18-02-2016

[Ex] 60 - L'Arche d'Alliance et la Table du Pain

Exode 25:10-30 par : le père Alain Dumont
Prescriptions pour la construction de l'Arche et de la Table du Pain de la Face.
Duration:21 minutes 11 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/l-arche-d-alliance-et-la-table-du-pain.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Dans cette vidéo, nous entrons à partir du v. 10 du ch. 25, dans la description que YHWH fait à Moïse du Sanctuaire du désert. Et on commence par le plus important, à savoir l’Arche d’Alliance. La fameuse Arche d’Alliance que retrouvera Indiana Jones dans sa première aventure ! Bref. L’Arche, c’est d’abord un coffre, ‘aRÔN en hébreu, comme on en a retrouvé un dans la tombe de TouTaNKhaMôN : un très beau coffre muni, à la base, d’anneaux dans lesquels coulissaient des barres pour le transport. Chaque barre était munie d’une bague à son extrémité intérieure pour qu’on ne puisse pas les désolidariser de la base du coffre. On y mettait sans doute des vêtements, ou des ornements, on ne sait pas trop.

En ce qui concerne l’Arche de Moïse, celle-ci est construite, dit le texte, en bois de ShiTTîM, c’est-à-dire en ACACIA. Alors si c’est la variété d’acacia du désert, elle a un tronc tourmenté, très noueux ; c’est un bois très serré et extrêmement dur dont les branches sont recouvertes d'épines de trois à cinq centimètres. Au demeurant, c’est avec ce bois que sera tressée la couronne du Christ. Difficile en tout cas d’envisager de pouvoir en tirer des planches. Mais il n’est peut-être pas impossible non plus qu’à l’époque, il ait pu exister une variété plus élancée. Ceci dit, une fois le bois trouvé, il faut donc en tirer les planches nécessaires pour bâtir le coffre dont les dimensions nous sont données en COUDÉES, c’est-à-dire la longueur qui part du coude jusqu’à l’extrémité des doigts, approximativement 45cm. Ça nous fait en gros un coffre de 1m10 de long sur 70cm de large et 70cm de haut, le tout étant moulé de feuilles d’or. Et on retrouve les 4 anneaux à la base pour le transport, dans lesquels on coulisse les barres avec un système semblable à celui du coffre de TouTaNKhaMôN pour les y attacher. Ceci posé, regardons plus attentivement l’énoncé des mesures : longueur = deux coudées ET DEMIE ; largeur = une coudée ET DEMIE ; hauteur = une coudée ET DEMIE… Comme s’il y avait dans les dimensions de cette arche l’idée d’un DÉPASSEMENT DE LA MESURE qui inscrit en elle une sorte de dynamisme, une propension à rayonner au-delà d’elle-même… Avec ces mesures « et demi », c’est comme si l’Arche était faite pour danser, en quelque sorte. Alors que par contraste, on dira de l’Autel qu’il mesure 5 coudées sur tous ses côtés, ce qui évoque un autel complètement statique, posé là. Figé ! Il ne bouge pas. Ça nous donne déjà une idée de ce que l’Arche représente : pour ainsi dire, rien que par l’énoncé des mesures, on nous dit qu’elle est plus qu’un coffre. Alors d’accord, mais quoi ? Qu’est-ce qu’elle est ? Eh bien là, comme d’habitude, il faut explorer les mots.

‘aRôN, l’ARCHE, est un mot hébreu construit sur la racine ’oR, c’est-à-dire la LUMIÈRE. Mais pas n’importe quelle Lumière : la Lumière des origines, celle qu’‘ÈLoHîM a créée le PREMIER JOUR, alors même que les astres, et notamment le soleil, n’existent pas encore. C’est donc une Lumière particulière ; c’est la Lumière de la Vie — d’ailleurs, le récit de la Création ne dit jamais : « Et Dieu créa la vie » ; il crée les astres, la terre, la mer, les végétaux, les animaux, les hommes, mais jamais il n’est dit littéralement, qu’il crée la vie. Mais il est dit qu’il crée cette LUMIÈRE, ‘oR, qui est la Vie, mais la Vie en tant qu’elle rayonne. Souvent, on pense que la vie, c’est du pur fonctionnement ; or la Vie, avec un grand V, est infiniment plus que du fonctionnement ! Cette Vie, en profondeur, est faite pour RAYONNER. C’est la Lumière qui se donne à voir par exemple par le sourire qui fait rayonner un visage, qui traduit visiblement une émotion invisible et qui lui donne de pouvoir être partagée. Voilà, en quelque sorte, ce que représente cette ‘oR, cette LUMIÈRE si particulière qui appartient à l’être même de l’Arche. L’Arche est faite, disent les rabbins, pour RECEVOIR, cette LUMIÈRE de Vie. Non pas pour la voiler, mais pour l’ACCUEILLIR, pour l’abriter et donc pour la PARTAGER. Si on se souvient que, pour la Bible, est vivant ce qui donne la Vie, alors on peut dire qu’en recevant, en contenant la Lumière primordiale pour la partager au Nom de YHWH, cette Arche est proprement VIVANTE ! Et là on comprend alors le sens de ses mensurations qui rajoutent toutes « UN DEMI » pour évoquer cette Vie dont l’Arche est habitée ! Cette notion appartient vraiment à la tradition, et on comprend mieux pourquoi, à l’époque des Pères de l’Église, on donnera à la Vierge Marie le titre de NOUVELLE ARCHE D’ALLIANCE ! Parce qu’elle recueille, non plus la Lumière primordiale mais la Source même de cette Lumière qui est le VERBE créateur, la MeMRaH de YHWH, pour la partager au monde et lui donner de prendre CHAIR. Si on comparait la Vierge simplement à un coffre, il faudrait que la ligue des droits de la femme y mette son nez ! Mais si, précisément, dès qu’elle paraît, l’Arche inscrit dans son nom même le fait qu’elle soit vivante, alors là, il n’y a plus de problème ! En ce sens, un autre titre de la Vierge vient jouer ici : elle est la NOUVELLE ÈVE, c’est-à-dire LA VIVANTE, celle qui DONNE LA VIE. N’oublions jamais qu’en Christ, rien n’est donné qui n’ait été préparé de longue date au cœur de l’histoire d’Israël qui précède. Eh bien ici, on peut dire qu’avec la conception de l’Arche de l’Alliance comme une Arche de Vie recueillant la Lumière primordiale, est posée la première fondation du grand mystère de l’INCARNATION où Marie est la NOUVELLE ARCHE D’ALLIANCE, recueillant cette fois l’auteur même de la Vie. D’ailleurs, Jésus ne dira-t-il pas de Lui-même, dans le Temple de Jérusalem, qu’Il est la Vraie Lumière ? La Lumière de la Vie ? Vous voyez ? Tout ça joue ici.

Le v. 16 quant à lui précise que ce coffre est fait pour contenir « le Témoignage » que YHWH donnera à Moïse. Alors là, c’est un terme typique de la rédaction sacerdotale dont on a parlé lors de la dernière vidéo et qui signifie l’ATTESTATION DE LA VOLONTÉ ET DE LA FIDÉLITÉ de YHWH. C’est par ce terme que le rédacteur sacerdotal désigne les deux tables de la ToRaH qui seront bientôt données à Moïse : les TABLES DU TÉMOIGNAGE, raison pour laquelle l’Arche sera parfois appelée à son tour : l’ARCHE DU TÉMOIGNAGE.

On pose alors sur le coffre un couvercle — que le français traduit souvent par « PROPITIATOIRE ». PROPITIATORUM, en latin, vient du verbe PROPITIO qui signifie offrir un sacrifice expiatoire, c’est-à-dire pour invoquer le pardon. Plus tard, au jour du Yom KiPPouR, le Grand Prêtre versera en effet sur ce couvercle le sang des sacrifices, un rite par lequel il invoquera le pardon de YHWH face au péché du peuple. D’où cette traduction par PROPITIATOIRE. Sur le couvercle sont placés deux KéROuBîM — Il vaut mieux prononcer l’hébreu, pour éviter de confondre avec les chérubins représentés comme ces angelots joufflus imaginés par la Renaissance. Alors, qu’est-ce qu’un KeROuB ? C’est au sens propre un ANGE GARDIEN INTERCESSEUR qui apporte les prières des hommes devant Dieu ! Le problème, c’est qu’aujourd’hui, l’ange gardien est représenté comme un poupon un peu mièvre — peut-être suite à une mauvaise lecture de l’Évangile de Mt 18,10 qui les associe aux enfants. On les imagine façon « Nounou », alors qu’en réalité, ce sont des êtres d’une grande majesté ! Dans le Temple de Salomon, LES KéROuBîM font 4m50 de haut sur 4m50 d’envergure, c’est vous dire ! Le 1er Livre des Rois les décrit les ailes déployées dans toute la largeur du Saint des Saints, gardant l’Arche d’Alliance entre eux deux. / Ezéchiel, lui, les identifie à des animaux (Ez 10,15.20.22), une espèce d’êtres hybrides à la morphologie de Sphinx : un corps de quadrupède, un taureau ou un lion, avec des ailes constellées d’yeux et un visage qui peut être quadruple : une face d’homme, une face de lion, une de taureau et une d’aigle, dit Ézéchiel (Ez 1,10) ; elle est plus souvent double : une face d’homme et une face de lion. (Attention, ce ne sont que des représentations d’être irreprésentables — difficile de mettre des mots sur les réalités célestes) / Dans la Bible, ce sont LES KéROuBîM qui gardent l’accès de l’Arbre de la Vie (Gn 3,24). On a d’ailleurs des représentations des KéROuBîM assyriens gardant ce genre arbre mythique de la même manière qu’ils gardent ici l’arche, en l’entourant de leurs ailes. / Ils forment le trône de YHWH (1S 4,4 ; 2R 19,15 ; Ps 80(79),2 ; Is 37,16), donc un trône vivant qui fend les airs (2S 22,11 ; Ps 18(17),11). De tout ça, il ressort que là où sont les KéROuBîM, là est YHWH. Ils ont donc une fonction THÉOPHANIQUE : ils manifestent la présence divine et leur face est constamment tournée vers YHWH. Mais en même temps, étant dans le Saint des Saints, c’est par eux que remonte la prière du Grand Prêtre vers YHWH. Donc ils sont en même temps comme une sorte de canal entre YHWH et les hommes. Ceci dit, plutôt que des corps humains ailés, il serait sans doute plus inspiré de représenter sur le propitiatoire des SPHINX ailés, avec les ailes déployées vers le haut et la face dirigée vers le couvercle en signe d’adoration. Et comme ils sont porteurs de la manifestation de YHWH, il est logique que ce soit de là que YHWH s’adressera à Moïse à l’occasion de leurs rencontres, comme le précise le v. 22.

Maintenant, pourquoi DEUX KéROuBîM ? Eh bien, disent les rabbins, parce que s’il y en avait eu qu’un seul, les hommes auraient été tentés de l’adorer comme un dieu ! Et ils n’ont pas tort ! L’unicité n’appartient qu’à YHWH ! Ce qui est de l’ordre de la création est marqué en revanche par le chiffre 2. Par exemple, uand ‘ÈloHîM crée, c’est en séparant deux par deux, en Gn 1. Ben Sirac l’énonce très clairement : « Considère toutes les œuvres du Très-Haut : elles sont deux à deux, l’une en face de l’autre » (Si 33,15). Et un peu plus loin : « Toutes choses vont par deux, l’une en face de l’autre, et [le Seigneur] n’a rien fait d’incomplet ; l’une assure le bien de l’autre. Qui se rassasiera de voir sa Gloire ? » (Si 42,24-25). Donc étant des êtres créés, le statut créé des KéROuBîM est signifié par leur double représentation. Et c’est vrai que là, on limite les dangers de leur adoration à la place de YHWH.

Du v. 23 au v. 30, on nous décrit alors, littéralement, la TABLE DES PAINS de la FACE. On parlera plus tard de la Table des Pains de Proposition, pour signifier le fait que ces pains sont posés devant YHWH. Le fait qu’elle soit nommée juste après l’Arche dit son importance ! Là encore, on a un reliquat des sanctuaires égyptiens : devant la divinité, une table était disposée pour recueillir les mets sensés lui servir de nourriture, sachant que cette offrande étant symbolique et qu’elle servait in fino à nourrir les prêtres. Évidemment, la Table du Sanctuaire de Moïse ne peut pas se prévaloir d’une telle finalité ! Il ne peut en aucun cas s’agir de nourrir YHWH, quand bien même les pains, c’est vrai, serviront à nourrir les prêtres ne fois déposés de la table ! En réalité, cette table va revêtir un sens très fort : elle va symboliser en quelque sorte TOUTES LES TABLES D’ISRAËL ! Je m’explique. La table représente le lieu où l’homme prend ses repas. Elle symbolise donc la nourriture humaine, non pas simplement comme moyen d’alimentation mais comme moyen de RELATION. Manger, pour l’homme, c’est avant tout un moment RELATIONNEL. Quelqu’un qui mange seul s’alimente, mais il ne se « nourrit » pas véritablement, parce qu’un autre, une AUTRE FACE, en vis-à-vis, lui manque. C’est dire à quel point la nourriture n’est jamais seulement extérieure, mais intérieure ; ou plutôt jamais seulement corporelle, mais CHARNELLE. C’est la notion de REPAS qui dit infiniment plus que le simple fait de « faire à manger ». Et donc, mettre une TABLE devant YHWH, dans son Sanctuaire, c’est mettre symboliquement TOUTES LES TABLES d’Israël devant YHWH, devant LA FACE de YHWH, et c’est dire que tout REPAS, parmi les Fils d’Israël, devient un acte saint, à part ; un acte qui se place volontairement devant la FACE YHWH. Un acte dont YHWH n’est donc jamais absent et dont la relation du peuple avec YHWH constitue le sens profond. Là, il y a un rapport du monde créé au monde spirituel très très fort qui motive l’action de grâce à chaque bouchée, à chaque gorgée, à chaque saveur par laquelle YHWH signifie sa Présence ; mais aussi à chaque parole échangée, si tant est que ces paroles soient des paroles de qualité, c’est-à-dire répondant aux commandements de vie de YHWH. À table, une famille israélite pieuse, par exemple, parle de ToRaH, discute, argumente, et élève son âme. Non pas uniquement à travers des paroles pieusardes, mais à propos de l’actualité, des problèmes de famille, du boulot, de l’éducation, de la vie de couple, etc. etc. Donc tout ce dont discute habituellement une famille normale qui ne se contente pas de déléguer la parole à la télévision ou à la radio, mais pose la sienne propre, inspirée de ce face-à-face avec YHWH. De ce point de vue, les chrétiens auraient intérêt à prendre exemple : nos frères protestants sont de ce point de vue beaucoup plus aguerris à ce genre d’échange où chacun, notamment le dimanche, parle des Écritures, argumente, interprète, etc. Ce qui demande évidemment de connaître cette Écriture, mais précisément : parler d’Écritures, se laisser habiter par elles, c’est le moyen le plus excellent pour que ces Écriture deviennent CHAIR, et une CHAIR nourrissante !

Quoi qu’il en soit, la TABLE est ainsi comme élevée au rang d’AUTEL FAMILIAL, pour ainsi dire, auquel chacun est invité, y compris le pauvre, la veuve et l’orphelin. Le Talmud, dans le Traité MeNaHoTh qui traite de la question des offrandes, n’a d’ailleurs pas peur de dire que si l’Autel du Temple a aujourd’hui disparu, la table familiale a pris le relais, notamment concernant les sacrifices d’expiation (Men 97a) : le repas a une valeur expiatoire si on s’y présente en état de pureté rituelle et qu’il débouche sur des œuvres de charité. Les chrétiens ne parleraient pas tellement différemment de la table eucharistique qui, précisément, maintient vive la relation au Père par le Christ Jésus qui se donne Lui-même en NOURRITURE ! Une table eucharistique qui, d’une certaine manière, convoque toutes les tables familiales chrétiennes — puisque normalement, on vient célébrer l’eucharistie en famille — à devenir un lieu de sainteté ; raison pour laquelle, normalement, un chrétien ne commence pas à manger sans avoir béni Dieu de ses bienfaits ; une bénédiction qui relaie la grande bénédiction divine prononcée à chaque eucharistie et qui célèbre de la Résurrection du Christ. En tout cas, le rapprochement de la TABLE DES PAINS DE LA FACE dans le Sanctuaire de Moïse avec l’Eucharistie est d’autant plus pertinent qu’on n’y déposera rien d’autre que du pain, à savoir 12 pains posés devant la Face de YHWH, renouvelés chaque semaine. Le vin eucharistique, quant à lui, le fameux sang de la grappe comme l’appelle Gn 49,11, est à mettre en relation avec le sang des sacrifices versé sur l’Autel. Comme quoi les liens entre l’Eucharistie et les sacrifices de l’AT ne sont pas à négliger ! À nouveau, Jésus n’ajoute rien : il mène à son accomplissement. Bien, toujours est-il que les v. 23 à 30 nous décrivent cette Table. Elle est étroite : longue d’environ 90Cm, 45cm de large, haute de 70cm. Le bois est recouvert de feuilles d’or, et elle comporte des anneaux pour le transport dans lesquels on glisse des barres. Sauf que cette fois, les barres ne sont plus solidarisées avec le meuble.

Voilà. Nous avons déjà de quoi méditer ces versets. La prochaine fois, nous verrons la confection du chandelier, ainsi que les toiles et les couvertures de la Tente, au ch. 26. Je vous souhaite une bonne lecture.

Je vous remercie.
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