02-10-2015

[Ex] 44 - Quand YHWH se manifeste sur la Montagne

Exode 19:10-25 par : le père Alain Dumont
Le peuple est invité à se préparer sérieusement à la rencontre avec YHWH. Et quand commence la manifestation, Moïse encourage le peuple à se tenir debout : YHWH n'est pas un Dieu écrasant, mais le DIEU Libérateur !
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/voix-eclairs-nuee-quand-yhwh-se-manifeste-sur-la-montagne.html)
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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous terminons aujourd’hui notre lecture du ch. 19 du livre de l’Exode. À présent, la Théophanie, c’est-à-dire la Manifestation de DIEU, va avoir lieu et le peuple doit donc s’y préparer. Le v. 10 nous dit que YHWH envoie Moïse vers le peuple pour le SANCTIFIER. On est dans le fil du v. 6 où YHWH parlait de faire des Fils d’Israël une « NATION SAINTE », c’est-à-dire une nation À PART. Et là, on n’est pas en train de nous parler de perfection morale. Il s’agit plutôt, pour Israël, de se centrer sur son identité propre de manière à ne pas être confondu, à ne pas être dissout lorsque YHWH se manifestera, Lui qui est absolument SAINT, absolument À PART, absolument UNIQUE, c’est-à-dire absolument LUI-MÊME. Parce que dans le fond, la sainteté à laquelle YHWH appelle Israël n’est pas autre chose que la PLEINE CONSCIENCE DE SOI, comme on dirait aujourd’hui. Non pas en vue d’un contentement narcissique, mais en vue d’une véritable mission au milieu des nations !

Dit autrement, Israël rencontrant YHWH, si vous voulez, c’est la flaque d’eau qui rencontre l’Océan… Il n’y a pas de commune mesure entre les deux. Donc pour pouvoir supporter le DÉFERLEMENT de la Présence divine, il faut savoir se positionner. Et pour ça, on va aménager comme une sorte de digue spirituelle et charnelle : la Montagne devient un sanctuaire, c’est-à-dire par définition un lieu SAINT, à part, répondant aux caractéristiques du DIEU SAINT. Un lieu où le temps et l’espace s’ouvrent au mystère du DIEU Tout Autre ; un lieu qui ne peut pas être mélangé au profane, c’est-à-dire à ce qui est ordinaire, commun, banal ; ce qui, précisément, n’est pas À PART. Et évidemment, on n’approche pas un tel lieu sans s’y être préparé, sanctifié, c’est-à-dire précisément purifié de tout ce qui reste profane ; En se sanctifiant, on se met à part ; et ce faisant, on inscrit dans la chair ce qui fait le propre de son identité, pour pouvoir se tenir en VIS-À-VIS avec YHWH. On va même jusqu’à laver les vêtements, parce que le vêtement, dans la Bible, reflète l’identité de celui qui le porte. D’où l’importance du vêtement de fête, de pénitence, de noce, de deuil, etc. À l’inverse, quand un homme est nu, c’est qu’il est un esclave ou un fou, c’est-à-dire sans identité. Donc on nettoie le vêtement de toutes les impuretés profanes, c’est-à-dire non pas seulement de ce qui est sale, mais de ce qui appartient tellement à la banalité que ça ne peut pas entrer dans la dynamique d’une mise à part. Pensez à la poussière, la crasse, etc.

Et puis il y a la question, au v. 15, des rapports sexuels dont il faut s’abstenir avant de se présenter devant YHWH. Pour dire les choses simplement, il suffit d’évoquer le principe selon lequel une joie chasse l’autre. Le commerce CHARNEL, comme on dit, n’est pas fait uniquement pour l’hygiène du corps, comme on le présente trivialement aujourd’hui. Il est fait pour apporter de la joie quand il est vécu dans la qualité que suppose une relation d’amour. Alors ici, que dit Moïse ? MOÏSE, parce que vous remarquerez que, formellement, YHWH n’a rien demandé de tel ; mais qu’à cela ne tienne : il faut croire en YHWH ET en Moïse, rappelez-vous. Donc que dit Moïse au v. 15 ? Eh bien en substance, Moïse dit que, pour être réceptif à la joie du don de la Torah, il faut SE RÉSERVER DE TOUTE AUTRE JOIE. C’est toute la vertu de l’abstinence : quand un événement important se profile, on met tout en œuvre pour lui être disponible et on accepte pour ça les frustrations éventuelles. Ces frustrations librement consenties sont le signe d’une conscience qui a LE SENS DE L’ESSENTIEL. Le SENS DU SACRÉ.

Bien. Et voilà, au v. 16, le fameux troisième jour du troisième mois, le JOUR par excellence de la Théophanie, tout entière au service de la FÉCONDITÉ, de la VIE ! Ce troisième jour, donc, tout le peuple préparé, sanctifié, s’assemble au matin, tout en restant dans le camp, dans l’attente de la manifestation de YHWH. Et voici que retentit Sa voix. Le texte dit : « Il y eut des voix et des éclairs, et une nuée glorieuse sur la montagne ! », avec la voix tonitruante du COR, le ShoPhaR en hébreu ! Et le peuple qui était dans le camp se met à trembler ! rendez-vous compte : on ne dit même pas que ce ShoPhaR était soufflé par des hommes ! Il faut imaginer un son continu dont nul ne perçoit la provenance, et qui s’ajoute au fracas de la voix du tonnerre ! Et le MiDRaSh, qui est un commentaire juif de la ToRaH, va même dire que le monde entier entendit ces voix, et le son du ShoPhaR ! Tellement retentissant que les rois se bouchaient les oreilles !!! Bon, là d’accord, on est carrément dans le mythe, mais enfin, ça nous met assez bien dans l’ambiance ! La voilà donc, la Voix qui surgit dans le MiDVaR, dans le désert. Vous vous souvenez : MiDVaR signifie le lieu dont le silence assourdissant laisse surgir une parole non moins assourdissante ; une PAROLE de VIE. Et donc là, c’est comme si tout l’espace, dans toutes ses dimensions, étaient devenu une caisse de résonnance des voix de YHWH, qui ne sont pas là pour effrayer, mais pour faire éclore la création et lui ouvrir un espace de Vie, un espace inédit de FÉCONDITÉ. On est vraiment dans le contexte de la Parole créatrice des premiers chapitres de la Genèse. On comprend la peur du peuple qui se rétracte sur lui-même, comme pour faire corps face au danger apparent.

Alors le premier réflexe est évidemment de se terrer dans le camp protecteur, mais voilà que Moïse fait SORTIR le peuple, dit le texte, pour le faire avancer au bas de la montagne. SORTIR, comme ils sont SORTIS d’Égypte où ils restaient prostrés ! C’est encore une libération ! Certes il y a danger, mais le propre du peuple élu est de se tenir DEBOUT, au moment même où toute la création, dont la montagne fumante est le premier témoin, est investie de l’irradiation du divin. Donc Moïse convie le peuple à trouver, dans le vis-à-vis avec YHWH, une force qui lui était encore inconnue jusqu’alors : la force de la LIBERTÉ qui met les hommes debout pour aller de l’avant, sachant que ce chemin avec YHWH est un chemin qui mène à un bouleversement de la Création ; à son accomplissement définitif, son renouvellement éternel !

Et au milieu de tout ça, voilà que Moïse parle avec YHWH qui l’appelle au sommet de la Montagne. Une curieuse montagne… Le Targum glose le v. 17 en disant : « Alors Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de la SheKhiNaH de YHWH, et aussitôt, le Maître du monde déracina la montagne et l’éleva dans les airs, et elle était transparente comme le mica. » La SheKhiNaH de YHWH, c’est un peu comme l’Esprit Saint pour les chrétiens. Et si vous avez vu du mica, c’est cette pierre dont on peut tirer des feuilles translucides. On sent bien que les mots manquent, ici. Il tentent comme ils peuvent d’exprimer l’inexprimable. Et en tous les cas, le texte évoque comme une immatérialité de cette montagne qui, dès lors, devient spirituelle, sans cesser pour autant d’être CHARNELLE.

Il faut bien comprendre que le mystère est tellement profond que seules des images sont capables de l’évoquer pour nous faire comprendre que là où le récit nous parle d’une ascension matérielle de Moïse, il faut discerner une ascension spirituelle. Et là, le récit prend sens. C’est là qu’on comprend qu’on ne s’aventure pas sur ce chemin mystique sans une préparation, et disons-le : sans entrainement ! Un entrainement auquel Moïse n’a pas échappé. Rappelez-vous : il a été dépouillé par YHWH, ou pour reprendre cette phrase de Jésus, il a été ABAISSÉ lorsqu’il a été déchu de sa position de Prince d’Égypte ; il a vu tout son monde s’effondrer, et s’est retrouvé petit berger dans le désert. Mais c’est justement dans le désert, le MiDVaR, qu’il a pu entendre la Parole de Vie ; de sorte que Moïse a pu être ÉLEVÉ par cette Parole Créatrice et salvatrice. Et c’est tout ça qu’il faut entendre : Moïse monte sur la montagne, certes, mais c’est parce qu’il est descendu au plus bas qu’il est habilité à en atteindre le le sommet, au v. 20 — RoSh en hébreu, qui désigne à la fois le SOMMET et le PRINCIPE, le Commencement, LA SOURCE. Ce qui veut dire que Moïse, ici, monte… vers le commencement de tout, qui est en même temps le sommet de tout ! On nous parle de ce RoSh, de ce Principe dès les tout premiers mots de la Genèse : BeReShiT BaRa ELoHîM, « Au Commencement, au Principe, DIEU crée ! » : la racine du mot BeReShiT, c’est RoSh ! Eh bien, c’est jusque vers ce RoSh là, suggère le texte ; jusqu’au BeReShiT de la Genèse que Moïse vit son Ascension…

Ceci dit, à nouveau, le récit ne s’attarde pas sur la vision de Moïse à ce sommet. Dès le v. 21, YHWH lui intime de redescendre. Un sommet n’est donc pas fait pour qu’on s’y installe — on retrouvera la même chose au sommet du Mont Thabor au moment de la Transfiguration de Jésus, qui est une autre Théophanie, à l’autre bout de la Bible, et qui n’est pas sans lien avec celle de l’Exode. En tout cas, quoi qu’il en soit, on ne reste pas au sommet ; on ne reste pas en extase qui ne sert à rien en elle-même ! Il faut redescendre ! Pour quoi faire ? Pour avertir le peuple de ne pas s’essayer à la même ascension, car il en mourrait ! Parce qu’à toucher les sommets sans y être préparé, et même appelé, à tout le moins, on devient FOU ! Et le fou, on l’a dit, c’est celui à qui l’on retire le vêtement du fait qu’il a perdu son identité ! Le but d’une telle ascension n’est pas que l’homme y perde son identité, mais la TROUVE au contraire, dans son VIS-A-VIS avec YHWH. C’est pourquoi, pour entreprendre une telle escalade, encore une fois, il faut y être préparé ; non pas seulement mentalement, mais CHARNELLEMENT. Pour l’instant, seul Moïse est prêt à cela. Et même s’il est dit que Aaron pourra monter, voire même les anciens un peu plus tard, ce ne sera pas au sommet… Quant au peuple, il montera à son tour, mais plus tard, à Jérusalem, sur le Mont du Temple : parce que c’est ça qu’on vise dès cet instant. Reste que pour l’heure, il est urgent d’attendre, de ne pas se précipiter. Pour l’instant, seul Moïse monte au sommet d’où il recevra la ToRaH de YHWH destinée à tout le peuple pour lui ouvrir, à son tour, le chemin de l’ascension vers YHWH. Mais plus tard, et pas n’importe comment ! SAINTEMENT, c’est-à-dire en laissant YHWH, génération après génération, travailler charnellement l’identité de ce peuple à travers les œuvres, les MiTsVoT par lesquelles on reconnaîtra les Justes de YHWH. Avec en ligne de mire la reconnaissance par toutes les nations du culte de YHWH, le DIEU Sauveur, le Maître du Monde, à travers l’avènement de son Messie.

Voilà. Vous avez maintenant quelques clefs pour lire avec fruit le ch. 19 de l’Exode.

Nous verrons la suite la prochaine fois.

Je vous remercie.
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