait de faire fonctionner les affaires pour être en règle. Non : on HABITE ce qu’on fait, et ce qu’on fait, on le fait bien, à la mesure de la miséricorde que YHWH manifeste et qui met tout ça en place pour que l’homme puisse vivre sa vie avec le plus de sens possible.

Alors maintenant attention : qui est habilité à manger le repas d’une offrande pour le manquement ? Eh bien ce sont les KoHaNîM, les prêtres qui opèrent concrètement le sacrifice dans l’enceinte du MiShKâN. Pourquoi ? Parce que les prêtres sont innocents du manquement qui est à l’origine de cette offrande : l’offrant, lui, ne participe pas au repas en raison de sa culpabilité, en forme de pénitence pour ainsi dire. Comme si l’offrant disait aux prêtres : « Moi, je ne peux pas le manger, mais vous, mangez-le en mon nom auprès de YHWH, dans le sanctuaire. » Cette raison est attestée par le fait que lorsqu’il s’agit d’une offrande pour le manquement D’UN PRETRE, celui-ci ne peut précisément pas participer au repas. Et quand il s’agit d’un sacrifice pour le manquement de toute la communauté, dont les prêtres, eh bien, dit le v. 23 qui fait allusion au ch. 4, là, personne ne peut en manger ! Tout doit être brûlé ! Pour la simple raison que là, personne ne peut se prétendre innocent et bénéficier du repas.

Voilà, il me semble qu’avec tout ça, on a les éléments principaux qui permettent de lire ce ch. 6 du Lévitique avec fruit. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.
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