16-09-2016

[Lv] 1 - Quand YHWH convoque

Levitique 1:1 par : le père Alain Dumont
Le livre du Lévitique commence par ces mots : « Et Il convoqua ! » Tout un programme !!!
Duration:19 minutes 31 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : )
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Suite à l’introduction de la dernière vidéo, nous commençons aujourd’hui la lecture du livre du Lévitique, et bing : sans prévenir, dès le premier verset, nous voilà affrontés à la difficile question des sacrifices d’animaux, et en particulier des fameux HOLOCAUSTES. Alors l’objet de cette vidéo n’est pas d’abord de se demander ce qu’est un sacrifice en soi. L’objet de cette vidéo, c’est de se demander ce qu’est le sacrifice POUR L’AUTEUR du Lévitique, et donc se demander ce qu’il cherche à nous transmettre à travers cette pratique. Alors pour le dire rapidement, quand on parle de l’AUTEUR DU LÉVITIQUE, la tradition classique désigne Moïse ; mais c’est Moïse non pas en tant que rédacteur : il s’agit de Moïse en tant que NOYAUX du livre, pour ainsi dire. Les études stylistiques montrent que la rédaction en elle-même est en fait beaucoup plus tardive, à l’époque de l’Exil, donc au moins 500 ans plus tard d’après la chronologie basse que nous avons adoptée au début du livre de l’Exode. Ça signifie quoi ? Ça signifie qu’en fait, tout ce qui nous est décrit est beaucoup plus en lien avec la pratique du Temple de Jérusalem que du Sanctuaire du désert. Mais il n’empêche : tout ce qu’on vit autour du Temple est vécu comme s’enracinant dans une mémoire vive qui remonte à Moïse ! Dit autrement, l’auteur a conscience de ne faire que développer ce qui a été donné en germe dès l’époque de la traversée du désert, dans toute la mesure où, souvenons-nous, sa pensée analogique est tout entière greffée sur le MiShKâN, sur le Tabernacle ! Il pense à travers l’archétype, à travers le modèle du Tabernacle du désert, exactement comme les chinois du IVe siècle avant J.-C. pensaient à travers l’archétype du corps de l’Empereur ! Et c’est ce qui rend ce texte du Lévitique immémorial. C’est ce qui fait que le Christ pensera à partir de cet archétype et que les juifs pratiquants pensent aujourd’hui encore à partir de ce même modèle !

Du coup, on l’a dit la dernière fois, l’auteur du Lévitique nous convoque, non pas seulement à une visite mais à entrer dans la VIE MÊME du Sanctuaire du Désert. C’est le seul moyen pour qu’il devienne le socle de pensée du lecteur. On se souvient que la dernière partie du livre de l’Exode nous a présenté le Tabernacle, le MiShKâN et son parvis extérieur. Eh bien : le livre du Lévitique va nous faire entrer dans le parvis, nous livrer la règle des sacrifices, nous faire vivre la consécration des prêtres qui vont mettre cette règle en œuvre, puis donner les prescriptions concernant la pureté qui va nous permettre, à partir du ch. 17, d’entrer dans le Sanctuaire, dans l’INTIMITÉ de la vie du Sanctuaire à travers la Loi de Sainteté, c’est-à-dire la vie qui attache le Fils d’Israël à YHWH par la médiation du sacerdoce lévitique.

Donc entrons dans le parvis du sanctuaire — vous vous rendez compte du privilège ! — non pas d’une part comme on entrerait dans un musée mais comme on entre chez un Hôte — et quel Hôte ! — ; non pas d’autre part de notre propre chef, mais en suivant Moïse que YHWH convoque ! « VaYiQRâ‘ ‘èL-MoShéH VaYeDaBéR YHWH » : « Et Il convoqua Moïse, et Il parla ainsi, YHWH » Ce sont les premières paroles du livre, qui lui donnent d’ailleurs son nom du point de vue des rabbins : VaYiQRâ‘. Ces premiers mots ont leur importance parce qu’ils ne retentissent pas souvent. Trois fois pour être exact, et à chaque fois en vue d’accomplir un acte d’une importance exceptionnelle : ça a été le cas au moment où DIEU a convoqué Moïse depuis le Buisson-Ardent pour lui donner sa mission, en Ex 3,4 ; l’autre moment a été celui de la conclusion de l’Alliance avec les Fils d’Israël : en Ex 19,4, YHWH a convoqué Moïse sur le Mont HoReV pour lui donner le Décalogue ; et puis ici, donc, au moment de livrer toute la dynamique de la vie du Sanctuaire. Avec cette petite nuance qu’au buisson-ardent, l’hébreu dit : « Et ‘ÈLoHîM convoqua Moïse » ; au moment de trancher l’Alliance, il dit : « Et YHWH convoqua Moïse » ; et ici, au début du Lévitique, l’hébreu dit : « Et Il convoqua Moïse ». Donc on a comme une progression sur ces trois appels décisifs qui nous font passer de ‘ÈLoHîM à YHWH, puis à un mystérieux : « Il ». Alors je vous rappelle : ‘ÈLoHîM, c’est DIEU en tant qu’Il se laisse découvrir à travers sa Création, DIEU qui se laisse trouver par l’ensemble des religions. rappelons-nous Pharaon qui rétorque à Moïse : « ‘ÈLoHîM, je sais qui c’est, mais YHWH, je ne le connais pas ! », au ch. 5 de l’Exode. YHWH, c’est-à-dire le Tétragramme imprononçable, c’est toujours DIEU, mais cette fois en tant qu’il est la source de l’existence — « Je suis Celui qui suis », en Ex 3,14. Une existence nécessairement placée sous le sceau de la liberté qui libère, ce qui veut dire que YHWH, en définitive, c’est DIEU en tant qu’Il sauve, mais comprenons bien : SAUVER, c’est maintenir dans l’être ce qui menace de tomber dans le néant à cause du péché.

Du coup, les rabbins posent la question : qui est ce « Il » qui apparaît à la troisième reprise du VaYiQRa‘ ? Et là, les Rabbins de nous dire qu’il s’agit comme d’un troisième niveau de DIEU, le niveau caché que seul l’ ‘aDâM, l’Homme accompli avec un grand H, peut recevoir en acceptant de s’approcher humblement de YHWH. Dit autrement, c’est l’ ‘aDâM qui se tient prêt à vivre la rencontre nuptiale avec YHWH ! Ceci dit, j’ai bien précisé : HUMBLEMENT, au sens où l’homme refuse catégoriquement de mettre la main sur YHWH pour Lui dicter qui Il devrait être. Or de Moïse seul, dans la Bible, il est écrit qu’il était l’homme le plus humble que la terre ait porté, c’est au ch. 12 du Livre des Nombres. Et donc, pour l’heure, à lui seul, Moïse, pouvait s’adresser ce mystérieux « Il » : VaYiQRâ‘ ‘èL-MoShéH, Et IL convoqua Moïse !, c’est-à-dire YHWH en tant qu’Il se donne à rencontrer, à recevoir en vérité et que le Targum Neofiti, en glosant le texte biblique, n’hésitera pas à désigner comme la MeMRaH, c’est-à-dire DIEU en tant que VERBE ! Je vous donne le texte du targum qui glose ainsi le v. 1 : « Quand Moïse eut achevé d’ériger le Tabernacle, qu’il l’eut oint et sanctifié avec tous ses accessoires ainsi que l’autel et tous ses accessoires, Moïse songea en son cœur et il dit : “Le Mont Sinaï dont la sanctification fut la sanctification d’un moment et l’onction fut l’onction d’un moment, je n’y suis pas monté avant qu’on ne s’adresse à moi de devant YHWH. Le Tabernacle de la Rencontre dont la sanctification est une sanctification éternelle, il est juste que nous n’y entrions pas avant qu’on ne s’adresse à moi de devant YHWH !” Alors LA MeMRaH convoqua Moïse, et YHWH parla avec lui depuis le Tabernacle de la Rencontre, etc. » (T. Neofiti de Lv 1,1). On a là une trace très vive de l’interprétation qui avait cour à l’époque du Christ, puisque je vous rappelle que le targum relate la théologie telle qu’elle était communément partagée à l’époque du Christ. On a donc là une trace très vive de l’interprétation qui avait cour à l’époque du Christ et qui voyait en YHWH DEUX PUISSANCES, à savoir YHWH en Lui-même, totalement transcendant, et sa MeMRaH, son Verbe, qui est YHWH en tant qu’il se donne à voir, à rencontrer et en tant qu’il agit dans sa Création.

Alors évidemment, le christianisme est né de cette théologie des deux puissances de YHWH dont je vous redis qu’elle était communément admise à l’époque de Jésus. Ce qui s’est passé, c’est qu’après la destruction de Jérusalem par Rome en 70, les rabbins — qui ont sauvé le judaïsme, soit dit en passant —, ont rejeté cette interprétation, mais les chrétiens, eux, lui ont donné ses lettres de noblesse. Pour eux, la MeMRaH de YHWH est allée jusqu’au bout du bout du projet divin : la rencontre inimaginable humainement parlant entre YHWH et ‘aDaM s’est concrétisée dans l’INCARNATION de la MeMRaH ! Alors évidemment, au stade du Lévitique, on n’en est pas encore là, mais ce troisième VaYiQRa‘ qui retentit, « Et IL convoqua »,s’il traduit effectivement ce « troisième niveau de Dieu » dont parle les rabbins, c’est-à-dire DIEU en tant qu’Il n’est livre son Intimité au sein de la rencontre nuptiale avec l’ ‘aDâM, avec l’Homme avec un grand H ; donc ce troisième VaYiQRa‘ constitue le prémice de ce qui ne sera manifesté qu’en Jésus. C’est le point de départ, le starting-block qui va propulser l’histoire jusqu’à son accomplissement dans l’Incarnation ! Dit autrement, ce VaYiQRa‘ constitue comme le premier moment, le prémice mystérieux de l’accomplissement de la rencontre nuptiale entre la nature divine et la nature humaine ! Et donc j’espère que vous entrevoyez à quel point ce livre du Lévitique est absolument essentiel à découvrir, même pour des chrétiens ! Et le moment est d’autant plus solennel qu’on est ici au centre de toute la ToRaH ! Je vous rappelle qu’en termes de littérature biblique, le cœur de tout enseignement n’est pas à la conclusion d’un discours, mais au centre.

Donc l’enjeu du Lévitique, c’est de nous faire entrer dans une pratique qui tourne, à travers le modèle du Sanctuaire, autour de la VIE, de la SAINTETÉ et de la LIBERTÉ. Non pas comme des « thèmes », encore moins comme des « valeurs » : tout ça n’est qu’intellectuel ! Il faut entrer dans la CHAIR du Sanctuaire, dans sa vie que révèle une PRATIQUE ; et entrer dans une pratique, ça s’appelle être INITIÉ. Et quand bien même tout ce qui va nous être décrit ici n’est plus en usage depuis la destruction du Temple, ça reste l’ARCHÉTYPE à travers lequel toute la ToRaH, toute la Bible jusque dans le Nouveau Testament, trouve son fondement et sa logique. Rappelons-nous tout ce que nous avons dit à propos de l’ANALOGIE dans la dernière vidéo. Alors maintenant, cette pratique est constituée d’un ensemble de RITES qu’il va nous falloir accompagner, sentir — sentir l’odeur des graisses sur le foyer, l’odeur de l’encens à l’intérieur du MiShKâN —, ressentir — ressentir la tension de ces bêtes sentant la mort venir, l’inquiétude de ces hommes ou de ces femmes attendant le diagnostic du prêtre sur l’infection dont ils souffrent ; ressentir la joie qui accompagne l’offrande d’un holocauste ou celle de ces repas de communion partagés en famille, etc. Non seulement sentir et ressentir, mais aussi entendre les chants, les musiques, le brouhaha de la foule, et voir ce sang répandu, ces animaux être découpés, leurs pièces être réparties ; mais aussi les danses, bref s’imprégner de tous ces jeux rituels, pleins de SENS qui manifestent la proximité de YHWH avec son peuple.

Alors c’est ce que nous allons essayer de faire à partir de maintenant. Bien sûr, on va expliquer ce qui est nécessaire, mais on va surtout se mettre à l’école de ce que YHWH dit à Moïse au moment où Il le convoque, à travers toutes les prescriptions qui composent le Lévitique, toujours en vue, ne l’oublions jamais, de la rencontre nuptiale avec le DIEU SAINT. N’oublions jamais non plus que la Bible n’a pas pour objectif de définir DIEU — et tant pis pour les NORMES qui rassurent les Occidentaux que nous sommes ! — La Bible a pour objectif de mettre en lumière le chemin qui permet à l’Homme de se tenir en présence de YHWH comme on se met en présence d’une SOURCE. La Bible ne définit pas Dieu : elle le fait rencontrer à travers sa MeMRaH. Elle ne définit pas plus l'homme : elle le prend comme il est, c’est-à-dire comme un être de CHAIR, une CHAIR qui donne le meilleur d’elle-même quand elle se laisse investir par l’Esprit de YHWH et qui tombe dans les pires travers quand elle refuse cet Esprit. Eh bien, semblablement, le Lévitique ne dira pas ce qu'est le sacrifice : il fera voir des sacrifices, il dira comment ils doivent être faits. Il conduira, il introduira le fidèle dans le Sanctuaire pour lui faire faire des actions auxquelles il prendra part non pas seulement formellement mais CHARNELLEMENT, avec toutes ses tripes, pour être initié à une plénitude de vie que son intelligence discursive ne saura jamais circonscrire sous peine de la désintégrer !

On pourrait plagier les premiers mots du Lévitique en disant : « VaYiQRâ‘ ‘èL-‘aDâM VaYeDaBéR YHWH » : « Et YHWH convoque l’Homme, avec un grand H, et Il parle ainsi ». Alors maintenant, à nous de nous mettre à l’écoute de YHWH pour accomplir ce qui nous revient : non plus en accomplissant ces sacrifices, puisque le Temple est détruit et qu’il n’y a plus non plus de Sanctuaire du désert, mais en nous laissant habiter par l’esprit qui anime ces sacrifices. Mais attention : jamais d’esprit sans la chair !!! Parler d’esprit, ça ne veut pas dire “symboliser” ou passer au seul rang des idées désincarnées ! À chaque fois qu’on oublie la CHAIR : DANGER ! Danger de MORT ! Donc il s’agit pour nous, tout goyîm que nous soyons, de nous mettre à l’écoute de ces rituels lévitique en n’oubliant pas qu’ils préparent, du point de vue chrétien, l’avènement du Christ. On songe ici à saint Paul : « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi. Restez enracinés dans l'amour, établis dans l'amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… Vous connaîtrez ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu. » (Eph 3,17-19). Le livre du Lévitique est ici un jalon incontournable pour pénétrer CHARNELLEMENT dans cette connaissance qui est une connaissance non pas intellectuelle mais NUPTIALE.

Voilà. Il était important de rester sur ces premiers mots du livre. Ça nous permettra de mieux lire la suite dès la prochaine fois. Je vous souhaite une belle méditation, je vous remercie. 
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