18-02-2016

[Ex] 66 - La consécration de l'Autel

Exode 29:29-43 par : le père Alain Dumont
Construire un Autel ne suffit pas plus que de faire les habits pour le Grand-Prêtre. Tout comme ce dernier, l'Autel demande à être consacré pour pouvoir y offrir des sacrifices dignes de YHWH.
Duration:16 minutes 12 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/la-consecration-de-l-autel.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous sommes toujours au ch. 29 du livre de l’Exode, et voilà qu’après la prescription des sacrifices qui devront être faits, les v. 29 et 30 instituent une dimension essentielle liée à la charge du Grand-Prêtre, à savoir sa transmission héréditaire par les rites de l’onction et de l’investiture : les vêtements devront passer du père au fils. Un seul des fils d’ ‘AHaRoN, bien évidemment, sera Grand-Prêtre. Cette investiture est tellement importante qu’elle passe par une cérémonie qui dure 7 jours : là, on assiste carrément à un acte créateur — la référence aux 7 jours de la Création est assez évidente —, mais pas uniquement, parce que la dimension de la DÉLIVRANCE, de la LIBÉRATION propre à YHWH, est aussi présente par la fonction que revêt le Grand-Prêtre, chargé de veiller sur le bon déroulement des sacrifices qui sont tous, d’une manière ou d’une autre, des mémoriaux de l’agir SAUVEUR de YHWH. Encore une fois, Israël n’offre pas les sacrifices pour nourrir la divinité comme c’était le cas en Égypte et partout ailleurs. Les sacrifices des Fils d’Israël sont tous basés sur la MÉMOIRE DU SALUT que YHWH ne cesse jamais d’opérer au milieu de son peuple. Donc dans cette investiture, création et salut sont indissociables.

Les v. 31 à 35 sont un mixte entre la suite du sacrifice du second bélier, aux v. 19 à 28, et la prescription de l’investiture dynastique. On se demandait un peu en effet ce qu’était devenu le reste du bélier, à part la poitrine et la cuisse droite. Comme pour le taureau, le reste de la chair est brûlé à part, hors contexte sacrificiel. Alors on peut trouver un sens à ce que seules ces deux parties de l’animal soient consommées, de même que pour les parties offertes en sacrifice — la graisse de l’intestin, du foie et des reins, les reins eux-mêmes et la cuisse gauche de l’animal —, mais on essaiera de voir ça en lisant le livre du Lévitique qui y reviendra. Quoi qu’il en soit, cette nourriture est exclusivement réservée aux prêtres, et là se met en place encore une notion vraiment importante, à savoir les REPAS qui accompagnent les sacrifices. Le REPAS, rappelez-vous, on l’a déjà dit plusieurs fois, avant la sustentation, c’est le LIEU DE LA RELATION. C’est le lieu CHARNEL où se construit une relation, et donc, à travers ce repas, il y a une HISTOIRE qui se construit entre YHWH et les prêtres du culte que Moïse est en train d’instituer ; et cette histoire, inscrite dans celle de tout le peuple, est SPÉCIFIQUE. Elle engage charnellement les prêtres à être fidèles à cette relation, non pas seulement du point de vue fonctionnel, extérieur, mais du point de vue INTÉRIEUR. Et un tel rite, dit YHWH, devra être revécu à CHAQUE institution d’un nouveau Grand-Prêtre de la lignée de ‘AHaRoN.

Une fois les prêtres institués, on passe alors à la consécration de l’autel, à son tour pendant 7 jours, cet autel dont le début du ch. 27 nous a fourni la description du moule. L’expression « péché de l’autel » est surprenante, et pourtant, c’est peut-être une manière pour nous de comprendre ce qu’est le péché pour la ToRaH. Non pas seulement un acte de désobéissance, mais un ÉTAT de l’ÊTRE SÉPARÉ de YHWH. La SÉPARATION, voilà précisément ce que produit le péché à travers la désobéissance. Donc, concernant l’autel, l’expression signifie simplement que l’autel, avant d’être consacré, est profane. A contrario, après sa consécration, l’autel sera « saint », c’est-à-dire non plus séparé de YHWH mais à part, cette fois, du profane. La sainteté, c’est l’état de l’ÊTRE ATTACHÉ à YHWH, et de la même manière que l’être VIVANT, c’est l’être qui donne la vie ; que l’être LIBRE, c’est l’être qui rend libre ; eh bien : la SAINTETÉ, c’est ce qui rend SAINT. Donc une fois consacré, l’autel, en tant qu’il est saint, est rendu apte à faire monter les sacrifices qu’il rend saints : c’est le sens de la fin du v. 37.

Alors cette consécration se fait par un holocauste de deux agneaux, un le matin et « entre les deux soirs ». On a déjà rencontré cette expression en Ex 16,12 : elle signifie simplement entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit. Vous voyez que là encore, on offre une partie animale  accompagnée d’une partie végétale : les deux sont toujours associées. Vous lirez le déroulement, mais ce qui est important, c’est le passage conclusif des v. 42 à 46, qui fait aboutir l’ensemble des ch. 25 à 29 qui ne vise, dans le fond, qu’à une seule chose : la RENCONTRE avec YHWH. La vertu de cette consécration des prêtres et de l’autel est de permettre la Rencontre « avec vous », dit le texte. On suppose que ce sont les prêtres, mais à travers eux, n’oublions pas que c’est de tout le peuple qu’il s’agit, ce que confirme le v. 43. Ceci dit, la rencontre est « avec vous », mais c’est « avec toi que je parlerai », dit YHWH à Moïse ! Rappelons-nous ce que nous avons déjà dit plusieurs fois : une rencontre n’est possible que si chaque partie est pleinement elle-même, sans quoi c’est une fusion, un mélange dont l’idée même est insupportable à la ToRaH. Donc l’espace de la Tente préserve, en quelque sorte, la transcendance de YHWH : on ne met pas la main sur Lui. L’espace du Tabernacle est un lieu Saint, réservé, où YHWH peut être pleinement Lui-même, avec cette avancée gigantesque dans l’histoire religieuse du genre humain : cette TRANSCENDANCE se DONNE A VOIR DANS LA CRÉATION ! Ça c’est proprement génial ! Et le Targum va être encore plus explicite en ce sens : quand YHWH se donne à voir, c’est évidemment par sa MeMRaH, que nous connaissons bien maintenant, ou par son Verbe, si on préfère : « Ce sera un holocauste perpétuel au long de vos générations, à la porte de la Tente de la Rencontre, devant YHWH, où Je donnerai à ma MeMRaH rendez-vous avec vous, pour y parler avec toi. » (Targum Ex 29,42). Le Verbe, la MeMRaH, je vous rappelle, c’est YHWH EN TANT QU’IL SE DONNE A VOIR et qu’Il agit au milieu de son peuple, et par là au cœur de sa Création, dans le monde fini, nonobstant sa transcendance absolue qui Le fait régner dans le monde infini. La MeMRaH, c’est ce que le Talmud juif transcrit par SheKhiNaH, la Présence, qui vient de la racine ShâKhaN qui signifie demeurer en hébreu. Or c’est bien le verbe qui est employé au v. 45, ce qui veut dire que le Targum a raison d’extrapoler sa traduction en faisant intervenir la MeMRaH.

Quoi qu’il en soit, cette présence — qui est la même que celle qui accompagnait le peuple lors de la Sortie d’Égypte — nous apprend que Dieu n’est pas transcendant au sens où nul ne pourra jamais avoir accès à Lui, mais au sens où cette transcendance est le PRÉLIMINAIRE À UNE VRAIE RENCONTRE. Une rencontre où YHWH pourra rester pleinement YHWH, et où l’homme pourra rester pleinement homme. Ce que le christianisme poussera à son apogée dans le mystère de l’Incarnation de YHWH en son Verbe, sa MeMRaH précisément : en Jésus, YHWH est pleinement YHWH en tant que Jésus est Dieu, ; et en tant que pleinement homme, en la Personne de Jésus, s’opère la rencontre pleinement libre de YHWH avec l’homme. En Christ, il n’y a ni fusion, ni confusion : les deux parties, Dieu et l’homme, sont pleinement en RELATION, en communion : une communion dont les préliminaires se mettent en place là, sous nos yeux, au moment de la consécration de l’Autel et, par le fait même, du Tabernacle, comme le précise le v. 44. On remarque qu’il n’y a pas de consécration proprement dite du Tabernacle, mais la consécration de l’Autel qui est dans son enceinte rejaillit sur lui, pour en faire la Tente de la Rencontre, le Tabernacle de la Rencontre ; ce sera marqué, on le verra, par l’autel de l’encens.

Alors voilà : ces versets finaux du ch. 29 sont donc le premier aboutissement de la sortie d’Égypte. Il restera encore quelques ustensiles, l’autel de l’encens et le bassin des ablutions que nous verrons la prochaine fois, mais l’essentiel est posé. Tout est synthétisé formidablement en deux versets qu’il vaut la peine d’entendre : « Je demeurerai dans les Fils d’Israël et je serai leur ‘ÈLoHîM. Et ils sauront que je suis YHWH, leur ‘ÈLoHîM, qui les ai fait sortir de la terre d’Égypte pour demeurer en eux, moi, YHWH, leur ‘ÈLoHîM. » (Ex 29,44-45). Tout est là. La finalité de la Sortie d’Égypte n’est pas seulement le fait d’être libérés du joug d’un oppresseur, mais de RENCONTRER YHWH, d’avoir un Rendez-Vous avec Lui. « J’ai Rendez-vous avec vous », chantait Georges Brassens. C’était d’une femme dont il parlait, mais c’est justement une Rencontre de type nuptiale qui est ici initiée. Rien à voir avec une théocratie, qui n’est jamais qu’un despotisme maquillé ! C’est ce que développeront à l’envie les prophètes, à partir d’Osée : YHWH veut ÉPOUSER Israël ! Le Cantique des Cantiques en fera un des thèmes les plus célèbres de toute l’histoire de la littérature ! La mystique juive ne vise pas autre chose, et bien avant elle, les écrits chrétiens ne parlent que de NOCES, en Christ, en particulier les écrits johanniques, c’est-à-dire de saint Jean : il suffit pour s’en convaincre d’aller lire la fin de l’Apocalypse. Et c’est ce que synthétise formidablement Marie-Madeleine Davy dans un livre trop peu connu, intitulé : Tout est Noces. Or tout commence là, ou plus exactement tout REcommence LÀ, avec les consécrations du sacerdoce et de l’autel qui établissent le cadre de ces épousailles. Je dis « tout recommence », parce que le projet de YHWH remonte à la création et vise toute l’humanité. Mais à cause du péché, cette humanité devra être re-séduite par YHWH en quelque sorte, pour reprendre les termes du prophète Osée. Abraham accueille ce projet et fait entrer sa descendance dans l’Alliance ; Moïse lui donne sa forme à travers le culte qui pose le cadre de la sainteté, c’est-à-dire les conditions à travers lesquelles la MeMRaH de YHWH, ou sa SheKhiNaH, va pouvoir faire sa demeure parmi son peuple, sans pour autant qu’aucun mélange ne soit possible. Suite de quoi s’ouvre une histoire où le peuple de YHWH va devoir s’ouvrir à la nature de cette demeure de Dieu en son sein, et c’est d’amour nuptial qu’il s’agit comme le révéleront les prophètes ; un amour nuptial qui sera consommé en Christ par qui l’universalité de la promesse faite à Abraham s’accomplit : « Par toi seront bénies toutes les nations de la terre. » Donc vous le voyez : on n’a pas seulement dans ce ch. 29 une séquence purement ritualiste. Il s’agit du déploiement cultuel d’une espérance théologique, un culte qui trace pour l’homme le cadre de la plénitude de sa relation au Dieu Sauveur en posant dans cette relation la liberté absolue de YHWH — l’homme ne peut mettre la main sur Lui —, et en ouvrant à l’homme le chemin de sa propre liberté — YHWH ne mettra pas la main sur lui ; lorsque l’homme saura renouer avec cette liberté, sans plus donner prise au péché par lequel s’exerce la convoitise, comme le dit explicitement le Décalogue ; alors pourront être célébrées les Noces éternelles. Et les chrétiens font l’expérience que ce Jour est advenu par le Christ Jésus : en Lui, tout est accompli, et par Lui, tout homme est appelé à entrer dans le peuple des Fils de Dieu pour vivre éternellement des fruits de cet amour nuptial entre YHWH et le genre humain.

Voilà tout ce que nos versets contiennent en germe, à travers des prescriptions qui peuvent paraître rédhibitoires tant qu’on ne leur donne pas d’autres perspectives qu’elles-mêmes, mais qui deviennent d’une richesse infinie dès qu’on les rapporte au projet éternel de YHWH, au projet éternel du Père, dira Jésus.

Je vous souhaite une bonne lecture de tous ces versets.

Je vous remercie.


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