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04-11-2015

Thème 7b — Du ShaBaT au Dimanche (2:2)

par : le père Alain Dumont
Si le Christ a ouvert le temps du 8e Jour par sa résurrection, comment se fait-il que le monde entier ne le reconnaisse pas comme le Messie promis ? Et depuis qu'a été ouvert le 8e jour, le 7e jour — le ShaBaT — n'est-il pas obsolète ? La religion juive n'est-elle pas définitivement dépassée ?
Duration:20 minutes 51 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/du-shabat-au-dimanche-2-2.html)
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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Lors de la première vidéo sur l’articulation entre le ShaBaT et le Dimanche, on a pressenti la richesse qui était inscrite dans le passage du 7e JOUR de la Création à son accomplissement que représente le 8e JOUR. Et nous avions conclu sur une note un peu dubitative : tout ça, c’est bien joli, mais ça n’est pas vraiment évident… Ça semble même un peu long à se mettre en place. Or précisément, que ce 8e JOUR ne s’impose pas par l’évidence n’est pas du tout le signe d’un dysfonctionnement du dessein de SALUT de YHWH, au contraire : c’est le signe d’une GRÂCE de la part d’un DIEU qui n’est décidément pas en mal d’imagination pour stimuler notre curiosité ! C’est ce que nous allons essayer de considérer dans cette seconde partie.

D’abord, d’où vient la difficulté de reconnaître cet accomplissement ? Tout bonnement de ce que, dans nos fantasmes hégémoniques, nous voudrions que ce que nous jugeons, nous, être le meilleur s’impose aux autres comme une ÉVIDENCE IMMÉDIATE. Sauf que le propre de l’évidence immédiate est de ne pas tenir compte de la LIBERTÉ ! Par exemple : l’aurore paraît avec les premières lueurs du soleil est une évidence immédiate qui s’impose à tous. C’est un FAIT sur lequel notre liberté n’a pas de prise et qui s’impose à la raison comme une ÉVIDENCE IMMÉDIATE. Nier ce fait serait juste stupide. Emmanuel Kant parlerait ici de CONNAISSANCE A PRIORI, au sens où un donné précède l’expérience et s’impose à elle. Maintenant, est-il possible qu’une pure IDÉE s’impose comme une évidence immédiate et universelle ? Là, c’est plus délicat. Je vais essayer de faire simple : prenons Marx. Il réfléchit, il élabore son Manifeste du Parti Communiste dans lequel il livre ce qui, POUR LUI, est une évidence, mais une évidence qu’on appelle TERMINALE — Kant dirait ici A POSTERIORI —, c’est-à-dire qui apparaît après un travail réflexif d’analyse. Par exemple, il est évident pour Marx que toute l’histoire humaine se résume dans la lutte des classes dominantes contre les classes oppressées. Pourquoi pas ? Sauf que Marx en est tellement convaincu qu’il va vouloir imposer cette ÉVIDENCE TERMINALE comme une ÉVIDENCE IMMÉDIATE à toute la société ! Et c’est là que ça coince, parce que pour ça, il va utiliser le seul moyen possible : l’ENDOCTRINEMENT secondé par la violence à l’encontre de tous ceux qui s’y opposeront. La révolution française est passée par le même processus, le nazisme, idem ; le néo-capitalisme, idem ! TOUS LES FANATISMES passent par ce processus. Sauf que, ce faisant, on retire aux hommes ce qui les constitue en propre : à savoir leur LIBERTÉ CRÉATRICE, pour la réduire à un DESTIN devant lequel la seule alternative est de se PLIER sous la contrainte à l’ÉVIDENCE imposée comme immédiate. Pour Marx, le DESTIN de l’humanité, c’est la lutte des classes ; pour Hitler, c’est l’établissement souverain de la race arienne ; pour la révolution française, c’est le triomphe des Lumières ; pour le néo-capitalisme, c’est le règne absolu de la finance par la concentration des capitaux, etc. Or TOUS ces fanatismes partent d’une ÉVIDENCE TERMINALE — après réflexion, je déduis que… — pour l’imposer comme une ÉVIDENCE IMMÉDIATE à l’ensemble de l’humanité. C’est ce qu’on appelle l’HÉGÉMONISME, ou plus généralement l’idéologie : j’impose MON IDÉE, parce que pour MOI, elle est évidente, et les autres — les fameux “ringards”, les « réactionnaires » — doivent se soumettre ou mourir.

Bref. Imaginons maintenant que, par malheur, le Christ soit apparu définitivement dans sa Gloire, dès la première visite à ses disciples après sa résurrection, comme une ÉVIDENCE IMMÉDIATE… Alors les disciples auraient été CONTRAINTS, non plus de CROIRE, mais de se PLIER À L’ÉVIDENCE qui se serait imposée à eux. Finie la liberté. Quelque part, c’est sûr que ça semble plus efficace ; mais quelque part aussi, c’est homicide. Et donc diabolique. Parce que ce qui est divin, c’est d’engendrer à la LIBERTÉ CRÉATRICE ; donc quand le Christ Jésus ressuscite, et quand il communique l’ESPRIT, c’est pour renouer avec le travail de CO-CRÉATION ; pour remettre en selle la LIBERTÉ CRÉATRICE de l’homme, et non pour le rendre esclave d’un projet qui serait devenu dictatorial.

Dit autrement, si le 8e JOUR était entré dans l’histoire du monde comme une évidence immédiate — ce qu’au demeurant nos frères juifs attendent, raison pour laquelle Jésus, pour eux, n’est pas le Messie. Quand le Messie attendu par les Juifs viendra, il s’imposera par l’évidence ET aux Juifs, ET aux nations —. Donc, si le 8e jour était entré dans le monde comme une évidence a priori, exit la LIBERTÉ CRÉATRICE !!! Ce serait l’ouverture du banquet éternel, mais entièrement préparé par en haut, sans aucune collaboration de l’homme, et donc un banquet dont nous serions non plus les convives, mais de purs zombies attachés à leur chaise avec l’obligation de consommer… Ce serait l’enfer. Rien à voir avec le grandiose 8e JOUR inauguré par le Christ Jésus. Donc, si on a compris ce qui précède, si le 8e JOUR ne peut pas s’imposer comme une évidence immédiate, c’est pour la raison que YHWH poursuit cette convocation de l’homme à la LIBERTÉ. Comme l’écrit saint Pierre, c’est POUR NOUS que DIEU PATIENTE (2P 3,15), avant de tout sceller dans la venue définitive de son Fils. Donc c’est une GRÂCE ! Le 8e JOUR a déjà commencé, puisque le Christ a parfaitement revêtu son rôle de CHEF — rappelez-vous la comparaison avec la cuisine de la dernière partie — : par sa LIBERTÉ CRÉATRICE, il a ouvert les portes de la Salle des Noces éternelles en réconciliant l’humanité avec la volonté du Père qui est de faire des hommes des CO-CRÉATEURS. Seulement voilà : pour Jésus, cette LIBERTÉ CRÉATRICE s’est affirmée par la traversée de la Passion par laquelle la mort a été réduite à néant ; et à sa suite, pour nous, la LIBERTÉ CRÉATRICE passe par le choix de traverser, à notre niveau, le mal qui habite encore ce monde. Viendra un moment où le mal atteindra un COMBLE, c’est-à-dire qu’il ne sera plus possible de trouver la moindre fissure pour espérer faire passer une seule parcelle de lumière ; autrement dit, viendra un moment où le COMBLE du mal manifestera un point de NON-RETOUR définitif au projet de VIE qui dynamise la CRÉATION, et là, l’Apocalypse nous promet la VENUE EN GLOIRE du Messie. Là, le Christ sera en évidence pour tous les hommes, mais pas en évidence immédiate : en évidence terminale, c’est-à-dire que cette évidence se présentera comme le fruit manifeste d’une mûre expérience portée par les générations successives qui auront choisi de s’attacher à la personne du Christ Jésus pour le suivre.

Cette venue en Gloire scellera l’œuvre DIVINO-HUMAINE de la Création pour la faire entrer dans la salle des Noces éternelles et nous faire goûter au festin que l’homme aura porté à son accomplissement : le blé devenant du pain et le raisin transformé en vin en sont les meilleurs symboles apéritifs ! Des plats qui auront le fumet, le goût et la finesse de l’amour qui les aura portés à leur perfection, avec des saveurs illimitées, des longueurs de bouche qui nous surprendront éternellement sans jamais nous lasser… Quand vous dégustez un grand vin, c’est ça qui se produit : le temps est comme suspendu pour ne rien perdre des combinaisons de saveurs que ce liquide délivre. Le temps ne disparaît pas : il est investi avec une telle intensité que mille ans paraissent comme un jour. Telle sera l’éternité du 8e JOUR, quand il sera définitivement ouvert et que l’Agneau illuminera la Jérusalem Céleste, dit Ap 21. « Bienheureux les invités au Festin des Noces de l’Agneau ! », clamera un peu avant Ap 19,9 ; une phrase reprise à chaque élévation eucharistique, juste avant la communion. Un festin qui sera servi quand le Christ viendra dans sa Gloire, offert aux 144 000 justes d’Israël qui auront accepté d’être marqués du signe du Christ (Ap 7,3-8), suivis par la foule innombrable des païens qui se seront préparés à entrer joyeusement à leur tour dans la Salle des Noces (Ap 7,9-12). Les autres, comme le dit la parabole de Mt 22,13, seront malheureusement jetés dehors…

Voilà ce que l’Église célèbre chaque DIMANCHE : l’ouverture des portes du Festin des Noces par le Christ Jésus ; ce qui ne signifie pas, à nouveau, que le ShaBaT soit rendu obsolète ! Ç’aurait été le cas si l’Église des GoYîM l’avait annexé ; si elle célébrait son culte le Jour du ShaBaT ! Dans ce cas, elle aurait alors tout simplement évincé le culte d’Israël pour se substituer à lui. Si l’Église des pagano-chrétiens ne l’a pas fait, c’est précisément parce qu’elle a immédiatement eu conscience qu’elle NE SE SUBSTITUAIT AUCUNEMENT au peuple d’Israël ! L’Église issue du paganisme a compris dès sa naissance qu’elle n’avait pu germer que GRÂCE au peuple d’Israël, et en particulier grâce au fruit ultime qu’il a porté et offert au monde en la Personne de Jésus. C’est PAR ISRAËL, et jamais sans lui, que l’Église entre tout entière dans la bénédiction du 8e jour, cette bénédiction promise à Abraham en faveur de toutes les nations dès le commencement de l’histoire des Patriarches. D’ailleurs, entre le ShaBaT et le Dimanche, la filiation est intrinsèquement scellée par le fait que la liturgie chrétienne est construite sur la même structure que le culte de la synagogue. Dit autrement, l’avènement du 8e JOUR ne fait pas plus disparaître le ShaBaT qu’on ne fait disparaître une mère sous prétexte qu’elle a accouché de son enfant ! Il lui rend hommage au contraire. Pour reprendre les termes du Décalogue, le 8e JOUR GLORIFIE le ShaBaT comme des Fils GLORIFIENT leur père et leur mère. Encore une manière de lire comment ces deux commandements du centre du Décalogue sont intimement liés entre eux.

Alors maintenant, quelle place l’Église offre-t-elle aux judéo-chrétiens ? Une telle question ne devrait normalement poser aucune difficulté. Le problème, c’est le poids de l’histoire, assez chaotique, qui a fait croire aux chrétiens mal dégrossis, à partir de Charlemagne, qu’ils devaient plier le monde au rite latin. Ce qu’on a appelé la Chrétienté. Or il ne s’agit en aucune manière pour les judéo-chrétiens d’abdiquer leur judaïté pour embrasser le rite latin ! On le voit dès les commencements de l’Église : les premières communautés judéo-chrétiennes entraient dans le ShaBaT, qu’elles terminaient, le soir — c’est-à-dire au matin du 8e jour — par le partage de l’Eucharistie. Eh bien : où est le problème ? Que nous, en tant que GoYîM, nous n’ayons pas à entrer en ShaBaT est un fait. Nous, nous célébrons exclusivement le DIMANCHE, sans oublier pour autant le ShaBaT dont nous faisons mémoire au moment d’entrer dans le dimanche, à l’entrée de la nuit du Samedi soir, par les Premières Vêpres solennelles ! Mais, encore une fois, nous n’avons pas à le vivre, alors qu’un judéo-chrétien, lui, DOIT continuer à vivre le ShaBaT qu’il termine par la célébration de l’Eucharistie le samedi soir, à l’entrée dans le 8e JOUR ! De cette manière, les deux branches chrétiennes que constituent le judéo-christianisme et le pagano-christianisme, se rejoignent dans l’Eucharistie où Jésus livre son Corps et son Sang en nourriture indispensable pour TOUT chrétien, une nourriture apéritive qui excite en eux le désir qu’advienne enfin le Festin éternel des Noces de l’Agneau. Voilà l’ÉGLISE, comprise au sens plénier de sa CATHOLICITÉ.

Alors résumons. Le ShaBaT n’est aucunement jeté aux oubliettes par l’Église ; et lorsque l’ensemble des chrétiens célèbrent la Résurrection du Christ Jésus le Dimanche, ils ne doivent jamais oublier que le ShaBaT, comme le dit la tradition la plus vénérable, reste le FRÈRE DU DIMANCHE. Il revient à nos frères judéo-chrétiens de le célébrer dans toute sa splendeur, en lui offrant ce vers quoi il tend depuis le commencement de la Création : être le porche de l’avènement du 8e JOUR dans lequel Jésus Christ est entré le premier, attirant ainsi avec lui la multitude de ses frères dans l’accomplissement NUPTIAL du projet éternel de YHWH. Donc à CHACUN de se mettre au travail, de tenir sa place, d’exercer pleinement cette LIBERTÉ CRÉATRICE en étant ce serviteur vigilant que le Maître, à son retour, trouvera en train de veiller, comme dit Mt 12,37. Alors pourra enfin jaillir en plénitude la Lumière de l’Agneau, siégeant dans la Jérusalem Céleste qui rassemblera tous les hommes dans la PAIX et dans la JOIE du Père éternel. Ce sera un moment extraordinaire de chants et de danses ; un banquet divino-humain célébrant la rencontre NUPTIALE entre l’Église, l’Épouse, et Jésus, l’Époux divin. Voilà la raison pour laquelle l’Église ne cesse d’appeler, dès la fin de l’Apocalypse au ch. 22 : « Viens, Seigneur Jésus ! ». Alors pour terminer, impossible de ne pas évoquer l’oraison des Premières Vêpres de Noël, avant la messe de la nuit qui célèbre la première Venue du Christ Jésus dans la CHAIR, prémice de sa venue en Gloire : « Seigneur Jésus Christ, hâte-toi ! Ne tarde plus ! Que ta venue réconcilie et relève ceux qui ont foi dans ton amour. Toi qui vis et règnes avec le Père et l’Esprit Saint dans les siècles des siècles, Amen ! » Et on peut entendre la réponse de Jésus à la toute fin du livre de l’Apocalypse : « Mon retour est proche ! » (Ap 22,20) Tout est là, et c’est du 8e JOUR qu’il s’agit, ce Dimanche ouvert par le 7e JOUR, le JOUR SAINT, à part ; ce ShaBaT où l’homme, en qui la ToRaH s’est INCARNÉE par le baptême en Christ, reprend conscience de la nécessité de mettre en œuvre sa LIBERTÉ CRÉATRICE pour faire entrer toute la CRÉATION dans le renouvellement éternel désiré par YHWH dès la fondation du monde !

Ouf ! J’espère que je ne vous ai pas trop perdus. En tout cas, je vous remercie.

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