18-02-2016

[Ex] 62 - L'Autel et le Parvis extérieurs

Exode 27:1-21 par : le père Alain Dumont
Juste à l'entrée de la Demeure, instructions pour édifier un énorme Autel pour les sacrifices à l'intérieur du Parvis.
Duration:17 minutes 15 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/l-autel-et-le-parvis-exterieurs.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous poursuivons la lecture des prescriptions données par HaShèM pour la construction du Tabernacle, du MiShKâN dans le désert, et avec le ch. 27, on sort du Sanctuaire proprement dit, la tente qui abrite le KoDeSh HaKoDaShîM, le Saint des Saints, le Chœur du Sanctuaire dans lequel reposera l’Arche de l’Alliance et qui sera séparé par un rideau du reste du Sanctuaire dans lequel reposeront la Table des Pains de la Face, au Nord, et la MeNoRaH au Sud. Il y aura aussi l’autel de l’encens, mais le récit n’en a pas encore parlé. Voilà en tout cas pour le Tabernacle en tant que tel, recouvert par les quatre tentures que nous avons répertoriées dans la dernière vidéo.

Maintenant, devant le Tabernacle se déroulera toute une liturgie, dont en particulier les sacrifices, ce qui suppose un autel, en hébreu MiÇeBéaH., dont les v. 1 à 8 nous décrive la construction. Alors d’abord les matériaux, assez étrange pour un autel sur lequel on va faire brûler un feu ardent, puisqu’il est, à son tour, en bois de ShiTTîM, en bois d’acacia. Le MiDRaSh, c’est-à-dire le recueil de commentaires des textes de l’Écriture sous forme d’homélies avec des paraboles, des allégories, des métaphores, etc. Le MiDRaSh, donc, rapporte l’étonnement de Moïse : « Quand HaShèM ordonna à Moïse de construire un autel de bois de ShiTTîM couvert d’une mince couche de cuivre (elle avait l’épaisseur d’une pièce de monnaie), celui-ci s’écria : ADoNaÏ ! Tu m’ordonnes de construire un autel de ces matières et tu ajoutes : un feu continu brûlera sur l’autel sans jamais s’éteindre ! Le feu ne brûlera-t-il pas le revêtement de cuivre et ne consumera-t-il pas le bois de ShiTTîM ? » (MiDRaSh TaNHOuMaH). Donc vous voyez, la question n’est pas nouvelle, puisque ce MiDRaSh date du VIIe siècle après J.-C. On va y revenir.

Le récit nous dit que la surface de l’autel est carrée : cinq coudées sur cinq, c’est-à-dire 2m25 sur 2m25 environ, sur une hauteur de 1m35. Les cornes dans les angles sont habituelles — vous voyez ? Encore les cornes, signes de la puissance divine : pratiquement, ce sont des éminences aux quatre coins qui permettent d’accrocher les chaînes d’un grillage tendu au-dessus du foyer. L’ensemble est recouvert de bronze, accompagné des ustensiles, en bronze eux aussi. À partir du v. 4, on parle d’un filet grillagé assez bizarre dont on ne voit pas bien comment il s’agence avec l’ensemble. Et à nouveau, au v. 6, des barres à enfiler dans des anneaux pour transporter l’ensemble. Voilà. Pour l’instant, c’est tout. Sauf que la prescription de HaShèM, à la fin du ch. 20 rapelons-nous, ne parlait aucunement d’un autel de bois ! Il commandait soit la fabrication d’autels en terre, soit la pétrification d’un autel, en Ex 20,24-25. Alors ? Alors ici, le grec est intéressant, parce qu’il traduit : « Tu feras un autel À PARTIR de bois d’acacia », ek xylôn, ce qui est le témoin d’une ancienne interprétation du texte qui nous dit que l’autel sera fait AU MOYEN du bois d’acacia, et non pas fait « de bois d’acacia ». Et là, on rejoint l’intuition du professeur Joseph Davidovits qui nous a grandement éclairés sur l’histoire de Joseph et la science de la pierre agglomérée : le bois d’acacia n’est pas l’autel en soi, mais LE MOULE de l’autel, ce qui éclaire tout le texte ! Les cornes emboîtées à chaque coin servent à maintenir le calage des planches au sommet du moule. Le grillage sert de serre-joint en enveloppant la base des panneaux de bois pour qu’ils ne s’écartent pas sous la pression de la pâte de pierre qu’on allait y tasser. Du coup, ce que le récit envisage de transporter, ce n’est pas la pierre sur laquelle pourra être enflammé le foyer, mais LE MOULE qui permettra de refaire autant d’autels que nécessaire sur le chemin qui mène en KaNa”aN. Et de fait, on imagine mal comment transporter 7m3 de pierre, ce qui représente un poids approchant les 20 tonnes ! On comprend beaucoup mieux maintenant pourquoi l’ensemble décrit ici est creux, non pas pour abriter le foyer qui aurait inévitablement entraîné l’incendie des parois, mais pour servir de MOULE afin de pétrifier l’autel.

Du v. 9 au v. 19, on nous décrit l’enceinte entourant le MiShKâN et l’espace de l’autel, ce qu’on appelle le PARVIS. Il est à nouveau délimité par des tentures : 45m sur 22m50, la longueur étant orientée sur l’axe Est-Ouest, ouvert côté Est. On retrouve les piliers — sans qu’il soit précisé qu’ils soient en bois de ShiTTîM recouverts de bronze, mais on suppose que c’est le cas, même si le texte peut suggérer qu’ils soient totalement de bronze — ; 20 pour chaque longueur, espacés de 2m25, chacun étant engoncé dans un socle en bronze. Au sommet, on plante des crochets d’argent pour y accrocher les tentures. L’ouverture du PARVIS, à l’Est, est délimitée par un rideau long de 9m, de même facture que les tissus du MiShKâN, avec les mêmes couleurs.

Voilà donc pour le MiShKâN et son parvis, dans lequel n’entreront, on le verra, que les lévites, le peuple restant tout autour, chacun dans son campement. À partir du v. 20, le texte s’attarde sur la confection de l’huile pour les lampes de la MeNoRaH. Il s’agit d’huile d’olive : alors là encore, trouver des oliviers en plein désert… c’est problématique, et on ne peut pas ici invoquer le fait qu’on l’ait rapportée d’Égypte, parce qu’avec la chaleur, depuis le moment de la Sortie, elle aurait 10 000 fois le temps de rancir… On a donc à nouveau l’indice d’un texte qui a été aménagé bien après le temps du désert. Maintenant, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de sanctuaire des Fils d’Israël dans le désert ; de ces Sémites, autrefois esclaves en Égypte, qui ont fait une véritable expérience du Dieu d’Abraham comme d’un Dieu Sauveur, avec Moïse, et qui vont tellement être imprégnés de cette expérience que leur témoignage va bouleverser le monde entier autour d’eux. Ça, c’est inscrit dans leur CHAIR, et ils vont le concrétiser dans leur culte au Dieu Sauveur. Alors maintenant, est-ce qu’ils ont vraiment édifié un tel Sanctuaire, aussi lourd que cher, il y a tout de même peu de chances. Et même si les rabbins orthodoxes invoquent tout simplement le miracle, la majeure partie des autres rabbins ne tombent pas dans cette facilité. Ceci dit, redisons-le : l’objectif de ces récits n’est pas de faire un rapport journalistique de ce qu’il s’est passé. Pas plus, si vous voulez, que le récit de la Création ne nous raconte journalistiquement ce qu’il s’est passé au moment de la naissance de l’Univers. Ces récits cherchent plutôt LE SENS. La ToRaH cherche ici le sens du Sanctuaire que, de quelque manière que ce soit, Moïse a fait bâtir à son peuple sous l’inspiration de HaShèM. Que plus tard, peut-être même bien plus tard, des auteurs sacerdotaux, c’est-à-dire des docteurs de la ToRaH de la caste sacerdotale, aient développé les détails du récit pour lui donner son ampleur actuelle, ça n’a dans le fond que peu d’importance. Ce qui importe, c’est que HaShèM demande qu’un Sanctuaire Lui soit construit pour résider dans son peuple, au v. 8 du ch. 25 de l’Exode.

La vraie question est alors : pourquoi ce Sanctuaire était-Il tellement nécessaire ? Parce que dans le fond, est-ce qu’on ne peut pas rencontrer Dieu partout ? Comme le dit un rabbin hassidique, « HaShèM habite partout où nous Le laissons entrer. » Il est dans la beauté et les mystères de la nature, dans l’amour et l’amitié que nous partageons avec nos semblables, dans l’impact charnel d’un rituel ou d’une célébration, dans les actions qui promeuvent la justice, la charité, la paix, la joie, etc. En soi, il n’existe pas de lieu spécifique où Dieu réside. Même quand Salomon construira le premier Temple de Jérusalem, il demandera : « Serait-il donc vrai que ‘ÈLoHîM habite sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne peuvent Te contenir ; combien moins cette Maison que j’ai bâtie ! » (1R 8,27). Donc c’est vrai, aucun Sanctuaire de pierres ne peut être le lieu unique de la Présence divine. Jésus sera complètement dans cette lignée lorsqu’il dira du Temple d’Hérode : « Détruisez ce Temple et moi je le rebâtirai en trois jours. Il parlait, dit St Jn, du temple de son corps. » Eh oui ! Parce que la véritable habitation de Dieu dans sa Création, c’est l’HOMME ! C’est la CHAIR de l’homme. Raison pour laquelle les rédacteurs sacerdotaux vont dire que les matériaux de construction étaient donnés par la générosité DES CŒURS : on l’a déjà dit : quelque part, ces tissus, cet or, cet argent, ce bronze, ce bois… tout n’a de valeur que parce qu’ils sont des DONS DU CŒUR. Dès lors, grâce au sanctuaire fabriqué avec le CŒUR, HaShèM est dans son peuple parce que le cœur du peuple est tourné vers Lui.

Dans le fond, posons-nous la question : à quoi sert un Sanctuaire ? D’abord, le Sanctuaire est là pour RASSEMBLER LA COMMUNAUTÉ de façon à ce que, grâce à lui, chacun prenne conscience qu’il n’existe véritablement QU’AU SEIN D’UN PEUPLE. Enlevez le Sanctuaire et vous n’aurez qu’une collectivité d’individus pas tellement différente, en substance, d’un hall de gare. Vous pourrez les rassembler en foules, comme dans les stades sportifs, mais ces derniers ne sont rien d’autre que des Colisées modernes chargés de distraire la populace pour qu’elle ne sombre pas dans la dépression. Le Sanctuaire est bien plus que cela : c’est un lieu de MÉMOIRE. Non pas un musée ou un Big-Data, mais un lieu où cette MÉMOIRE se découvre VIVANTE, au sens fort où cette MÉMOIRE REND VIVANT et accroche les générations les unes aux autres comme les agrafes qui permettent de joindre les toiles du Tabernacle. Cette MÉMOIRE est vivante parce qu’elle est CHARNELLE et qu’elle dépasse tout clivage idéologique. Regardez : le Sanctuaire de Moïse rassemble 12 tribus, c’est-à-dire 12 manières différentes de s’inscrire dans la MÉMOIRE de la libération qui est en train de se vivre. Mais chaque tribu s’agrafe aux autres par leur attachement commun à l’UNIQUE Sanctuaire : c’est la même histoire, même s’il y a 12 manières différentes de vivre cette histoire. C’est exactement comme, aujourd’hui, nos églises rassemblent des chrétiens de droite, de gauche, des jeunes, des vieux, des blancs, des noirs, des jaunes, des hommes, des femmes, etc. Chacun pense différemment des autres son attachement au Christ, et c’est tant mieux ! Il n’empêche que, dans le Sanctuaire, toutes ces idées disparates acceptent de déposer les armes de la contradiction pour laisser la CHAIR parler afin de ne jamais oublier ce qui compose l’âme du peuple auquel ils appartiennent, cette âme qui forge l’UNITÉ substantielle de ce peuple et le constitue comme un corps solidaire.

Vous voyez ? Alors tout ça ne se construit pas à travers des discours séducteurs censés enflammer les foules, pour mieux les manipuler. Le Sanctuaire de HaShèM, c’est un lieu de RENCONTRE, le lieu du RENDEZ-VOUS du fini avec l’infini, dans un cadre qui s’appelle l’Alliance, dont les lois ont été cadrées par le Décalogue de sorte que ce RENDEZ-VOUS soit vécu dans une pleine liberté, que le peuple puisse être lui-même face à HaShèM, et que HaShèM puisse être Lui-même face au peuple, en la personne de Moïse. HaShèM ne manipule pas le peuple, mais le fait GRANDIR. Et de l’autre côté, le peuple ne se forge pas un dieu à sa botte : il accepte d’écouter et de se laisser déplacer, guider par HaShèM, non pas seulement extérieurement mais intérieurement. Cet intérieur auquel jamais nos hauts fonctionnaires jacobins n’auront la main, eux qui se contentent de livrer les nations qu’ils gouvernent aux systèmes qui les ont mis en place. Rien de tel pour Moïse qui, précisément, est sorti du système et s’est engagé à fond pour marcher avec son peuple. Rien de tel pour Jésus qui s’est engagé encore plus avant et marche devant nous. Le Sanctuaire, comme lieu de cette MÉMOIRE de libération, est là pour tisser entre elles les générations dans l’espérance, qu’il s’agisse du Sanctuaire du désert, du Temple de Jérusalem, des synagogues, des églises catholiques et orthodoxes ou des temples protestants.

Voilà ce que le MiShKâN du désert, en tous les cas, recèle comme objectif. Peut-être, historiographiquement, n’a-t-il été qu’une simple tente au milieu des autres dans le désert. Mais les générations tardives ont compris l’enjeu qu’il portait, raison pour laquelle ils l’ont orné d’or, d’argent, de bronze ; de bois de ShiTTîM et d’étoffes rougeoyantes. Et c’est ce que nous dit le récit : cette tente, quelle qu’elle ait été, est d’une importance essentielle ! Il nous renvoie à tous nos Sanctuaires actuels qui puisent à ce sanctuaire originel leur raison d’être afin de nous signifier que nous sommes avant tout un PEUPLE, par-delà les nations auxquelles nous appartenons, et que HaShèM réside dans ce peuple en tant que Père, par son Fils. Si le ch. 27 nous le présente avec tant de splendeur, c’est parce que cette splendeur entraîne le lecteur à espérer l’avènement du Sanctuaire Final, le MiQDaSh, le LIEU SAINT éternel où Dieu sera tout en tous, comme nous le présente l’Apocalypse en ses tout derniers chapitres.

Je vous souhaite une bonne lecture de ce chapitre.

Je vous remercie.


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