04-11-2015

[Ex] 50 - Ne craignez pas !

Exode 20:18-21 par : le père Alain Dumont
Comment le peuple va-t-il réagir aux Paroles de YHWH proclamées dans les tonnerres, les flammes et la clameur du ShoPhaR ?
Duration:17 minutes 19 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/ne-craignez-pas.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous avons terminé la lecture du Décalogue lors de la dernière vidéo, mais avant de lire immédiatement la suite, il faut au moins évoquer l’autre moment où Moïse redonne le Décalogue, au début du livre du Deutéronome, au ch. 5, quarante ans plus tard ! Cette répétition montre à elle seule toute l’importance de ce Décalogue puisqu’elle encadre toute la période au pied du Mont HoReB. Ces deux proclamations forment une vaste inclusion littéraire qui manifeste l’unité et la cohérence de cette période fondatrice de TOUTE l’histoire des Fils d’Israël jusqu’à aujourd’hui ! Ceci dit, le Décalogue sera repris d’autres fois, de manières assez libres… par exemple dans le livre du Lévitique : « Vous ne volerez pas, vous ne mentirez pas, vous ne vous tromperez pas les uns les autres. Vous ne prêterez pas de faux serments par mon Nom : tu profanerais le nom de ton ÉLoHîM : je suis YHWH ! » (Lv 19,11-12). Dans le fond, on peut dire que la Bible dans son ensemble est un vaste commentaire du Décalogue dont les commandements négatifs expriment les fondamentaux qui permettent de ne pas sortir de l’Alliance ; comment ne pas retomber en esclavage et donc mettre en œuvre la LIBERTÉ CRÉATRICE qui est la marque de l’homme en plénitude ! Retomber en esclavage et perdre la vie, voilà ce que la Bible appelle précisément le « péché », dont la base est la désobéissance aux commandements du Décalogue, c’est-à-dire le REFUS des fondamentaux qu’il présente. C’est un peu paradoxal, mais pour être LIBRE, l’homme n’est pas libre de refuser ces fondamentaux, pas plus d’ailleurs que YHWH en Personne à qui s’imposent ces mêmes fondamentaux.

Maintenant, on vient de prononcer un mot important : celui de PÉCHÉ. Pour la Bible, il ne peut y avoir de péché qu’à partir où des commandements sont formulés. Le péché n’est pas la faute morale, mais un acte de désobéissance aux fondamentaux exprimés par le Décalogue. On aura largement l’occasion d’y revenir, mais disons déjà que la problématique de la Bible n’est pas de condamner le péché, mais de le manifester, ce n’est pas la même chose. Si le but de la Bible était de condamner le péché, il n’y aurait pas de place pour la miséricorde ! Si en revanche elle le manifeste, sur la base du Décalogue, c’est pour que l’homme découvre en lui la LIBERTÉ qui consiste à sortir des chemins de mort et à choisir le chemin de la vie. Mettre le péché en lumière, c’est une manière d’affirmer que le bien est à notre portée, mais qu’il est toujours le fruit d’un CHOIX LIBRE. Un choix qui nous porte vers la CRÉATIVITÉ au service de la VIE. Du coup, le Décalogue n’est pas seulement un catalogue de fautes, mais une cartographie des appuis fondamentaux de la vraie LIBERTÉ ; sans lesquels elle ne peut tout simplement pas s’exercer. Pour le dire autrement, l’homme libre n’est pas celui qui fait ce qu’il veut en ne renonçant à rien — le fameux “il est interdit d’interdire” —, mais celui qui sait que sa liberté n’a de réalité qu’à la mesure des renoncements listés par le Décalogue et qui constituent, pour ainsi dire, la piste d’envol de toute liberté ; le tarmac sans lequel elle ne pourra jamais prendre son essor. Il ne s’agit pas de renoncer à tout, mais à tout le moins de renoncer à ce que le Décalogue présente comme la base de tout : l’homme libre renonce à vénérer d’autres divinités que YHWH ; renonce à assassiner, à adultérer, à voler, ou même à se rendre complice de tels actes ; et pour se garder de tomber dans ces esclavages, il choisit de renoncer à toute convoitise. À partir de là, l’homme se donne les moyens d’être LIBRE, de faire ce qu’il veut, parce que sur une telle base de renoncement, cette LIBERTÉ-là sera CRÉATRICE DE VIE et LIBÉRATRICE ; et elle sera INFINIE parce qu’elle est UNIE À LA VOLONTÉ LIBRE DE YHWH. C’est sur cette base que le Nouveau Testament manifestera l’union parfaite de la volonté libre du Christ Jésus à la volonté libre du Père. Par cette LIBERTÉ-là, l’homme se découvre véritablement à l’image de YHWH, puisque YHWH le Premier n’assassine pas, n’adultère pas et ne vole pas. Allez lire toutes les mythologies du monde : les théogonies sont remplies de meurtres, d’adultères et de vols entre les divinités… La ToRaH, non. Alors vous me direz : mais il y a de la violence dans la Bible ! Oui, mais nous verrons au fil de la lecture, que YHWH travaille cette violence de l’intérieur précisément pour en libérer l’homme. Et ça demande du temps… Beaucoup de temps.

En tout cas, ça nous explique pourquoi le Décalogue articule les fautes contre YHWH et les fautes contre l’homme, avec entre les deux l’attachement positif à YHWH par l’observance du ShaBaT et aux parents par la glorification des fils. C’est sur cette articulation que vont se déployer tous les récits bibliques qui ne racontent pas l’histoire de héros parfaits, mais dénoncent les fautes pour manifester comment YHWH met son peuple en marche sur le chemin de la LIBERTÉ : pensez à David qui tue le mari de Bethsabée dont il lui a volé la femme pendant qu’il était au combat ? Pensez à AH.’aV, le roi d’Israël, qui convoite les vignes de NaVoTh que Jézabel n’hésitera pas à tuer pour satisfaire son mari… tout cela n’est pas très joli, mais c’est néanmoins dans ce terreau que YHWH travaille pour faire advenir la Création à son accomplissement. Et puis il y aura les prophètes : AMOS qui dénonce le peuple qui « vend le juste pour une paire de sandales », ou « le fils et le père qui vont à la même fille pour profaner le Nom de DIEU… » (Am 2,6-8). OSÉE, ce magnifique prophète sans qui la Bible ne serait pas ce qu’elle est ; le premier à oser parler de l’Alliance entre YHWH et son peuple comme d’une relation conjugale entre un époux et son épouse adultère : « YHWH est en procès contre les habitants de la Terre ! Il n’y a ni vérité, ni fidélité, ni connaissance de ’ÈLoHîM sur la terre, mais parjure et félonie, assassinat, vol, adultère et violence, les sangs versés touchent les sangs versés ! (c’est-à-dire : il y a meurtre sur meurtre) » (Os 4,1) Et puis il y aura Jésus : rappelez-vous l’épisode du Jeune Homme Riche qui Lui demande ce qu’il faut faire de bon pour avoir la vie éternelle. Et Jésus de lui répondre : « Garde les MiTsVoT, les commandements : n’assassine pas, n’adultère pas, ne vole pas, ne fait pas de témoignage mensonger, glorifie ton père et ta mère et aime ton prochain comme toi-même. » (Mt 19,18) Là, Jésus évoque les dernières paroles du Décalogue auxquelles il ajoute le commandement du livre du Lévitique qui les résume en termes positifs (Lv 19,18). Donc le Décalogue reste bien la colonne vertébrale de tout cet ensemble qui va de Moïse à Jésus, une colonne vertébrale sur laquelle seront chargés de veiller les Prophètes.

Alors reprenons la lecture, au v. 18 : « Tout le peuple voyait les voix des tonnerres, les flammes, le son du cor et la montagne fumante… » On se croirait dans un film de Spielberg. Et le Targum d’en rajouter — vous vous souvenez : le targum, c’est la version araméenne de la Torah qu’on proclamait à la synagogue pour que les gens comprennent : « Tout le peuple voyait des voix et comment elles se transformaient aux oreilles de chacun, et comment elles sortaient du milieu des flammes, et comment le son de la corne ressuscitait les morts, et la montagne fumante… » C’est Indiana Jones ! Alors quand le texte nous raconte que le peuple vacille de peur, à la fois la mise en scène est donnée pour ça, mais il faut comprendre que cette peur, quelque part, est aussi celle de la mission que les Fils d’Israël perçoivent à partir de ces 10 paroles qu’ils reçoivent et qui vont bouleverser le monde entier ! Parce qu’avant d’être à la hauteur de la tâche, il faut soi-même s’être laissé forger, bouleverser, façonner charnellement par ces paroles, sans quoi on n’est pas crédible. Parce que c’est ça, la Parole de DIEU ! Non pas simplement un catéchisme qu’on rabâche, mais une parole qui est un glaive à double tranchant, comme dit l’épître aux Hébreux (4,12-13), qui nous charcute les tripes, nous les remue pour nous éprouver au feu de la LIBERTÉ et nous faire sortir ce que nous avons de meilleur !

Alors que fait le peuple ? Il se met à distance. Pourquoi ? Parce qu’il fait l’expérience du SACRÉ. Il n’y a pas que ce monde d’ici-bas sur lequel on greffe un au-delà imaginaire. Il y a un au-delà de ce monde, le monde du TEMPS, qui est celui de YHWH, et qui surgit dans le monde de l’espace en le bouleversant pour le travailler de l’intérieur en vue du BEAU, en vue du BIEN. Voilà qui est absolument nouveau. Avant, comme en Égypte, le monde des dieux et celui des hommes étaient parallèles, et quand par malheur, les dieux se mêlaient de visiter celui des hommes, c’était la catastrophe assurée ! Là, c’est au contraire pour faire surgir la vie que YHWH se manifeste, et c’est alors que commence l’Histoire, avec un grand H, où les hommes s’ouvrent à une mission, à un challenge dont ils ne maîtrisent rien, sinon la LIBERTÉ CRÉATRICE par laquelle ils acceptent de s’engager dans l’Alliance. Et ça fait peur ! Sauf que connaître la peur, comme disait Panoramix dans Astérix et les Normands, c’est le seul moyen pour découvrir ce qu’est le vrai courage ! Alors que fait le peuple ? La même chose que devant la Mer des Roseaux quand l’Égypte tentait une ultime fois d’anéantir les Fils d’Israël : ils s’en remettent à Moïse. Mais alors que spontanément, on aurait pensé qu’ils lui disent : « Toi, va parler à DIEU », le texte, lui, est plus subtil : « Toi, parle-nous et nous écouterons ! » Là, Moïse est reconnu, non comme prêtre qui parle à DIEU au nom du peuple qu’il représente, mais comme PROPHÈTE ; c’est-à-dire celui à qui DIEU parle, non pas seulement en lui dictant des paroles à répéter, mais en le travaillant de l’intérieur, charnellement, et qui transmet à travers TOUT SON ÊTRE la Parole reçue. Et ça va loin puisque désormais, lorsque Moïse parle, c’est YHWH qui parle. On perçoit encore une fois la portée gigantesque, unique, de la figure de Moïse, et l’espérance qui surgit lorsqu’à la fin du Deutéronome, il dira au peuple : « Le Seigneur vous enverra un prophète comme moi… » Qui sera-t-il ? Grande question !

En attendant, que dit le prophète ? Il révèle au peuple que ce qu’il ressent comme une menace relève en réalité de l’ÉPREUVE : « C’est pour vous ÉPROUVER que DIEU est venu ! », dit le v. 20. L’épreuve, c’est la menace transformée en convocation à CHOISIR LA VIE. Voilà le mont HoReB. C’est le lieu où, par Moïse, le peuple commence à apprendre à CHOISIR LA VIE. Et en choisissant la vie, c’est YHWH qu’il choisit, comme celui qui n’écarte pas le danger, mais donne le courage de le traverser. C’est pour « que vous ne péchiez pas », répond Moïse, cit autrement : pour que vous ne vous livriez pas aux puissances de mort. Donc l’événement de l’HoReB est donné comme une ÉPREUVE, pour que les Fils d’Israël saisissent viscéralement, charnellement, la puissance de VIE que YHWH dépose en eux. Une puissance de VIE VIVIFIANTE, c’est-à-dire qui DONNE LA VIE.

Alors certes, le peuple ne montera pas sur la Montagne. Du moins, pas encore : il faudra attendre Jésus pour commencer à prendre ce chemin. Mais en attendant, le peuple observera le ShaBaT. Pourquoi ? Parce que l’HoReB, c’est un événement, un lieu ; et ce lieu n’est pas tant lié au peuple qu’à MOÏSE. Moïse va monter sur la Montagne à la rencontre de YHWH, mais le peuple, lui, rencontrera YHWH dans le ShaBaT. Autrement dit, le peuple n’est pas lié à la Montagne de l’HoReB, parce que sinon, il aurait fallu qu’il n’en bouge jamais. Moïse, lui, est lié à l’HoReB, au Sinaï, raison pour laquelle, sans doute, il n’entrera pas en Terre de la Promesse. Le peuple, lui, est chargé de traverser les années, les siècles, les millénaires… Et pour ça, il ne doit pas être attaché à la Montagne, mais au ShaBaT. Plus tard, par la fête de ShaVou’oT, la Pentecôte, le peuple fera mémoire du don de la Torah au Sinaï, mais pas pour y venir en pèlerinage… C’est d’abord le ShaBaT qui le renvoie spirituellement à l’HoReB comme la source de sa mission, de génération en génération. Au cœur même de l’événement, c’est donc à Moïse seul de monter, et là, la séquence de la Théophanie se termine. Elle avait commencé à la fin du chapitre 19, au v. 25, avec Moïse qui était descendu pour parler au peuple de la part de YHWH. Le voici qui remonte, non pas tant, donc, pour parler avec YHWH que pour rapporter les Paroles qu’il entendra sur la Montagne au nom du Peuple et pour le Peuple. Moïse est vraiment le premier et le grand Prophète d’Israël.

Je vous souhaite une bonne lecture des v.18 à 21 du chapitre 20 du Livre de l’Exode.

Je vous remercie.
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