18-02-2016

[Ex] 68 - Instructions aux constructeurs

Exode 31:1-18 par : le père Alain Dumont
Choix des ouvriers et instructions pour le chantier, mais attention ! Un ouvrier, issu des Fils d'Israël, ne travaille pas comme n'importe quel ouvrier issu des Nations ! Qu'il n'oublie pas le repos du ShaBaT ! Au bout de 40 jours sur la Montagne, Moïse se prépare à redescendre.
Duration:16 minutes 48 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/instructions-pour-le-travail-de-construction.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Le chapitre 31 du livre de l’exode que nous ouvrons aujourd’hui — un ch. assez court — vient achever la grande section commencée au ch. 25 concernant la construction du Sanctuaire du désert, le MiShKâN, ou encore le Tabernacle, ou la Tente de la Rencontre, du Rendez-vous, appelez-le comme vous voulez.

Les v. 1 à 11 concernent le maître d’œuvre du Sanctuaire, du nom de BèÇaLé‘èL, ce qui signifie « À l’ombre de ‘ÈL ». On trouve sa généalogie dans le premier livre des Chroniques, au ch. 2, v. 19 et 20. Il appartient à la tribu de Juda, nous dit-on, mais surtout, YHWH l’a rempli de l’Esprit de ‘èL, et la suite d’expliciter, cet Esprit de ‘ÈL consiste « dans l’habileté, l’adresse et le savoir-faire », comme on traduit souvent avec raison. Littéralement : « dans une sagesse — H.âKheMâH —, une INTELLIGENCE — TeVONâH, de la racine BîN, qui signifie regarder avec attention, comprendre — et une MAÎTRISE, Da“aT, de la racine YâDa” qui signifie savoir, au sens de SAVOIR CHOISIR, mais aussi, SAVOIR-FAIRE puisque YâDa“ se construit sur la racine YâD, qui désigne la MAIN. Sagesse, intelligence et maîtrise : on est dans l’ordre de l’ARTISANAT. Un artisanat assez éclectique ma foi, qui touche à la fois la métallurgie, la bijouterie, la menuiserie et la TAILLE DE LA PIERRE. Ce qui signifie qu’il ne lui revient pas de faire l’autel extérieur qui, lui, est en pierre NON TAILLÉE ! Et quand le v. 9 parlera de faire l’autel des holocaustes, il faut comprendre qu’il ne peut s’agir QUE du MOULE de cet autel, et non de sa fabrication en tant que tel puisque la sagesse de sa confection est réservée aux détenteurs de la science de la Pierre agglomérée, nécessairement de la descendance de Lévy. YHWH lui adjoint ‘âHâLi‘âV, de la tribu de DaN, un illustre inconnu, mais manifestement pas aux yeux de YHWH. Au milieu de tout ça, l’art de BèÇaLé‘èL vient de son génie, de son aptitude à écouter l’inspiration qui, elle, vient de l’Esprit de Dieu.

Évidemment, le maître d’œuvre est entouré de toute une équipe d’artisans, qui eux aussi, sont habités par la HâKheMâH, la sagesse, qui n’est décidément pas, j’insiste, l’art d’émettre de jolies sentences sur le sens de l’existence, mais bien l’adresse, la dextérité, la virtuosité. D’où les traductions habituelles par « habileté », comme au v. 3. La SAGESSE réside toujours, dans la Bible, dans un SAVOIR-FAIRE. Si Salomon, par exemple, est le type du « roi sage », ce n’est pas par la vertu des phrases que lui attribue le Livre de la Sagesse, mais par sa science du gouvernement, sa science de la gestion concrète du royaume.

Et voilà que sans crier gare, les v. 12 à 17 reviennent sur le ShaBaT pour nous en livrer quelque chose d’essentiel — n’oublions pas que nous sommes à la fondation de la religion de Moïse. Du ShaBaT, il a été question uniquement pour l’instant dans le Décalogue, et une ou deux fois par la suite. Donc pour l’instant, cette pratique doit encore être explicitée au niveau de son sens. Le ShaBaT, nous dit-on, est le jour où l’on CESSE de travailler. La question n’est pas de se “reposer” — encore que, mais ça n’est pas l’objet premier du ShaBaT. Le ShaBaT n’est pas tant un repos qu’une CESSATION. Quand DIEU crée le 7e jour, ce n’est pas pour se mettre les doigts de pieds en éventail ! C’est pour ouvrir à l’homme le temps où il puisse accomplir sa vocation au nom de toute la Création, c’est-à-dire emprunter librement le chemin de la rencontre avec son Créateur. Tant qu’on n’a pas compris ça, le plan de DIEU reste incompréhensible, qu’on soit juif ou chrétien ! Donc ce 7e Jour n’est pas SAINT parce qu’il serait un jour de « repos », comme on traduit trop souvent, et c’est là que les v. 12 à 17 apportent des précisions déterminantes : Littéralement, il est écrit : OuVaYOM HaSheVi“i ShaBaT ShaBâTON QoDeSh LaYHWH » = « Le 7e jour est un ShaBaT de ShaBaT, Saint pour YHWH ! » ShaBaTON est difficile à traduire. On ne le trouve que dans le livre de l’Exode et celui du Lévitique. Je vous rappelle qu’une des racines de ShaBaT est ShOuV, qui signifie le RETOUR. Donc le ShaBaT est un jour de RETOUR à YHWH, qui nécessite la cessation de tout travail profane au sens où il ne permet pas de se consacrer à ce retour vers YHWH. Même en ce qui concerne les champs que l’on doit inscrire dans un ShaBaT tous les 7 ans, au ch. 23 du Lévitique : il ne s’agit pas seulement de laisser la terre au repos, même si dans les fais, c’est effectivement ce qui se passe ; il s’agit de la retourner, de l’abandonner à YHWH, pour mieux la recevoir de Lui pendant les 6 autres années. C’est une manière de comprendre que la terre ne nous appartient pas, que l’homme ne l’a qu’en gérance sans en être le propriétaire devant YHWH. Donc ShaBaT ShaBaTON, c’est un ShaBaT de ShaBaT, en quelque sorte, comme quand on veut insister sur la nature exceptionnelle d’une réalité. En langage courant, on dirait aujourd’hui : « C’est un ShaBaT de chez ShaBaT ! », c’est la quintessence du ShaBaT ! En hébreu, quand on double un mot, c’est pour lui donner tout son poids, comme pour dire qu’il ne souffre aucune compromission. C’est valable pour les verbes, comme par exemple en Gn 2, lorsque YHWH dit à Adam : »Ne mange pas du fruit de l’Arbre de la Kce du bien et du mal, car MOT TâMOT, qu’on pourrait traduire par : « Pour mourir, tu mourras ! », sans échappatoire ! Eh bien ici, ShaBaT ShaBaTON, c’est la même chose : nul ne pourra le contourner pour aucune raison que ce soit ! Dit autrement dans ce contexte, pendant 6 jours, on élève le MiShKâN, mais le 7e jour, on élève son esprit vers YHWH, sans quoi élever le MiShKâN n’a aucun sens ! Et le récit d’insister : ce jour est SAINT, parce que c’est un jour À PART, un jour où l’on CESSE tout travail profane, fut-ce l’édification du Sanctuaire —.

Bref. En tout cas, inutile de construire le MiShKâN si c’est pour ne jamais se tourner vers YHWH ! Les sacrifices n’ont aucun sens par eux-mêmes : les sacrifices n’ont de sens que pour celui qui s’attache à YHWH par le ShaBaT qui est SAINT, autant sinon plus que le MiShKâN lui-même ! Et si le ShaBaT est saint, c’est POUR VOUS, insiste le v. 14, c’est-à-dire POUR RENDRE SAINTS ceux qui pratiquent ce Jour Saint. Rappelons-nous toujours ce principe : est SAINT ce qui rend SAINT, de la même manière qu’est LIBRE ce qui REND LIBRE ; est VIVANT ce qui REND VIVANT. C’est toujours la même dynamique : je ne suis saint, libre ou vivant que parce que quelqu’un me rend saint, quelqu’un me rend libre, quelqu’un me rend vivant, pour qu’à mon tour, je fasse advenir la sainteté, la liberté et la vie. Les trois ensemble ! C’est comme les vertus théologales : pas de foi sans espérance et sans charité. Ici, pas de sainteté sans liberté et sans la vie transmises.

Si le ShaBaT est ici réaffirmé avec force — tous ceux qui ne le pratiqueront pas seront exclus du peuple, et même mis à mort, c’est-à-dire qu’on signera que sa vie dans le peuple saint n’a aucun sens —, c’est pour que les générations comprennent que, quand bien même la tâche est noble — on ne construit pas le MiShKâN tous les jours ! —, on n’en pratique pas moins le ShaBaT avec ferveur. Donc pour la suite, quelle que soit l’œuvre à laquelle on est attelé, il ne s’agira pas de mettre le ShaBaT sous le boisseau pour autant. Comme le dit le v. 13 : c’est YHWH qui sanctifie, et non les œuvres qu’on fait pour Lui, fut-ce en obéissance aux commandements. D’autant plus que rappeler à ce propos l’œuvre de la Création, c’est associer la sagesse de YHWH — qui est par excellence un savoir-faire — à la sagesse qu’Il inspire à l’habileté des hommes par son Esprit ! Vous voyez ? C’est comme ça qu’il faut lire la Bible : en faisant constamment des rapprochements entre ce qui est dit et ce qui vient de l’être. C’est ce rapport qui donne du sens, sans quoi, on passe à côté de ce que veut nous enseigner la ToRaH, et on se lasse très vite de la lire. Mettre tous ces rapports en évidence, voilà ce que signifie : SCRUTER la ToRaH. Et le ShaBaT est donné pour ça en priorité. Pour scruter l’Écriture. Et plus on s’y soumet, et plus on grandit dans cette SAGESSE. C’est ce que signifie le passage de l’Évangile selon Saint Luc qui nous dit que Jésus grandissait en âge et en sagesse : à mesure que passaient les années, il devenait de plus en plus habile, certes dans l’art de la charpente, mais surtout dans l’art de scruter les Écritures à l’école de son père Joseph. On n’est en tout cas pas en train de nous dire que Jésus était un gentil garçon bien sage au sens où il n’embêtait pas ses parents !

Le v. 18, quant à lui, marque la fin du séjour de Moïse sur la Montagne au terme duquel, comme promis, YHWH lui donne les tables de pierre, expression par laquelle tout l’ensemble 24,12-31,18 forme une vaste inclusion. Rappelons-nous, en Ex 24,12 : « YHWH parla ainsi à Moïse : Monte vers Moi à la Montagne et restez-y ; Je veux DONNER POUR TOI les TABLES DE PIERRES, la ToRaH et le Commandement que j’ai écrits pour les instruire. » Ce qui correspond à notre verset final du ch. 31 : « Lorsqu’il eut achevé de parler avec Moïse sur le Mont Sinaï, [YHWH] DONNA POUR LUI les deux Tables du Témoignage, TABLES DE PIERRE écrites du doigt de ‘ÈLoHîM. » Entre les deux, on a donc un ensemble littéraire bien défini, où l’on comprend que, pendant 40 jours, Moïse a CONTEMPLÉ le modèle du MiShKâN. Pour l’instant, même les fils d’Israël n’ont aucune idée de ce qu’il vit sur la Montagne, et ne savent même pas qu’un Sanctuaire est en passe d’être édifié. D’ailleurs, ils se demandent bien ce qu’il fait à rester si longtemps là-haut ! Ça ne va pas tarder à poser de sérieux problèmes ! Reste qu’au centre de cette inclusion littéraire — je vous rappelle que dans une inclusion, ce qui importe, c’est ce qui est au milieu, comme un sommet si vous voulez dont la première partie de l’inclusion était la montée et la seconde partie la redescente —, au centre donc, du ch.28, v. 1 au ch. 29, v. 9, on a la description du vêtement et l’investiture du Grand-Prêtre, qui constitue donc le cœur de tout cet ensemble : ce qui signifie que tout tourne bel et bien autour de la figure du Grand-Prêtre, ce qu’a fort bien compris l’épître aux Hébreux qui ne peut pas laisser passer une institution d’une telle importance concernant le sacerdoce du Christ Jésus. Donc, si on résume : Moïse est convoqué lors de la première Théophanie au sommet de l’Horeb pour recevoir la ToRaH, et en particulier le Décalogue : ça, c’est Ex 19,16 à 25. Une fois redescendu, il est chargé de transmettre le Décalogue et toute la jurisprudence qui l’accompagne : ce sont les ch. 20 à 23. Avant de recevoir les normes du culte, il avait fallu que la foi en YHWH, pour ainsi dire, soit proclamée, ce que dira le peuple au ch. 24, verset 7 : « Tout ce qu’a dit YHWH, nous le ferons ! » Suite de quoi, toujours au ch. 24 à partir du v. 12, YHWH pouvait convoquer une deuxième fois Moïse pour un séjour de 40 jours au sommet de l’Horeb, pendant lequel il contemplerait de MiShKâN et recevrait les instructions de confection et de montage, ainsi que les deux Tables du Témoignage dont vous remarquerez que leur écriture n’a pas été mise en scène. On nous dit simplement que ces deux Tables de pierre ont été écrites « du doigt de ‘ELoHîM », en Ex 30,18. C’est tout. Rien à voir avec les images hollywoodiennes de l’événement. Ceci dit, remarquons d’une part l’insistance sur la PIERRE : rappelons-nous que la pierre, en Égypte, est synonyme d’éternité, voire de divinité — même si ici, il ne s’agit pour YHWH d’être pour ainsi dire “incarné” dans la pierre comme c’est le cas pour AMôN. Je vous renvoie à ce propos aux vidéos thématique sur l’histoire religieuse de l’Égypte. Mais il n’empêche : pour un peuple qui s’est coulé dans la culture religieuse de l’Égypte pendant 430 ans, parler de TABLES DE PIERRE, c’est nécessairement parler du CARACTERE DIVIN de ces pierres. Ce sur quoi le verset insiste : des tables de pierre écrites DU DOIGT MÊME de ‘ELoHîM ! Cette expression est rarissime dans la Bible : elle est utilisée par les magiciens de Pharaon lors de la troisième frappe : « C’est le doigt de ‘ELoHîM ! », ‘èÇeBa“ ‘ELoHîM ; elle est utilisée ici en Ex 31,18 et repris dans le même sens en Dt 9,10, et enfin utilisée par Jésus en Lc 11,20 à propos des exorcismes : « Si c'est par le doigt de Dieu que j'expulse les démons, c'est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu'à vous ». C’est tout. Cela dit, on trouve une autre fois des doigts divins qui écrivent sur un mur, et c’est en Dn 5, pour sceller le destin du roi perse Balthasar et sanctionner la dureté de son cœur. Ce qui signifie que le DOIGT DE DIEU est là pour poser un CACHET irrévocable sur l’histoire : « Si c’est le doigt de Dieu, c’est que le Royaume est là ! » La sentence est claire ! Ce qui veut dire que sur ces tables de pierres est inscrit le DESTIN SCELLÉ par YHWH du peuple de l’élection au milieu des nations ; un sceau qui n’est rien d’autre que celui de la SAINTETÉ : les Fils d’Israël sont vraiment, et resteront pour toutes les générations qui suivront, un peuple À PART, tout entier orienté vers la LIBERTÉ, au sens de la liberté qui rend libre ; une liberté à laquelle, par Israël, les nations devront s’ouvrir à leur tour — ce sera le rôle du Messie que de procéder à cette ouverture universelle —. Mais il n’en reste pas moins que, pour l’heure, ce destin de liberté est divinement scellé dans la pierre : gare au peuple à qui elles sont destinées s’il ne s’y conforme pas !

Voilà. Alors on se dit, à ce stade, que tout va bien, qu’il suffit que Moïse redescende avec les tables de pierre et qu’il ne reste plus au peuple que d’appliquer les directives de construction. On se dit que tout va aller comme sur des roulettes… Sauf que ça n’est pas si simple ! Et c’est ce que nous racontera le ch. 32 que nous ouvrirons la prochaine fois. Je vous souhaite d’ici là une bonne lecture de ces versets assez paisibles, mais préparez-vous : ça va devenir volcanique !

Je vous remercie.
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