13-05-2015

[Ex] 20 - De la quatrième à la septième frappes

Exode 8:16-9:35 par : Père Alain Dumont
La main du Seigneur s'abat sur l'Égypte. Pharaon ne veut rien entendre...
Duration:16 minutes 22 secondes
Transcription du texte de la vidéo :  
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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 Bonjour,

Nous voici rendus à la 4e frappe, toujours au ch. 8 de l’Exode, v. 16.

Le SEIGNEUR reprend l’initiative en envoyant Moïse et AaRôN, dans le matin [BaBoKeR], au moment où, comme chaque jour, Pharaon sort vers le Nil. Seulement cette fois, il n’a même plus le temps d’arriver au bord du fleuve que Moïse l’épingle et lui réitère la demande, avec la consigne de HaShèM de « se tenir droit » devant Pharaon, d’égal à égal (parce que tout le monde se courbait devant le roi, évidemment) : « Laisse sortir mon peuple ! », avec cette fois la menace du [He”aRoB], qu’on traduit souvent par les « taons », mais sans qu’on sache vraiment ce que c’est. En fait, c’est un « essaim »… mais un essaim de quoi ? Même pas sûr que ce soit des insectes, parce que le Targum palestinien traduit par « une bande de bêtes sauvages », ce que confirme la tradition rabbinique. Je vous rappelle encore que le Targum, c’est un bon marqueur du sens reçu par la tradition à l’époque du Christ ; donc plutôt que d’inventer des significations arbitraires, autant se fier à ce qui s’enracine dans la mémoire la plus vénérable et la mieux éprouvée.

Bref, Moïse annonce l’invasion des bêtes sauvages. Or là encore, cette frappe va atteindre Pharaon de plein fouet ! On trouve en effet des fresques égyptiennes qui représentent Pharaon jetant ses filets sur les bêtes sauvages pour les contenir et protéger ainsi l’Égypte. Donc ici, Moïse annonce que le filet de Pharaon est rompu, et c’est une discréditation de plus de son pouvoir divin. Et là, on assiste à une première inversion : ceux-là mêmes que Pharaon voulait exterminer, voilà ce sont précisément ceux qui seront saufs. Eux que désormais Le Seigneur, HaShèM, appelle : “aMi, « Mon Peuple ».

Et ici, pour la première fois, Pharaon semble céder, mais… il veut garder la main et il émet des conditions : « D’accord pour que vous alliez sacrifier dans le désert, mais dans le désert d’Égypte ! » Tu parles ! Les UBRus étant désignés comme des parias par toute la propagande officielle des prêtres de AMÔN, ils vont se faire lapider ! Donc Moïse refuse, et la frappe continue. Alors Pharaon lui dit : « D’accord, d’accord pour le désert, mais pas loin ! » Moïse n’est pas dupe, mais il implore le SEIGNEUR, et comme précédemment, dès que la frappe cesse, Pharaon appesantit son cœur et c’est le retour à la case départ…

– Cinquième frappe : 9,1-7

On passe encore un cran de plus, au ch. 9 : non plus seulement le doigt de DIEU (Ex 8,15), , mais cette fois, c’est bel et bien la main puissante du Maître du Monde qui va s’abattre. Je vous rappelle que quand je dis : « Maître du Monde », c’est la traduction française de « ADoNaï » qui est la transcription du Tétragramme Sacré imprononçable. Et pour les catholiques, c’est ce sens de Maître du Monde qu’ils traduisent par SEIGNEUR.

Bref. Voici que la main du SEIGNEUR entre donc en action. Je vous rappelle que l’expression désigne toujours la « Main droite », ou de manière encore plus concise : « la Droite » de DIEU, c’est-à-dire sa puissance. Et cette puissance se manifeste, nous dit le texte, par la peste : DèVèR, en hébreu. Et même : DèVèR KaVèD MéoD, une peste très glorieuse. C’est très bizarre comme expression ! KaVoD HaShèM, c’est la Gloire du SEIGNEUR, mais rappelez-vous : la Gloire non pas au sens de la gloriole mais au sens d’un poids que HaShèM prend dans l’histoire des hommes pour la mener et la faire grandir jusqu’à maturation. Donc DèVèR KaVèD MéoD, c’est une peste très pesante, qui pèse du poids même de DIEU ; du poids même de la main que HaShèM impose sur l’Égypte. Ok. Mais ceci dit, c’est quoi, cette peste ?

C’est là que savoir un peu comment fonctionne l’hébreu s’avère éclairant. Rien à voir avec nos langues indo-européennes, on l’a vu avec les chiffres, rappelez-vous. L’avantage de l’hébreu, c’est qu’on peut jouer avec les mots, avec l’ordre des lettres, avec les consonances, avec les voyelles qui sont libres, et tout cela fait sens ! Un peu trop d’ailleurs, si on n’y prend pas garde, mais bon. Quoi qu’il en soit, si vous changez les voyelles — ce que vous avez le droit de faire en hébreu pour faire jouer ensemble le sens des mots de même racine —, ça donne DaVaR, c’est-à-dire la PAROLE ! Et du coup, vous vous vous apercevez que ce que DIEU a envoyé sur Pharaon, c’est sa PAROLE TRÈS GLORIEUSE, qui pèse de tout son poids. Et là, évidemment, ça ouvre le sens., parce que dès lors, on comprend que ce à quoi Pharaon se refuse, c’est cette PAROLE divine qu’il reçoit donc comme un DèVèR, c’est-à-dire comme une Peste… Et là, vous comprenez que HaShèM, en soi, n’envoie pas la Peste, mais Il envoie sa PAROLE GLORIEUSE, sa PAROLE DE GLOIRE, c’est-à-dire une parole qui pèse dans l’histoire, mais qui devient pestilentielle pour Pharaon qui la refuse, et avec lui pour tous ceux qui sont dans le déni de cette Parole mais à qui pourtant elle s’impose ! Et hop ! Pharaon, encore une fois, fait le gros dos. Il ne demande même plus à ses magiciens d’intervenir… Il sort, il constate, et il appesantit son cœur.

– Sixième frappe : 9,8-12

Alors il faut encore aller plus loin. La frappe précédente cesse du seul fait que tous les troupeaux sont morts… Alors à quoi bon attendre une amélioration ? Que peut-on attendre de positif d’un tel peuple et d’un tel DIEU ennemis ? Et puis dans le fond, quand on voit les ravages de ces fléaux, est-ce que ce n’est pas la preuve que Pharaon avait raison de vouloir les réduire à l’esclavage ?

Le plus terrible dans tout ça, c’est que Pharaon a lui-même créé les conditions de réalisation de ce qui l’angoisse le plus. Ça, c’est une loi générale : on angoisse que quelque chose n’arrive ; on tente de le circonscrire avant que ça n’arrive, mais les moyens mêmes qu’on prend sont précisément la cause qui va faire se produire ce qui nous angoisse tant ! Ça, c’est le processus même du péché qui auto-alimente les angoisses de l’homme. Et c’est pour éviter un tel engrenage que la Torah, les Prophètes et les Psaumes, et a fortiori le Nouveau Testament, nous ont été donnés.

Bref, quoi qu’il en soit, on comprend que plus Pharaon se raidit, s’endurcit, et plus il devient l’acteur principal des malheurs de l’Égypte. Parce que ne nous trompons pas sur l’origine de la violence qui s’abat sur le pays : c’est PHARAON qui en est à l’origine ! C’est Pharaon qui a convoqué le mal qui va le dépasser complètement et se retourner contre lui. Puisqu’il refuse HaShèM, plus il s’obstine, et plus il s’interdit de bénéficier du Salut que seul HaShèM peut encore lui offrir à ce stade. Alors peut-être Pharaon joue-t-il la montre : les premières plaies étaient liées aux crues du Nil ; puis aux premières germinations. Il reste encore les récoltes tardives. Toutes ces frappes ne sont que partielles ; il y aura toujours moyen de rebondir. Vous voyez comment on assiste à un déni pur et simple. Et nous, nous savons que ça va mener à la catastrophe !

Alors le SEIGNEUR demande un nouveau geste : lancer en l’air la suie des fourneaux. La Suie, PiaH’, vient d’une racine qui signifie le « filet ». C’est un filet de suie qui tombe sur l’Égypte, et qui provoque les ulcères, c’est-à-dire qu’elle rentre cette fois à l’intérieur et devient de la pustule, ShéH°îN, qui, quand on le lit à l’envers — je vous ai dit que l’hébreu est fait pour qu’on joue avec les mots —, devient NaH°aSh en changeant les voyelles, c’est-à-dire le SERPENT. Or le serpent est l’emblème de la puissance de Pharaon ! Donc le mot à l’envers signifie non seulement pustule, mais inversion du NaH°aSh ! La morsure du serpent protecteur qui se tourne contre l’Égypte et vient la ronger de l’intérieur ! Et là, tout échappe à Pharaon ! Même ses magiciens ne lui obéissent plus. Mais il s’obstine, il n’écoute toujours pas. Je ne sais pas si vous sentez, mais la pression monte ! C’est mieux qu’un film fantastique !

– Septième frappe : 9,13-35

Alors, il faut encore passer un cran… C’est terrible ! J’espère que j’arrive à vous faire sentir à quel point Pharaon s’enfonce dans une tragédie dont il est lui-même l’instigateur et la victime ! Nouvelle série de trois frappes, donc. À nouveau, Moïse doit aller rencontrer Pharaon, encore plus tôt, avant même qu’il ne sorte vers le Nil dont il n’est même plus question désormais. Comme si Pharaon n’avait même plus accès à la source de sa Puissance.

Le SEIGNEUR révèle alors, que jusqu’à maintenant, il avait retenu sa main. Eh bé ! Alors attention : n’oublions pas que son but n’est pas de détruire l’Égypte : c’est de libérer son Peuple. Et là, les Égyptiens vont être atteints encore plus profondément, dans leur chair. Bien sûr, les pustules les avaient déjà pourris de l’intérieur, mais cet intérieur-là n’était encore que le corps. Le SEIGNEUR va maintenant les atteindre dans leur chair, dans leur histoire, leur mémoire, leur tradition, c’est-à-dire dans tout ce qui compose la colonne vertébrale de l’Égypte. Il va manifester que tout le système cultuel de l’Égypte n’est qu’IDOLÂTRIE ; que toute la théogonie tri-millénaire de l’Égypte n’est que néant face au DIEU Sauveur, au DIEU de la Rédemption.

C’est particulièrement clair au v. 14 : « Afin que tu saches qu’il n’y a personne comme Moi dans toute la terre ! » « Savoir », ici, c’est le verbe “aBaR, qui concerne le raisonnement. Ce qui va maintenant se passer doit mettre Pharaon en questionnement existentiel, ce dont jusqu’à présent il s’est trouvé absolument incapable. Pourquoi ? Parce que Pharaon n’a pas le sens de l’Histoire. L’Histoire, avec un [H] majuscule, ne naît qu’avec l’apparition d’un but, d’une promesse. Pharaon, lui, ne vit que dans L’INSTANT. Sa seule mission est de soutenir dans l’instant ce qui existe depuis la fondation du monde. Si un fait lui résiste, il tente de le briser afin que le cadre de la survie de l’Égypte perdure. C’est exactement ce qu’il a fait pour les 6 premières frappes, mais à présent, HaShèM l’avertit : « Ton système ne va plus durer ! » Et de fait, si c’est bien de SMENDÈS qu’il est question, l’Égypte on le sait ne se relèvera plus jamais ! Elle entrera dans la Basse Période et sera sous le coup des envahisseurs, Perses d’abord, puis Grecs, puis Romains.

Donc va-t-il céder ? Il serait encore temps ! Mais en même temps, il est déjà allé trop loin… Et lorsque DIEU ordonne que ceux qui l’écoutent de regrouper famille et troupeaux pour échapper à la grêle qui va s’abattre. Pharaon, alors, est jeté au bas de son trône : il ne protège plus rien. De sorte que pour survivre, ses propres sujets devront même lui désobéir !

Survient alors le nuage de grêle… Sur toute la terre d’Égypte ! C’est effrayant ! La grêle : BaRaD, en hébreu, c’est-à-dire ce qui descend d’un trait ! Jamais l’Égypte n’avait connu un tel fléau, raison pour laquelle elle se croyait éternelle et toute-puissante. Et voilà l’Égypte broyée par le ciel, c’est-à-dire par cela même dont elle croyait, grâce au culte rigoureusement exécuté, qu’elle serait à tout jamais protégée. Seul le pays de GOSHEN est épargné, et encore : seulement pour les Fils d’Israël qui se sont regroupés avec leurs troupeaux. Cela même que Pharaon voulait éviter à tout prix : qu’ils commencent à retrouver leur identité de peuple, et de famille. Et cette fois, autant le dire, tout est fichu pour l’Égypte ! Tout le système économique égyptien est anéanti, et RIEN ne repoussera l’année suivante : plus de fruits, plus de récoltes, plus RIEN !

Là, Pharaon s’interroge : le voilà déchu de son rôle de protecteur suprême de l’Égypte. Il n’est plus que le maillon faible d’un système qui tombe en chute libre ! « J’ai péché ! », avoue-t-il. « C’est nous qui sommes les méchants !  Implorez HaShèM » : Ah, ça y est ! Il reconnaît HaShèM ! Sauf que Moïse n’est toujours pas dupe ! Et il a raison : dès que la frappe cesse, Pharaon se récuse ! C’est terrible, parce que la population va payer le prix fort de son obstination irrationnelle ! Vous remarquerez qu’aujourd’hui, malheureusement, les choses n’ont guère changé… Quand des politiques refusent d’entendre le message du Christ, c’est-à-dire celui-là même dont Moïse a promis la venue ; un message de libération qu’ils tentent de réduire à la sphère privée, au rang de secte pour garder le contrôle des populations qu’ils enfoncent au nom des dieux de la finance à qui ils ont fait allégeance… Alors quand paraît la sentence, la fameuse « crise », ils appellent à la réforme parce que tout semble leur échapper, mais quand l’orage est passé, ils s’empressent d’oublier leur velléité de changement… C’est le même schéma, Sauf que, grâce à la Torah, nous savons, nous, quel est le véritable enjeu ! Et avec Moïse, avec le Christ, nous gardons le cap vers la Terre de la Promesse. J’espère vraiment que vous sentez que l’Écriture n’est pas un simple réservoir de culture : c’est une lumière pour discerner les enjeux politico-religieux contemporains, et surtout garder l’espérance et la foi dans le DIEU Sauveur !

Alors nous n’irons pas plus loin pour l’instant. Prenez le temps de bien lire le récit de ces frappes, nous verrons la catastrophe finale se profiler la prochaine fois. En attendant, c’est la guerre ! À nous de rester dans l’espérance.

Je vous souhaite une bonne lecture.

Je vous remercie.

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