31-03-2016

[Ex] 70 - YHWH fulmine !

Exode 32:7-14 par : le père Alain Dumont
La faute du taurillon d'Or est grave. YHWH avertit Moïse, mais Il fulmine ! Et s'Il effaçait de la carte ce peuple à la nuque raide pour tout reprendre à zéro à partir de Moïse, son seul serviteur fidèle ?
Duration:18 minutes 4 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous poursuivons notre lecture de l’épisode du Veau d’or à partir du v. 5 du ch. 32 du livre de l’Exode. Après avoir pétrifié la statue du Taurillon, l’avoir recouverte de l’or arraché des oreilles du peuple, voilà, nous dit-on, que ‘AHaRoN pétrifie cette fois un autel, au v. 5 ! Tiens donc ! Lui aussi sait donc pétrifier des autels, ce qui n’est pas surprenant en tant qu’ancien Grand-Prêtre du Sanctuaire mémorial de Joseph-Aménophis, gardien avec toute la lignée de Héby-Lévi, des secrets du Grand Scribe. À cet instant, rappelons-nous qu’il ne sait pas que YHWH l’a désigné comme Grand-Prêtre de la nouvelle religion qui est en passe de naître, puisque ça n’est pour l’heure révélé qu’à Moïse. Alors de quel droit pétrifie-t-il un autel, sinon du fait qu’il s’appuie sur un sacerdoce antérieur qui fait de lui, à l’instar de Moïse, un des personnages les plus importants de la tradition de Joseph-Aménophis ? Suite de quoi, après la pétrification de l’autel, survient légitimement la convocation : « Demain, fête pour YHWH ! », fête au cours de laquelle, nous dit le v. 6, le peuple offre des holocaustes, des sacrifices de paix, suite de quoi il mange, il boit et il rit. Le verbe rire, ÇaH.aQ, est le verbe employé pour Abraham et Sarah quand YHWH leur annonce l’impossible devenu possible, à savoir la naissance d’un fils qui s’appellera précisément : YiÇeH.âQ, il a ri. C’est un peu du même ordre ici : la disparition de Moïse place le peuple devant un impossible : tout semble perdu ! Mais voilà qu’avec le taurillon, la résurgence de la figure de Joseph-Aménophis, ‘AHaRoN lui ouvre un possible, ce qui déclenche le rire. Alors là, la tradition rabbinique est très dure, qui va jusqu’à imaginer une sorte de Bacchanale, et effectivement, la suite va dans ce sens. On le verra par la suite. Mais il ne faudrait pas que cela nous écarte du véritable enjeu, qui est plus profond.

N’oublions pas qu’à ce stade, ni ‘AHaRoN, ni le peuple ne connaissent la prescription de l’édification du MiShKâN : pour l’heure, cette révélation est restée sur la Montagne avec Moïse. De sorte que ‘AHaRoN offre des sacrifices en l’honneur du Dieu des pères, mais sans qu’aucun espace sacré n’ait été proprement délimité. Un espace qui vise à une vraie RENCONTRE entre YHWH et son peuple, au sens, rappelons-nous, où par le MiShKâN, YHWH peut être Lui-même sans que les hommes puissent mettre la main sur Lui. Or précisément : qu’est-ce qui se passe avec le taurillon et le sacrifice qu’on lui offre ? Le peuple met la main sur YHWH ! Donc tout le projet de YHWH est anéanti !

En réalité, la visée d’’AHaRoN passe complètement à côté de cet horizon : YHWH n’est plus que le dieu qui a libéré les Fils d’Israël de l’esclavage d’Égypte. Or à en rester là, le danger est réel, parce que, certes, ce dieu a montré sa puissance face à l’ennemi meurtrier, mais aura-t-il encore un intérêt une fois parvenus en KaNa“aN ? Dit autrement : Ok : il a été efficace pour faire monter le peuple hors de la terre d’Égypte, mais à quoi cela servira-t-il une fois arrivés ? Il est performant dans le désert, mais le sera-t-il encore quand la vie deviendra sédentaire et qu’il faudra un dieu à qui confier la fécondité des récoltes ? Rien n’est moins sûr. Alors que le DIEU de Moïse, Lui, sait très bien que la libération d’Égypte n’est que la première étape à un travail de libération infiniment plus long, qui occupera toute l’Histoire Sainte à venir ! Donc en passant à côté de ce projet libérateur à long terme, le YHWH de ’AHaRoN n’est rien de plus qu’une idole comme toutes les autres idoles. Le peuple des Fils d’Israël célèbre certes sa libération d’Égypte, mais il ne se perçoit plus comme un peuple SAINT, à part : il devient une nation comme toutes les autres et il signe là sa dissolution prochaine dans le flot de ces nations qui auront tôt fait de l’avaler … D’où la parole de YHWH à Moïse, au v. 7 : « Ton peuple que tu as fait monter de la terre d’Égypte s’est corrompu ! » Dès lors, que va-t-il se passer ?

‘AHaRoN a donc façonné une effigie de Joseph-Aménophis, Fils du taureau, sous l’apparence d’un taurillon et en bas de la Montagne, c’est donc le temps de la fête ; la fête d’un peuple en liesse, joyeux de se mettre sous la bannière d’un nouvel intercesseur, fut-il mort, mais à qui la statue redonne vie, ou à tout le moins une visibilité. Seulement voilà : en haut de la Montagne, ce n’est pas la liesse ! YHWH est même assez mécontent : « Va ! Descend, car il s’est corrompu, TON peuple que tu as fait monter de la terre d’Égypte ! » Je ne sais pas si vous entendez, mais c’est un peu comme des parents quand leur enfant a fait une bêtise : « C’est bien TON fils ! » ! Sauf que venant de YHWH, ça veut dire qu’Il semble se désolidariser de l’Alliance qu’Il a nouée avec son peuple, et là, c’est grave… D’autant qu’il continue, au v. 9 : « J’ai vu ce peuple ! C’est un peuple à la nuque dure ! » Wouaille, ça chauffe ! Le verbe QâShâH est celui que YHWH avait employé pour dire qu’il allait endurcir le cœur de Pharaon ! La nuque dure, c’est celle qui refuse de se plier devant YHWH, c’est l’orgueil d’une liberté qui réclame l’autonomie, et qui pour cela, s’accommode fort bien d’écraser l’autre, devient oublieuse que la véritable liberté est celle qui rend libre, et non celle qui se déploie sur le dos des esclaves qu’elle assassine ! Et çà, YHWH ne saurait le tolérer ! La suite annonce une tragédie ! Ou peut-être pas, il faut être attentif.

Le v. 10 ne cesse d’être intéressant : « Et maintenant, laisse-moi : ma narine fulmine contre eux. — l’image est très suggestive, comme toujours dans la Bible : ce sont les narines d’un taureau en colère, prêt à charger… — J’en ai TERMINÉ avec eux et c’est de toi que je vais faire une grande nation ! » Wouaille !!! « J’en ai TERMINÉ » traduit le verbe KâLâH, qui est précisément la sentence concernant Sodome et Gomorrhe ! Je vous rappelle le verset de la Genèse : « La clameur de Sodome et Gomorrhe, qu’elle est intense. ! Leur péché qu’il est lourd, très [lourd] ! […] S’ils ont fait selon la clameur qui est venue à moi, TERMINÉ ! » (Gn 18,20-21) Donc le texte de l’Exode associé à celui de la Genèse suggère bel et bien que le peuple se comporte de telle sorte qu’une clameur monte vers YHWH et mérite sentence. Qu’est-ce que vous voulez, on est dans l’Antiquité, et c’est vrai que les hommes, à cette époque, à part quelques rares intellectuels vivant souvent en castes, sont encore mal dégrossis. Mais dire ça, c’est encore rester en deçà de ce que nous livre le récit. Car enfin, est-ce que le Décalogue n’a pas été donné ? Et reçu ? Rappelons-nous encore : « Toutes les paroles qu’a dites YHWH, nous le ferons ! », dit le peuple après toutes les paroles de Moïse concernant le Décalogue. C’est en ex 24,3. On y est déjà plusieurs fois revenus. Oui seulement voilà : pour l’instant, ce ne sont que des Paroles ! Et j’ai presque envie de dire, ce ne sont que des paroles en l’air, parce qu’elles n’ont pas encore d’assise charnelle. Elles sont purement virtuelles, et le virtuel, c’est du vent. Ce qui fait la solidité d’une parole, c’est la mémoire de l’événement fondateur dans lequel cette parole est liée. Plus encore : c’est la FIGURE fondatrice qui a présidé à cet événement. Dit autrement : la parole ne tire sa validité qu’à travers une FIGURE qui l’INCARNE. Or cette FIGURE, on ne se la donne pas, on la REÇOIT. Certes, Joseph-Aménophis est une figure essentielle. Grâce à lui, la mémoire des pères a été conservée pendant 430 ans, disait Ex 12,40. Certes, sauf que ce n’est pas Joseph qui a présidé à la sortie d’Égypte présidée par YHWH. Ce n’est pas par l’intercession de Joseph que YHWH nourrit son peuple, mais par l’intercession de Moïse. Et donc ce n’est pas le culte institué par Joseph qui portera la mémoire de cette sortie d’Égypte, mais bien le culte institué par Moïse.

Pourquoi le CULTE ? D’abord parce que le culte rassemble. Mais il ne fait pas que rassembler : un match sportif aussi rassemble, ou un meeting politique… Le culte, lui, façonne le peuple comme une seule entité, un seul corps capable seul de poser l’acte du culte. Quand chacun pose un acte, ce n’est plus un culte, mais une dévotion. À l’inverse, quand le corps tout entier pose un acte, alors c’est un culte grâce auquel le peuple se sent vivre comme corps ; et cet acte est nécessairement RITUEL, parce que l’acte rituel est un acte dont la fonction est d’établir une relation, une relation entre le peuple COMME CORPS et son Dieu, en vis-à-vis.

Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça ? Parce que C’EST LE CULTE QUI FAIT LE PEUPLE, et non pas seulement les frontières qui, tout au plus, font les nations, mais des nations administratives. Ce n’est pas l’administration qui fait grandir un peuple dans la conscience de lui-même : c’est le CULTE. Mais encore faut-il que ce culte ait du sens. Or le culte égyptien, fut-il de Joseph, n’en a plus. Résultat ? Proposer Joseph comme FIGURE fondatrice ne suffit pas, et le culte proposé par ‘AHaRoN produit l’effet inverse de ce à quoi on devrait s’attendre : il provoque le chaos. Le peuple ne sait plus qui il est ! Le cadre que maintenait Moïse disparaît et dans ces cas-là, revoilà l’anarchie, qui est le jouet de l’idolâtrie !!! « Mangeons, dansons et buvons, car demain nous mourrons ! » Il n’y a plus d’appel, donc plus d’avenir, plus de sens à l’existence, du coup : autant se laisser aller et profiter des plaisirs de l’instant ! La chose est valable pour n’importe quel peuple…

Bref. Toujours est-il que YHWH en a marre… « TERMINÉ ! BASTA ! Je vais les exterminer et faire de toi une grande nation ! » (v. 10) Eh oui, même YHWH a ses humeurs, avec l’envie d’envoyer tout balader, comme des parents qui n’en peuvent plus que leur progéniture parte sans arrêt en live… En même temps, ils ne pensent pas un mot de ce qu’ils disent, et c’est la même chose pour YHWH. Seulement il y a encore moyen d’aller plus loin. Souvenez-vous ce que nous avons dit pour ‘AVeRâHâM à l’occasion de Sodome et Gomorrhe : YHWH aurait très bien pu exécuter sa sentence sans avoir besoin d’en parler au Patriarche ! Et s’il l’a fait, c’était pour susciter chez lui l’intercession : une intercession qui nous apprend que la prière du juste a du prix aux yeux de YHWH. Bien sûr qu’Il ne pense pas un mot de ce qu’Il dit, mais Il veut susciter en Moïse le RÉFLEXE DE L’INTERCESSION ! Or Moïse, ici, se présente comme le digne fils d’‘AVeRâHâM ! « Pourquoi, YHWH, ta narine fulminerait-elle contre TON peuple — Tiens, il lui revoie le peuple : ce n’est pas le mien, c’est le Tien ! — que Tu as fait sortir de la terre d’Égypte par une grande vigueur et à main-forte ? Pourquoi les Égyptiens diraient-ils : C’est par méchanceté qu’Il les a fait sortir pour les tuer dans les montagnes et les exterminer de la surface du sol ? » En gros, l’argument est imparable : « Qu’est-ce qu’ils vont dire, les voisins ? » Est-ce que YHWH va reproduire l’épisode de Noé ? Alors qu’il sait très bien que ça n’a pas mieux marché… Et Moïse d’insister encore, au nom des pères : « Reviens de ta fulmination de narine ! Renonce au mal envers ton peuple. Fais mémoire d’ ‘AVeRâHâM, de YiÇeH.aQ et de YiSeRâ‘éL, tes serviteurs, à qui Tu as juré par Toi-même et à qui Tu as dit : « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles dans le ciel, et toute cette terre dont J’ai parlé, Je la donnerai à votre descendance, et ils en hériteront à jamais ! » (v. 13-14) Et là, YHWH ne peut que souscrire : « Bravo Moïse ! C’est exactement ce que je voulais entendre de ta bouche ! » Quelle épreuve ! Mais Moïse est vainqueur. Vous voyez ? C’est comme ça que YHWH nous pousse à aller jusqu’au bout de nous-mêmes, ce que le livre de Judith résumera dans une phrase lapidaire : « Faites mémoire comment [le Seigneur] fait avec Abraham, toutes les épreuves qu’il a envoyées à Isaac et tout ce qui est advenu à Jacob […] C’est en vue de les instruire que le Seigneur flagelle ceux qui s’approchent de Lui » (Jd 8,26.27) Instruire, au sens d’aguerrir, d’affermir… et non de réprimander. Mais c’est vrai que l’instruction passe par l’épreuve, une épreuve par laquelle le Seigneur entraîne l’homme encore une fois à se dépasser, à aller jusqu’au bout de lui-même. Comme pour Caïn : « Regarde, le péché est tapi à ta porte ; sûrement tu peux l’emporter ! », sauf que Caïn refuse, là où Moïse, lui, relève le défi. Et pour aller jusqu’au bout de la comparaison, Moïse est ici une figure du Christ au moment où, au début de son ministère public, l’ESPRIT SAINT pousse Jésus au désert pour y être mis à l’épreuve — le français traduit par “tenter”, mais le grec peirasmos ne dit pas d’abord la tentation : il dit bien plus la tentative, l’expérience qui porte toujours une part d’épreuve au sens où il faut être plus fort que les doutes, où il faut exercer la foi. D’ailleurs, il y aurait un vrai travail à faire entre les épreuves que YHWH donne à Moïse de traverser et celles de Jésus au désert : les pierres à transformer en pain en lien avec l’épreuve de la manne ; l’épreuve de Jésus transporté sur le faîte du Temple et Moïse, au sommet de la Montagne à qui YHWH dit : « C’est de toi que je vais faire mon peuple ! » ; et puis Jésus à qui le Satan montre tous les royaumes de la terre et Moïse à qui YHWH montrera toute la terre de la Promesse, parce là aussi, l’épreuve est terrible pour Moïse. Mais bon, ça n’est pas notre objet. Mais au moins, je vous suggère tout ça pour vous montrer une fois encore qu’on ne comprend pas Jésus sans la figure de Moïse.

Toujours est-il que Moïse, dès lors, fait face [VaYiPhèN, dit le texte ; du verbe PâNâH, de même racine que PaNîM, la FACE) ; il fait face au peuple et descend. Il faut imaginer la scène : Moïse rejoint le peuple dont jamais il ne se désolidarisera ; s’il sait cela, ce n’est pas parce qu’il a des principes, mais parce que YHWH l’a poussé jusque dans ses plus profonds retranchements. Encore une fois, l’épreuve a été terrible, digne du combat de Jacob avec l’ange, au YaBoQ, à son retour d’Exil. Quand on s’est battu avec une telle intensité avec YHWH ; de ces combats où Dieu nous pousse à aller au-delà de nous-mêmes, alors on se fait HUMBLE. Rien à voir avec les énarques qui gouvernent les peuples sans jamais avoir mouillé leur chemise pour qui que ce soit d’autre qu’eux-mêmes ! Moïse, lui, ne pense pas à lui à cet instant. Il ne pense pas au pouvoir. Il pense au peuple ; ce qu’on appellerait aujourd’hui au “bien commun”, et non aux bénéfices personnels qu’il pourrait en tirer. Il s’est engagé en faveur de son peuple de toutes ses tripes, de toute sa CHAIR. Il s’est rivé à lui, cloué à lui comme à sa croix ! Il n’en sera que plus meurtri quand il verra le chaos dans lequel ce peuple est tombé ; la rapidité avec laquelle il a été mis sur la touche. Mais à nouveau, il ne saurait y avoir de chute sans relèvement. La leçon, là encore, sera rude. Nous verrons cela la prochaine fois.

Je vous remercie.
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