10-05-2016

[Ex] 77. La peau de sa face rayonnait

Exode 34:29-35 par : le père Alain Dumont
Lorsque Moïse redescend du Mont HoReV, voici que sa peau rayonne étrangement, au point que les Fils d'Israël prennent peur. Mais sont-ce un rayonnement ou des cornes ?
Duration:16 minutes 59 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/la-peau-de-sa-face-rayonnait.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous achevons aujourd’hui notre lecture du ch. 34 du livre de l’Exode, avec un passage tout à fait surprenant, et surtout unique en son genre : le fameux rayonnement de la Face de Moïse.

Le v. 29 nous raconte que Moïse descendant de la montagne avec les Tables réécrites, voilà que ‘AHaRoN et le peuple prennent peur parce que sa face rayonnait d’avoir parlé avec YHWH. Alors là, il faut s’arrêter, parce qu’on a un verset vraiment décisif concernant la postérité de la figure de Moïse. Le récit dit en hébreu : QâRaN “OR PâNâW, c’est-à-dire : « Elle rayonnait, la peau de sa face ». Or QâRâN, rayonner, c’est un verbe qui signifie aussi « AVOIR DES CORNES ». Le substantif QèRèN, c’est le rayon, comme le rayon du soleil, mais c’est aussi la CORNE au sens où l’un comme l’autre, pour ainsi dire, évoquent une sorte de DÉBORDEMENT D’ÉNERGIE, un débordement de puissance au sens où le rayon déborde du soleil et où la corne, elle, déborde du taureau ou du bélier comme sa force frontale pour affronter l’ennemi. Maintenant, cette comparaison avec la combativité animale ne doit pas nous induire en erreur sur la nature de cette puissance. D’accord, il y a les ennemis qui sont de vrais agresseurs et dont il faut savoir se défendre, comme par ex. dans le cas d’une guerre armée. Mais la plupart du temps, se sont les apparences trompeuses qui nous font avoir peur des autres et les regarder comme des ennemis, là où le VÉRITABLE ennemi est avant tout INTÉRIEUR ; notre véritable ennemi, c’est le PÉCHÉ qui, en nous, fausse notre compréhension du monde ; nous fait refuser d’envisager que l’autre puisse venir en ami !!! Or pour pouvoir discerner l’amitié de l’autre, il n’existe qu’une seul force, qui est la force même de YHWH et qui est l’HUMILITÉ. De Moïse, le livre des Nombres dira précisément qu’il était « l’homme LE PLUS HUMBLE que la terre ait porté » (Nb 12,3)… Ce qui veut dire qu’il était totalement habité par YHWH, ce qui justifie les cornes de lumière. Il rayonnait de la puissance de YHWH en sa CHAIR. C’est toute sa CHAIR, à travers la face, qui rayonnait !

Du coup, avec tout ça, comment traduire QâRaN ? Le Latin a choisi de traduire que Moïse était redescendu avec des cornes ; d’où toutes les représentations habituelles d’un Moïse cornu sur les tableaux et les statues qui le représentent. Alors on s’interroge... Vu l’étrangeté de la représentation, est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux simplement traduire par RAYONNER ? Pas si sûr, parce que rappelons-nous le taurillon : il représentait Joseph, le « fils du taureau », dans toute sa puissance d’intercesseur. Donc quand le récit rapporte que Moïse redescend de la Montagne avec des cornes, ça n’est pas complètement dénué de sens. C’est comme si Moïse avait PRIS LA PLACE DU TAURILLON au sens où le véritable « fils du Taureau », c’est Moïse qui en assume la figure, et non une vulgaire statue, fut-elle en pierre moulée ! On se souvient que le peuple voulait un intercesseur visible dans la lignée du patriarche Joseph. Et bien voilà qu’au moment du renouvellement de l’alliance, c’est Moïse qui apparaît avec des « cornes », ce qui, en définitive, signe que la requête du peuple n’était pas si incongrue que ça ! Et de fait, elle a été agréée par YHWH, mais c’est à travers Moïse en qui YHWH DEMEURAIT. Si on admet que pour l’Antiquité, les cornes constituent un attribut divin, ça signifie que les cornes rayonnantes expriment le statut tout à fait particulier de Moïse, qui prépare le temps où, dans le Christ, YHWH résidera en plénitude. Alors vous me direz : «  Oui, mais le Christ n’a pas de corne ! »… Certes, sauf que l’agneau présenté dans l’Apocalypse en lieu et place du Christ glorieux dont la lumière irradie la Jérusalem céleste est précisément… un bélier à 7 cornes… Alors on ne peut pas en dire plus dans le cadre de cette vidéo, mais à tout le moins, on voit bien que cette histoire de cornes rayonnantes va beaucoup plus loin qu’on ne le penserait a priori !

Maintenant, ces cornes sont rayonnantes, ok, mais de quel rayonnement s’agit-il ? Eh bien si on entend la mention de l’Apocalypse qui précise, au ch. 21, que la lumière du bélier permet de se dispenser de la lumière du soleil, cela veut dire que la lumière dont il s’agit est celle qui précède celle du Soleil : Il s’agit donc à nouveau de cette fameuse Lumière du premier jour de la Création ! Un rayonnement intérieur dont la meilleure illustration se trouve dans un récit de la tradition chrétienne orthodoxe qui rapporte l’entretien de Motovilov avec son maître, saint Séraphim de Sarov. La scène se passe au début du XIXe siècle. À la fin de l’entretien, Séraphim demande à son disciple : « Pourquoi ne me regardes-tu pas ? » et Motovilov de répondre : « Mon Père, je ne peux pas vous regarder. Des foudres jaillissent de vos yeux. Votre visage est devenu plus lumineux que le soleil. J’ai mal aux yeux… » On peut légitimement imaginer que c’est ce qui se passe pour Moïse. Ce rayonnement est plus que le simple effet d’une communion spirituelle entre le saint et YHWH. Ce rayonnement CHARNEL est l’authentification, face au peuple, de la VÉRITÉ de ce que vit Moïse, tant il est vrai que LA CHAIR NE MENT JAMAIS. Si vous voulez savoir si vous pouvez suivre quelqu’un, n’écoutez pas ses discours ! Regardez ce que sa CHAIR donne à voir, ce dont elle RAYONNE. Pourquoi croyons-nous au Christ ? Parce qu’il a INCARNÉ la charité dont il s’est fait le HÉRAULT. Un Hérault dont le rayonnement de la CHAIR a été manifestée comme un flash sur le sommet du Mont Thabor, mais plus encore dans le mystère de la Résurrection qui fera dire aux disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas embrasé en nous quand il nous parlait sur le chemin et qu’il nous ouvrait tout grand les Écritures ? » (Lc 24,32) Tout se tient !

Maintenant, si on en reste seulement à Moïse qui est vraiment au fondement de la révélation progressive de ce mystère abyssal, lorsqu’il redescend rayonnant dans sa CHAIR, c’est comme si cette CHAIR anticipait le Tabernacle qui, je vous le rappelle, n’est toujours pas construit ! Ce qui signifie que le rayonnement de la CHAIR est antérieur, et donc plus fondamental encore que l’établissement du Tabernacle lui-même ! Un Tabernacle qui n’est que L’IMAGE de la véritable Demeure que YHWH veut investir et qui n’est autre, en définitive, que la CHAIR, la CHAIR du juste. Au demeurant, la kaballe juive décrit précisément la structure du MiShKâN comme une l’image d’un corps humain… On en dira pas plus ici parce que ça nous entraînerait trop loin, mais l’idée est vraiment là ! Autrement dit, le projet de YHWH, c’est d’habiter EN L’HOMME et non pas seulement dans un sanctuaire, qu’il soit en toiles ou en pierres. Alors qu’il faille ensuite composer avec le temps, passer par le stade du MiShKâN, le Tabernacle ; puis du BeyT HaMiQeDaSh, la Maison de Sainteté, le Temple de Jérusalem, soit ! Mais ce que nous dit le récit, c’est que l’habitation de YHWH en l’homme — ce qu’on appelle l’INHABITATION, est PREMIÈRE dans le plan de SALUT. C’est ça que vise YHWH, et qu’il donne à voir en Moïse.

Ce qui donne évidemment tout leur relief aux parole de Jésus lorsqu’il affirme, au ch. 2 de l’Évangile selon saint Jean :  « “Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai.” Il parlait du sanctuaire de son corps. » (Jn 2,19-20) Eh bien : sans le rayonnement de Moise dans sa CHAIR ; sans ce signe premier de l’inhabitation de la CHAIR de Moïse par YHWH, Jésus n’aurait jamais pu annoncer que le véritable Temple de YHWH était son Corps ! C’est comme si en Moïse était révélé de manière anticipée l’objectif final de YHWH, tout comme d’ailleurs l’épisode de la Transfiguration de Jésus sur le Mont Thabor donnera à voir anticipativement à Pierre, Jacques et Jean ce qui ne sera pleinement révélé que dans la Résurrection, à savoir une CHAIR rayonnante que YHWH aura indissolublement épousée comme l’accomplissement ultime de son projet originel. D’ailleurs, d’un point de vue biblique, du Mont HoReB au Mont Thabor qui ne sont jamais qu’une seule et même montagne qu’il s’agit de gravir pour rencontrer DIEU, on retrouve de part et d’autre Moïse et Élie, à savoir les deux figures bouleversées au plus charnel d’eux-mêmes par la manifestation de YHWH à l’HoReV ! Comme quoi tout joue vraiment ici, depuis les premiers moments de la Révélation jusqu’au moment crucial où tout sera repris dans une synthèse admirable, en Jésus.

Quoi qu’il en soit, pour l’heure, du fait que Moïse rayonne en sa CHAIR de la LUMIÈRE originelle jaillissant du cœur de la Miséricorde de YHWH, le peuple ne plus douter de la véracité de la communion qui l’unit à YHWH. Au milieu de ce peuple pécheur marqué par la peur qu’il va devoir apprendre à surmonter par la FOI, Moïse devient le SIGNE, le SACREMENT CHARNEL — puisque tout sacrement est charnel — du VRAI DIEU, avec qui aucune statue ne pourra jamais rivaliser, sauf à fasciner les peuples par des paillettes, mais pour les entraîner à leur perte.

Alors restons quelques instants sur cette peur. Celle-ci n’est pas simplement une émotions face à l’inconnu ; elle est la MARQUE DU PÉCHÉ : rappelons-nous Adam et Ève au moment du retour de YHWH dans le jardin alors qu’ils avaient mangé le fruit défendu ! DIEU venait-Il en ami ou en ennemi ? Vous voyez ? Le péché Le fera considérer comme un ennemi, comme porteur d’une justice punitive, alors qu’Il ne pouvait se présenter en réalité que dans la lumière de la Miséricorde ; mais une lumière qu’Adam et Ève étaient devenus incapables d’envisager !!! Eh bien : le fruit corrompu du Taurillon d’Or avait produit le même effet… Moïse paraît rayonnant de la Miséricorde de YHWH, mais le peuple, dans son aveuglement, est incapable de la discerner et s’effondre dans la peur. Comme quoi la peur est vraiment le premier fruit véreux du péché ! Raison pour laquelle d’ailleurs nombre de commentateurs de l’épisode du Taurillon d’Or parlent ici du « péché, ou de la transgression originel(le) d’Israël. »

Toujours est-il que dans les derniers versets, après avoir parlé avec les princes de la communauté, sans doute en leur transmettant les Paroles qu’il avait reçues sur la montagne, Moïse recouvre sa face d’un MaSeVèH, un terme qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans toute la Bible. Ce n’est pas un voile, puisque le propre d’un voile est de voiler… C’est plutôt une TOILE, c’est-à-dire un tissus qui tamise, en quelque sorte, le rayonnement pour qu’il n’aveugle pas. Rappelez-vous les foudres qui sortaient des yeux de saint Séraphin de Sarov ! Moïse ne retirait donc cette TOILE que lorsqu’il entrait dans la Tente de la Rencontre, pour que YHWH puisse lui parler, précisément, « face à face, comme un homme parle à son ami », disait le ch. 33 au v.11. C’est d’une profondeur prodigieuse si on se rend compte qu’il ne peut y avoir d’amitié que dans le concret de la CHAIR, une CHAIR où se vit concrètement un mystère de Noces merveilleusement anticipé en Moïse ; ce que les hommes, eux, ne comprendront que peu à peu, en particulier à partir du prophète Osée. Mais déjà, vous voyez, dès Moïse, tout est là ! « Après Toi languit ma chair, terre aride, altéré, sans eau », chante le Ps. 63. Moïse n’était plus que capacité, et YHWH se faisait torrent.

Voilà. Je vous laisse sur ces considérations. Nous ouvrirons le ch. 35 la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite une bonne lecture de ce ch. 34. Je vous remercie.
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