14-10-2015

[Ex] 46 - Les 4 premières paroles

Exode 20:1-7 par : le père Alain Dumont
Les Fils d'Israël en vis-à-vis avec YHWH, le DIEU Libérateur, Unique, Jaloux, au Nom très Saint.
Duration:21 minutes 39 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
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Bonjour,

Nous poursuivons notre lecture à partir du v. 3 du ch. 20 du Livre de l’Exode qui contient la première formulation du Décalogue (il y en a un autre au ch. 5 du livre du Deutéronome, avec quelques différences mais on en parlera en son temps).  Rappelons simplement que les v. 1-2 constituaient le prologue du Décalogue, chargé de donner l’esprit dans lequel il faut le recevoir, à savoir comme le prolongement de la libération d’Égypte.

À partir du v. 3 jusqu’au v. 7, premier ensemble de commandements, tous centrés autour de ce que le v. 5 nommera la « jalousie » de DIEU. Le v. 3 commence : « Tu n’auras pas d’autre ÉLoHîM contre ma face ! » Eh oui, vient-Il de dire : « Ton ÉLoHîM, c’est Moi ». ÉLoHîM, c’est le pluriel de ÉL, qu’on traduit habituellement par DIEU, comme le terme éponyme pour désigner l’Être Suprême dans quasiment toutes les cultures. Donc si on glosait ce v. 3, on pourrait traduire : « Pour toi, celui que les autres nations appellent DIEU, c’est MOI, HaShèM, et aucun autre ! » Et c’est ici de FIDÉLITÉ qu’il est question : en substance, le Seigneur dit : « Moi, HaShèM, ton DIEU, Je te serai fidèle et Je veux qu’en retour, tu Me sois fidèle ! » Mais vous entendez ? Dieu ne fait pas dépendre sa fidélité de celle du peuple ! Il affirme sa fidélité — Il a libéré le peuple — inconditionnellement, et s’il demande la fidélité du peuple en retour, c’est parce qu’elle conditionne, elle, la pérennité de sa Liberté !

Là, on est doublement, pour ainsi dire, dans la lignée de l’Égypte. D’une part on est dans le prolongement de l’intuition monothéiste du patriarche Joseph-AMÉNOPHIS. Intuition dont AKHÉNATÔN avait voulu maladroitement être + ou - l’héritier. Mais ce qui nous intéresse, c’est que dans la mesure où cette intuition de l’unicité de DIEU était celle de Joseph, qu’il tenait de ses pères Abraham, Isaac et Jacob, une telle vision appartenait nécessairement à la tradition de son Sanctuaire Mémorial dont la garde avait été confiée aux Fils de Heby-Lévi pendant plus de 300 ans. Et on a vu que plusieurs indices amènent à penser que Moïse, en tant que fils de Heby-Lévi, a été Grand Administrateur de ce Sanctuaire. Donc à partir de là, que Moïse devienne le promoteur de cette exclusivité de HaShèM n’est pas surprenant en soi : bien que HaShèM ne se soit pas encore révélé en son Nom propre, Moïse tenait déjà cette exclusivité du DIEU des pères par la tradition issue de Joseph. Donc on n’invente pas ici le monothéisme, qui remonte à Abraham ! Dans une certaine mesure, il y a une continuité avec ce qui a été porté en Égypte PAR JOSEPH depuis la tradition des pères ; mais en même temps, on est dans une rupture absolue avec la théogonie égyptienne dont il faut se purifier à travers l’interdiction catégorique des représentations idolâtres dans le ciel, sur la terre et dans les eaux qui sont au-dessous de la terre, au v. 4. Ces lieux décrivent à eux seuls toute la théogonie égyptienne dont il faut impérieusement que les Fils d’Israël se départissent. Cela aussi fait partie de la libération d’Égypte, et en même temps conditionne la liberté des Fils d’Israël vis-à-vis de toutes les formes d’idolâtrie que le peuple rencontrera dans l’avenir, en particulier après son entrée en CaNa”âN. Mais pour ça, il faut commencer par couper radicalement avec la mythologie égyptienne dont le peuple est imprégné. S’il y a une culture qui est marquée par les images, c’est bien la culture égyptienne, que ce soit dans ses statues, ses représentations murales ou ses hiéroglyphes ! Or rappelez-vous, on l’a dit en son temps, faire des statues, graver le nom de divinités dans la pierre ou simplement écrire leur nom, c’était valider leur existence ! Raison pour laquelle AKhéNaTôN avait fait marteler toutes les inscriptions et toute les représentations de AMôN pour lui ôter toute vie et lui interdire de reparraître ! Et à la mort du Pharaon, les prêtres de AMôN s’étaient empressés de faire la même chose concernant toutes les représentations de ATôN, le dieu de AKhéNaTôN.

Reste qu’indépendamment de cette croyance, l’idée de  la non représentation demeure. Non qu’il ne faille rien représenter, mais à tout le moins, il ne faut pas représenter l’invisible. Représenter l’invisible, pour l’homme, revient immanquablement pour lui à représenter ses fantasmes, et donc ses esclavages. On a le même principe pour les icônes : puisqu’elles sont destinées à être vénérées, elles ne peuvent pas représenter que ce qui n’a pas été vu dans la chair ! L’icône de Roublev bien connue, par exemple, ne représente pas la Trinité invisible, mais l’hospitalité d’Abraham qui est un événement de l’histoire. Libre ensuite à ceux qui la vénèrent de discerner ce qu’ils veulent, mais en attendant, c’est d’abord l’image, l’icône des trois hôtes d’Abraham. Abomination que ces icônes, ces tableaux ou ces vitraux qui représentent un Père barbu, quand ce n’est pas avec un pigeon qui lui sort des trous de nez et qui survole un Fils crucifié ! Face à de telles représentations, les chrétiens se donnent les verges pour se faire battre et être convaincus d’idolâtrie, parce qu’ils désobéissent manifestement à la troisième et à la quatrième parole du décalogue pour laisser libre court à leurs chimères et choisir par là de rester leurs esclaves plutôt que d’écouter HaShèM… Mais quand on songe que le Décalogue est le premier jalon incontournable pour recevoir le Christ Jésus, on se rend compte qu’il est gravissime de représenter n’importe comment le Mystère du DIEU Sauveur ! Nos frères orthodoxes y sont très attentifs, et à raison !

Bref. Reste cette curieuse « jalousie » de HaShèM aux v. 6-7. En général, on a du mal à comprendre. Pourquoi ? Parce qu’en français, le mot « jalousie » a une résonance péjorative, alors qu’en hébreu, c’est loin d’être le cas. Le terme KaNa’ contient l’idée de rougeur, de cette chaleur qui se manifeste sur le visage de celui qui est animé d’une passion ardente. Or cette passion, HaShèM la manifeste avant tout à travers son engagement sans retour en faveur d’Israël. Il ne s’agit pas pour HaShèM d’être seulement un « Bon DIEU » qui prend pitié d’un peuple esclave. Il y a un projet derrière cette élection. Un projet de LIBERTÉ ! HaShèM convoque ce peuple à une fidélité sans faille à laquelle il doit répondre dans toute la mesure où il vient de proclamer librement, au chapitre précédent : « Ce que HaShèM a dit, nous le ferons ! ».

Maintenant, pourquoi cet apparent manque de tolérance vis-à-vis des idoles ? Pour comprendre, il suffit de regarder l’histoire : qu’ont fait, en Égypte, les prêtres de AMÔN une fois AKHÉNATÔN mort ? Alors d’une part ils ont détruit toute référence à ATÔN, le dieu unique du roi hérétique pour les raisons qu’on vient de dire, mais de plus, ils ont mis en quarantaine tous ceux qui, de près ou de loin, ont été mêlés à cette hérésie. Donc l’idole n’est pas seulement une « autre divinité », comme s’il y en avait plusieurs et qu’elles vivraient en paix les unes avec les autres. L’Idole, c’est le totalitarisme, c’est l’ESCLAVAGE ! Et donc, vis-à-vis de HaShèM, l’idole se pose explicitement en ennemie ! Un ennemi dont l’objectif est double : la haine déclarée de HaShèM et en conséquence, la réduction à l’esclavage du peuple des Fils d’Israël, et à terme son extermination puisque l’existence seule de ce peuple absolument LIBRE, inaliénable, est un désaveu de la toute-puissance revendiquée par l’idole. Et pour nous qui avons le recul de l’histoire, nous savons pertinemment que cette dénonciation de l’idole meurtrière d’Israël, n’est pas un leurre ! D’une part, la soif de l’idole et de ceux qui la suivent, c’est d’organiser l’esclavage ; la soif de HaShèM, c’est de mettre en place la LIBERTÉ au plus profond du cœur de l’homme. C’est tout simplement incompatible. D’autre part, le fonctionnement de l’idole est bâti sur une IDÉOLOGIE, au sens où la théogonie égyptienne est une pure CONCEPTUALISATION de l’harmonie du monde. Le fonctionnement de l’Alliance, lui, est bâti sur L’EXPÉRIENCE CONCRÈTE D’UNE LIBÉRATION et le TÉMOIGNAGE transmis de père en fils de cette LIBERTÉ acquise par la Main puissante de HaShèM. Et enfin, l’exigence de l’idole est purement CULTUELLE et fonctionnelle, alors que l’exigence de HaShèM, elle, est celle de la JUSTICE qui veille à la LIBERTÉ des Fils d’Israël. Alors certes, il y a la nécessité du culte aussi dans l’Alliance, mais regardons bien comment le récit est construit : toute la mise en place rigoureuse du culte ne vient qu’APRÈS la charte du Décalogue qui, elle, est d’abord d’ordre moral, au sens où il donne les commandements fondateurs de la justice AU SERVICE DE LA VIE, et il n’y a de VIE que tournée vers HaShèM qui en est le garant. Qu’Israël retourne vers l’idole, et là, il disparaît. Non pas cette fois du fait des nations extérieures qui veulent l’éradiquer, mais du fait de SA PROPRE INFIDÉLITÉ au seul DIEU QUI REND LIBRE, Lui qui n’est Lui-même que LIBERTÉ ABSOLUE.

Si on voulait résumer, on pourrait dire que le culte idolâtre est facile : il suffit de remplir le devoir du culte pour incliner l’idole à offrir ses bienfaits. C’est un culte fonctionnarisé qui, au demeurant, ne fait aucunement grandir ceux qui y sont soumis. Le culte de HaShèM n’a rien à voir avec ça ! C’est un culte infiniment exigent, parce qu’il impose un travail INTÉRIEUR préalable de justice dont la Source, la Loi de LIBERTÉ, est en HaShèM. Autrement dit, là où le culte suffit à l’idole : « fais tes prières et l’idole te bénira » ; le culte de HaShèM n’est recevable par Lui QUE s’il est précédé par le désir intérieur de justice.

Donc vous voyez : l’enjeu est encore et toujours le choix de la Liberté et de la vie contre celui de l’esclavage et de la mort. Chaque fois qu’Israël retombera dans la folie de l’idolâtrie, d’une certaine manière, ce sera toujours comme un retour mortifère en Égypte. Or le DIEU jaloux, qui est un passionné de la Vie, ne peut le tolérer sans se renier Lui-même. Voilà la « jalousie » de DIEU. Une jalousie qui garantit aux Fils d’Israël une fidélité à toute épreuve de la part de HaShèM, mais une fidélité, encore une fois, exigeante ! Et le fameux « châtiment jusqu’à la troisième et la quatrième génération », signifie simplement que lorsque vous prenez une mauvaise décision qui engage toute votre famille, on en parlera à la génération suivante qui en sera terriblement marquée ; puis à la suivante, et encore un peu à la suivante. Après, c’est oublié. En revanche, si vous faites un choix de VIE, appuyé sur HaShèM, inspiré par HaShèM grâce à l’obéissance de la ToRaH, alors là, vous pouvez être sûrs que jamais personne ne l’oubliera ! 3500 ans après, on fait mémoire d’Abraham, Isaac et Jacob, mais qui fait mémoire de KeDoRLaoMeR, de AViMéLèKh ou de ‘ÉSaV (Esaü) ? On fait mémoire de Moïse, mais qui fait mémoire du Pharaon qui a réduit Israël en esclavage ? On fait mémoire des roi David, Salomon ou Ézéchias, mais qui fait mémoire des rois ReBo“aM, ‘AH°‘aV ou MeNaSè ? On fait mémoire de Jésus Christ, mais qui fait mémoire de ses détracteurs ? Donc le châtiment de HaShèM, c’est simplement de tomber dans l’oubli après avoir pollué la vie de trois ou quatre générations après soi. En revanche, pour un JUSTE dont l’existence est fondée sur les commandements de HaShèM, toute sa postérité bénéficiera de son rayonnement, jusqu’à mille générations, c’est-à-dire pour toujours. C’était le sens de la toute première bénédiction donnée par DIEU à Abraham, au début du ch. 12 de la Genèse. Donc vous voyez : le Décalogue est une exhortation à faire le choix radical de la VIE pour que ce choix déborde sur mille générations ! Or un tel choix ne peut qu’être LIBRE, pour entrer dans la trajectoire de l’Histoire du Salut voulue par le DIEU SAUVEUR.

Reste enfin le v. 7 : ne pas prononcer le Nom du Seigneur en vain. Nous sommes ici à la quatrième parole du Décalogue. Que signifie « en vain », LaShaV ? Ça signifie : « ce qui est vide », inutile, et par extension, ce qui est vide en parole devient mauvais, faux ou mensonger dans les actes ! Pourquoi ? Parce que le vide, c’est le chaos, c’est la décréation. La tradition juive le dit assez joliment : Jurer faussement a des conséquences terribles non seulement pour celui qui le fait, mais pour la création qu’il met en danger. Lorsque DIEU a créé le monde, dit cette tradition, Il a étendu au-dessus de l’abîme un tesson sur lequel est gravé son Nom très Saint, afin que l’abîme ne puisse pas se laisser emporter à détruire la Création. Mais, chaque fois qu’on jure faussement en prononçant le nom de DIEU, les lettres du Nom ineffable s’envolent ; elles s’effacent du fait qu’elles ne sont pas reconnues, et il ne reste rien pour retenir l’abîme, de sorte que les eaux peuvent surgir pour replonger la Création dans le chaos initial... À bien y réfléchir, c’est très profond, parce que jurer en profanant le Nom ineffable, c’est déclarer ce Nom inutile… c’est penser que le monde tient par lui-même et qu’il ne risque rien à congédier le Nom de HaShèM comme son soutien.

Du coup, il faut faire attention, parce que dans la mesure où le Nom de HaShèM est associé à la LIBÉRATION, utiliser son Nom en vain revient à déclarer vaine cette libération, et c’est signifier ipso facto notre préférance pour l’esclavage ! De ce point de vue, une des pires profanations revient à prendre la mauvaise habitude de jurer par un « Nom de D. ! », parce que c’est précisément associer le Nom très Saint à des abjections ! Suite de quoi il ne faut pas se plaindre de se retrouver impuissant face aux forces de mort auxquelles on se retrouve aliénés… Dit autrement, HaShèM fait tout ce qui est en son pouvoir pour venir jusqu’à nous, en particulier lorsque le temps est venu de visiter son peuple par l’incarnation de son Verbe, de sa MeMRaH. Mais Il ne peut pas faire à notre place le petit bout de chemin par lequel nous signifions que nous Le recevons. Et le recevoir, c’est respecter son Nom, et donc obéir aux paroles du Décalogue. Et c’est découvrir, comme le dit très justement le Psaume 145(144),18, que : « HaShèM est proche de ceux qui l’invoquent en vérité ».

Alors pour terminer plus positivement, disons encore que ne pas avoir d’autre DIEU que HaShèM, ne pas invoquer son Nom en vain, c’est comprendre à quel point son Nom est à part et donc, littéralement, c’est le SANCTIFIER ! Or c’est précisément ce que Jésus nous apprend à dire dans la première demande du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ! » (Mt 6,9) ; et quand on poursuit en disant littéralement : « que ta Volonté soit faite dans les cieux et sur la terre », non seulement on reprend et on assume la parole des Fils d’Israël en Ex 19,8 : « Tout ce qu’a dit HaShèM, nous le ferons ! » / « Que Ta volonté soit faite ! », mais on répond aussi à la 2e parole du Décalogue : « Tu ne te feras aucune idole, si DANS LE CIEL, ni SUR LA TERRE. » Et si nous disons cette prière, c’est en se souvenant que c’est toujours PAR LE CHRIST qui nous a LIBÉRÉS du péché et de la mort, ce qui répond à la toute première parole du Décalogue : « C’est Moi, HaShèM, qui t’ai fait sortir de la terre d’Égypte », de la terre de la détresse, la terre du mal ! La dernière demande du Notre-Père, « Délivre-nous du mal ! », ne trouve pas ailleurs son fondement… Vous voyez ? La base du Notre Père, c’est vraiment et avant tout le Décalogue ! À travers le Décalogue, on est dores et déjà lancé vers l’accomplissement de la LIBÉRATION qui est ici en train de poser les fondations de sa victoire, pour mille générations, jusqu’à l’avènement de cette Délivrance par le Christ Jésus !

Voilà pour quelques éléments clef à propos des 4 premières paroles du Décalogue. Nous poursuivrons notre étude la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite une bonne lecture des v.2 à 7 du ch. 20 du Livre de l’Exode.

Je vous remercie.

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