14-10-2015

[Ex] 48 - Le ShaBaT : entrer dans la 4e dimension !

Exode 20:8-11 par : le père Alain Dumont
YHWH ne se rencontre que dans le Temps dont le ShaBaT est la Porte Sainte.
Duration:19 minutes 51 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/le-shabat-entrer-dans-la-4e-dimension.html)
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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour.

Nous poursuivons notre réflexion à propos du ShaBaT. Nous avons vu, dans la vidéo précédente, combien l’homme est prisonnier du monde de l’espace dans lequel il exerce son pouvoir, sa maîtrise ; et pour finir, nous avons évoqué une autre dimension absolument essentielle : la dimension du Temps. Alors attention : il ne s’agit évidemment pas de déprécier le monde de l’espace : dans la Genèse, DIEU bénit la création : rappelez-vous : « Et DIEU vit que cela était beau / ou bon : Ki ToV. Derrière cette exclamation, on peut déceler une vraie jubilation de DIEU dans l’acte créateur. Au demeurant, le fait de créer en « six jours » montre bien que temps et espace sont intimement entretissés.

Pourtant c’est vrai, la Bible s’intéresse plus au temps qu’à l’espace, et c’est en ce sens qu’elle est porteuse d’une Révélation indispensable.. Elle voit le monde selon les dimensions du temps. Elle s’étend sur les générations, sur les événements, bien plus que sur les pays et sur les choses. D’ailleurs, l’hébreu ne connaît pas de mot pour dire « chose », ou « objet ». Il utilise par défaut le mot DaVaR, la Parole ; comme si l’hébreu avait l’intuition que les « choses » n’avaient de réelle existence que dès lors qu’elles sont NOMMÉES, et jamais seulement en elles-mêmes… Plus encore : elles ne sont posées dans l’être qu’à partir du moment où elles sont NOMMÉES, et c’est tout le sens du récit de la CRÉATION qui n’émerge pas seulement d’un BIG BANG instantané — ça, c’est la perception scientifique, purement spatiale du réel matériel ; qui ne met pas à part le TEMPS, mais le met À L’ÉCART, ce qui n’est pas du tout pareil —, mais qui s’inscrit dans le TEMPS. Quand DIEU crée, il PARLE, et ce sont 7 JOURS qui apparaissent ; 6 jours qui façonnent le cadre temporel sans lequel aucun espace ne peut apparaître, et un 7e jour exclusivement réservé à l’âme temporelle du monde, c’est-à-dire à ce qui en fait son essence ; ce qui en établit le SENS et en dévoile le caractère SACRÉ.

Vous voyez ? Dans le fond, la Bible est donnée essentiellement pour nous apprendre à DISCERNER LE TEMPS, à le SANCTIFIER, c’est-à-dire à lui reconnaître sa place À PART dans le réel. À tel point vrai que la première réalité sainte de l’histoire du monde n’est ni une montagne, ni un autel ou je ne sais quoi d’autre. Non : c’est un JOUR. Le 7e Jour. « Dieu bénit le 7e jour et le sanctifia. » dit Gn 2,3. Et c’est de la même manière que, dans le Décalogue, le mot QaDoSh n’est employé qu’à propos du ShaBaT, ce qui confirme encore que, pour la ToRaH, la Sainteté DANS LE TEMPS est PREMIÈRE. Elle précède toute autre forme de réalité, toute autre forme de sainteté.

Alors quel est le sens de cette sainteté du Temps ? Il en est du temps comme de toutes choses : tout appartient à DIEU qui donne aux hommes la création en “usufruit”. Mais pour signifier que DIEU reste bien le Maître du monde, l’homme soustrait un prélèvement de cet usufruit qu’il réserve, ou qu’il consacre à DIEU. C’est le principes de la pratique des sacrifices ; une pratique pleine de sagesse ! Oubliez les sacrifices, et ipso facto, vous vous appropriez le monde ! C’est le lot de l’avarice : « Tout est à moi et pour moi ! », et aujourd’hui bien plus qu’hier, on est avare de son temps autant que de son argent, puisque « le temps, c’est de l’argent », comme disait Benjamin Franklin.

Bref. En tout cas, le ShaBaT est bel et bien présenté dans le Décalogue comme la DÎME DU TEMPS ; le Fils d’Israël devra faire, en quelque sorte, l’offrande des « jours ouvrables », comme on dit ; à savoir faire le sacrifice des occupations courantes à travers leur cessation momentanée. Rappelons-nous que ShaBaT est précisément construit sur la racine ShaVaT qui signifie : « cesser ». Ça ne veut aucunement dire « se reposer », ni même « chômer ». C’est proprement « cesser ». L’idée principale n’est donc pas celle du « repos » mais celle de CESSATION volontaire de toute présence agissante dans le monde pour se recentrer sur la racine, c’est-à-dire sur l’élection qui, aujourd’hui, fait d’Israël un peuple SAINT, un peuple à part. Or où est-il question de l’élection ? Dans la Torah. Donc s’il n’est plus question de faire quoi que ce soit de productif ce jour de ShaBaT, pour autant, il ne s’agit pas non plus de ne « rien faire ». Ce qu’on va faire, c’est qu’on va scruter la Torah avec d’autant plus d’attention qu’on se souvient que c’est par la Torah que l’homme se connecte à HaShèM, pour ainsi dire, et grandit dans son identité. La Torah a ce pouvoir de positionner l’homme et HaShèM en VIS-À-VIS — rappelez-vous ce qu’on a dit de ce vis-à-vis À propos de la montagne du Sinaï —, de sorte que l’homme prend là, et  nulle part ailleurs, conscience de son UNICITÉ, c’est-à-dire de sa SAINTETÉ : il est un être à part, UNIQUE, mais c’est EN VIS-À-VIS AVEC HaShèM qu’il garde conscience de ce caractère UNIQUE. Du coup, il appartient à un PEUPLE UNIQUE, qui n’est pas la somme des individus qui le composent, mais une communauté charnelle, animée d’une même âme et d’un même esprit tourné vers HaShèM. Or c’est dans ce TEMPS offert du ShaBaT que se vérifie l’identité, la SAINTETÉ de cette communauté.

Alors c’est vrai que, pour l’instant, si on suit la progression du texte, on n’en est pas encore là puisque la Torah n’a pas encore été donnée par Moïse. Mais la dimension pour l’accueillir et la scruter est ouverte, sans lequel elle pourrait certes être donnée, mais ne pourrait pas être reçue. Non pas un espace matériel, non pas un lieu comme la Kaaba à la Mecque par exemple ; ou le Gange, qui tient lieu de Nil pour les hindous. Donc non pas un lieu matériel, mais un espace TEMPS où l’homme renonce à exercer sa souveraineté et décide d’assumer pleinement sa condition de créature en recevant son existence de sa communion avec DIEU. Autrement dit, DIEU et l’Homme se rencontrent dans le TEMPS où l’un et l’autre abdiquent — c’est le motif théologique du ShaBaT tel qu’il est donné dans le Décalogue : le premier ShaBaT fut celui de DIEU au terme des six jours de la Création ; et c’est au nom de ce premier ShaBaT que l’homme est convoqué à imiter DIEU ce jour-là — Donc pour ainsi dire, en ce 7e jour, DIEU et l’homme abdiquent toute souveraineté pour laisser place à la liberté de l’autre : liberté pour HaShèM d’être HaShèM, le SAINT par excellence, indépendamment de toute action créatrice ; liberté pour l’Homme d’être Homme, de se découvrir SAINT dans le rayonnement de la SAINTETÉ divine, et non pas seulement, fut-il consentant, l’esclave du monde de la production matérielle. C’est le temps où DIEU et l’homme se rencontrent l’un l’autre dans la lumière de la vérité, n’ayant rien à se prouver l’un à l’autre. C’est tout un programme qui nous est livré là, et à travers le ShaBaT, c’est déjà de NOCES qu’il est question. Parce que tout ce qu’on vient de dire n’utilise rien d’autre que le vocabulaire nuptial, de sorte que le mariage devient le sacrement, le signe du sommet que promet la rencontre entre deux êtres lorsqu’ils se présentent l’un à l’autre dans l’assomption de leur SAINTETÉ. Voilà le ShaBaT et la sanctification, la mise à part, à laquelle il convoque. Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, mais on va s’en tenir là.

Maintenant, qui doit « cesser » ? Toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, ton bétail et ton hôte. Ok. Et ta femme ? Grande absente ? Non, parce qu’en ne la citant pas, on nous dit que la femme n’est pas au rang des enfants, des servants ou du bétail. Elle est, dit la Tradition, la dimension invisible du Shabbat : elle en est l’âme, elle en est la lumière, et en tant que tel, elle est la gardienne du Shabbat ! Ce qui est signifié par ce rite ancestral de l’allumage des lampes à huile réservé à la femme, le soir du Shabbat, pour en marquer le commencement. Et ça va très loin, parce que cet allumage des lampes renvoie, dit cette même tradition, à l’allumage du candélabre, l’allumage de la MéNoRaH dans le temple par le Grand Prêtre… Ce qui veut dire que la femme est, pour la maisonnée, le véritable Grand Prêtre qui ouvre les PORTES DU TEMPS où toute la famille, qui symbolise à ce moment rien de moins que tout le peuple des Fils d’Israël, entre dans la dimension de la rencontre en VIS-À-VIS avec HaShèM ! Bon, il y aurait beaucoup à dire sur la place de la femme dans la Torah, et encore plus, si on poursuit cette intuition, sur le mystère de Marie, la mère du Christ Jésus, mais ça dépasse le cadre de cette vidéo. Mais à tout le moins, vous voyez que pour un juif, la famille qui entre en ShaBaT est un petit sanctuaire, un MiQDaSh Mé“aT, selon l’expression d’Ez 11,16 ; ce qui rejoint la tradition chrétienne qui appelle le foyer chrétien une ecclesiola, une petite Église, dont on voit bien souvent que, là encore, la femme est la gardienne. En tout cas, vous voyez que lire la ToRaH, ce ne peut pas simplement consister à rester figé sur un passage : il faut s’aider de la tradition. En tout cas, ici, sans la tradition, on pourrait conclure que la femme est désavouée, alors qu’en réalité, elle surplombe et protège toute la réalité du ShaBaT — et donc de toute sa famille, à commencer par l’homme — du pan de son manteau, pour ainsi dire.

Bref. Revenons un peu sur la motivation du ShaBaT à partir de la Création. Ça signifie que le ShaBaT a à voir avec le monde créé dans son entier ! Et donc, ce que vit Israël dans l’Alliance concerne toutes les nations de la terre. Ce qui veut dire que la pratique du ShaBaT est ici comme un signe adressé par HaShèM à toutes les nations : non que les nations aient à pratiquer le ShaBaT, mais le ShaBaT vécu par Israël renvoie toutes les nations au DIEU Unique dont elles-mêmes sont issues. Dit autrement, le ShaBaT place Israël comme peuple Élu au milieu des Nations pour leur révéler HaShèM comme la source de la Création, mais plus encore : comme la source de l’Histoire, en affirmant que cette Création s’inscrit dans une dimension que les Nations ont tendance à oublier, quand ce n’est pas à le nier : la création a à voir avec le TEMPS bien plus qu’avec l’espace. D’ailleurs, à bien lire, tout ce qui précède renvoie déjà au Temps et relativise l’espace matériel : le lieu où est plantée la Montagne, par exemple, est indéterminé : donc concrètement, aucun « lieu » sanctifié n’est à vénérer, alors que le MOMENT de la Révélation du Sinaï est à conserver dans toutes les mémoires ; d’autre part, l’interdit des représentations de DIEU retentit aussi dans l’espace matériel : ni statue, ni image sainte à vénérer, parce que DIEU est ailleurs. Où ? Nulle part dans l’espace, mais dans le TEMPS, dans les événements par lesquels retentit sa Parole Créatrice.

Et regardez le commandement qui suit : « Tu glorifieras — et non tu honoreras — ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur le sol que HaShèM, ton ÉLoHîM, te donne en héritage ». Il s’inscrit à son tour dans le royaume du Temps ! Le décalogue ne nous parle pas ici de respect filial ! C’est une question de VIE qui se découvre soutenue, non pas par l’espace, par l’avoir, mais par le TEMPS, c’est-à-dire par la qualité de l’Être. Le commandement du ShaBaT rappelle à l’homme qu’il reçoit la VIE et la LIBERTÉ de HaShèM ; le commandement de la glorification des parents rappelle à l’homme que cette VIE lui est transmise pour un héritage qui l’inscrit dans le TEMPS.

Vous voyez comment cette consécration du TEMPS ne reste pas un pur concept, mais s’incarne dans la chair à travers la succession des générations ? Se recevoir de son père et de sa mère dit infiniment plus que le seul processus matériel qui associe les enfants à leurs géniteurs. Ce qui est en jeu ici, c’est l’HISTOIRE qui relie entre elles les générations, et les entraîne ensemble vers un but, vers un horizon qu’aucune d’entre elles ne saura atteindre sans s’appuyer sur celles — au pluriel — qui la précèdent. Du coup, le verbe « glorifier », mieux que simplement « honorer », QaVeD, a le même sens que pour DIEU : il s’agit de donner aux parents tout leur poids dans l’histoire dont le Temps déroule la trajectoire. Donc en définitive, bien sûr qu’il s’agit du respect filial, mais un respect qui n’est pas une simple question de devoir légal. C’est de GLORIFICATION qu’il est question, c’est-à-dire de reconnaissance du poids irremplaçable qu’une génération imprime sur la suivante, au profit de l’accomplissement du projet divin au sujet duquel jamais une génération ne chasse l’autre, mais au contraire s’appuie sur elle, se reçoit d’elle avec GRATITUDE dans toute la mesure où peu à peu, de génération en génération, le peuple tout entier des Fils d’Israël accomplit ainsi son retour à DIEU, et devient une LUMIÈRE pour acheminer toutes les Nations vers leur Créateur. D’ailleurs, ce qui est promis dans cette glorification, ce n’est pas la bénédiction des richesses, mais bien le prolongement des JOURS — ah tiens ! Encore le TEMPS — en présence de HaShèM. Comment ce prolongement est-il effectif ? Non pas dans la quantité, mais dans la QUALITÉ : c’est leur mémoire qui traverse l’histoire, de génération en génération. Pensons seulement aux patriarches : c’est comme si le soleil ne s’était jamais couché sur leurs jours depuis plus de 3500 ans !

Ainsi, le TEMPS au cœur duquel les Fils d’Israël sont plongés est le lieu, pour ainsi dire, où le genre humain tout entier se découvre en marche vers DIEU, et c’est AUJOURD’HUI. Un AUJOURD’HUI qui assume tout ce qui a été bâti par les Pères pour le transmettre sans discontinuer aux générations à venir. De sorte que c’est bel et bien ensemble, comme un peuple transgénérationnel, que se définit la sainteté des fils d’Israël, le Premier-né du Seigneur comme il fut présenté par Moïse à Pharaon. Et il y a bien des chances pour que la compréhension des interdits qui suivent s’inscrivent pour les bien comprendre, dans la même dimension du TEMPS.

Nous verrons cela la prochaine fois. Je vous souhaite une bonne lecture de cette première partie du Décalogue.

Je vous remercie.