16-03-2015

[Ex] 15 - Plus de paille !

Exode 5:1-23 par : Père Alain Dumont
Moïse se présente devant Pharaon : "Laisse sortir mon peuple!” Pharaon ne l'entend pas de cette oreille !
Duration:17 minutes 7 secondes
Transcription du texte de la vidéo : 
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous allons aujourd’hui ouvrir le ch. 5 du livre de l’Exode, mais auparavant, il nous faut nous poser la question : Que s’est-il passé en Égypte depuis le départ de Moïse ? Eh bien, si on accepte la chronologie que je vous propose de suivre depuis le début de notre lecture, l’Égypte a quitté la XXe dynastie pour entrer dans la la XXIe dynastie, et dans le même temps, s’est ouvert la 3e période Intermédiaire de l’histoire de l’Égypte ! Comprenez : le Nord et le Sud sont à nouveau déchirés. En 1080, RAMSÈS XI avait ordonné à HÉRIHOR, le vizir et premier grand prêtre de AMÔN, de reprendre en main de la Haute-Égypte. Sauf qu’après avoir rétabli l’ordre, HÉRIHOR s’est institué roi et il a fondé un contre-pouvoir dans le Sud désormais politiquement aux mains des Grands-Prêtres de AMÔN, qui sont aussi des chefs de guerre. Ce royaume cohabitera dix ans avec le dernier RAMSÈS, après quoi le frère de HÉRIHOR — ou son fils, on ne sait pas bien —, du nom de SMENDÈS, s’installe à Tanis, et s’autoproclame 1er Pharaon de la XXIe dynastie.

Et là, SMENDÈS et HÉRIHOR vont aller jusqu’au bout de ce qu’avait commencé RAMSÈS XI : ils vont intimer aux cadres, prêtres compris, et au personnel du sanctuaire D’AMÉNOPHIS, FILS DE HAPOU d’émigrer dans le Delta. Toute l’administration du Sanctuaire et le village de DEIR-EL-MEDINEH sont alors déplacés vers le Nord : c’est la fin de la Vallée des Rois, et le sanctuaire Mémorial de Joseph Aménophis est définitivement fermé.

Or voilà ce que rapporte Flavius Josèphe, toujours le grand historien de l’Antiquité, à partir d’un document rédigé au IIIe siècle avant J.-C., écrit par un certain MANÉTHÔN racontant l’histoire de l’Égypte ancienne : d’après cet écrit, le Pharaon voulut réaliser son désir de nettoyer le pays d’Égypte des lépreux et autres impurs [entendez par là les UBRUS]. Il les réunit, au nombre de 80 000 dit le texte, et il les envoya dans les carrières du Nord, travailler à l’écart des autres égyptiens. Il y avait parmi eux des prêtres savants convaincus d’impureté, et l’on commit l’erreur de les faire travailler, ce qui attira la colère des dieux. Les hommes, enfermés dans des carrières, montèrent l’opération d’une révolte et ils prirent pour chef l’un des prêtres à qui ils jurèrent obéissance absolue. Et pour MANÉTHÔN, ce chef n’était autre que… Moïse !

Pourquoi enrôler les prêtres fut-il une erreur ? Replaçons les choses dans leur contexte : Étant donné la notoriété du Sanctuaire d’Aménophis, fils de Hapou, on comprend bien qu’il ait pu être perçu comme une menace pour l’État, un peu comme l’Ordre des Templiers au xive siècle en France. Dès lors, sous prétexte de construire une nouvelle capitale, HELIOPOLIS ou TANIS, dans le Delta, le Pharaon, qui fait partie des prêtres de AMÔN, décide de passer outre le décret d’AMENHOTEP III qui exemptait de corvée le clergé et tous les affiliés au Sanctuaire-Mémorial. Car il a besoin, pour cette construction, de ces prêtres savants. Il enferme les UBRus dans les mines de TOURA, vers les grandes pyramides de GIZEH, et il les soumet aux travaux forcés. Parmi eux se trouvaient des prêtres savants, c’est-à-dire les prêtres officiants du Sanctuaire Mémorial, et ce sont eux qui vont organiser la révolte définitive.

Maintenant, comment les dignitaires du sanctuaire ont-ils vraiment réagi ? C’est là qu’il faut revenir à Moïse. Attention : là, c’est un scénario très conjectural, mais eu égard à la compétence du Pr Davidovits, on va le suivre tout bonnement dans la mesure où ce qu’il nous dit à la lumière de l’historiographie est assez cohérent.

Moïse était en Madiân lorsque la décision est prise par Pharaon de fermer définitivement le Sanctuaire-Mémorial et de mettre tout son personnel à la corvée. On peut alors imaginer que les responsables de la Fondation du Temple recherchent fébrilement la stèle du décret d’exemption de corvée rédigé par AMENHOTEP III, qu’ils ne trouvent pas, et pour cause : les deux exemplaires, dont l’un était aux archives royales et l’autre dans le Sanctuaire, avaient été détruits sous AKHENATON. Ça, c’est un fait avéré. Mais ils savent aussi que Moïse en avait une copie sur papyrus qu’il portait au cou comme insigne de sa fonction de grand Administrateur. Apprenant qu’il n’est pas mort, ils envoient donc Aarôn, son frère et Grand Prêtre du Sanctuaire, pour le retrouver. Dès lors, Moïse revient dans la Delta avec son frère et tous les deux font rédiger une copie du décret, sur une nouvelle stèle, celle qu’on a précisément découverte en 1838 et qui fait partie du patrimoine du British Muséum de Londres. Rappelons-nous qu’il s’agit là d’une des toutes premières pièces de l’Égyptologie moderne. Je vous mets le texte en document. Ce qui nous intéresse, ce sont les imprécations que contient ce texte contre ceux qui obligeraient le personnel du temple à la corvée :

« Le chef des troupes qui prendrait du personnel parmi les gens du Sanctuaire pour le charger de travaux au service personnel de Pharaon, qu'il soit exposé au courroux d’AMÔN, maître du Trône des Deux Terres. Il les livrera au feu du Roi en son jour de colère. Son uræus frontal vomira la flamme sur le haut de leurs têtes, détruira leurs chairs et dévorera leurs corps. Ils deviendront comme Apophis au matin du Jour de l'an. Ils chavireront dans la mer qui engloutira leurs cadavres. Ils ne recevront pas les honneurs dus aux gens vertueux. Ils ne pourront pas avaler les offrandes des morts. On ne leur versera pas en libations l'eau du cours du fleuve. Leurs fils n'occuperont pas leur place … etc. » (suivent une dizaine de malédictions du même genre).

À partir de là, on se dit qu’il ne faudra pas grand-chose pour décliner ce texte en 10 plaies, dans la suite de notre récit… Or c’est précisément la présentation de cette stèle à SMENDES qui va déclencher sa colère et déstabiliser encore un peu plus les UBRUS… Voilà pour le contexte. Ou du moins un contexte possible, mais qui a sa pertinence.

Donc maintenant, si nous reprenons le ch. 5 de l’Exode, nous assistons donc à la première rencontre de Moïse et de Pharaon. Et elle est décisive. Ici, Pharaon est vraiment présenté comme l’anti-peuple de DIEU : là où le peuple croit et se prosterne, à la fin du ch. 4, Pharaon, lui, refuse de croire et se dresse dans sa position de serviteur de AMÔN, le dieu de l’Égypte toute puissante.

Le dialogue avec Pharaon met alors en évidence le nœud du conflit : d’un côté, les prêtres et le personnel du Sanctuaire d’Aménophis Fils de Hapou qui demandent à aller sacrifier au DIEU d’Israël dans le désert, ce qui suppose de savoir agglomérer un autel dans la plus pure tradition de l’art sacré dont les fils de Lévy ont le secret — on y reviendra. Mais de l’autre, si ces dignitaires s’en vont, s’en va avec eux toute la science nécessaire pour bâtir les villes de SMENDÈS. Or Pharaon a absolument besoin que ces haut-dignitaires restent !

Écoutez bien la réponse de Pharaon : quand Moïse et Aaron disent, littéralement : « Ainsi parle HaShèM, l’EloHîm des UBRUS… Laisse sortir mon peuple pour qu’il me fête au désert ! », Pharaon répond « Qui est HaShèM pour que j’écoute sa voix ? Je ne connais pas ce HaShèM ! » Il connaît EloHîM, qui est le DIEU créateur, mais pas HaShèM, qui est le DIEU sauveur ! Parce que tout le monde connaît EloKhîM ! Toutes les religions connaissent un DIEU à l’origine du monde. Mais un DIEU Sauveur, comme on l’a déjà relevé dans les vidéos précédentes, ça, c’est complètement inédit ! Ce DIEU-là n’entre pas dans la théogonie du Pharaon, parce que Pharaon n’a aucun lien avec Lui, alors que normalement, il est dans sa personne royale LE lien nécessaire avec tous les dieux du panthéon égyptien. Alors il décrète que HaShèM n’existe pas. Comme les Francs-Maçons d’aujourd’hui, du moins les loges déistes : pour eux, Dieu est peut-être le Grand Architecte, mais le Dieu de la Torah, le Dieu de la Bible, ils ne veulent pas le connaître. C’est pratique, parce que le dieu Grand Architecte leur laisse les mains libres… Comme pour Pharaon par qui, d’ailleurs, ils sont subjugués ! Tout ça devrait nous aider à comprendre que la Bible ne nous raconte pas une histoire du passé, mais qu’elle reste constamment actuelle, de sorte que même dans des situations où nous voyons se lever périodiquement des ennemis de HaShèM, du Seigneur, et de son Christ, nous restions coûte que coûte dans l’espérance : Le Seigneur nous délivrera ! À la condition évidemment que nous restions à son écoute. Et que nous prenions le chemin de la Vie qu’Il ouvre devant nous, aussi dur et aride qu’il paraisse. Les pasteurs sont là, au milieu de nous, pour nous guider sur ce chemin de VIE au nom du Christ.

Bref ! Alors à partir du v. 6, Pharaon décide d’augmenter la cadence, tout en privant les UBRUS de la paille qui servait à la confection des briques. Pourquoi ? Cette technique remonte au premier empire : les pyramides de brique crue de la XIIe dynastie, de 1850 à 1785 avt J.-C., utilisaient précisément le limon du Nil mélangé avec de la paille broyée. Ceci dit, la paille n’est pas non plus obligatoire : les briques de EL-AMARNA, par exemple, n’en contiennent pas. Mais quand elle est utilisée, la paille broyée augmente sensiblement la résistance de la pierre (environ 15% ), sans en augmenter significativement le poids. On l’utilise volontiers pour les voûtes, par exemple. Qui plus est, la paille dont parle ici la Torah n’est pas non plus n’importe quelle paille. Le mot, TéVeN, est très proche de TaVîN, qui signifie souillé. Il s’agit d’une paille particulière, mêlée à de la crotte et de l’urine d’âne pour augmenter le pouvoir d’agglomération de l’argile avec la paille. Le paradoxe, c’est que les vestiges de ces briques particulièrement résistantes sont très rares aujourd’hui, pour la raison simple que ce sont des engrais extraordinaires ! Donc au fils des siècles, les paysans les ont récupérées pour fumer leur terre ! Quoi qu’il en soit, la paille dont il est ici question est donc cette paille souillée que les Égyptiens livraient toute préparée aux UBRUS. En en interdisant la livraison, Pharaon oblige donc les UBRUs à aller chercher eux-mêmes le chaume, mais aussi à trouver un remplaçant à l’ingrédient chimique qui renforce l’agglomérat, sachant que la qualité des briques ne doit pas changer !

Que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ? Eh bien, il s’est passé que, si on reprend ce qu’on a dit au début de la vidéo, Moïse est venu présenter la stèle du décret d’AMENHOTEP III en demandant de pouvoir aller sacrifier à DIEU dans le désert. Or pour cela, il faut savoir fabriquer une pierre agglomérée, sans paille préparée ! Donc, d’une certaine manière, Pharaon leur dit : « Vous voulez aller fabriquer un autel sans paille souillée ? Eh bien ! Fabriquez donc ici cette pierre, selon vos connaissances, et en même quantité ! C’en est fini des livraisons de paille ! » Or comme il faut toujours de la paille pour les édifices, voilà les Ubrus désormais obligés de partir en chercher par eux-mêmes dans tout le pays.

Alors évidemment, le peuple demande audience à Pharaon qui les assignent de plus belle à travailler… Suite de quoi le même peuple se tourne contre Moïse et Aarôn : « Vous nous avez rendus odieux aux yeux de Pharaon ! » Là, Moïse est désarçonné… Que faire ? Il va prier, il va intercéder, comme Abraham, comme les Psaumes : « Lève-toi Seigneur ! Pourquoi dors-tu ? Tu éloignes de moi mes amis, tu m’as rendu abominable pour eux ! » (Ps 88(87)). Qu’est-ce que DIEU va lui répondre ? Nous verrons cela la prochaine fois.

D’ici là, je vous souhaite une bonne lecture de ce ch. 5 de l’Exode.

Je vous remercie.

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