18-05-2015

[Ex] 26 - La fête des Azymes et la 10e frappe

Exode 12:15-51 par : le père Alain Dumont
Associée au repas de la Pâque est instituée la Semaine de Azymes. Tout est prêt alors pour qu'intervienne la 10e frappe.
Duration:14 minutes 30 secondes
• Pour ceux que cela intéresse, un rituel de la Haggada de Pâque :
Hagada_de_Paque.pdf

Transcription du texte de la vidéo :  
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

J’espère que vous ne trépignez pas trop du temps que nous prenons pour lire ces textes de l’Exode… Ils sont tellement importants qu’on ne peut pas se permettre d’aller trop vite. Vous verrez que pour la suite, ce sera plus rapide, mais pour l’instant, il faut aller pas à pas. Nous sommes toujours au ch. 12 du livre de l’Exode, dans les préparatifs du départ. Après le commandement de la préparation de l’Agneau, intervient un autre précepte : celui de la fête des Azymes, jusqu’au v. 20, après quoi on revient aux prescriptions de la Pâque. C’est important d’entendre cette partie, parce que pour nous, en général, Pâque se réduit au repas pascal. Or c’est plus subtil que ça.

Alors on pense habituellement que la fête des Azymes est un reliquat d’une ancienne fête agricole du Moyen-Orient, qu’on a joint à la fête nomade d’abattage des agneaux lors de la pleine lune de Printemps. Bon. Va pour l’origine. Une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand-chose. Quoi qu’il en soit, le plus important est de comprendre comment Moïse reprend cette tradition et lui donne sens au cœur de la Pâque !

Azyme. MaTsaH en hébreu. Non pas du « pain Azyme », parce que « pain » se dit « LeKhèM » et désigne une pâte gonflée par le levain. Le Azyme, ce n’est pas une réalité négative au sens d’un « pain » auquel il “manquerait” du levain. La MaTsaH est en soi une réalité toute positive, qui a du sens. Le mot vient d’un verbe qui signifie « presser » pour faire sortir le suc :  C’est donc une pâte qu’on travaille, qu’on presse constamment pour L’EMPÊCHER volontairement de lever — de devenir H°aMeTs, c’est-à-dire une pâte levée —.Et comment l’empêcher de lever ? En prenant la DÉCISION, sur le commandement de HaShèM, de la faire cuire rapidement. Et quand HaShèM donne une prescription, pour qu’elle soit signifiante, il va toujours jusqu’au bout : « vous ferez disparaître le levain de vos maisons » ; littéralement : « Vous chômerez du levain » ; vous ferez un ShaBBaT de levain, si vous voulez, pendant 7 jours. 7 jours : On est dans la symbolique de la création si vous vous rappelez le livre de la Genèse. Ces 7 jours signifient donc qu’avant la Délivrance, on prend le temps de se recevoir de HaShèM à travers cette pratique des Azymes ; on prend le temps d’être créé par HaShèM, et APRÈS seulement, on prend le départ !

Donc vous voyez, la MaTsaH ne signifie pas la hâte d’une fuite : on n’a pas le temps, alors tant pis pour le pain levé… Non ! Tout au contraire, vécue pendant 7 jours, le rituel de la MaTsaH signifie la DÉCISION de NE PAS ATTENDRE pour partir. Ce n’est pas l’Égypte qui me chasse et que je fuis, parce que ça signifierait encore la supériorité de l’Égypte. À travers le rite de la MaTsaH, Israël signifie qu’il ne fuit pas Pharaon, mais décide librement de prendre la route de sa libération. Donc à la fois, il est urgent de partir ; et en même temps, on prend le temps parce qu’on veut expérimenter charnellement la LIBERTÉ que HaShèM a déjà suscité dans les cœurs ! On ne peut pas célébrer Pâque sans la MaTsaH, parce que c’est elle qui fait de Pâque le moment de la liberté qui va marquer toute l’HISTOIRE qui s’ouvre devant le peuple nouvellement créé. C’est important au point que, si quelqu’un du peuple n’obéit pas au commandement de la MaTsaH, il est excommunié ! Tu n’as rien compris ! Et ce rite des Azymes, tout comme celui de la Pâque, au v. 14, sera à transmettre de génération en génération comme le patrimoine charnel qui alimentera la mémoire originelle de tout le peuple : nous sommes un peuple libre ! La Pâque n’est pas une fuite : c’est une route que l’on prend librement pour partir.

Une fois ce sens établi, on revient à la Pâque. Le rite est redonné, avec quelques précisions supplémentaires : l’utilisation de l’hysope, qui est une plante aromatique à laquelle on attribuait des vertus purifiantes — elle sera reprise dans d’autres rites — ; la prescription de ne plus franchir la porte une fois qu’elle est marquée etc. Mais surtout, on a l’institution du dialogue propre à la Pâque, un dialogue qu’on retrouve jusqu’à aujourd’hui dans ce que les juifs nomment la HaGGaDaH, c’est-à-dire le « récit » de Pâque. Pendant le repas de la Pâque, le SeDeR, les familles commencent par réciter la HaGGaDa, faite des questions des fils et des réponses des pères, dans le style de ce que rapporte notre texte — je vous en mets un exemple en document pour ceux que ça intéresse — ; Une fois la HaGGaDa terminée, on consomme les aliments qui composent le récit avant de dîner proprement dit.

Bref, pour en revenir à Moïse, le peuple écoute et se retire pour faire selon ce qui a été prescrit. Et voici la terrible et définitive 10e frappe, aux v. 29-30. Comme je vous l’ai dit, elle n’est racontée qu’en 2 versets. Pas de voyeurisme dans la Torah. Rien à voir avec le livre de la Sagesse qui va se charger de dramatiser l’épisode… « Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, du haut des cieux, ta Parole toute-puissante — ton Logos, ta MeMRaH — s’élança du trône royal, guerrier inexorable, au milieu d’une terre vouée à l’extermination. Portant pour glaive aigu ton irrévocable décret, elle s’arrêta et remplit de mort l’univers ; etc. » Là c’est bon, Spielberg peut y aller avec ses images de synthèses. Sauf que la Torah, elle, n’aime décidément pas ça. Parce qu’en racontant avec trop de lyrisme, on passe à côté du SIGNE.

En fait, lisons précisément. On nous dit que DIEU passe. Or rappelez-vous : nul ne peut voir DIEU et vivre, et Pharaon a refusé d’être protégé de ce passage ! Il a provoqué HaShèM en se prétendant son égal, au nom de tous les dieux de l’Égypte ! Alors HaShèM s’est présenté, comme la Lumière dans les Ténèbres, et les Ténèbres n’ont pas pu Le saisir. Il s’est présenté à travers sa MeMRaH, son Verbe, devant les premiers-nés consacrés aux dieux de l’Égypte, et au lieu de la vie, ils ont trouvé la mort. Le sang de l’Agneau, comme signe de VIE, était là pour indiquer au Verbe de HaShèM de ne pas entrer dans ces maisons, il « passait par-dessus », c’est un des sens du mot Pâque. Et là, c’est terrible. Je vous laisse lire, écouter la clameur qui monte, et peut-être faire silence après cette courte lecture.

Une fois la sentence accomplie, Pharaon convoque Moïse et AaRôN, et il cède. Il laisse partir les Fils d’Israël et tous les Égyptiens — au moins ceux de la Basse Égypte où se passe la scène — leur redonnent leurs biens. Je vous ai déjà dit qu’il s’agissait sans doute d’une restitution de biens qui avaient été spoliés.

À partir du v. 37, on nous raconte enfin le départ. Là, on n’est plus dans la promesse : on part vraiment. Et on vous dit que ce sont « environ 600 000 hommes de pied », c’est-à-dire en état de marcher, sans compter les enfants — on ne parle pas des femmes, désolé —. En réalité, il ne s’agit pas d’un dénombrement. Le mot ‘èLèPh peut signifier « mille », mais il peut aussi signifier « un ensemble », au sens d’un clan ou d’une famille. Vous avez ça par exemple en Jg 6,15, où Gédéon dit au Seigneur : « De grâce, ma famille est la plus faible de Manassé ! ». C’est le mot ‘èLèPh qui est utilisé. Donc le v. 37 serait mieux traduit par : « Environ 600 familles d’hommes à pied », ce qui fait environ 3 000 pèlerins, ce qui n’est déjà pas si mal. Ça correspond d’ailleurs archéologiquement aux chiffres de l’augmentation de population constatée dans les environs de Urushalîm, vers Hébron, juste avant l’an 1 000 avant J.-C., date à laquelle, avec le Pr. Davidovits, nous datons l’entrée en Canaan ; soit bien 40 ans après la période où nous situons le départ de l’Exode, sous le règne de SMENDES.

Quoi qu’il en soit, le groupe — la troupe, comme dit le récit — est fédéré par les Fils de Héby-Lévy, et le « peuple mêlé » qui se joint à lui regroupe sans doute les artisans de EL-AMARNA qui avaient été déportés dans le Nord après la mort de AKHÉNATÔN, et qui avaient été les premiers réquisitionnés pour bâtir les villes entrepôt. S’Ils ne sont pas directement rattachés aux Fils de Héby-Lévy ni aux Fils d’Israël, ils ont malgré tout subi le même sort. Ça suffit pour se sentir concerné et s’associer à l’émigration des Fils d’Israël vers une terre plus prometteuse. Le v. 39 dit alors que le peuple part en hâte avec la MaTsaH, mais lisez ce verset à la lumière des v. 15 à 20 : cela fait 7 jour qu’ils mangent la MaTsaH qui les a préparés au départ, mais un départ LIBRE, même si l’on nous dit qu’ils sont « chassés ». Maintenant, le séjour en Égypte, nous dit-on, fut de 430 ans. Ce qui veut dire que si l’annonce faite à Abraham est située au cours de la période des Hyksos, vers 1 500 ans avant J.-C. Ça correspond assez bien à la chronologie que nous avons adoptée, qui situe le départ vers 1 060. Tout ça est évidemment conjectural, mais enfin, ça montre que les chiffres bibliques ne sont pas nécessairement de pures affabulations.

Suit un très beau verset appelant cette nuit la « Nuit de Veille de HaShèM » : HaShèM est un Veilleur ; Il ouvre l’histoire en inscrivant sa lumière dans les ténèbres. Voilà l’Alliance ! C’est aussi le titre que les chrétiens donnent à la Nuit de Pâques où Jésus traverse les ténèbres pour aller relever ceux qui se sont endormis dans la mort et les prendre avec Lui dans la résurrection.

Le reste du chapitre 12 revient sur la prescription de la Pâque, et là, on gère l’adjonction des étrangers partis avec les Fils d’Israël. Dans le fond, on vous explique qu’il faut en faire des prosélytes. Ceux qui ne voudront pas être circoncis n’auront pas part à la Pâque, c’est-à-dire ne seront pas considérés comme faisant partie du peuple des Fils d’Israël. On ne peut pas seulement bénéficier des fruits de l’Alliance sans s’engager dans cette Alliance ; ce serait trop facile !

Voilà donc pour ce ch. 12 tellement essentiel. La prochaine fois, nous continuerons d’aller pas à pas, parce que les chapitres que nous traversons sont d’une telle richesse que nous ne pouvons pas nous permettre d’aller plus vite. Mais ne vous en faites pas, on reprendra un rythme plus soutenu quand les fondements seront mis en place.

Je vous souhaite une bonne lecture,

je vous remercie.
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