31-03-2016

[Ex] 69 - Le Taurillon d'Or

Exode 32:1-6 par : le père Alain Dumont
Étourderie à 7'56” : non pas Gn 33,17 mais Dt 33,17. 
Moïse tarde sur la montagne... Reviendra-t-il ? Est-il seulement encore vivant ? Que faire ? Le peuple ne peut rester sans guide. ‘AHaRoN lui fabrique un taurillon, mais pas n'importe lequel.
Duration:12 minutes 57 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/le-taurillon-d-or.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous entamons aujourd’hui un des chapitres les plus célèbres de la Bible : le fameux passage qu’on appelle communément : « l’épisode du Veau d’Or », qui occupe tout le ch. 32 de l’Exode. Là, on renoue avec le récit. Alors : d’emblée, on nous dit que le peuple commence à trouver le temps long. Et de fait : sans doute Moïse, lui, ne voit-il pas le temps passer : quand on est dans une extase, même pendant 40 jours, le temps n’existe plus pour ainsi dire. Alors que quand vous êtes en attente de quoi que ce soit, le temps n’en finit plus de durer !!! Alors que fait le peuple ? Il s’ameute, nous dit-on, autour de l’autre de ses dirigeants, l’autre Fils de Heby-Levy qui le mène à travers le désert, à savoir ‘AHaRoN, le frère de Moïse. Et il l’enjoint : « Lève-toi ! Fais pour nous un ‘ÈLoHîM qui aille devant nous ! »

Alors là c’est vraiment intéressant, parce que Moïse étant absent, c’est comme si YHWH s’était volatilisé avec Lui ! Rappelez-vous, juste après la traversée de la Mer des Roseaux, on nous avait dit : « Et le peuple crut en YHWH et en Moïse, son serviteur » C’était à la toute fin du ch. 14, au v. 31. Croire en YHWH, c’est donc croire en Moïse, et croire en Moïse, c’est croire en YHWH… Alors c’est sans doute très beau, mais en même temps, c’est très dangereux parce qu’à ce moment, au pied de l’HoReB, le peuple NE CROIT PLUS EN MOÏSE ! Loin des yeux, loin du cœur ! Et à cette époque, il n’y avait pas Twitter pour envoyer des messages et dire qu’on était encore en vie !!! Donc, le peuple ne croyant plus en Moïse, il ne croit plus en YHWH non plus. Du coup, il revient au dieu reconnu par toutes les nations, à savoir ‘ÈLoHîM ! De la même manière en quelque sorte que ne plus croire en Jésus, c’est ne plus croire dans le Dieu Père et c’est en revenir à n’importe quelle divinité… C’est ce qui se passe aujourd’hui, la dynamique est la même et la conséquence de perdre la liberté que seul le Christ Jésus est capable de donner est la même. Toujours est-il que là, la requête du peuple est gravissime : elle contrecarre radicalement le premier commandement du Décalogue promulgué à peine 40 jours auparavant : « Tu n’auras pas d’autre ‘ÈLoHîM devant ma Face ! » Certes ! Sauf que, Moïse absent, le Décalogue perd à son tour toute autorité…

Mais alors le plus surprenant, c’est que ‘AHaRoN lui-même ne semble pas se faire prier ! En même temps, qu’aurions-nous fait à sa place, face à un tel soulèvement ? Toujours est-il qu’il demande carrément, au v. 2, d’arracher les boucles d’oreilles des femmes et des enfants… Alors pourquoi les boucles d’oreilles ? Peut-être parce que c’est le seul ornement qu’il faut “arracher”, ce qui n’est pas le cas des bracelets ou des colliers. Il y a là comme une épreuve de vérité : êtes-vous capables d’aller jusque-là, de porter votre projet jusque dans le sang ? Alors là, Mesdames, ne vous en faites pas : le fait que les hommes n’aient rien à s’arracher a posé question à la tradition, si bien que le Targum ajoute : « Mais les femmes refusèrent de donner leurs parures à leurs hommes. Aussitôt, tout le peuple s’arracha les anneaux d’or qu’ils avaient aux oreilles et les apportèrent à ‘AHaRoN. » (Targum Pseudo-Jonathan, Ex 32,3) Depuis la littérature des écrits de sagesse, datés d’après l’Exil, l’idée que la femme soit gardienne de la sagesse est bien ancrée ; et dans cette ligne, le Targum ne peut pas envisager que les femmes se soient mêlées à cet épisode où le peuple se discrédite !

Quoi qu’il en soit, ‘AHaRoN se saisit de cet or — le verbe LâQaH. exprime une certaine violence, comme s’il n’était pas à l’aise avec ce qui est en train de se passer. Et le v.4 poursuit, littéralement : « il fit un bloc dans un moule » — le mot H.èRèT désigne un ustensile creux : un moule, ou une poche. Et pourquoi parler de bloc ? Parce que le verbe YâÇaR, qui signifie souvent fabriquer, façonner, vient de la racine ÇOuR, qui désigne le bloc DE ROCHE. Donc il ne faut pas entendre ici que la statue serait tout entière en or, mais qu’elle est en PIERRE, ce que le récit confirmera quand il nous racontera que Moïse pile cette statue, la réduit en poussière et le dissémine à la surface de l’eau qu’il donne ensuite à boire aux Fils d’Israël, c’est au v. 20. Comment voulez-vous qu’il ait pu faire ça avec une idole en métal pur ? En revanche, la chose est possible si c’est un bloc de PIERRE. On y reviendra en son temps. Mais vous me direz : « Oui, mais l’or ? » Eh bien : ‘AHaRoN va tout simplement en RECOUVRIR la statue. C’est dit dans le texte : « Et il en fit la couverture du taurillon », sous entendu : il a recouvert le bloc avec l’or. Le terme MaSSéKhâH vient de la racine MâSaKh qui signifie moins COULER ou FONDRE, que COUVRIR, PROTÉGER. MâSâKh, par ex., c’est la COUVERTURE qui sert de rideau à l’entrée du Tabernacle en Ex 26,36. Donc, pour résumer, ‘AHaRoN façonne une statue en calcaire agglomérée dont il possède le secret en digne ancien Grand-Prêtre du Sanctuaire mémorial de Joseph-Aménophis — ; une statue en calcaire agglomérée qu’il recouvre d’or, cet or maculé du sang des anneaux arrachés aux oreilles du peuple. Et voilà que surgit, nous dit-on, un taurillon — mieux qu’un veau, qui est trop dépréciatif.

La proclamation qui suit est très instructive : ‘AHaRoN tente de remettre YHWH en lisse : « Voici ton ‘ÈLoHîM qui t’a fait monter de la terre d’Égypte ! », et il ajoute : « Demain, fête pour YHWH ! » Alors comment ‘AHaRoN fait-il le lien entre le Dieu de Moïse et ce taurillon ? Là, il faut s’aider du grand commentateur de la ToRaH que fut Rachi, au XIe siècle, qui rapporte la Tradition Orale, une tradition orale qui fait intervenir un certain MiKha : « MiKha avait dans sa main le Nom (YHWH) et une tablette sur laquelle Moïse avait écrit : “Monte Taureau ! Monte Taureau !” pour faire monter le cercueil de Joseph hors du Nil. Il jeta cette tablette dans le moule, et le taurillon sortit. »  C’est un peu ce que dira ‘AHaRoN à Moïse pour se justifier, au v. 24 : « J’ai jeté l’or au feu et le taurillon est sorti ! » Tient donc, comme par magie ! Alors maintenant, pourquoi Moïse avait-il écrit : « Monte Taureau ! » pour désigner Joseph ? Parce que le nom complet de Aménophis est : « Aménophis le Juste, Fils de Hapou, noble de Taureau », ce qui, par contraction, donne : « Aménophis le Juste, fils du taureau », c’est-à-dire… un taurillon. La chose est d’ailleurs confirmée par la ToRaH elle-même, puisque Jacob, au moment où il bénit ses fils avant de mourir, désigne précisément Joseph comme le « premier-né du taureau », en Dt 33,17. Et croyez-moi, c’est loin d’être anodin ! Je vous rappelle que dès son décès en 1356 avant J.-C., Joseph fut l’objet d’une vénération particulière de la part des Égyptiens. Sur une des statues de Joseph-Aménophis, on peut lire l’inscription : « Ô gens de Karnak… venez à moi. Je communiquerai vos requêtes, car je suis un intermédiaire auprès de ce dieu. » Et il faut croire que, malgré le rejet de Joseph par Pharaon, Ramsès IX ou un autre, rejet qui constitue le motif premier de l’Exode, le culte de Joseph-Aménophis ne s’était pas éteinte pas pour autant, puisqu’un millénaire plus tard, alors que l’Égypte sera passée sous influence grecque après l’invasion d’Alexandre le Grand, on va même diviniser Aménophis et l’associer au dieu Hapou qui est l’équivalent, en grec, du dieu Apis. Or Apis est précisément un taureau… Cette vénération ne cessera que lorsque l’Égypte deviendra chrétienne, c’est vous dire l’aura du personnage ! Alors tout ça pour dire quoi ? Alors revenons maintenant à notre ch. 32 de l’Exode.

Moïse a disparu dans la Montagne depuis 40 jours. Le peuple n’en peut plus d’attendre : il a perdu son intermédiaire auprès de YHWH. Souvenez-vous lors de la Théophanie : la voix de YHWH est telle que les Fils d’Israël disent à Moïse : « Parle avec nous, toi, et nous écouterons ; mais que ‘ÈLoHîM ne parle pas avec nous, de peur que nous ne mourions ! » (Ex 20,19) Vous voyez : pour lire, maintenant, il faut que nous ayons en mémoire tout ce qui s’est passé avant, sinon, on n’y comprend rien et on interprète n’importe comment. Parce que tout se tient : en fait, il y a UN INTERMÉDIAIRE ANCESTRAL qui est Joseph-Aménophis. Et si Moïse est d’emblée reçu par le peuple au moment où il revient de Madiân où ‘AHaRoN est allé le chercher, c’est précisément parce qu’il incarne, en tant que Grand Administrateur du Sanctuaire Mémorial, la présence de Joseph-Aménophis à travers la lignée des Fils de Héby-Lévy qui ont gardé sa tradition depuis des siècles. Alors bien sûr, il vient aussi avec son expérience propre : YHWH s’est révélé à lui dans l’expérience du buisson-ardent, mais rappelons-nous que YHWH s’est présenté comme le Dieu des pères, Abraham, Isaac et Jacob ; ce Dieu dont Joseph a pour sa part gardé la tradition en l’associant diplomatiquement à une divinité égyptienne, l’Horus Khen t ii Khat thi, l’Horus à la couronne brillante. Donc lorsque Moïse reçoit le Nom du Dieu des pères, il l’associe automatiquement à l’Horus Khen t ii Khat thi que Joseph vénérait pour garder secrètement la tradition des Patriarches de son peuple d’origine. Tout ça pour dire que lorsque le peuple suit Moïse, c’est JOSEPH qu’ils suivent, d’autant plus qu’ils ont avec eux ses ossements qu’ils ont remontés de Karnak.

Alors voilà. Une fois qu’on s’est remémoré toute cette histoire, même si elle est conjecturale —de toute manière, toutes les interprétations le sont concernant ces événements —, on comprend beaucoup mieux ce que fait ‘AHaRoN. Moïse a disparu dans la montagne, certes, mais l’intermédiaire premier, Joseph dont on fait remonter les ossements depuis l’Égypte jusqu’en terre de KaNa”aN, lui,  est toujours là. Il faut donc le figurer d’une manière ou d’une autre, et l’effigie d’un taurillon semble s’imposer dans la mesure où Joseph est le « Fils de Hapou, le Fils du taureau ». On reste malgré tout dans la tradition des pères, à laquelle ‘AHaRoN intègre la révélation du Nom faite à Moïse, de sorte que le Dieu personnel de Joseph est dorénavant confondu avec le DIEU de Moïse.

Alors voilà. On va en rester là aujourd’hui, parce que ça fait déjà pas mal de choses à intégrer, même si nous n’avons vu que les 4 premiers versets. Relisez-les à la lumière de ce que nous venons de dire, et vous allez voir qu’ils prennent déjà une tout autre ampleur que lorsqu’on les traverse sans ces appuis de la tradition. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.
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