03-03-2015

[Ex] 12 - Le Nom de DIEU

Exode 3:14-22 par : Père Alain Dumont
Lorsque DIEU révèle son Nom à Moïse, il fait faire à l’humanité un pas extraordinaire dans l’ordre de l'expérience spirituelle.
Duration:17 minutes 30 secondes
Transcription du texte de la vidéo : 
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous poursuivons notre lecture du v. 14 du ch. 3, très important dans la mesure où lorsque DIEU révèle son Nom à Moïse, il fait faire à l’humanité un pas extraordinaire dans l’ordre de L’EXPÉRIENCE SPIRITUELLE.

Pour comprendre, replaçons-nous au niveau des religions antiques : là, toutes les divinités de l’époque ont leur petit nom, chacune avec son histoire, ses aventures, ses mésaventures, etc. Or ici, RIEN ! Comme dira Maïmonide, le grand sage juif du XIIe siècle, c’est un DIEU métaphysique, c’est-à-dire au-delà de ce que l’homme sait imaginer ; une autre manière de dire qu’il est Saint, qu’Il est LE SAINT par excellence : le TOUT AUTRE. Il n’est même pas « Celui qui est », Il est « Je suis » : c’est un sujet, et un SUJET qui parle, et qui peut d’autant mieux parler à sa Création qu’il en est distinct. On l’a déjà dit dans d’autres vidéos, si DIEU est en tout, s’il est immanent, alors la création est en fusion avec Lui et dans la fusion, il n’y a pas de parole possible. Parce que pour parler, il faut être deux, et distincts. Donc quand DIEU dit : « Je suis », il dit d’abord qu’il est un SUJET, distinct d’un autre sujet qui est l’homme, en l’occurrence Moïse. Et un auteur juif fameux comme Martin Buber dira qu’en disant « JE », DIEU intime à l’homme de devenir un « TU », c’est-à-dire un SUJET distinct, une PERSONNE capable à son tour de dire « JE ». Et là, on est vraiment à la base de la naissance de toute personne : pour devenir un quelqu’un capable de parler en JE, je dois avoir rencontré une autre personne qui, en me parlant en « JE » m’a considéré comme un « TU », c’est-à-dire m’a appelé à être PLUS qu’un simple individu. Des individus, il y en a des milliards et ils sont tous pareils. C’est pratique, l’individu, parce qu’il est exploitable à merci. Par exemple si mon identité dépend de l’emploi, je vais devenir l’esclave de l’emploi. Et quand je serai au chômage, je m’effondrerai. Pharaon a pour motivation de réduire les Hébreux à de purs individus ! Ils n’ont pas le droit de dire : « JE », parce que Pharaon ne s’adresse pas à eux en tant que personne, mais en tant que gardien d’un système politico-financier ! Il leur refuse d’être un « TU » et les réduit à être pions de l’économie égyptienne. En revanche, là où DIEU commence à sauver ce peuple, c’est lorsqu’il dit « JE SUIS » à Moïse. Parce qu’à travers lui, c’est tout le peuple qui est convoqué comme un « TU » ; et c’est chaque individu de ce peuple qui est appelé à devenir une personne libre, dans la rencontre du DIEU SAINT, du DIEU de l’Alliance, du DIEU LIBÉRATEUR : le DIEU qui REND LIBRE. J’espère que vous présentez les enjeux qui sont derrière ce tout petit verset !

Alors voilà : le DIEU de Moïse est donc au-delà de la Création, non au sens où il est « par-delà », mais au sens où il en est la SOURCE. Et quand Maïmonide dit que la Torah nous livre ici l’identité d’un DIEU Métaphysique, il ne dit pas que le peuple à qui le Nom de DIEU est révélé soit un peuple de philosophes, mais sans doute ce peuple a-t-il été préparé à recevoir un tel DIEU Saint, à part, par la tradition des pères relayée par Joseph et les Fils de HéBy. Ou à tout le moins les « anciens » de ce peuple, ceux qui, dans le peuple, sont reconnus pour leur sagesse ; ceux vers qui, nous dit le v. 16, Moïse est précisément envoyé.

Donc, en Exode 3,14 — une référence facile à retenir : c’est le début du nombre p : Ex 3,14 — ; en Exode 3,14 donc, est révélé ce qu’on désigne souvent par : le TÉTRAGRAMME SACRÉ — il est composé de 4 lettres : YoD, Hé, Vav, Hé —, composé à partir de la racine du verbe ÊTRE : HaYaH, sous une forme ancienne : HaWaH. Alors il semble que ce terme ait des racines prébibliques. Néanmoins, on ne le trouve véritablement nulle part comme un Nom divin attesté. En tout cas, quoi qu’il en soit, c’est un Nom qu’on ne prononce pas. Ni Yahvé, ni Jéhovah, ni rien. Il y a bien une prononciation possible dans la tradition du HiPouKh qui permet de prononcer le Nom, mais à l’envers… HaWaYé, mais ça nous entraînerait trop loin. Toujours est-il que, par respect pour cette tradition de nos frères aînés, il convient que nous non plus, lorsque nous lisons le Tétragramme dans nos Bibles, nous ne le prononcions pas. C’est la raison pour laquelle, par exemple dans la traduction liturgique, les catholiques ont l’habitude de dire « Le Seigneur », s’inspirant de ADoNaÏ — c’est la manière dont les juifs vocalisent le Nom de DIEU —, c’est-à-dire le Maître du Monde. Les protestants, eux, traduisent par « L’Éternel », qui s’appuie plus sur la notion d’Être.

Quoi qu’il en soit, c’est bien au moment où Il LIBÈRE que DIEU dévoile son Nom, parce que, dans le fond, il n’est d’ÊTRE véritable que LIBRE ! Même l’univers n’EST — e-s-t — que s’il est Libre, et c’est à l’homme de porter le mystère de cette liberté qui fait entrer TOUTE la création en communion avec le DIEU de Moïse. Rappelez-vous ce que dira Saint Paul dans le droit fil de la tradition de Moïse : « La création attend avec impatience la révélation des Fils de Dieu [c’est-à-dire des hommes]. Elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la LIBERTÉ de la gloire donnée aux Enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Rm 8,20-22). Voilà : vous entendez : DIEU est le Vrai DIEU parce qu’il est la Source de l’Être, mais un Être qui n’existe que dans la LIBERTÉ. Une liberté qui concerne TOUTE LA CRÉATION et qui passe par la LIBÉRATION DE L’HOMME de toutes les puissances de mort qui le menacent, extérieurement bien sûr, mais aussi et surtout intérieurement. Or la mort ne peut plus rien sur nous à partir du moment où nous pouvons dire « JE » ! Mais nous ne pouvons dire « JE » que si un libérateur s’est manifesté à nous en disant le premier : « JE ». Et ultimement, ce LIBÉRATEUR, c’est d’abord et avant tout : DIEU qui se dévoile à l’homme comme une Personne !

Quoi qu’il en soit, insistons sur ce point : ce Nom est SAINT, c’est-à-dire SÉPARÉ du vulgaire, séparé du profane : donc l’homme ne saurait le prononcer sans le profaner. Les juifs utilisent une Métonymie : ils disent : HaShèM, littéralement : LE NOM, c’est-à-dire LE NOM par excellence « qui est au-dessus de tout nom », pour reprendre saint Paul dans la Lettre aux Philippiens (2,9). Nous-mêmes, d’ailleurs, nous nommons DIEU : HaShèM, dans la prière du Notre-Père : ‘aBiNou ShèBaShaMaîM YiTQaDDaSh ShiMKha : « Notre Père qui es aux cieux, qu’il soit sanctifié TON NOM ». ShimKha, c’est HaShèM avec le possessif : « le Nom qui est à Toi ». Vous voyez : les chrétiens s’inscrivent complètement dans la tradition du NOM imprononçable du DIEU de Moïse, qui est bien pour nous le DIEU LIBÉRATEUR ; mais en tant qu’il nous sauve, non plus seulement par Moïse mais par son Fils Éternel, ce DIEU LIBÉRATEUR est un DIEU dont la PATERNITÉ est libératrice. En Lui-même, en tant que PÈRE, il est le LIBÉRATEUR de ses fils, par LE FILS ÉTERNEL, l’Unique-engendré, comme dira saint Jean. Pour les chrétiens donc, à la suite de Jésus, HaShèM, c’est le Père, NOTRE Père, ‘aBiNou.

Donc Ex 3,14-15 nous livre une véritable révélation, dans un contexte particulier qui est celui de l’Exode et dont il faut tenir compte. Regardez comme c’est extraordinaire : DIEU aurait pu se présenter comme ELoHiM, puisque ELoHîM, c’est DIEU en tant qu’il crée. Mais ici, il ne s’agit plus tant seulement de DIEU qui crée que de DIEU qui sauve, ou plus exactement : qui FAIT SORTIR, c’est-à-dire qui s’engage à l’aventure. Et Il livre alors son Nom le plus secret, le plus substantiel, parce que ce qui est en train de se passer Le concerne en Son essence même qui se lie mystérieusement à la Création qu’il a engendrée : là encore, DIEU est pleinement PÈRE : quand Il engendre, il ne revient pas en arrière, selon la Loi de la Paternité qu’Il a Lui-même édictée ! relisez pour vous en convaincre le magnifique texte de Charles Péguy que je vous ai donné à l’occasion de la première vidéo sur Moïse. HaShèM, c’est donc DIEU en Personne, dans son identité la plus indicible, dans son Être qui s’engage dans l’histoire ! C’est prodigieux ! DIEU Lui-même se livre comme étant partie prenante dans l’histoire des hommes ! Avec l’acharnement qui appartient en propre à la Paternité ! C’est ça, l’Alliance : une présence libératrice ! On est à l’opposé le plus absolu du dieu des Francs-Maçons ou celui des philosophes ! Le Maître du Monde, c’est le PÈRE par excellence, qui se présente à la fois comme le DIEU transcendant, tout Autre, saint, séparé ; et le DIEU libérateur, le DIEU qui s’engage dans l’aventure de la liberté et fait sortir de l’esclavage ; le DIEU en qui des générations et des générations, à la suite d’Abraham, mettront leur foi, non pas pour être seulement protégées par Lui, mais pour apprendre de Lui comment se dépasser, comment devenir, de simple individu exploitable, esclave, à une Personne LIBRE qui désigne le fils ; le fils, c’est celui qui sait apprendre du DIEU PÈRE comment CHOISIR LA VIE, dira le livre du Deutéronome.

C’est ça, la foi, la ‘éMOuNaH, en hébreu : c’est-à-dire la reconnaissance de cette énergie paternelle par laquelle l’homme, comme un fils, va pouvoir se dépasser dans l’ordre de la liberté, et entrer dans l’espérance. Et s’il est revenu à Joseph et aux Fils de HéBy après lui de garder cette foi tout au long du séjour des Fils d’Israël en Égypte, il revient maintenant à Moïse, 430 ans plus tard, d’inscrire cette foi patriarcale dans le cœur du peuple tout entier, dans le cœur des fils. Ce ne sera pas une mince affaire, Moïse le sait très bien qui va tenter de s’esquiver, mais qui devra bien se soumettre à la réalité : il est Moïse, celui que DIEU a choisi pour faire sortir le peuple élu de la terre d’Égypte au NOM de HaShèM.

Alors on va aller jusqu’au bout du chapitre 3. À partir du v. 16, on assiste à la mise en place d’une véritable stratégie : il s’agit de réunir les anciens d’Israël — donc Moïse n’est pas tout seul : il doit en référer à son peuple, les fils d’Israël dont les fils de Heby, c’est-à-dire les fils de Lévy, sont les têtes de pont. Et écoutez bien : quand il devra s’adresser à Pharaon, il devra parler du « DIEU des Hébreux », c’est-à-dire des Ubrus, qui sont pleinement égyptiens, mais dans le giron des fils de Heby, qui sont, nous dit la Bible, en majorité, les Fils d’Israël. Et quoi qu’il en soit, ce DIEU est proprement le « DIEU des Hébreux », c’est-à-dire, dans le langage de Pharaon, le DIEU des « souillés » ; de ceux qui ont soutenu l’hérésie d’AKHENATÔN.

DIEU prévient alors que convaincre Pharaon ne sera pas chose facile, mais qu’en définitive, DIEU frappera l’Égypte. Non seulement ça, mais les fils d’Israël « dépouilleront l’Égypte ! » Wouaille ! Est-ce que c’est bien moral, tout ça ??? Alors c’est toujours la même chose : attention de ne pas lire ce texte du haut de notre XXIe siècle bien pensant, qui certes ne fait peut-être plus la guerre ouvertement en Europe, mais pour arriver à cette fin n’hésite pas à exporter la guerre à l’extérieur !!! Qu’est-ce qu’on nous dit ici ? On nous dit tout simplement que c’est la guerre ! La guerre entre Pharaon et DIEU !

Rappelons-nous : Pharaon bâtit des temples. Le temple est la demeure d'un dieu qui abrite sa statue dressée dans une pièce retirée inaccessible aux fidèles. La fonction essentielle du temple est de préserver l'équilibre de l'univers , grâce notamment au culte de la déesse MA’AT, et Pharaon a la lourde responsabilité de cette tâche. Pour ça, il doit s'assurer le concours des dieux. Raison pour laquelle il construit des temples pour les dieux qui doivent le seconder.  Il nourrit la puissance du divin par les offrandes qu’il fait fumer sur les autels, de sorte que le dieu ait la force nécessaire pour maintenir les cycles de vie, la renaissance quotidienne du soleil, le retour annuel de la crue du Nil, etc. Mais plus encore : Pharaon est l'héritier d’Osiris et de son fils Horus qui ont gouverné l'Égypte au commencement du monde. Il est dénommé fils de  — Ramsès —, fils de Amon, fils de Touth, etc., de sorte que son pouvoir sur l'Égypte est vraiment d'origine divine. Pour les Égyptiens, Pharaon est un dieu vivant. Il est l'intermédiaire entre eux et leurs dieux, de sorte que c'est en son nom que les prêtres prient les dieux afin qu'ils accordent à l'Égypte l'ordre, la prospérité, la justice et la paix que le pharaon doit organiser et défendre.

Donc quand Moïse demandera de pouvoir aller sacrifier au DIEU des Hébreux dans le désert, c’est une déclaration d’indépendance vis-à-vis des dieux de l’Égypte dont Pharaon est l’ambassadeur sur terre ! Donc c’est une déclaration de guerre au niveau des dieux !!! Et quand on gagne la guerre, on dépouille le vaincu, comme Pharaon l’a d’ailleurs déjà fait : et dans le fond, qui à ce moment du récit dépouille l’autre ? C’est l’Égypte qui dépouille les UBRUS ! Donc il ne s’agit pas de se venger ! Il s’agit de parler le langage que connaissent les nations en guerre : celui qui gagne dépouille le perdant. C’est comme ça. DIEU, ici, parle le langage des hommes. Certes pour convertir ce langage avec le temps, à travers la lumière de l’amour, mais pour l’instant, ce langage humain est ce qu’il est, et c’est celui-ci qu’il faut utiliser pour être entendu. Néanmoins, reconnaissons que lorsqu’ils dépouillent les Égyptiens, comme dit le récit, les UBRUS ne font que reprendre ce qui leur a été spolié, et c’est justice !

Maintenant, attention de ce qu’on va faire avec le butin ! Vous allez voir que DIEU ne plaisante pas, et que le peuple, tout victorieux qu’il soit, devra apprendre ce que signifie le chemin de l’élection. Nous verrons cela la prochaine fois.

En attendant, je vous souhaite une bonne lecture de la fin de ce chapitre 3.

Je vous remercie.
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