26-07-2015

[Ex] 36 - La naissance de la Communauté

Exode 16:9-10 par : le père Alain Dumont
Une foule ne constitue pas encore à proprement parler un "peuple". Pour y arriver, il faut encore pouvoir se rassembler en Communauté.
Duration:14 minutes 31 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/la-naissance-de-la-communaute.html?mode=watch)
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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous poursuivons aujourd’hui la lecture toujours du ch. 16 du Livre de l’Exode, et on va s’en tenir aujourd’hui aux seuls verset 9 et 10, parce qu’ils nous disent tous les deux des choses vraiment essentielles.

 Le v. 9, tout d’abord, nous fait entrer dans la NATURE profonde du Peuple de DIEU. HaShèM l’apostrophe en tant que COMMUNAUTÉ, c’est-à-dire, en hébreu, en tant que QaHaL, un terme qui signifie CONVOCATION. Autrement dit, on est en train de nous dire que le peuple prend ici une nouvelle dimension : il est pleinement lui-même, face à HaShèM, en tant que COMMUNAUTÉ, c’est-à-dire à partir du moment où il se rassemble autour de HaShèM. C’est vraiment important, parce que ça signifie que le vis-à-vis de HaShèM, c’est le peuple, certes, mais le peuple quand il se rassemble comme une COMMUNAUTÉ LITURGIQUE convoquée ! On est très tentés aujourd’hui de parler d’invitation : DIEU invite…  mais non. La ToRaH est très claire à ce sujet : HaShèM n’invite pas, il CONVOQUE. Et Il ne convoque pas des individus pour eux-mêmes : Il convoque UN PEUPLE. Et c’est d’ailleurs dans cette même dynamique que se perçoit l’Église du Christ ; une Église qui est certes une FAMILLE, mais justement : une famille se reconnaît à ce qu’elle répond à la CONVOCATION de tous ses membres, en particulier lorsqu’il faut fêter un événement fondateur. Et quand il en manque un, eh bien on se dit que la famille est amputée, elle n’est pas pleinement ce qu’elle devrait être. Eh bien ici, c’est la même chose. Quand un Fils d’Israël répond à la CONVOCATION, c’est toujours en ayant conscience qu’à travers lui, c’est le PEUPLE qui se constitue comme une COMMUNAUTÉ. Ceux que HaShèM a sauvés, ce ne sont pas simplement des individus posés les uns à côtés des autres comme dans un hall de gare ; c’est un PEUPLE, une FAMILLE qu’Il CONVOQUE pour qu’elle ne perde jamais conscience d’elle-même. C’est une autre manière de faire l’expérience de la CHAIR : la CHAIR des Fils d’Israël  porte en chacun d’entre eux la mémoire de TOUT le peuple, et jamais seulement la mémoire d’un seul individu.

Et c’est alors que HaShèM apparaît dans sa Gloire, c’est-à-dire dans la Nuée lumineuse. Le récit est en train de nous dire que désormais, il y a un lien entre le QaHaL, la CONVOCATION, et la manifestation visible de HaShèM ! Autant, auparavant, la Nuée était intervenue d’elle-même pour libérer le peuple qui n’était pas encore constitué comme tel, autant à présent, maintenant que le peuple est appelé à assumer sa toute nouvelle liberté, la Nuée n’apparaît plus que lorsque la Communauté est rassemblée. C’est dire l’importance de la CONVOCATION : HaShèM se manifeste dans le monde quand la CONVOCATION rassemble le peuple de l’Élection ! Raison pour laquelle les rabbins vous diront qu’aujourd’hui encore, la présence divine, la fameuse ShéKhiNaH, se tient au-dessus de chaque Communauté dès lors que celle-ci sait se rassembler, notamment à l’occasion du ShaBBaT.

Alors quelle est la conséquence ? Jamais auparavant le peuple n’avait été convoqué comme tel, lorsqu’il était du côté de l’Égypte. Eh bien maintenant qu’il est constitué comme COMMUNAUTÉ, il doit se tourner résolument, nous dit le v. 10, du côté du DÉSERT. Et on va s’attarder sur cette notion de DÉSERT qui est capitale. D’une part parce que le désert est avant tout ici l’expression du non-retour. Désormais, si on veut voir les Signes de DIEU, il faudra regarder vers l’avant, et non plus vers l’arrière. Il faudra être un peuple de l’ESPÉRANCE, et non pas un peuple de la nostalgie. Rappelez-vous aux v. 3-4 : les Fils d’Israël étaient tentés de revenir sur leurs pas. Mais non : il faut regarder vers l’avant, même — et SURTOUT si cet avant est un DÉSERT. Parce que le DÉSERT, ce n’est pas simplement un lieu aride. En hébreu, le désert peut être désigné par deux termes différents : d’une part ShéMaMaH, qui dit le désert comme une terre de désolation, sans vie. Mais d’autre part, DÉSERT se dit aussi MiDBaR, de la racine DaBaR qui signifie « parler ». Ici, c’est le MiDBaR, c’est-à-dire le DÉSERT en tant que lieu de l’émergence d’une Parole, ET DONC en tant que lieu de l’émergence de la Vie. Si on prend l’hébreu moderne, le MiDBaR, c’est un désert, mais un désert où on a réussi à faire pousser quelque chose. Non qu’on ait « repoussé » le désert, mais pour qui sait espérer en la Vie, le désert n’est jamais inéluctablement une terre de désolation. Vous plantez n’importe quelle peuplade dans le désert, dix ans plus tard, le désert n’a pas changé. Vous plantez le peuple juif dans le désert, dix ans plus tard, il a créé une oasis et exporte le produit de ses plantations. Pourquoi ? Parce que le peuple juif est marqué par l’espérance qui prend ici ses racines, dans ce ch. 16 qui ne cesse de révéler son importance décisive pour l’avenir de ces Fils d’Israël à peine sorti de l’esclavage. Le DÉSERT est le lieu de la LIBERTÉ, au sens ce désert pose devant ce peuple, plus que nulle part ailleurs, le choix auquel HaShèM les convoque : ce désert, soit tu le regardes comme une aventure dans laquelle tu vas t’avancer, où tu vas entendre la Parole qui te permettra de te dépasser et d’y faire jaillir la VIE, à commencer par la tienne. Ça c’est le chemin de la LIBERTÉ, qui à partir d’un donné, même difficile, est capable d’en extirper l’inattendu. Soit tu le regardes comme une fatalité, tu n’y est pas pour écouter la Parole ; pire : quand HaShèM donne sa Parole, tu vas la REFUSER, et tu vas perdre ta LIBERTÉ. Ta LIBERTÉ va se transformer en DESTIN, en FATALITÉ. Et ça, c’est le fruit du péché : transformer la liberté en DESTIN ; ce qui ne laisse la place qu’à la jalousie et à la révolte contre HaShèM. Maintenant, cette LIBERTÉ ne va pas porter des fruits instantanés. Il y a une dimension essentielle à cette LIBERTÉ qu’offre le DÉSERT, et cette dimension, c’est LE TEMPS.

Il y a un rapport essentiel du DÉSERT au TEMPS. Dans le désert, le temps est marqué par l’attente. Non pas l’attente comme un manque, mais l’attente comme une ESPÉRANCE, l’attente comme un POTENTIEL. Dans le DÉSERT, le temps est comme suspendu ; et à travers ce temps suspendu, la vie elle-même est suspendue. Non qu’elle ait disparu, mais parce qu’elle-même est en attente, elle-même est en espérance. Il suffit pour s’en convaincre d’aller dans le désert pendant la saison des pluies pour s’apercevoir que partout où il semblait n’y avoir que du sable stérile à perte de vue, la végétation était là… mais… en attente. Eh bien, la ToRaH nous fait aller au plus profond de cette réalité : ce que le désert inscrit dans le temps, c’est très mystérieusement le surgissement d’une PAROLE DE VIE. L’homme est ainsi fait que pour vivre, il ne lui suffit pas de manger ni de boire : il lui faut ENTENDRE UNE PAROLE qui lui soit adressée, qui le reconnaisse et le convoque à croire en sa LIBERTÉ ; une PAROLE qui le convoque à poser des actes qui manifestent qu’il accepte d’embrasser cette vie, quoi qu’il en coûte, parce que quelqu’un CROIT EN LUI. Et la première arme que donne HaShèM pour mobiliser cette LIBERTÉ, c’est la COMMUNAUTÉ ! Et c’est là, au DÉSERT, que HaShèM attend son peuple pour pouvoir inscrire en sa chair une Parole qui lui ouvrira les portes de la vraie vie.

Donc, prendre le chemin du DÉSERT, c’est paradoxalement prendre le chemin de la vie, mais en attendant, c’est une vraie décision de la volonté, parce que le désert, spontanément, on n’a qu’une seule envie : c’est de le fuir ! Il n’a rien de la séduction des jardins du Nil ! Et donc la raison se dit : mais pourquoi est-ce qu’on a lâché ce paradis ? Et HaShèM dit au contraire : « Non ! Je te convoque là à l’aventure de la LIBERTÉ ! » Je ne t’ai pas créé prisonnier d’un destin : prends cette vie, et ensemble, avec tout le peuple, je vais te montrer comment on fait fleurir un DÉSERT ! Sauf que pour ça, il faut se tourner vers le désert et ne pas regarder en arrière. Vous voyez ? Décidément, la liberté, ce n’est pas la licence de faire ce qu’on veut, mais c’est la FORCE même DE LA VOLONTE qui choisit de s’aventurer là où la raison, elle, est tentée de rester rivée à un passé auréolé de bien-être, alors même que c’était un passé d’esclavage… Ce qui signifie que la raison n’a pas toujours raison… « Le cœur a ses raisons que la raison ignore », disait Blaise Pascal. Or le cœur, dans la Bible, ce n’est pas l’émotion : le cœur est le siège de la volonté ! Voilà donc ce que nous dit en définitive la Torah : « L’avenir se présente comme un désert ? Tant mieux ! C’est là où HaShèM pourra être entendu ; c’est là où les signes pourront devenir parlant. C’est là que tu vas découvrir ce que VIVRE veut dire, en obéissant à la CONVOCATION par HaShèM de tout le peuple auquel tu appartiens comme le lieu de ta FORCE. » C’est l’épisode de l’Oasis de MaRa qui prend chair : là où l’eau est d’abord amère, HaShèM peut en faire de l’eau vive pour ceux qui mettent en LUI leur FOI et demeurent vaille que vaille dans l’ESPÉRANCE. Et encore une fois, toute la vigueur du peuple juif aujourd’hui, 3000 ans après Moïse, après avoir traversé les pires tourments qui auraient dû le faire démissionner devant la détermination des nations à le faire disparaître de l’horizon ; toute sa force CHARNELLE trouve là ses racines. Rien que ça devrait nous faire comprendre que la Saga de Moïse ne saurait aucunement n’être qu’un pur roman d’invention.

Je vous laisse aujourd’hui sur ces quelques considérations que nous évoquent ces deux petits versets, mais qui, sans en avoir l’air, continuent de poser les fondements de toute l’histoire qui va suivre.

Je vous souhaite une bonne lecture, et nous terminerons le ch. 16 la prochaine fois.

Je vous remercie.
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