18-02-2016

[Ex] 65 - La consécration des prêtres

Exode 29:1-28 par : le père Alain Dumont
L'habit ne fait pas le moine ! La consécration, en revanche, fait le Grand-Prêtre à travers l'Onction d'huile.
Duration:20 minutes 49 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/la-consecration-des-pretres.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Notre lecture du livre de l’Exode se poursuit et nous ouvrons aujourd’hui le ch. 29. On est toujours dans la section des PRÉPARATIFS : tout ce qui est décrit dans les versets qui suivent ne pourra être opéré qu’APRÈS la construction du MiShKâN, du Tabernacle. Moïse devra donc consacrer les prêtres du nouveau culte, à commencer par ‘AHaRoN, le Grand-Prêtre, suivi de ses fils. Je vous rappelle que le sacerdoce, parmi les Fils d’Israël, est une institution DYNASTIQUE, comme il l’était en Égypte. Je vous rappelle aussi que le choix d‘AHaRoN n’est pas fortuit : dès l’époque de l’Égypte, la famille de Moïse est sacerdotale, qui a en charge l’administration et le culte à l’intérieur du Sanctuaire-Mémorial de Joseph-Aménophis. C’est ce qui fait que sa candidature au sacerdoce, pour ainsi dire, est admise sans discussion par toutes les tribus comme par toutes les familles de Lévites. Sans ça, on n’imagine pas les jalousies qu’un choix arbitraire aurait causées, fut-il inspiré YHWH ! Mais non, son nom s’impose de lui-même, sans l’ombre d’une contestation. Je vous renvoie pour cette question à toutes les vidéos dans lesquelles nous en avons parlé, lorsque nous partions à la recherche de Moïse, tout au début de notre lecture du livre de l’Exode.

Donc il faudra préparer un sacrifice, d’une part avec un jeune taureau et d’autre part deux béliers sans défaut ; on verra leur sens à partir du v. 10. Et on adjoint à ce sacrifice une partie végétale, que le livre du Lévitique appelle le « SACRIFICE NON-SANGLANT », ou l’ « OBLATION ». C’est en Lv 2,4 et suivant, entre autres. Suite de quoi viennent les rites de purification et de vêture. La PURIFICATION se fait par ablution d’eau, ici en l’occurrence, par un bain. Les bains tiennent une place essentielle dans les rituels des Fils d’Israël. Le Targum, la traduction de la Bible en araméen, précise qu’il s’agit d’un bain dans environ 270 litres d’EAU VIVE, c’est-à-dire une eau jaillissant d’une source, un torrent ou une rivière. Alors à nouveau, on voit bien que ce texte se réfère à des réalités qui ont peu à voir avec la situation du désert — bien que lorsqu’arrivent les pluies dans le désert, elles sont toujours torrentielles et remplissent les Oueds qui sont à sec le reste du temps. Mais admettons. Quoi qu’il en soit, l’ablution est un rituel évident de purification. Toutes les cultures partagent le rituel d’ablution d’eau, sous toutes les latitudes. Ils étaient innombrables en Égypte, surtout en ce qui concerne les prêtres, et il y en aura de nombreuses au fil des récits de toute l’histoire biblique. Mais celle-ci est tout de même singulière, dans la mesure où elle est INAUGURALE d’un rite absolument nouveau. Le bain d’‘AHaRoN et de ses fils peut donc être compris ici comme la purification du sacerdoce qu’ils exerçaient en Égypte pour entériner le culte naissant, tout entier basé sur l’Alliance de YHWH avec ‘AVRâHâM. L’ablution touche bien sûr à la propreté, dans une Antiquité où la poussière est partout, surtout dans le désert — souvenons-nous des nombreux bains rituels des prêtres égyptiens. Mais pas seulement. L’eau, c’est le signe de la VIE et de la MORT. Se baigner rituellement dans une eau vive, c’est toujours entrer dans cette ambiguïté d’une mort possible, sachant qu’en ressortir vivant est le signe d’une victoire donnée par DIEU en tant que Maître de la Vie. Se purifier, c’est charnellement SE PLONGER EN DIEU et faire charnellement l’expérience d’une vie qui se reçoit de DIEU, sur laquelle on n’a pas la main et qui fait l’objet d’une vocation particulière. Dans une société moderne où l’eau n’est qu’un produit commun qui coule au robinet, on a du mal à comprendre, mais l’eau est une réalité PRÉCIEUSE ! Éminemment précieuse, et pas seulement pour boire, parce que ce bain d’eau vive vient irriguer non pas tant le corps que la CHAIR ! Tant qu’on en reste au corps, là encore on a du mal à comprendre. Mais quand on passe au niveau de la CHAIR, c’est-à-dire de L’HISTOIRE que porte ce corps qui n’est jamais qu’un instantané de cette CHAIR ; cette fameuse CHAIR qui, elle, fait que je suis MOI, de la naissance jusqu’à la mort, avec une histoire, des choix de vie qui font cette vie UNIQUE, avec son HISTOIRE unique ; donc : quand on passe au niveau de la CHAIR, là c’est autre chose. Il s’agit de MARQUER CETTE CHAIR, donc de MARQUER L’HISTOIRE en la faisant entrer dans le monde du divin à travers les eaux régénératrices. Ce qui veut dire qu’à propos de ‘AHaRoN, on n’est pas loin d’une réalité quasi-baptismale ! C’est une vie nouvelle qui s’ouvre à lui, ainsi qu’à ses fils. D’ailleurs, de la même manière qu’un baptisé reçoit de nouveau vêtements, la vêture d’ ‘AHaRoN suit le bain d’eau, suite de quoi vient l’onction — tient, comme pour la confirmation qui, traditionnellement, suivait immédiatement le baptême ! Vous voyez ? On touche là des réalités qui ne nous sont pas si étrangères que ça ! — Pour ce qui concerne l’onction, au v. 4, on l’a évoqué lors de la dernière vidéo, on voit qu’ici, seul ‘AHaRoN la reçoit.

Alors attardons-nous un peu sur le sens de cette onction. Le verbe OINDRE se dit en hébreu MiSheH.aH, de la racine MâShaH., qui donnera MaShiaH., qu’on transcrit par MESSIE en français, pour désigner CELUI QUI REÇOIT L’ONCTION. Ici encore, petit problème de chronologie : on ne connaît pas de rite religieux d’onction d’huile en Égypte, et ceux-ci ne semblent apparaître que vers 500 ans avant J.-C., sans doute sous l’influence de la Perse. On peut toujours invoquer l’inspiration divine de l’onction, c’est vrai, mais tout de même : ne serait-ce que d’un point de vue pratique, avoir de l’huile à disposition demande des installations lourdes pour fabriquer cette huile, et surtout la présence de vrais champs d’oliviers alentour, alors tout ça en plein désert encore une fois, ça paraît difficile à imaginer. Mais bon. Qu’à cela ne tienne, même si le rite fait référence à une pratique tardive, il nous dit à tout le moins l’importance du Grand-Prêtre en termes d’élection. Et quelque part, le texte de l’Exode inscrit une PRIMAUTÉ DE L’ONCTION SACERDOTALE sur l’onction royale qui, elle, ne viendra qu’après l’installation en CaNa”âN. De fait, quand bien même plus tard, on réfèrera le fameux MaShiaH. prioritairement à l’onction royale, l’onction de David dont le MaShiaH. devra être un descendant ; à l’époque du Christ, notamment sous l’influence du prophète Daniel, on ne doute pas que le MaShiaH. aura aussi un caractère SACERDOTAL. Cette dimension sera d’ailleurs essentielle dans l’épître aux Hébreux concernant Jésus. Donc vous voyez : l’onction est un rite absolument essentiel : c’est le rite par lequel TOUT COMMENCE, ou pour le dire à l’inverse, sans lequel RIEN ne peut commencer… C’est le RITE INITIATEUR par excellence, qui n’est pas purificateur en soit, mais CATALYSEUR en quelque sorte, raison pour laquelle encore une fois, le baptême chrétien comprend à son tour des onctions : le baptême d’eau est pour le pardon des péchés, mais l’onction d’huile est pour l’ouverture à la mission au sein du peuple de l’Élection.

Enfin bref, quoi qu’il en soit, après cette onction rituelle suit la vêture de ses fils, le tout marqué du sceau de l’institution à perpétuité : donc cette filiation sacerdotale ne pourra jamais être mise en cause à l’avenir, pour quelque raison que ce soit. Dit autrement, personne, au sein du peuple des Fils d’Israël, ne pourra s’instituer prêtre hors de la lignée d’ ‘AHaRoN.

Du v. 10 au v. 28 sont alors décrits les sacrifices attachés à cette consécration sacerdotale. Alors là, il faut suivre. D’une part, remarquons trois sortes de sacrifices qui accompagnent l’investiture sacerdotale. Le premier, du v. 10 au v. 14, est désigné par l’hébreu H.aTTâ’T, qui désigne à la fois le péché et le rite qui l’efface. Ce sacrifice est offert avec un taureau pour le péché du Grand-Prêtre, dit le livre du Lévitique ; un péché qui rejaillit sur tout le peuple. D’abord, on impose les mains sur la tête du taureau. Non pas pour transférer le péché sur lui, puisque ça le rendrait inapte à tout sacrifice, mais pour signifier que le sacrifice est offert AU NOM DU GRAND-PRÊTRE ET DE SES FILS, de sorte que YHWH, en considération de cette offrande, efface leur péché. Ceci dit, ce qui importe en premier, c’est le RITE DU SANG qui a valeur de réparation, ou « expiatoire » — on a évoqué ce terme à propos du couvercle de l’alliance, le fameux propitiatoire —. Pour la Bible, le sang a un rapport intrinsèque à la VIE, raison pour laquelle il est réservé aux sacrifices et ne peut en aucun cas être consommé. C’est exprimé très fortement dans un passage du Lévitique : « La vie d’un être de chair est dans le sang, et moi, je vous le donne afin d’accomplir sur l’autel le rite d’expiation pour vos vies ; en effet, c’est le sang, comme principe de vie, qui fait expiation. » (Lv 17,11) Donc on recueille ce sang pour en oindre l’autel — en fait, c’est un peu plus compliqué, puisque normalement, le Lévitique dit qu’il faut oindre les cornes de l’autel des parfums qui est dans le Tabernacle, mais ici, cet autel n’a pas encore été mentionné. Donc c’est un rituel un peu libre. Quoi qu’il en soit, on fait fumer en sacrifice le foie et les rognons — c’est-à-dire les reins — et leur graisse sur l’autel, alors que le reste, dit le v. 14, est simplement brûlé à l’extérieur du camp, dans un lieu saint précisera le livre du Lévitique, pour signifier simplement que cette partie du corps de l’animal ne relève pas du sacrifice. Alors pourquoi cette répartition ? Pour l’instant, on n’en parle pas. On y reviendra lorsqu’on lira le livre du Lévitique.

En attendant, vient ensuite le sacrifice du premier bélier, avec le même rite d’imposition des mains que précédemment. Lui sera entièrement offert en HOLOCAUSTE, en hébreu “oLaH, de la racine “aLaH qui signifie : FAIRE MONTER, c’est-à-dire que rien du sacrifice ne sera retenu pour composer ensuite un repas : tout sera brûlé, tout sera FAIT MONTER vers YHWH, intégralement, par une sorte de « spiritualisation de la matière », en quelque sorte, de manière, dit le v. 18, que l’holocauste soit pour YHWH un PARFUM APAISANT. Expression qui nous paraît étrange, qu’on rencontre en gros pour la première fois mis à part une mention, dans un tout autre contexte, en Gn 8,21 à propos du sacrifice offert par Noé après la décrue du déluge. En fait, il est avant tout ici question des NARINES DE YHWH. L’hébreu est toujours très concret, très charnel : pour parler de l’âme, l’hébreu prendra l’image de la GORGE, la NéPhèSh ; pour parler de la conscience ou des émotions, il prendra l’image des REINS, KiLeYaH ; pour parler de la volonté, il prendra l’image du CŒUR, LéB ; etc. Et pour parler des humeurs, elle prendra l’image de la NARINE, ‘aPh, qui fulmine lorsque monte la colère prête à sanctionner l’injustice, raison pour laquelle on va faire monter des sacrifices dont l’odeur aura pour effet d’apaiser les narines de YHWH, non par magie, mais à travers la fidélité dont témoigne ce sacrifice, signe que le peuple met tout en œuvre pour obéir à la Parole de Vie que constitue le Décalogue, entre autres. Il s’agit donc bien d’apaiser YHWH, et quoi de mieux pour cela que des parfums d’agréable odeur, sachant ici que ce parfum, encore une fois, est celui de la fidélité, et non celui des grillades carbonisées !

Le second bélier se voit à nouveau imposer les mains avant d’être offert — comme quoi on voit bien que l’imposition des mains n’est vraiment pas un transfert des péchés sur l’animal, puisqu’encore une fois, il deviendrait impropre à tout sacrifice, en particulier pour l’holocauste où tout revient à YHWH. Donc le second bélier constitue le troisième sacrifice, qui ne se confond pas avec le précédent puisqu’il ne s’agit pas d’un holocauste, mais d’un sacrifice de paix, dit le v. 28, qui marquera l’investiture de ‘AHaRoN et de ses fils, dit la fin du v. 22. D’abord, on égorge l’animal pour en recueillir le sang qui ne doit pas être versé. Et là, Moïse accomplit un rite tout à fait unique : il prend du sang pour en déposer sur le lobe de l’oreille droite de ‘AHaRoN et de ses fils, sur le pouce de la main droite et de l’orteil droit, pour marquer tout l’agir des prêtres en rapport avec l’exercice du culte qui se trouve ainsi consacré : écouter, agir, marcher, offrir etc. Même chose pour les vêtements, qui ne pourront pas être utilisés pour un usage profane. On procèdera alors au sacrifice proprement dit : Moïse prendra les parties grasses pour les offrir puis les brûler, et accompagnera cette offrande d’une oblation végétale, non sanglante — du pain en l’occurrence — qu’il remettra dans les mains des prêtres. Alors lisez bien le texte : Moïse fait le geste de BALANCEMENT, c’est-à-dire un geste de dédicace de l’offrande, allant de bas en haut et d’un côté à l’autre, sans doute en tenant les mains des prêtres dans lesquelles les offrandes ont été déposée. Et là, ne minimisons pas l’importance du pain ! Spontanément, on est fasciné par la viande, par le sang, mais le pain est ici essentiel : c’est un rituel de TRANSMISSION PAR LE PAIN. Un chrétien ne peut pas ne pas penser ici au dernier repas de Jésus avec ses disciples, qui relève de la même dynamique de TRANSMISSION PAR LE PAIN, alors même que Jésus sera à la fois le Grand-Prêtre, dira l’épître aux Hébreux, et le bélier ou l’agneau de l’offrande sanglante. Alors bien sûr, le repas du Christ se réfère en premier lieu au repas de la Pâque, mais attention de ne pas être trop unilatéraux dans nos interprétations. La Bible est toujours plus riche que les cadres dans lesquels ont veut la faire entrer. Alors maintenant, pourquoi le pain ? Pour comprendre, il faut vraiment que nous arrivions à dissocier l’idée de sacrifice de celle du sang versé. Encore une fois, l’imaginaire contemporain est figé sur cet amalgame, alors nous oublions qu’offrir le pain, ou les prémices des récoltes, relève tout autant du sacrifice, mot tiré du latin sacrum facere, faire un acte sacré. Et l’offrande végétale retentit sur l’offrande animale en suggérant fortement que l’essentiel du sacrifice en Israël N’EST PAS la violence ! La violence est du côté du péché, que le sacrifice vient comme canaliser, mais il n’est pas du côté de YHWH. Tout le rituel autour du respect du sang est là pour le rappeler. Donc ce qui importe est d’abord et avant tout L’ACTE D’OFFRANDE : toute vie revient à YHWH, à la fois animale ET végétale. Et le Fils d’Israël, attaché à ces deux dimensions, témoigne par elles, charnellement, de sa fidélité à YHWH. Quant au fait de consommer une partie de l’animal seulement, et non pas toute la bête : uniquement ce que l’on offre d’elle — ici la poitrine, pour Moïse, et la cuisse pour ‘AHaRoN et ses fils ; le fait, donc, de consommer une partie du sacrifice attache encore plus charnellement l’offrant à son offrande : manger le don — et le don uniquement —, c’est se donner avec lui, offrir ce qui, en soi, est apte à devenir un sacrifice pour la vie. Avant qu’avec le Christ, l’offrant s’offre lui-même tout entier, mais pour arriver à ça, il faudra de temps.

Enfin voilà pour quelques indications permettant de mieux comprendre ces versets 1 à 28 du ch. 29 du livre de l’Exode. Je vous souhaite une bonne lecture.

Je vous remercie.
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