16-09-2016

[Lv] 7 - L'Offrande pour les péchés

Levitique 4:1-2 par : le père Alain Dumont
Il peut arriver aux Fils d'Israël de manquer involontairement à leur fidélité envers YHWH. La ToRaH parle alors du « péché ». Mais qu'est-ce que le péché ? Et comment réparer ?
Duration:20 minutes 52 secondes
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui le ch. 4 du livre du Lévitique qui va nous parler, avec le ch. 5, du rituel de l’OFFRANDE POUR LE PÉCHÉ, le QâRBâN H.aTTâ‘Th. C’est la troisième et dernière catégorie d’offrandes, comme quoi ça n’est pas si compliqué que ça quand on prend le temps de se pencher sur la question. Alors du point de vue de la procédure, on va retrouver pas mal d’éléments dont on a découvert le sens lors des dernières vidéos. La spécificité du ch. 4 tient à ce qu’il s’intéresse aux catégories sociales des offrants : le Grand-Prêtre, la Communauté tout entière, un chef et un simple particulier. Donc le plan est assez simple.

On retrouve, au v. 2, la NèPhèSh du ch. 2 qui désigne l’homme en qui coule la vitalité reçue de ‘ÈLoHîM ; or le péché est précisément ce qui va contrecarrer cette vitalité, raison pour laquelle il faut y remédier : en quelque sorte il faut réparer le mécanisme qui relie l’homme à la Source de la vie. Alors n’oublions pas non plus que le principe du QâRBâN, à partir de l’holocauste, demeure actif ici, et donc comme pour le sacrifice de paix, l’offrande pour le péché est associée au mouvement d’élévation de la nature animale vers la nature divine.

Ceci dit, dès le v. 2, une précision d’une importance capitale est donnée : « Lorsqu’une NèPhèSh aura péché par inadvertance ». Alors ça c’est vraiment étrange à première vue, parce que la tendance chrétienne est de dire que si on n’a pas fait exprès, ça n’est pas vraiment un péché, donc attardons-nous sur cette question. D’abord, demandons-nous ce qu’est ce fameux « péché », H.éT, en hébreu, de la racine verbale H.âTâ‘ qui signifie manquer : manquer un devoir, une obligation, une exigence, soit envers YHWH, soit — et surtout — envers un autre homme. Donc dans le fond, la meilleure traduction du H.éT‘, c’est le « manquement » à une norme, qui suscite un reproche et une revendication de celui qui est atteint par ce manquement. À l’inverse, celui qui ne « manque » pas, c’est le TsaDiQ : le JUSTE, comme on traduit habituellement, au sens où il est AJUSTÉ à la ToRaH, ajusté aux commandements. On a déjà rencontré ce terme de H.éT une dizaine de fois dans chaque livre de la Gn et de l’Ex, mais là, il va revenir pas moins de 35 fois dans le seul livre du Lévitique ; 22 fois dans le livre des Nombres qui suit, et encore une quinzaine de fois dans le livre du Deutéronome qui clôt la ToRaH.

Donc dans le fond, le H.ét, c’est une ACTION qui échoue, une action défaillante qui est mesurée par rapport à une convention, à un contrat, en l’occurrence ici par rapport à la ToRaH. Ça n’est pas une notion métaphysique ! C’est avant tout un acte, un acte extérieur, concret et inadéquat ! Le H.éT‘ concerne les individus, mais aussi le peuple ; et peut-être d’abord le peuple avant les individus dans la mesure où chaque Fils d’Israël porte en lui le peuple tout entier à qui s’adresse YHWH par la ToRaH. Alors parfois, vous trouverez dans la littérature chrétienne que pécher, c’est “manquer la cible” parce qu’une ou deux fois dans la Bible H.âTâ‘ a effectivement ce sens, mais on ne peut pas le généraliser parce que du coup, on réintroduit une sorte de dimension poétique, métaphysique très éloignée de ce qu’est le H.éT pour la ToRaH. Donc redisons-le : le H.éT‘, c’est le manquement à une obligation due à quelqu’un : soit à YHWH, soit à un prochain. C’est à la fois simple et concret. Maintenant attention, pour être réparable on l’a vu, ce manquement doit être INVOLONTAIRE, commis « par inadvertance » comme on traduit souvent. Si on commet un acte VOLONTAIRE, on passe alors au registre de la FAUTE, “âWoN, qui, lui va nécessiter une offrande pour les délits qu’on verra plus tard. Et puis il y a un troisième degré d’actes, non seulement volontaires mais ostensiblement posés en rébellion contre YHWH : là, c’est le PéSha”, la VIOLATION qu’on retrouvera beaucoup chez les Prophètes et qui ne pourra être pardonné qu’une fois par an à l’occasion du Jour de l’Expiation, ou le Jour du Pardon : YoM KiPPOuR comme on le verra au ch. 16.

Si vous voulez, en termes chrétiens, on a en gros avec ces trois catégories la différence entre le péché véniel, le péché capital et le péché mortel, au sens où le péché véniel n’écarte pas des sacrements à condition toutefois qu’on le reconnaisse par exemple lors de la prière pénitentielle au début de chaque eucharistie ; le péché capital, lui, n’écarte pas non plus des sacrements, mais demande qu’on s’en confesse pour pouvoir s’en détourner. Je vous rappelle que le péché capital n’est pas un péché « grave » en soi : la gourmandise, ou plus exactement la GLOUTONNERIE — est un péché capital sans pour autant être grave en soi. Alors que le meurtre est un péché grave, mais pas capital… Capital signifie que la gourmandise fragilise la volonté, de sorte que vont suivre toute une série d’autres péchés qui vont s’accrocher à cette fragilité : la colère, l’ivrognerie, le bavardage, la médisance, etc. Et là en tout cas, on ne peut pas dire qu’on a été glouton par inadvertance ! Et puis donc il y a le péché MORTEL qui, lui, excommunie littéralement le pécheur. Ça ne veut pas dire que le pécheur ne peut pas être pardonné, mais il est nécessaire pour ça qu’il pose pas un acte de repentance qui signifie qu’il RENONCE sans concession à ce péché. Voilà. C’est un peu rapidement dit, mais en gros, c’est ça. Eh bien cette distinction entre péché véniel, capital et mortel trouve ici ses origines, dans le ch. 4 du lévitique : le manquement involontaire, le H.éT, n’excommunie pas le Fils d’Israël de l’élection, mais il faut tout de même poser un acte de confession — Ceci dit attention : les manquements involontaires dont parle la ToRaH ne sont pas de simples soubresauts spirituels, on le verra au ch. 5 : ce sont de vraies injustices, mais des injustices qui ne signifient pas par elles-mêmes une révolte contre YHWH. En revanche, un manquement volontaire, la FAUTE, “aWoN est aussi un acte d’injustice mais sciemment posés celui-là, sous le coup par exemple de l’orgueil, de l’avarice, de la colère, de l’ivrognerie, etc ! Et puis enfin il y a la VIOLATION, le PéSha” comme le fut par exemple l’adoration du Veau d’Or : là, ça demande vraiment un TiQOuN, c’est-à-dire un acte de réparation qui accompagnera l’expiation du YoM KiPPOuR.

Alors maintenant, à quoi correspond ce fameux manquement involontaire ? Le ch. 5 donnera trois cas bien précis, mais il faut comprendre la chose de manière assez large. On pèche par inadvertance par exemple quand on a conclu une affaire sans s’apercevoir que les instruments de mesure étaient faussés et qu’on en a profité ; c’est du vol par inadvertance, pour ainsi dire, qu’il faut réparer non seulement vis-à-vis du prochain, mais aussi vis-à-vis de YHWH dans la mesure où on a lesté, pour ainsi dire, le mouvement d’élévation qui doit acheminer à l’état de l’homme véritable. Si un Fils d’Israël mange du porc sans le savoir, il y a péché par inadvertance : il y a peut-être une part de responsabilité parce qu’il aurait dû vérifier, mais en tous les cas, il ne l’a pas fait pour contrecarrer volontairement les commandements de vie. Reste que ça pèse quand même sur le mouvement d’élévation, parce qu’une négligence en appelle toujours une autre ! Par exemple : « Ah, j’ai encore oublié de téléphoner à ma mère ! »… Négligence contre le commandement d’honorer ses parents. Ben oui, sauf que tu n’oublies jamais d’enfiler ton pantalon le matin, ce qui veut dire que quelque part, ta mère est moins importante que ton pantalon, et là, il faut poser un acte qui contrecarre la négligence pour qu’elle ne s’installe pas ! Pour ça, le Fils d’Israël pose un acte devant YHWH qui sera d’autant plus efficace qu’il sera CHARNEL, d’autant plus efficace qu’il marquera dans sa CHAIR ce désir de reprendre le chemin de la VIE par une offrande pour le péché. Et cet acte consistera à présenter son offrande au prêtre lévitique qui devient alors le témoin de la ferme volonté de réparation qui anime l’offrant. Et soit dit en passant, la pratique catholique de la confession procède exactement de la même démarche : le fait de se confesser à un prêtre quand on est catholique relève de la même dynamique dans la mesure où cette confession les porte ensemble, le pénitent et le prêtre, à tout déposer, in fine, dans l’offrande eucharistique. Et donc là aussi, c’est très charnel ! Et le charnel, je vous le rappelle, est donné pour venir au secours du pénitent : la réparation est d’autant plus efficace qu’elle ne reste pas dans le monde des idées ou des valeurs ! il ne suffit pas de demander pardon dans son cœur, comme on dit. On vérifie la véritable contrition par un acte CHARNEL qui nous engage, sans quoi d’un côté, c’est un peu facile ; et de l’autre, ça rend le chemin d’élévation beaucoup plus aléatoire dans la mesure où on pense pouvoir s’en tirer tout seul, alors qu’on a besoin du secours de la Communauté tout entière, comme ce Corps dont le Christ est la tête et que représente la figure du prêtre ! Bref. Laissons de côté la confession chrétienne pour en revenir strictement au texte du Lévitique.

Donc, pour résumer, le Fils d’Israël doit non seulement avoir un cœur contrit, un cœur de repentance, mais aussi poser un acte concret qui manifeste qu’il se dégage de la spirale descendante dans laquelle l’entraîne sa négligence qui lui a fait poser ce manquement involontaire. Voilà. Avec ça, on n’a pas beaucoup avancé dans la lecture du texte proprement dit, mais on a les éléments essentiels pour poursuivre avec profit la lecture les ch. 4 et 5, ce que nous reprendrons la prochaine fois. Je vous remercie. 
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